Le Drame d'Alexandre Dumas (Parigot)/02/07

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CHAPITRE VII

DRAMES HISTORIQUES.


I

LES ORIGINES.

Il ne faut pas demander au drame historique autre chose que ce qu’il pouvait donner. Historique il était par destination, populaire par définition. Après l’éclatant succès d’Henri III, on peut affirmer qu’instinctivement Dumas s’est résigné. Il mettra Christine sur la scène ; il écrira Charles VII, l’une et l’autre en vers. Et du premier coup, dans Napoléon, il attrapera la facture de la pièce panoramique, découpée en tableaux, comme la Barrière de Clichy. On ne remarque pas assez que les grands drames historiques sont en minorité dans son œuvre ; qu’après la fièvre de 1830 il n’y revient qu’assez tard, quand il fonde le Théâtre-Historique[1], où il donne d’ailleurs avec la Reine Margot, le Chevalier de Maison-Rouge, les Mousquetaires et Catilina, etc., Intrigue et Amour, Hamlet, Monte-Cristo, (1re et 2e partie), le Comte Hermann, etc. Nous sommes loin des vastes desseins dont l’aphorisme d’Hamlet fut d’abord le mot d’ordre : « Ces hommes sont un abrégé de l’histoire de tous les temps[2] ». À quoi Mérimée, plus clairvoyant, répondait : « Je voudrais avoir le talent d’écrire une histoire de France, je ne ferais pas de contes[3] ».

Encore moins des drames. S’il est possible de représenter et d’animer sur notre théâtre l’histoire, telle que nous la concevons à présent, science exacte, critique, méthodique et philosophique, je n’oserais le décider. Aucune expérience, non pas même celles de Corneille et de Racine, encore moins de Voltaire, ne me paraît concluante. Mais pour le drame historique, tel qu’il fut conçu au début de ce siècle, et notamment par Dumas, je crois savoir qu’en penser à cette heure. Si l’on tient l’histoire pour scientifique, jamais dessein plus caduc ne se logea dans la pensée d’un homme.

Hâtons-nous de dire qu’au regard de Dumas comme de la plupart de ses contemporains, l’histoire est moins une science qu’une résurrection, ou, si l’on veut, une extension du moi populaire à travers les siècles, qui désormais lui appartiennent. Elle est telle que la veut l’imagination de la foule, et telle aussi qu’elle se flatte désormais de l’avoir faite. Elle est toute, ou peu s’en faut, dans les chroniques hautes en couleur, dans les mémoires où la vérité apparaît déshabillée, outrée, et en même temps rapetissée à notre commun niveau. Le moi de Dumas n’y disparaît pas toujours autant que Dumas le veut bien dire[4]. Mais il est vrai que son individualité est en partie absorbée dans la poussée de cette fantaisie populaire, anonyme et avide. Les idées y comptent pour peu ; l’imagination et la sensibilité y sont d’un autre poids. Le plus souvent, la légende s’y substitue glorieusement à la réalité des faits ; et la philosophie revêt une forme métaphorique et grandiose, qui est l’image même du peuple en mouvement à travers les siècles. Or, cette conception de l’histoire — couleur, imagination, sensibilité — très congruente au drame, l’est infiniment moins à la vérité historique.

Aussi Dumas, qui se réclame d’abord de Shakespeare, le patron plutôt que le maître des romantiques, prend-il son appui surtout sur Schiller et Walter Scott. L’analyse des mobiles intérieurs est trop subtile, pénétrante et philosophique chez l’auteur des Henri et de Richard III. Nous avons vu que les emprunts qu’il lui fait se réduisent à des moyens de théâtre, d’action, de traduction de la vie physique, extérieure et débordante, et que nous ne sommes aucunement assuré qu’il ait lu les drames historiques de celui qui lui révéla le drame.

Avec Schiller, c’est l’ardente individualité de Rousseau qui lui revient transformée pour la scène. Et c’est aussi le lyrisme, qui n’est pas contraire au drame, quand il se plie aux lois et au mouvement de la scène : Corneille le savait bien, qui écrivait les duos du Cid, d’Horace, ou de Polyeucte. Or ni en l’une ni en l’autre l’histoire ne trouve son compte ; ni Gœthe ni Schiller ne se font d’illusions là-dessus. Victor Hugo était le seul qui s’en fît, écrivant Angelo ou le Roi s’amuse. Dumas avait pu lire, pour s’assurer contre de vains scrupules, dans l’Appendice de la Conjuration de Fiesque, au moment qu’il traduisait la pièce : « … On s’attend peut-être à ce que je justifie les libertés que je me suis permises, dans ce Fiesque transformé, contre la vérité historique, et même contre ma première façon de la représenter… Pour ce qui est de l’histoire, j’espère avoir bientôt réglé mon compte avec elleLe Fiesque Génois n’a dû prêter à mon Fiesque que son nom et son masque ; tout le reste, il le pouvait garder[5]. » N’eût-il pas eu cette caution, il lui suffisait d’étudier la Pucelle d’Orléans, drame historique où le drame se moque de l’histoire, ou même de songer que l’anachronisme est un peu fort des utopies modernes que développe en présence de Philippe II le marquis de Posa, pour risquer sur de graves autorités le mot fameux, propre à réjouir le sagace Mérimée : « Henri VIII n’est que le clou auquel j’ai accroché mon tableau[6] ».

Il avait un autre garant plus populaire en France, et qu’il tenait pour le véritable successeur de Shakespeare, en 1830.

Walter Scott apportait à la curiosité du peuple Shakespeare dilué, délayé, traduit en décors, en images, en couleurs. Jamais homme ne vint plus à point. Jacques Bonhomme était tout prêt à s’intéresser à l’histoire, qu’il venait de renouveler pour son compte, mais à celle qui entre d’abord en l’esprit par la fantaisie, et qui prolonge, dilate, exalte la personnalité. Walter Scott ne l’exalte pas, mais il la flatte par les yeux, il l’installe dans les coutumes, les costumes, les mobiliers, la vie pittoresque et familière des grands et des humbles d’autrefois. C’était beaucoup pour le théâtre. J’ai fait voir Pixérécourt s’engageant sur ces traces et Dumas s’y élançant à corps perdu.

Mais il recueillit la flamme dramatique d’un foyer bien français, pétillant et jaillissant, dont il s’est inspiré plus que de Shakespeare, plus que de Scott, plus que de Schiller même : c’est le monologue de Figaro[7]. Là est pour lui la source de vie ; de là découlent ses drames historiques et autres. C’est l’âme de son théâtre. Et c’est la preuve incontestable de son génie.

La passion qu’apporte Figaro dans ses jugements sur les hommes et les choses n’était pas pour inspirer aux dramatistes beaucoup de scrupules à l’égard de l’histoire. Mais enfin, c’est la passion, la passion populaire, brûlante, sinon déjà libre, qui émane de la comédie de la veille et qui attise le drame du lendemain. J’ai peur que la critique littéraire n’y prenne plus assez garde. On se laisse séduire à la beauté logique d’un enchaînement naturel ; on accorde à la Brouette du vinaigrier ou à Pinto, vague essai ou bien ouvrage de seconde main et de transition, une importance que peut-être n’ont-ils point. En matière de théâtre, c’est l’œuvre exécutée qui compte. L’œuvre féconde, mécanisme du vaudeville, âme du drame, dont Dumas a reçu l’impulsion et la technique, je ne la puis voir ailleurs que dans le Mariage de Figaro ; — et, tout proche du dénoûment, comme un pont jeté sur l’avenir, j’aperçois le monologue, ce long monologue essentiel.

