Le Fédéraliste/Tome 1/12

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CHAPITRE XII.


Utilité de l'Union, relativement aux Finances.



Les effets de l'Union ſur la proſpérité du commerce des Etats ont été ſuffiſamment indiqués : nous vous occuperons maintenant de ſon utlité pour l'intérêt des Finances. La proſpérité du commerce eſt aujourd'hui regardée par tous les hommes d'Etats éclairés comme la plus précieuſe & la plus féconde ſource de la richeſſe des Nations ; ils en ont fait en conſéquence le principal objet de leurs ſoins politiques. En multipliant les moyens d'acquérir des jouiſſances, en facilitant l'introduction & la circulation des métaux précieux, ces objets, favoris de l'avarice & des efforts de hommes, le commerce vivifie, raffermit tous les canaux de l'induſtrie, & y entretient l'activité & l'abondance. Le Marchand aſſidu, le laborieux Fermier, l'Artiſan actif & l'induſtrieux Manufacturier ; enfin les hommes de toutes les profeſſions en ſongeant à la douce récompenſe de leurs peines, s'animent d'une ardeur & d'une joie nouvelle. La question ſi ſouvent agitée ſur la préférence due au commerce ou à l'agriculture, a été décidée par une infaillible expérience : leur rivalité a ceſſé, & il a été reconnu, à la grande ſatisfaction de leurs partiſans, que leurs intérêts étoient intimement unis & confondus. On a éprouvé dans différens pays que la terre augmentoit de valeur en proportion de la proſpérité du commerce. Eh ! comment cela ne ſeroit-il pas ? Le commerce qui facilite la vente des productions de la terre, qui donne de nouveaux motifs d'ardeur au Cultivateur, qui eſt le plus puiſſant moyen pour augmenter la quantité du numéraire dans un pays ; enfin qui favoriſe ſi viſiblement l'activité & l'industrie dans tous les gens, peut-il manquer d'augmenter la valeur de la terre qui eſt la ſource féconde des objets ſur leſquels elles s'exercent ? Il eſt étonnant qu'une vérité ſi ſimple ait pu trouver des adverſaires, & cette nouvelle preuve, au milieu de mille autres, fait voir à quel point une défiance peu éclairée, ou des abſtractions trop métaphyſiques & trop ſubtiles, peuvent détourner les hommes du chemin de la raiſon & de l'évidence.

La facilité du paiement des impôts dans un pays, eſt toujours, en grande partie, proportionnée à la quantité d'argent en circulation Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/156 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/157 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/158 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/159 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/160 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/161 Page:Le Fédéraliste T. 1.pdf/162 voye réduite à la condition ſubalterne de province particuliere. Il faut donc, en tout état dechoſes, avoir un revenu. Dans ce pays, ſi l'on ne peut fonder la plus grande partie des impôts ſur le commerce, la terre en ſupportera tout le poids. Nous avons déjà dit que l'acciſe, dans ſa vrai ſignification, ſeroit trop peu d'accord avec les diſpoſitions du Peuple, pour qu'on puiſſe faire un grand uſage de ce mode d'impoſition, & même dans les Etats uniquement occupés de l'agriculture, les objets ſur leſquels porte l'acciſe ne ſeroient pas aſſez nombreux pour fournir une ſomme conſidérable. Les propriétés mobiliaires (comme nous l'avons déja marqué), trop difficiles à atteindre, ne peuvent être ſoumiſes à des contributions conſidérables, que par des droits ſur les conſommations.

Dans les villes peuplées l'acciſe n'auroit vraiſemblablement d'autre effet que d'opprimer les individus, ſans un profit conſidérable pour l'Etat : les denrées qui y ſeroient ſoumiſes échapperoient en grande partie aux yeux & aux mains des collecteurs. Comme il faudra cependant ſatisfaire de maniere ou d'autre, aux beſoins de l'Etat, le défaut d'autres reſſources fera tomber tout le poids des dépenſes publi ques, ſur les propriétaires fonciers. D'un autre côté, comme le Gouvernement ne pourra jamais ſe procurer des ſecours proportionnés à ſes besoins, ſans que toutes les ſources de revenu lui ſoient ouvertes, les Finances toujours dans un état d'embarras, ne pourront lui aſſurer ni conſidération ni ſécurité. Ainſi nous n'aurons pas, même dans la richeſſe du Tréſor public, un motif de conſolation, de l'oppreſſion exercée ſur cette précieuſe claſſe de Citoyens occupés de l'agriculture. Les malheurs publics & particuliers marchent ſur la même ligne avec un funeſte accord ; ils s'uniſſent pour nous apprendre à déplorer la folie des conſeils, par leſquels on cherche à nous mener à la déſunion.