Le Diable aux champs/6/Scène 9
SCÈNE IX
FANCHETTE. — Non je ne veux plus jouer à la marelle ; vous faites trop de poussière, et je veux garder ma coiffe blanche pour la noce de la Maniche.
CADET. — Tu y vas donc, toi, aux noces ?
FANCHETTE. — Dame !
SYLVINET. — Et moi itout, j’y vas, parce que je sais danser.
FANCHETTE. — Ah bien, nous danserons tous deux.
PIERROT. — J’irai aussi, moi, pour manger de la galette.
FANCHETTE. — Si tu n’es pas prié ?
PIERROT. — Ça m’est bien égal, j’irai tout de même.
FANCHETTE. — Toi, tu n’iras pas seulement à la tienne, de noce ! Tu n’es pas assez sage.
PIERROT. — Si fait, je veux y aller, à ma noce !
CADET. — À quoi ça sert de se marier ? C’est des bêtises !
SYLVINET. — Eh bien, tu ne veux pas te marier, toi ? Tu veux être soldat, peut-être bien !
CADET. — Oui, je veux être pompier, comme mon parrain, monsieur Maurice. Il m’a promis que je serais pompier.
PIERROT. — Moi, je veux me marier, ça me fait peur, la pompe. Veux-tu nous marier tous deux Fanchette ?
FANCHETTE. — Oui, si tu veux te moucher.
SYLVINET. — Ah ! le v’là qui se mouche ! Faisons la noce !
FANCHETTE. — Allons, Pierrot, mon petit homme, fais-moi danser.
PIERROT. — Puisque je ne sais pas !
CADET. — Faut apprendre.
PIERROT. — Non, ça m’ennuie.
SYLVINET. — Eh bien, Fanchette, dansons à trois.
PIERROT. — Si elle danse, je lui flanque une pierre !
FANCHETTE. — Oh ! le vilain méchant ! je me démarie d’avec toi.
PIERROT. — Je ne veux pas. Je te flanque une pierre !
CADET. — Viens-y, mon gars ! je prends mon sabot !
PIERROT. — Et moi une pierre !
FANCHETTE. — Fouaillez-moi ce malicieux, bien fort.
SYLVINET. — Non, il me ferait du mal !
CADET. — Moi, je vas le taper, Fanchette… Veux-tu te marier avec moi ?
FANCHETTE. — Oui ! Le v’là qui me jette des pierres !
CADET. — Attends ! attends !
FANCHETTE. — Le v’là qui se sauve, laisse-le, va ! Tiens, le v’là qui pleure ! Est-il bête !
SYLVINET. — Allons, Pierrot, faut pas pleurer, c’est des bêtises ; et faut pas se marier, c’est des batailles.