Car tout y est, en substance. C’est un abrégé du drame, sinon « de l’histoire de tous les temps[8]  ». Figaro porte au front l’auréole de son énigme originelle. « Fils de je ne sais pas qui », il peut juger les grands avec indépendance, l’indépendance anonyme du peuple souverain. Qu’entend-on par le drame historique ? L’histoire commence à cette progéniture de Figaro. Il n’y a plus ni maîtres, ni valets, mais des enfants du hasard, grands d’Espagne, si le destin l’avait voulu nés du moins avec du génie et des appétits comme s’ils étaient de toutes les Espagnes les plus grands. Tous s’engagent à l’envi en un tumultueux exode vers la Jouissance et la fortune. Le « tandis que moi, morbleu !» modifie singulièrement l’optique de l’histoire au théâtre. À présent que la partie engagée par Figaro est gagnée, l’heure a sonné de mettre sur la scène les princes et les puissances de ce monde à leur juste niveau, qui est immédiatement au-dessus du parterre. « Noblesse, fortune, un rang, des places, cela rend si fier ! » Il paraît que l’histoire est remplie de ces fiertés-là, qu’il se fait temps de réduire. « Fils de je ne sais pas qui » et « tandis que moi, morbleu ! » sont les deux maximes fondamentales du théâtre nouveau, que l’histoire attire. Le drame historique, Dumas sent bien qu’il est une résurrection, mais dans le présent et pour les passions d’à présent. Il apparaît comme le commentaire pittoresque et scénique des vers du poète :

Ont-ils rendu l’esprit, ce n’est plus que poussière
Que cette majesté si pompeuse et si fière,
Dont l’éclat orgueilleux étonne l’univers[9]

On rapprochera les temps, on confondra les dates ; on les fera s’agiter et frémir, ces « âmes hautaines », livrées aux sentiments et aux passions du peuple et de l’imagination moderne. Et s’il y faut absolument, à défaut de l’histoire, la consécration de la légende, la plus proche sera la meilleure, celle de l’immortel successeur de Figaro, fils du pays de Corse, qui courba les peuples étonnés sous la souveraineté de son « moi ! »

J’arrive au point du drame où l’histoire recevra de rudes accrocs. Le barbier, homme déjà fatal, n’est pas exempt de sensibilité, à la fin d’un siècle où elle déborda : — sensibilité un peu lasse et attendrie sur elle-même, quand il songe à sa destinée, — résolue, bruyante, et qui gronde en torrent, dès que Suzon, la décevante Suzon est enjeu.

Figaro n’a demandé ni à naître ni à mourir ; « forcé de parcourir la route où je suis entré sans le savoir comme j’en sortirai sans le vouloir », insinue-t-il, de l’air d’un homme pessimiste, que les formules séduisent. Nous ne tarderons guère à voir ses successeurs penchés sur leur propre histoire, sur le problème de leur existence compliqué de toutes les inconnues de leurs désirs. Journaliste, auteur dramatique, rebelle à la censure, révolté contre la société, ennemi des préjugés, curieux de ses droits plus que de ses devoirs, toujours en scène, en mouvement, en action, avec, toujours, une larme écrasée au coin de la paupière, il va faire souche sur le théâtre, aux dépens de l’exactitude et de la peinture des temps passés. Tout au travers de l’œuvre de Dumas, il propagera une lignée seulement plus fatale et plus pâle, qui a « tout fait, tout usé », surtout après les guerres de la Révolution et de l’Empire, et aussi après Gœthe, Schiller et Byron, lesquels n’ont ni tari ni refroidi la sensibilité de Rousseau. Il engendrera, dans le drame historique, à compter de Saint-Mégrin, aventuriers et parvenus toujours inquiets des « vingt brasses d’eau », ou inclinés sur les poignards et les poisons violents, et qui en viennent là à force d’imagination sensible ou de sensibilité imaginative, et à cause que, bourgeois et romanesques, ils continuent, sur l’exemple de Figaro, leur ancêtre, à mettre trop haut la femme, la faible femme, fille d’Ève et de Suzon, chimère de leurs rêves, reine des passions, providence du drame, mais ennemie de vérité.

Vue de ce biais sur la scène, l’histoire des siècles se résume en une courte science, que Socrate savait bien, et qui est l’amour. Politique, diplomatie, institutions, despotisme, féodalité, conspiration, conjuration, tout s’explique par la femme ; tout aboutit à la passion, et tout en dérive. Elle est le secret universel. Quand Buridan ou Catilina, au fort de leurs entreprises, délient le ciel, croyez que c’est un ciel de lit.

Issus de Figaro, c’est-à-dire du peuple, ces héros de Rome, du moyen âge ou de la Révolution, ressentent des passions pour de très grandes dames aux grands noms légendaires qui justifient leurs illusions. L’épouse de César ne doit pas être soupçonnée, mais aimée d’un amour qui étonne l’univers. Les bouleversements des empires sont liés à ces intimes convulsions. Et toutes ces femmes, au regard de ces parvenus, sont l’épouse de César, en attendant qu’elles soient Césarine, femme de Claude. Cependant l’âme des petits-fils de Figaro en conçoit un orgueil immense. Que dis-je l’âme ? Leurs sens sont en proie, leurs appétits en ébullition ; la physiologie se mêle à ces fatalités historiques. C’est Michelet ; et c’est le drame du peuple.

Ai-je besoin d’ajouter que le passé n’aura pas assez d’événements, l’imagination trop de ressources, le théâtre une technique trop fertile et souple pour pourvoir à ce régal populaire ? Toutes les péripéties, coups d’épée, coups de force, exploits et stratégie de toute sorte exigeront sur la scène un mécanisme aussi compliqué que celui de la méthode historique, mais non pas de même ordre. Le monologue de Figaro ayant moyenné la substance de la dramaturgie nouvelle, l’art de Beaumarchais devait aider à l’exécution. Et pendant que le parterre se réjouit, émerveillé, secoué, ému à fond par les œuvres maîtresses en ce genre, qui sont de Dumas, c’est affaire au critique de réfléchir qu’Henri III et sa Cour marqua de beaux enthousiasmes et un louable effort de fusion entre la vie de l’histoire et celle du drame, pour le plaisir et l’instruction de la foule ; et que tout de même l’entreprise était singulière d’allier l’imagination à la science, la fiction à la vérité, et d’absorber l’âme d’autrefois dans l’âme d’aujourdhui. Alors, en face des artifices et des prétentions du drame historique, le monologue de Figaro résonne encore en notre souvenir. « … Ô bizarre suite d’événements ! Pourquoi ces choses, et non pas d’autres ? »


II

L’HISTOIRE DANS « CATILINA ».

Catilina avait déjà tenté Crébillon et Voltaire. Un sujet romain appartient à l’histoire ; le théâtre s’y doit soumettre. Et c’est d’abord pourquoi je choisis celui-là. Qu’on ne me reproche point de descendre un peu avant dans la carrière de Dumas. On n’oubliera pas que Catilina parut le 14 octobre 1848, un an après la Reine Margot, qui inaugurait le Théâtre-Historique. Si l’on prend garde que Dumas faisait fonds sur cette pièce pour soutenir son entreprise, que Maquet, historien, y collabora, que cette année 1848 est une date de notre siècle, que Catilina se perd où Napoléon III va réussir, on reconnaîtra que sujet, auteurs, public, tout était tourné vers l’histoire, en un drame de conjuration, à cette heure de notre révolution troisième.

De Crébillon nous n’avons point affaire. Mais nous ne saurions omettre Rome sauvée ; car c’est une tendance de la critique, en ces derniers temps, de faire dériver le drame des tragédies de Voltaire. Cette pièce, en répandant le jour sur la formule de Dumas, nous montrera les procédés contraires et l’infranchissable distance de ceci à cela. Voltaire, au moins, n’a pas mieux connu les sources, ni que Dumas, ni surtout que Maquet. Rome sauvée est d’un excellent humaniste ; je dis excellent, au vrai sens du mot. S’il s’inspire du Jules César de Shakespeare, c’est avec infiniment de précaution[10]. Il assemble le sénat, mais il ne hasarde pas une assemblée du peuple, dût-il amortir sur les lèvres d’un licteur l’effet du « vixerunt » jeté par le consul, en plein forum, aux partisans tumultueux de Céthégus et de Lentulus[11]. De la conjuration Corneille eût fait sans doute un récit ; Voltaire se risque à en mettre un ou deux épisodes sur le théâtre, mais avec modestie. Il esquisse quelques tableaux de moeurs, mais d’une sobriété avisée et presque classique. Catilina donne ses ordres, prend ses mesures, non plus dans la coulisse, mais toujours un peu à la cantonade. De fait, il parle plus qu’il n’agit. La séance historique du sénat où fut prononcée la première Catilinaire n’a pas effrayé l’auteur. Il s’y essaye au quatrième acte, et tout de même il l’esquive, il l’émiette en courtes oraisons. Ce n’est plus Cinna, et ce n’est ni Jules César ni le drame,

Voltaire risque timidement la vérité du spectacle. Il ne se restreint plus à la peinture des caractères, et pour cause. L’action du drame, il n’ose ; la psychologie, il ne peut. Il peint les mœurs par la parole ; il insinue et commente les textes historiques eu des discours. Si César et Catilina se rencontrent et s’adressent des tirades tout imprégnées des livres anciens, Voltaire estime que la scène fera plaisir à tout le monde et la dénomme « un tableau fidèle » de l’histoire romaine[12]. Ce tumulte des mœurs et des ambitions se traduit au théâtre par un assaut de sermons. Voyez-les paraître, Cicéron, Caton, Catilina : ils en ont tous un à placer. Il suffit que les mots consacrés y figurent pour que la scène soit historique et l’histoire scénique ! « Ne me faites point de procès, écrit l’auteur à d’Argental à propos de la scène vii de l’acte I. C’est précisément ce que Cicéron a dit de son vivant[13]. » Il est vrai que, de son vivant, Cicéron a prononcé ces paroles en plein sénat, et non pas en tête à tête ni au tournant d’une galerie, et qu’ainsi reprise* et commentées, elles perdent bien un peu de leur caractère vrai.

En des conjonctures où les historiens rapportent que de part et d’autre les hommes d’action ne se ménageaient point, les propos sont « forcenés », plus que les complots[14]. Même Catilina montre quelque lenteur, qui n’est pas sans effet sur la pièce. Au IIIe acte (sc. i) il en est encore à demander : «Tout est-il prêt ?» Et il semble qu’il ait trop raison quand il dit :

Va, mes desseins sont grands autant que mesurés[15].

Le moment même de la crise que Voltaire choisit est un indice. Cicéron est consul ; le salut de Rome est en jeu ; les soldats de Catilina vont s’emparer de Préneste[16]. L’auteur ne s’embarrasse ni des préliminaires, ni des élections. Il est fidèle aux procédés de la tragédie. César gagne une bataille juste dans le temps que se débitent les répliques du milieu de la scène iii du Ve acte. Cet acte, à vrai dire, n’est qu’une fenêtre ouverte sur l’avenir de Cicéron et l’ingratitude des démocraties : de fait, l’action, si action il y a, s’arrête avec le IVe. En sorte que c’est par ce qu’ils disent et non par ce qu’ils font que ces Romains raniment l’histoire.

Les seuls personnages qui agissent sont de fantaisie pure. Aurélie, qui se tue en plein sénat comme les Girondins de Dumas devant le Tribunal de la Terreur, n’apparut pas d’abord telle aux yeux de Voltaire. Entre 1750 et 1752 il s’est ravisé, selon son habitude. La première figure était douce et tendre, destinée à mademoiselle Gaussin ; celle-ci est plus énergique, en l’honneur de mademoiselle Clairon. Elle joint l’action aux paroles ; elle fait le personnage d’une Lucrèce, au lieu qu’elle fit, au dire de Salluste, tout le contraire. Catilina veut sauver le fils qu’il a d’elle, tandis que les historiens nous affirment qu’il était soupçonné d’avoir tué son fils d’un premier lit peur épouser cette femme[17]. J’accorde que l’histoire n’est pas très intéressée en ces affaires. Pourtant qui ne voit qu’au fond Rome sauvée est l’apologie de Cicéron, c’est-à-dire de l’éloquence ; qu’en ce sens et dans cette mesure elle est « romaine, et non française »[18], étant tout entière orientée vers le couplet du Ve acte :

Romains, j’aime la gloire et ne veux point m’en taire[19],


que Cicéron y possède toutes les vertus[20], et que Voltaire en eût fait même un grand général, s’il avait pu — et si ce suprême mérite n’eût contrarié la tragédie historique, mais surtout éloquente, d’un humaniste, mais non pas d’un dramatiste ?

Le drame de Dumas est français et populaire d’abord, historique par surcroît, et tout justement au rebours de Rome sauvée. Il domine et asservit l’histoire, et la viole à force de la vouloir ressusciter. Il y a plus, dans l’œuvre de Dumas et Maquet, de ce qui illumine une époque. Ce n’est pas assez de dire que les textes ont été lus ; on les a dépouillés, sinon avec la perspicacité critique de Mérimée, tout de même avec une rare curiosité Imaginative. Salluste a plus fourni que Cicéron ou Plutarque, mais seulement parce que Catilina sera le protagoniste, et que, sauf dans le Pro Cœlio, Cicéron le noircit trop pour que le personnage ainsi conçu puisse mener à bien une pièce jusqu’au bout. Au reste, tout ce que l’histoire a pu offrir de détails propices à la mise en scène : décor, costumes, vie en plein air, mœurs et atmosphère, a été scrupuleusement utilisé. De ces leçons de choses, qui sont accessoires de spectacle, il y en a beaucoup dans Catilina. On y trouvera les différentes manières de mourir malgré soi : noyade dans un vivier plein de lamproies, et le porte-glaive, et le rétiaire, et le frondeur et l’archer dont la flèche va droit au but[21]. L’existence romaine était quasiment absorbée par les rites, cérémonies, formalités religieuses et autres. Tout cela est mis en œuvre avec adresse, et même avec beaucoup d’insistance, depuis les obsèques et l’oraison funèbre du prologue, l’anneau testamentaire, le soufflet d’affranchissement, jusqu’au souper sanglant de la fin. Il n’est pas jusqu’au nomenclateur de Catilina qui ne parle avec la précision scandée de celui d’Horace :

It, redit et narrat, Vultcium nomine Menam,
Præconem, tenui censu, sine crimine notum[22]

Saluons l’érudition. On en a semé partout, et fort habilement, dans le cadre et parmi le dessin du drame.

Voltaire avait fait, en deux vers, allusion à un scandale indiqué par Salluste, et qui déshonora la jeunesse de Catilina[23]. Il s’assit d’une vestale séduite. Dumas en tire l’intrigue de sa pièce, et prend là son point de départ. Nous aurons un viol comme entrée de jeu : il n’y a pas à faire la petite bouche. Les textes sont pour lui ; il n’invente point. Une vestale, un enterrement, apparition de Sylla , un homme masqué, attentat, meurtre : cela est délicieux, pour commencer. Au surplus, Salluste fournira la fin comme le commencement. N’indique-t-il pas, sous réserves, il est vrai, qu’à la dernière réunion des conjurés, « après avoir prononcé son discours, Catilina, voulant lier par un serment les complices de son crime, fit passer à la ronde des coupes remplies de sang humain mêlé avec du vin ; puis, lorsqu’en proférant des imprécations ils en eurent tous goûté[24]… ? » Tableau shakespearien, dénoûment terrible, puisé aux cancans de l’histoire. Qu’importent les réserves ? Nous aurons la coupe, les imprécations, Pluton, Véjovis, Mânes, sombres divinités[25], etc. Cicéron parle quelque part de la corporation des Taillandiers[26] : ils figureront ; des vétérans de Sylla : nous les verrons, en la personne de Volens : « Serrez les rangs, front[27] ! » L’orateur fait allusion aux soupers, aux veillées, aux orgies de Catilina. Nous en aurons une esquisse, et même deux. Toute cette mise en scène concourt à l’action. Le complot avorté, Catilina nous révélera que c’est la faute aux maîtresses des seigneurs[28]. Suétone conte que Jules César fit présent à Servilie, rnère de Brutus, d’« une perle qui lui avait coûté six millions de sesterces ». Nous aurons la perle, et le billet de Servilie, qui ne nuira pas au succès de Cicéron, par ricochet[29]. Que n’aurons-nous point ? Quelle chose nous sera cachée de cette conjuration mémorable ?

Les personnages semblent revivre des textes mêmes. Catilina était pâle, les yeux menaçants ; les exercices les plus rudes ne pouvaient calmer son agitation. « Jour et nuit infatigable, il ne dort point, il est insensible à la fatigue et à l’insomnie[30]. » On vantait sa vigueur dans les écoles de gladiateurs, quoi qu’en dise Cicéron, qui d’ailleurs se contredit sur ce point[31]. Il faut reconnaître que l’histoire a pour Dumas des complaisances, et que le type qu’elle lui offre ainsi campé est tout à fait selon son talent. Muscles d’acier, nuits d’orgie, c’est Buridan, c’est Kean ; et, comme les excès domptent à la fin les plus énergiques natures, l’hémoptysie suivra l’effort du disque de Remus jeté dans le Tibre[32]. À la bonne heure ! Ce surnom même de Catilina (maraudeur) n’est pas inutile à compléter le personnage… « Mes enfants, excusez Lucius Catilina ; les créanciers ont tordu le cou à sa dernière poule. Aujourd’hui, les croûtes seront dures… mais soyez tranquilles, d’ici à demain je tâcherai d’empaumer quelque imbécile, et nous aurons un festin royal[33] … »

Cicéron traça plus tard, dans l’intérêt de sa cause, un portrait plus favorable ; Dumas s’en empare, dans l’intérêt de son drame[34]. Sergius est fin, adroit ; il exerce une secrète influence, et il a d’autres mérites que son cuisinier ou ses courtisanes. Toutes ses convoitises ne sont pas concupiscences, ni ses plaisirs débauches. Il a l’esprit exalté, ajoute Salluste[35] ; le dérèglement qui apparaît dans ses mœurs se montre dans ses conceptions trop vastes et ses desseins trop grandioses. Il est un socialiste avide de reconquérir sur les sénateurs l’autorité, sur les chevaliers la fortune[36]. Il est indéniable que tout cela est dans la pièce de Dumas, d’abord parce que Maquet l’avait su extraire de l’histoire, comme aussi parce que c’est le type même, l’homme du hasard et des révolutions, que Dumas excelle à faire vivre sur la scène. La physionomie et le rôle équivoques qu’il prête à César se lisent clairement à travers la prose de Suétone[37] ; et, si cet historien entame volontiers les gloires de l’antiquité, cela n’est pas pour déplaire au dramatiste populaire. Plutarque était moins son homme… « César, c’est un Janus : il a deux visages, l’un qui sourit à Catilina, l’autre qui sourit à Cicéron[38]. » On le nomme « bien-aimé fils de Vénus[39] ». Il n’est pas jusqu’au couple Curius et Fulvie, qui ne soit déterré vif des monuments : luxe, embarras financiers, trahison, tout y est, jusqu’aux traits caractéristiques : Curius, amant faible et indiscret, Fulvie, bourreau d’argent et véritablement traître de drame. « Chez lui le défaut de caractère n’était pas moindre que l’audace ; également incapable de taire ce qu’il avait appris (cf. II, tabl. iii, sc. ii, p. 63, et sc. iii, p. 64) et de cacher ses propres crimes. Il entretenait depuis longtemps un commerce adultère avec Fulvie, femme d’une naissance distinguée (cf. II}, tabl. iii, toute la scène i, et surtout pp. 60-61). Se voyant moins bien traité par elle depuis que l’indigence l’avait rendu moins généreux (ibid., p. 59), tantôt il lui promettait monts et merveilles… (ibid., p. 63 : « Eh bien, souhaitez, imaginez, rêvez[40] »…). — Ce n’est pas un couple de figurants, en bordure ; la trahison de Fulvie est confirmée par Plutarque[41] ; et, grâce aux indiscrétions et à la niaiserie de Curius, c’est Fulvie qui fait échec à Catilina et décide la crise que Dumas a dramatisée. Tant il est vrai que dans cette pièce on ne s’avance qu’avec précaution parmi les témoignages de l’antiquité, on ne foule que des documents, on tremble de mettre en doute la véracité d’une tirade ou d’une réplique parla crainte d’être rappelé au respect de quelque écrit authentique : Rome revit toute-puissante et maudite, la Rome de Catilina, tête et sentine de l’univers : c’est l’histoire fidèlement représentée, ranimée, en vie et en action…

Non, ce n’est pas l’histoire. On s’en est adroitement servi, comme d’un trompe-l’œil. De l’époque romaine, qu’il s’agissait de peindre, on n’a reconstitué que l’atmosphère décevante.

Dumas n’a représenté qu’une époque, un moment des siècles, qui est contemporain de Dumas ; à travers les monuments et les textes, il a vu l’âme française telle qu’il l’imagine entre 1830 et 1848 ; même en remontant aux sources, même en devenant « un composé » de Salluste, de Cicéron, de Plutarque, de Valère Maxime, il n’a songé qu’à Antony et à Fourier[42].

Je fais bon marché des tons criards et des transpositions inévitables. Il est certain que le jeune Cicada, citoyen romain des boulevards extérieurs, et qui clame : « Ohé ! les sénateurs ! ohé[43]  ! » nous éloigne des Carènes et même de Suburre. Les archéologues goûteraient médiocrement ce trait d’une érudition gamine : « Ce matin, je me suis présenté chez vous. — À quelle heure ? — À la première[44]. » Plusieurs suffoqueraient, s’ils entendaient le pédagogue dire à ses élèves : « Allons, la dixième heure est criée. Assez de récréation comme cela… Formez-vous deux par deux, et rentrons à la maison[45]. » Ils tiendraient César pour un peu bien moderne, quand il « fait jeter dans les urnes 75 000 bulletins blancs[46] », et il leur paraîtrait tout à fait Girondin dans ses compliments à Fulvie : « Ah ! vous venez aux Comices… C’est d’une bonne citoyenne[47]. » On sait les réjouissants effets qu’ont obtenus par ces procédés les auteurs de la Belle Hélène.

Sur un sujet tout en action Dumas a écrit un drame : en quoi il est plus proche de la vérité. Seulement, dans Catilina, il a repris Richard Darlington, c’est-à-dire une œuvre d’abord conforme à son type d’ambitieux populaire de 1830. Il a mesuré la pièce au type, et le type à la pièce. Fils de vestale, fils de bourreau, viol, séduction, à Rome ou au village d’Arlington, peu importe. Richard et Catilina voient pareillement leur ambition étranglée entre deux femmes, comme, avant eux, Monaldeschi. Nous retrouvons l’époque, l’imagination, la formule de Dumas. Voulant mettre sur la scène l’histoire en action, et non plus en discours, il prend son point de départ avant les élections. Cela est fort bien fait ; nous les verrons à Rome, après les avoir vues en Angleterre. Regardez-y de près ; ne vous arrêtez point à ce brouhaha superficiel de place publique. Où est Rome corrompue, Rome disputée, Rome maudite ? Je ne découvre que ressorts et coups de théâtre à la façon de Richard Darlington ou d’Angèle. Les protagonistes ne s’appellent ni Cicéron, ni César, ni Caton ; ceux-là sont les figurants de l’histoire. À travers ce quatrième acte des Comices, parmi les demi-mesures et les demi-scènes joliment filées de l’habile César qui finit par tromper tout le monde comme en un vaudeville, c’est Fulvie, courtier marron, qui conduit la pièce et décide du salut de Rome, qui s’intrigue, s’évertue et met la main à l’action, Fulvie, c’est-à-dire Tompson changé en femme, le nègre de Fiesque mué en courtisane romaine : personnage historique de fantaisie et de mélodrame. La fortune de Catilina s’échoue contre une ruse de femme et pour un poinçon tombé à terre[48]. Mais cela même, qui est un moyen scénique, porte sa date dans l’œuvre de Dumas et de Scribe.

Les principaux personnages agissent au profit de leur passion. Avec Fulvie, ce sont Aurélia Orestilla, Clinias, Catilina. Or leur passion est toute-puissante, toute moderne et de pure invention, sans nul souci de l’histoire ni de l’antiquité. Événements et types fléchissent à cette nécessité, et dès le troisième acte se déforment. L’une, Aurélia, s’unit d’intérêt avec Catilina et échange avec lui son anneau et sa fortune. Faillite politique, dissolution de société. Faillite morale, jalousie, vengeance. D’une part, c’est le mariage tel qu’il est conçu après la Restauration et le triomphe du Tiers-État (voir le théâtre d’Émile Augier) ; et de l’autre, c’est déjà le drame moral et moderne de l’enfant naturel, et si véritablement que Dumas père attrape par avance le ton de logique positive et rigoureuse de Dumas fils[49]. Clinias qui détient le secret de Catilina depuis le prologue (« Je ne sais pas ton nom, mais je t’ai vu[50] »…) fait le personnage du bon amoureux fidèle, victime dévouée et résignée, chère à nos dramaturges. Même Catilina ne prend réellement part à l’action que lorsque son cœur est en jeu. L’homme qui se glisse, masqué, dans la chambre d’une vestale, avec moins de fracas, mais pour le même objet qu’Antony ; le brigand décidé à mettre le feu aux quatre coins de la ville, qui traîne une bande de gueux accrochés aux plis de sa toge ; Catilina, le débauché, le séducteur, le cynique, l’anarchiste, est tout à coup en proie à une passion terrible, qui l’absorbe au moment qu’il va triompher au Forum, qui l’attire hors de Rome à l’heure même où sa vie se joue[51] : il aime d’un irrésistible amour son fils, qu’il n’a pas vu depuis quinze ans, le fils de la vestale que depuis quinze années Rome entière et lui-même tenaient pour enterrée vivante[52]. Après qu’il a rencontré Charinus, la voix du sang le remue ; il se réjouit ou se désespère à la pensée de sa paternité. Il n’est plus lui-même ; il tourne le dos au Catilina de l’histoire. Il est le drame moderne ; il est bon père et presque bonne mère, selon la formule romantique ; surtout il est père d’un enfant non reconnu, ou connu trop tard, presque selon la formule qui prévaudra après 1852. Que lui veut-on, à présent, avec le résultat des élections ? Il songe à sauver son Charinus. Que nous fait la reprise de la conjuration ? Nous venons de voir Catilina tout attendri sur ce cher Charinus qu’il tient serré dans son giron. La femme jalouse se venge sur l’enfant. Catilina est sans force, étant désormais sans passion. Il meurt, et avec lui périt son entreprise. Et l’on se doute pourquoi Dumas en a fait le protagoniste, au lieu de Cicéron. Du personnage politique il n’avait qu’à moitié souci. Il lui fallait d’abord un héros de drame. La pièce a nom Catilina et se passe à Rome ; elle eût pu se passer à Paris, avec ce titre : Quinze ans après, ou le fils de la religieuse. S’il vous plaît de distinguer nettement, du point où nous sommes, combien Dumas s’attache à l’histoire, revoyez dans Salluste l’amour paternel de Catilina : « … Plus tard, il s’éprit d’amour pour Aurélia Orestilla… Comme elle hésitait à l’épouser, à cause d’un fils déjà grand qu’il avait eu d’un premier mariage, il passe pour constant que, par la mort de ce fils, il fit place dans sa maison à cet horrible hymen[53]. »

J’ai dit avec quelle érudition chaque personnage est physiquement dessiné. Ne nous arrêtons pas aux costumes ni aux masques. C’est un Catilina de 1848 et un Cicéron contemporain qui s’en déguisent. L’histoire romaine de Michelet est récente, où le parti de Catilina passe pour « calomnié[54]  ». Mérimée, dans ses Études sur l’histoire romaine (1841), n’avait pas été inflexible pour Catilina ; et il y retraçait le rôle de Cicéron avec impartialité. Le phalanstérien Fourier est mort depuis 1837 ; mais les utopies sociales lui ont survécu. C’est la seconde forme de l’art humanitaire et de l’imagination romantique. George Sand vient d’écrire des romans mystiques, symbolistes, socialistes, Consuelo (1842); le Meunier d’Angibaut (1845), le Péché de M. Antoine (1847), d’où ni les phrases ni les formules spécieuses ne sont absentes. Catilina a suivi le mouvement. Quand il discute contre Cicéron, c’est une thèse socialiste qu’il soutient.

Le séducteur de la vestale, l’homme aux masques et au narcotique est un discoureur idéaliste[55]. Il s’emporte contre le mot de Guizot : « Enrichissez-vous[56] ». Il fait du vice un droit et de la luxure un luxe égalitaire. Car il est épris d’égalité, de justice. Il se révolte contre les caprices du sort et l’inégalité des conditions humaines devant la mort et les médecins. Il ne parle ni des ateliers nationaux ni des pharmacies populaires ; mais il en a une forte envie, qui se contient malaisément. « La société est mal faite ainsi ; les dieux ont créé l’air du ciel et les biens de la terre pour tous ; il est temps que tous aient part aux biens de la terre et à l’air du ciel[57]… » On connaît l’antienne. Ces folles chimères, Cicéron les répudie et montre à quel point cette « borne qui conservera tout[58] » est sacrifiée en l’esprit populaire de Dumas. M. Tullius déclare que tout est pour le mieux, que les hommes sont frères, que Rome est immuable et « sous la main des dieux » ; il expose sa foi, il écoule ses Tusculanes : « … Deux grands principes luttent l’un contre l’autre depuis le commencement du monde[59] ». Il parle bien, et longuement. Ah ! qu’il avait raison de répondre, tout à l’heure, à Caton qui lui demandait : « De combien de voix disposez-vous ? — De la mienne[60] ». Pois-chiche prêche le principe de l’ordre, exalte le parti de l’honnêteté, tout cela dans la maison maudite, chez la Vestale, où il est venu surprendre Catilina, où, pour conformer ses actes à ses maximes, il va l’assassiner, — n’était un souterrain dissimulé par une trappe, derrière laquelle se tient l’enfant de l’amour, aux écoutes, avec une lampe à la main.

Les documents et les livres asservis à l’imagination de l’heure présente, des personnages avec des noms et des physionomies antiques et les appétits et les rêves d’une époque où Antony aboutit au socialisme de George Sand ; et, pour animer le tout, cette « force vivace » de la passion, qui « bien plus que les combinaisons du génie, fait mouvoir les ressorts des empires, et ébranle ou raffermit le monde[61] » — entre 1830 et 1848 — non, non, ce n’est pas l’histoire : c’en est le roman.

III

LE ROMAN DANS LES DRAMES HISTORIQUES.

Le Chevalier de Maison-Rouge.

Deux choses sont à considérer dans le roman romanesque : une suite d’événements fictifs, et les passions qui s’y mêlent, « la part de l’imagination et celle du cœur», selon le mot de Dumas.

Pour la première l’histoire est obligeante. De ce que les critiques ont inventé une contrariété entre le roman et le théâtre, il ne faut pas trop croire de léger qu’elle existe. « Je commence, dit notre Dumas, par combiner une fable ; je tâche de la faire romanesque, tendre, dramatique,… je cherche dans l’histoire un cadre où la mettre, et jamais il ne m’est arrivé que l’histoire ne m’ait fourni ce cadre, si exact et si bien approprié au sujet, qu’il semble que ce soit, non le cadre qui ait été fait pour le tableau, mais le tableau pour le cadre[62]. » La raison en est simple, encore qu’elle heurte l’opinion commune. L’imagination des dramatistes est toujours au-dessous de la réalité. Loin de l’exagérer, elle n’y atteint pas, elle n’y saurait atteindre. L’intrigue, au milieu de laquelle les personnages se démènent, est un arrangement logique, c’est-à-dire une atténuation du vrai de la vie ou de l’histoire. C’en est le roman nécessaire.

Le 3 août 1847, Dumas donnait au Théâtre-Historique le Chevalier de Maison-Rouge[63]. Complots, déguisement, péripéties provoquent, à cette heure, les dédains de certains esprits. Ils ont trop de respect de la vérité pour se plaire à ces tours de passe-passe. Nous ne sommes plus au temps où l’on croyait à l’anneau de Gygès. L’imagination qui s’amuse à ces combinaisons n’est qu’enfantillage. — Que dire de celle du Maison-Rouge vrai ? Car il a existé, conspiré, écrit ses conspirations. M. G. Lenôtre vient de fouiller les bibliothèques et de remuer les papiers authentiques[64]. Il s’est plongé avec ivresse dans les documents inédits. Il s’en est retiré avec surprise, et se demandant où l’auteur du Chevalier de Maison-Rouge avait « puisé ces renseignements[65] ». Dans les mêmes documents ou à peu près. Car il oublie Maquet, érudit, fureteur et traqueur de sujets. Maquet avait eu sous les yeux la Pétition aux Cinq-Cents, le Procès des Bourbons publié à Hambourg, et sans doute quelques autres choses compulsées aux archives. Le livre de M. Lenôtre est intéressant et scrupuleux. Mais ce qu’il a révélé de plus curieux, c’est encore l’impuissance du romancier et, à plus forte raison, du dramaturge à rivaliser de fantaisie avec les aventures merveilleuses de l’histoire.

Cet aventurier se faisait passer pour marquis de Rougeville, chevalier de l’ordre de Saint-Louis. Il ne s’appelait pas Rougeville ; il n’était ni chevalier ni marquis. Il avait nom Gonsse, Gonzze ou Gousse, fils d’un paysan enrichi dans la ferme des eaux-de-vie d’Arras. Il fut élevé en grand seigneur, dans le château paternel ; mais, dès l’adolescence, les Tuileries l’attirent. Ici commence la vie incroyable, singulière, extravagante de ce louche héros, hâbleur de génie. Il a consigné dans ses écrits comment il conquit grades et titres : colonel de cavalerie, écuyer de Monsieur, chevalier de l’ordre de Cincinnatus, aide de camp de Washington à seize ans[66], etc., etc. Il ne fut rien de tout cela ; son nom n’existe même pas dans les contrôles. Et pourtant il lit partie des chevaliers du poignard ; le 20 juin 1792, il était au nombre des amis de choix massés autour du Dauphin et de la reine, « Il resta près de moi, dit Marie-Antoinette, dans la chambre où je me tenais, tout le temps que j’y demeurai moi-même[67]. » Il se faufilait dans l’entourage du roi ; il s’imposait à lui par ses rodomontades. N’avait-il pas émis le projet de se présenter devant l’Assemblée, roulant un tonneau décoré de rubans tricolores et rempli en apparence de monnaie de billon, et de faire sauter le Manège[68] ? Sa vie de Conspirateur n’est que puffisme et prestigiditation. Arrêté pour ses impostures, il recouvre la liberté « très miraculeusement[69] ». Il parvient à forcer l’accès de la Conciergerie, à voir la Reine, à lui remettre un billet dans un œillet. Il se vante de l’avoir vue une seconde fois. Le complot découvert, Rougeville a disparu. Le jour de l’exécution du roi, il avait lancé dans Paris une brochure vengeresse, signée de son nom. À cette heure, sa tête est mise à prix, il se cache pendant plusieurs semaines dans les carrières de plâtre de Montmartre, d’où il s’échappe à la nuit tombante, pour aller aux nouvelles et distribuer un second pamphlet qu’il intitule audacieusement : Les crimes des Parisiens envers leur reine, par l’auteur des œillets présentés à la reine dans sa prison[70]. Il conte même qu’il fut en déposer quelques exemplaires sur les bureaux de la Convention et du Tribunal révolutionnaire. Sans doute la mystification est un peu forte. Mais il est certain que des carrières de Montmartre il passe à Bruxelles, que les émigrés le font jeter en prison, qu’il en sort grâce à un faux en écriture, que, surpris plus tard par les gendarmes dans son château de Saint-Laurent, il s’évade par un souterrain, qu’il n’est que complots et conspirations, qu’il se trouve impliqué par la police dans l’affaire de la machine infernale, — tant qu’enfin il est arrêté par ordre de Napoléon, le 10 mars 1814, pour crime d’espionnage et de lèse-patrie, jugé par le conseil de guerre, fusillé le même jour à Reims, et qu’il affronte le feu du peloton, dédaigneux, énigmatique et romanesque, vêtu d’une casaque jaune et chaussé d’élégantes bottes hongroises à glands dorés[71].

Outre ses aventures politiques, qui suffiraient à défrayer l’invention d’un Ponson du Terrail, cet homme en eut d’autres, d’ordre privé, et aussi singulières[72]. Au chevalier du poignard, au défenseur de Marie-Antoinette les hôtels garnis suffisaient pour le gîte. Une dame Lacouture, femme d’un conseiller au présidial de Coutances, débarque à Paris avec son mari malade. Le mari consulte un médecin en renom et meurt. La veuve retourne à Coutances pour régler ses affaires de succession. Elle revient à Paris, rencontre Rougeville, s’éprend de lui. Il a ses entrées à la cour ; elle lui confie ses économies contre une promesse de rente annuelle de huit cents francs : c’est une liquidation définitive. Plus de Rougeville ; il abandonne l’hôtel de la rue Saint-Honoré où ils vivaient en compagnie. Il emporte le magot, et laisse la femme éplorée et le loyer impayé. La pauvre Lacouture se met à sa recherche. Et voici le bon de l’aventure. Jusqu’en 1814, depuis l’an de grâce 1789, la maîtresse trahie et volée le poursuit de son amour et de ses réclamations, l’évente dans toutes ses retraites, avant les policiers et pour leur compte. Pendant toute sa vie, il est occupé à dépister la police et déjouer la dame. Il conspire en partie double. Avant l’affaire de l’œillet, celle-ci découvre qu’il s’est réfugié, au sortir des Madelonnettes, à l’Hôtel des Trois-Fils, et qu’il y vit avec une jeune femme, Sophie Dutilleul. Bataille de dames ; dénonciation ; fuite de Rougeville et de Sophie à Vaugirard. À tout coup, le chevalier s’échappe, et la veuve est arrêtée. Une fois libre, elle se remet en quête de son Rougeville.

Pour ce qui est de Sophie Dutilleul, il paraît s’être servi d’elle comme d’un instrument infaillible aux mains d’un conspirateur. Elle est jolie, elle a des amies ; il attire chez elle Fontaine, ami du municipal Michonis, lequel n’en est pas moins homme pour être municipal. Dans un souper galant, Rougeville amène Michonis à lui proposer une visite dans la prison de la Reine ; il se fait presser, et à la fin accepte. On sait le reste, qui est l’épisode de l’œillet. Ne vous pressez pas de croire que ce singulier type mourra célibataire, en proie à sa domestique. Il semble que relégué et surveillé par l’Empire il va céder à cette destinée banale. Lacouture le surprend à Paris en compagnie de sa « vile mercenaire[73] ». Mais, le 9 novembre 1807, il épouse… Il épouse, lui, conspirateur, aigrefin, faussaire, toujours en démêlés avec la justice, Caroline-Angélique Boquet de Liancourt, fille d’un juge au tribunal de Soissons[74] ; cependant que, par intervalles. apparaît dans son existence, comme une furie attachée à ses pas, la veuve du conseiller, créancière infatigable, amante éperdue.

J’en passe, et des meilleures, qu’on trouvera minutieusement contées dans le livre de M. Lenôtre. De toute cette fantaisie romanesque et historique, qui dormait dans la poussière des archives, Dumas n’a osé et utilisé en son drame que le nécessaire. Il resserre, il prépare, il choisit les péripéties. Il modifie sur la scène le dénoûment réel et celui de son roman[75]. Au reste, les tableaux historiques se succèdent sous nos jeux ; c’est toute l’image de la vérité ; c’en est du moins le spectacle : patrouilles de la rue Saint-Jacques, la Cour du Temple, le Tribunal révolutionnaire, la Conciergerie, la Salle des morts. Seulement, Maison-Rouge n’est pas un traître, et ne tombe pas sous un feu de peloton. Et il aime la Reine, ce conspirateur obstiné : tout comme s’il en était fait mention dans les dossiers et documents.

L’histoire n’en parle pas, mais Figaro le veut. Il aime les aventures ; mais il lui faut sa légende. C’est l’amour qui engage Maison-Rouge en ces conspirations et ces dévoûments. Il est un Ruy Blas plus entreprenant et agile. Du même coup il devient un conspirateur populaire, puisqu’il est dévoué à la Reine, qui est femme. Suzon, ou Marie-Antoinette, n’importe ; c’est la « femme, femme, femme » qui excite ces magnifiques passions, sources de ces entreprises surhumaines. Rougeville mourut fusillé. Que parlez-vous de ce Rougeville ? C’est de Maison-Rouge qu’il s’agit, lequel est mort en héros, au IVe acte d’une pièce héroïque, en essayant de soustraire à la prison une créature noble et infortunée, à qui il avait voué son âme et sa vie. Lui aussi, il a tout fait, tout osé. D’aigrefin il est même devenu honnête homme ; parmi tous les déguisements, il a pris celui d’un cœur sensible et fidèle jusqu’à la tombe. Il est dramatique, légendaire, populaire à ce prix ; pour historique, on voit qu’il a cessé de l’être. Que dire de Sophie Dutilleul, qui fut l’appât des petites fêtes aux mains du conspirateur ? Elle aussi a fléchi aux exigences du monologue de Figaro et du drame. Sophie s’est convertie en Geneviève Dixmer, la courtisane en une femme mariée à un homme plus âgé qu’elle et douée d’une vertu presque cornélienne. Dans le roman encore cette vertu n’était pas intangible ; elle avait trouvé dans l’appartement de Maurice une retraite et des consolations. La pièce rebute ces réalités. Suzanne, sortant du pavillon, Geneviève, quittant Maurice sont également pures et semblables à des lis. Et l’intérêt scénique est le même : c’est la faible femme qui pâtit sous la loi du mari ; c’est l’amour, c’est l’adultère qui envahit la scène avec les mœurs modernes.

Le drame passionnel se développe, modifie les personnages et fausse les événements du passé. À partir de l’acte III, les caractères d’invention, la femme, le mari et l’amant, empiètent sur les autres et tranchent sur l’ensemble. Considérez la conduite de la pièce ainsi absorbée par la passion moderne. Tout l’intérêt se concentre sur cette nécessité qui contraint Geneviève à toujours fuir Maurice, au moment qu’elle croit être à lui, et qui les amène à être enfin libres et l’un à l’autre, juste à l’instant qu’ils pensaient marcher à la mort. Mais la Reine ? Mais le Chevalier de Maison-Rouge ? De l’un l’auteur s’est débarrassé au tournant de l’acte IV ; l’autre deviendra ce qu’elle pourra. Déjà nous avions vu, dans la scène de l’œillet, Maurice entrer au Temple avec Geneviève à son bras, et Maison-Rouge les suivre ; et dès lors il était présuraable, à cette façon de dénaturer une scène historique, que Maison-Rouge et la vérité n’étaient plus que des comparses. La tragédie, d’où les événements extérieurs étaient éliminés, admettait sans peine ces anachronismes du cœur humain. Dans le drame, qui est tout action, où les faits comptent davantage, c’est proprement une violence faite à l’histoire.

Sans doute la passion est éternelle, mais variable par nature. Elle est universelle, mais sous des formes très diverses. L’idéal s’en modifie plusieurs fois pendant le cours d’un siècle, à mesure que les générations se succèdent. Entre l’amour qui s’exhale dans le monologue de Figaro et celui qui éclate dans Henri III les analogies sont frappantes ; les différences ne s’accusent pas moins. Figaro veut sa femme à lui ; Antony et Saint-Mégrin veulent pour eux seuls la femme d’un autre ; Guise violente la sienne pour perdre l’amant ; Dixmer perd la sienne par jalousie et pour sauver la reine. Figaro est jaloux et sensible. Guise jaloux et emporté, Dixmer jaloux, perfide et obstiné, tous individualistes et égoïstes, cela va sans dire. Mais si, à mesure que l’idéal passionnel évolue, il altère les faits et pèse sur la conception des types (en dépit de la fatalité, qui en est la vérité précaire, et dont le nom seul ne varie pas), que devient la vérité historique ?

Elle n’est qu’un cadre où l’intrigue subit la tyrannie de la passion, l’une toujours inférieure à la réalité, l’autre toujours adventice et moderne. Elle n’est pas autre chose dans Patrie ou la Haine[76], œuvres de premier ordre selon la formule du Chevalier de Maison-Rouge. Plus soigné dans le détail, plus conforme aux progrès de la science archéologique, le spectacle de Théodora ou de Thermidor abonde en tableaux saisissants, où l’histoire est en bordure, où l’amour souverain et contemporain se meut. Encore, et toujours, pour la joie du peuple et le désespoir des critiques, la même antinomie subsiste, latente ou patente, selon l’habileté de l’écrivain, supportable dans le recul de la tragédie plus abstraite, insoluble sans doute dans le rapprochement du drame.

D’où il résulte, au contraire de ce que j’entends dire, que plus l’époque est voisine de nous, plus l’auteur a chance d’y réussir, de refléter l’idéal de l’action et de la passion qui nous est cher (et c’est le cas du Chevalier de Maison-Rouge, dont la transposition romanesque et la fiction tirée de l’histoire nous heurtent moins que dans Catilina) ; que Dumas s’en était avisé, qui mettait volontiers en scène le xvie siècle français assez semblable, par la violence des sentiments qui le travaillent, à l’époque et à la légende de l’Empire, ou plutôt à l’idée qu’on s’en faisait alors ; et que, malgré tout, il n’atteint point à la profondeur d’un Shakespeare, que le drame historique lui échappe en partie, mais qu’il tient le meilleur du drame populaire.

  1. À vrai dire, c’est en 1846 qu’il commence, avec les Mousquetaires et une Fille du Régent, à extraire de ses romans historiques des drames ; mais il ne se reprend au genre même, avec suite, qu’à l’ouverture du Théâtre-Historique. Entre Caligula et une Fille du Régent neuf ans se sont écoulés.
  2. Hamlet, II, sc. ii.
  3. Chronique du règne de Charles IX, ch. viii, p. 134.
  4. Au milieu de toutes ces recherches, de toutes ces investigations, de toutes ces nécessités, le Moi disparaît, je deviens un composé de Froissart, de Monstrelet, de Chastelain, de Commines, de Saulx-Tavannes, de Montluc, de l’Estoile, de Tallemant des Réaux et de Saint-Simon : ce que j’ai de talent se substitue à ce que j’ai d’individualité. » (Mes mémoires, t. VIII, ch. ccv, p. 172.)
  5. Théâtre de Schiller, t. I. Avertissement de l’auteur de Fiesque au public, p. 358.
  6. Avertissement qui précède Catherine Howard, t. IV, p. 207. Cf. Mes mémoires, t. VIII, ch. ccv, p. 172. « Au reste, je suis de l’avis de l’auteur (Alfred de Vigny) ; je ne crois pas qu’il soit bien nécessaire qu’une œuvre d’art ait toujours pour autorité un parchemin par crime et un in-folio par passion. »
  7. Le Mariage de Figaro, V, sc. iii.
  8. Voir p. 220, n. 1.
  9. Malherbe, Poésies, C. Paraphrase du psaume cxlv.
  10. Pour la seconde manière du caractère d’Aurélie, celle de 1752, il emprunte les principaux traits de Portia, femme de Brutus. Cf. Rome sauvée, I, sc. iv, pp. 216-218, et Jules César, II, sc. i, pp. 428 sqq.
  11. Voltaire, Théâtre, t. IV (Garnier frères, Paris, 1877), V, sc. iii, p. 264.

    Eh bien, les conjurés ? — Seigneur, ils sont punis.

  12. Rome sauvée, II, sc. iii, p. 230. Voir n. 1. « Comptez, écrit Voltaire à d’Argental, que la scène de César et de Catilina fera plaisir à tout le monde… Soyez sûr que tous ceux qui ont un peu de teinture de l’histoire romaine ne seront pas fâchés d’en avoir un tableau fidèle. »
  13. Rome sauvée, II, sc. vii, p. 223, n. 1.
  14. Rome sauvée, III, sc.ii, p. 239.

    Vous pensez que mes yeux timides, consternés,
    Respecteront toujours vos complots forcenés.

  15. Rome sauvée, III, sc. ii, p. 237.
  16. Rome sauvée, I, sc. ii, p. 214.

    Mes soldats, en son nom, vont surprendre Préneste.

  17. Œuvres de Salluste, Panckoucke, t. II, Conjuration de Catilina, ch. xv, p. 26 : « … pro certo credilur, necato filio, vacuam domum scelestis nuptiis fecisse ».
  18. Rome sauvée, p. 216, note 1.
  19. Rome sauvée, V, sc. ii, p. 261.
  20. Voir Salluste, op. cit., ch. xxii, pp. 38 et 39. Cf, plus bas, p. 241, n. 1.
  21. Catilina (Th., XV), II, tabl. iii, sc. vii, p. 73, et IV, tabl. v, sc. xxiv, p. 152.
  22. Horace, Épîtres, livre I, VII, vers 54. Cf. Catilina, IV, tabl. v, sc. xi, p. 127. « Publius Pudens, marchand bonnetier dans le vicus Toscanus, chef de centurie. Deux enfants et une fille ; le garçon boîte. »
  23. Rome sauvée, IV, sc. iv, p. 252.

    Ah ! cruel, ce n’est pas la première famille
    Où tu portas le trouble et le crime et la mort.

    Cf. Salluste, op. cit., ch. xv, p. 4. « Jam primuni adulescens Catilina multa nefanda stupra fecerat… cum sacerdote Vestæ. » La vestale se nommait Fabia Terentia ; elle était sœur de Terentia, femme de Cicéron. Pison la fit acquitter, « les suites du rendez-vous n’ayant pas été constatées ». Voir ibid., p. 137, note 51. On pense bien que Dumas n’hésite point à les constater neuf mois après, jour pour jour.

  24. Salluste, op. cit., ch. xxii, p. 38. Il ajoute : « Nonnulli ficta et hæc et multa præterea existumabant ab bis qui Ciceronis invidiam, quæ postea orta est, leniri crcdebant atrocitate sceleris eorum qui pœnas dederant. »
  25. Catilina, V, tabl. vi, sc. viii, pp. 167 sqq.
  26. In Catdinam, I, ch. iv, p. 78.
  27. Catilina, IV, tabl. v, sc. ii, p. 111, et passim.
  28. Catilina, IV, tabl. v, sc. xxi, p. 145 : « Quand nous conspirerons, et que vos maîtresses seront du complot, avertissez-moi, seigneurs ».
  29. Suétone (Coll. Nisard, 1833), C. J. Caesar, ch. i, p. 18, col. 2. Cf. Catilina, I, tabl. iii, sc. xi, p. 53. Pour le billet, il est mentionné par Plutarque, Les Vies des hommes illustres, Caton le jeune, $ 24, p. 605 (trad. Talbot). Cf. Catilina, IV, tabl. v, sc. xv, p. 136. Le billet imaginé par Dumas commence par cette maxime savoureuse : « Dans ma famille on aime la vertu… »
  30. Salluste, op. cit., ch. v, p. 8. « Corpus patiens inediæ , vigiliæ, algoris »… Cf. ch. xxvii, p. 46.
  31. In Catilinam, II, ch. v, p. 130, cf. In Catilinam, {rom-maj|III}}, ch. {rom|vii}}, p. 185.
  32. Catilina, II, tabl. {rom|iii}}, sc. v, p. 65.
  33. Catilina, I, tabl. ii, sc. iii, p. 32.
  34. Pro Cœlio, VI, pp. 340 sqq.
  35. Salluste, op. cit., ch. v, p. 8. « Vastus animus immoderata incredibilia, nimis alta semper cupiebat. »
  36. Salluste, op. cit., ch. xx, pp. 31 sqq. Discours de Catilina, cf. ibid., ch. xxxvii, p. 60. « Nam semper in civitate, quis opes nullae sunt, bonis invident, malos extollunt ; vetera odere, nova exoptant »… Cf. l’avidité des chevaliers, ibid., ch. xxxix, p. 64. Cf. Mérimée, op. cit., p. 272 et passim.
  37. Suétone, op. cit., ch. xiv et xvii, pp. 5, col. 2, et 6, col. 1.
  38. Catilina, II, tabl. iii, sc. x, p. 81.
  39. Catilina, I, tabl. ii, sc. vii, p. 40. Cf. I, tabl. ii, sc. ix, p. 47.
  40. Salluste, op. cit., ch. xxiii, p. 40.
  41. Plutarque, Cicéron, 2 16, p. 152.
  42. Musset, qui avait si finement, mais aristocratiquement, critiqué dans les Lettres de Dupuis et Cotonet l’art humanitaire de l’imagination romantique en 1830, a noté dans Dupont et Durand les utopies sociales où cette imagination se perd aux approches de 1840 :

    Et pour me réveiller,
    Personne à qui parler des œuvres de Fourier !

  43. Catilina, I, tabl. ii, sc. i, p. 25.
  44. Catilina, IV, tabl. v, sc. xi, pp. 129 et 130.
  45. Catilina, I, tabl. ii, sc. i, p. 22.
  46. Catilina, IV, tabl. v, sc. xiv, p. 135.
  47. Catilina, ibid., sc. xv, p. 135.
  48. Catilina, IV, tabl. v, sc. xvii, p. 139.
  49. Catilina, II, tabl. iii, sc. ix, pp. 76-78.
  50. Catilina. Prologue, sc. xi.
  51. Tout l’intérêt de la première moitié de l’acte IV, celui de l’élection, est suspendu par cette disparition de Catilina.
  52. Catilina, III, tabl. iv, sc. v, p. 97.
  53. Salluste, op. cit., ch. xv, p. 26.
  54. Histoire romaine, république, t. II, ch. v, p. 382 (Hachette, 1843).
  55. Catilina, III, tabl. iv, sc. vii, pp. 102-109.
  56. Ibid., p, 105 « … Vous dites à vos partisans : « Travaillez, ménagez, endurez ». Je dis à mes prosélytes : « Prenez, prodiguez, jouissez », etc.
  57. Ibid., p. 107.
  58. Catilina, IV, tabl. v, sc. xiv, p. 135.
  59. Catilina, III, tabl. iv, sc. vii, pp. 108-109.
  60. Catilina, I, tabl. ii, sc. iv, p. 37.
  61. Les Mohicans de Paris, t. I, ch. xl, p. 282.
  62. Le Testament de M. de Chauvelin, ch. i, p. 8.
  63. Que Dumas appelle ailleurs les Girondins à cause du banquet de la fin. Voir le Drame de 93, t. III, ch. lv, p. 154.
  64. Le vrai Chevalier de Maison-Rouge, A. D. J. Gonzze de Rougeville, 1761-1814, d’après des documents inédits, par G. Lenôtre, Paris, Perrin et Cie, 1894.
  65. Ibid., ch. v, p. 134.
  66. Lenôtre, op. cit., ch. ii, pp. 30 sqq.
  67. Ibid., ch. iii, p. 59.
  68. Ibid., ch. iii, p. 46.
  69. Ibid., ch. iv, p. 83 : « très miraculeusement et par des particularités étonnantes ».
  70. Ibid., ch. vi, p. 147.
  71. Lenôtre, op. cit., chapitre x, p. 276.
  72. Ibid., tout le chapitre iv, et passim.
  73. Lenôtre, ch. ix, p, 260.
  74. Ibid., p. 252.
  75. Voir le Chevalier de Maison-Rouge, t, II, ch. lvi, p. 286 : Geneviève, Maurice et Lorin sont guillotinés.
  76. Voir Préface de la Haine.