Le Feu-Follet/Chapitre XI

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Traduction par A. J. B. Defauconpret.
Furne (Œuvres, tome 21p. 143-157).


CHAPITRE XI.


« L’esprit humain, cette faculté si élevée, palais et trône ou la raison, cette reine portant le sceptre, siège pour rendre ses jugements. Oh ! quel est celui qui, s’en approchant d’un pas silencieux, ne reconnaître pas, dans sa faiblesse, la mystérieuse merveille de cette faculté si élevée — l’esprit humain ? »
Anonyme.



Il est inutile d’insister sur l’aspect glorieux de la Méditerranée ; il est familier à tous ceux qui ont voyagé sur ses eaux, et une foule d’ouvrages l’ont peint à l’imagination des lecteurs de tous les pays et de tous les siècles. Cependant il y a des jours et des ombres qui sont particuliers à chaque tableau, et celui que nous esquissons en offre qui méritent un mot en passant. Un coucher du soleil au milieu de l’été, sur ses côtes, peut ajouter aux beautés de presque toutes les scènes. Telle était l’heure à laquelle Raoul jeta l’ancre, et Ghita, qui était montée sur le pont dès que la chasse avait été terminée et qu’on avait regardé le danger comme passé, se dit qu’elle n’avait jamais vu l’Italie ni les eaux bleues de la Méditerranée sous un aspect plus aimable.

Les ombres des montagnes se projetaient bien loin sur la mer longtemps avant que le soleil fût descendu sous l’horizon ; parsemant tous les charmes du soir sur la côte orientale quelque temps avant de les faire partager à celle qui faisait face à l’occident. La Corse et la Sardaigne semblent être de vastes fragments des Alpes, jetés dans la mer par quelque convulsion de la nature, encore en vue de leur lit natal, et ressemblent, en quelque sorte, à des avant-postes de ces grandes murailles de l’Europe. Leurs montagnes ont la même formation, les mêmes pics blancs, — du moins pendant la plus grande partie de l’année, — et leurs flancs ont le même aspect mystérieux et déchiré. Cependant, indépendamment de leurs autres beautés, elles en ont une qui manque à la plupart des montagnes de la Suisse, quoiqu’on en rencontre des traces en Savoie et du côté méridional des Alpes ; elles ont cet étrange mélange du doux et du sévère, du sublime et du beau, qui caractérise si particulièrement la nature enchanteresse de l’Italie. Tel était en ce moment l’aspect de tout ce qui était visible du pont du Feu-Follet. La mer avec sa teinte d’un bleu foncé, perdait toutes les traces du vent d’ouest, et devenait lisse comme la surface d’une glace ; les montagnes, de l’autre côté, avaient un air grand et solennel, et montraient leurs contours raboteux qui se dessinaient sur un ciel brillant de toute la pompe qui termine le jour ; tandis que les vallées et les plaines plus voisines prenaient un air mystérieux, mais doux, couvertes par l’ombre des montagnes. Pianosa était presque en face, à une vingtaine de milles, s’élevant hors de l’eau comme un phare ; l’île d’Elbe se montrait au nord-est, mais ne paraissait plus alors qu’une pile sombre et confuse de montagnes ; et Ghita, une ou deux fois, crut distinguer sur la côte de l’Italie les contours obscurcis du mont Argentaro, où était sa demeure, quoique la distance, qui était de soixante à soixante-dix milles, rendît ce fait invraisemblable. À deux milles en mer, on voyait la frégate à l’ancre, ses voiles serrées, ses vergues brassées carré, tout en bon ordre, tout à sa place sur son pont, et formant un tableau parfait de symétrie. Il y a dans la vie, sur mer comme sur terre, des hommes de toute espèce, les uns prenant les choses comme elles viennent et se contentant de remplir leurs devoirs de la manière la plus tranquille, les autres concevant le même attachement pour leur navire qu’un fat pour sa propre personne, et ne se trouvant heureux qu’en cherchant à l’embellir. La sagesse en ceci, comme en beaucoup d’autres choses, se trouve entre les deux extrêmes : l’officier qui songe trop à l’apparence extérieure de son bâtiment accorde rarement une attention suffisante aux grands objets pour lesquels il a été construit et lancé à la mer ; et celui qui est tout à fait indifférent à cette apparence, a presque toujours l’esprit occupé de choses étrangères à ses devoirs et à sa profession, — si son esprit s’occupe de quelque chose. Cuff tenait presque le juste milieu, inclinant peut-être être un peu trop vers le dandy marin. La Proserpine, grâce aux constructeurs de Toulon, passait alors pour la plus belle frégate qui flottât sur la Méditerranée ; et en sa qualité de beauté reconnue, tous ceux qui avaient des rapports avec elle aimaient à la décorer, et à montrer ses belles proportions avec le plus d’avantage possible. Tandis qu’elle était mouillée, sur une seule ancre, Raoul, qui se trouvait juste hors de la portée de ses canons, ne put s’empêcher de la regarder avec envie, et un sentiment plein d’amertume s’éleva dans son cœur, en songeant aux accidents fortuits de la naissance et de la fortune qui lui ôtaient tout espoir de s’élever jamais au commandement d’un pareil bâtiment, et qui semblaient le condamner à n’être que corsaire toute sa vie.

La nature avait destiné Raoul Yvard à un poste beaucoup plus élevé que celui qu’il paraissait devoir toujours occuper dans sa carrière. Il était entré dans le monde sans aucun des avantages qui accompagnent les accidents de la naissance, et cela dans un moment de l’histoire de sa grande nation où les sentiments de la religion et de la morale y avaient été plus qu’ébranlés par la violente réaction qui avait renversé les abus de tant de siècles. Cependant ceux qui s’imaginent que la France, considérée dans son ensemble, fut coupable des horribles excès qui déshonorèrent sa lutte pour conquérir sa liberté, ne connaissent guère la grande masse de sentiments moraux qui resta intacte au milieu de toutes les abominations de ce temps, et prennent les crimes de quelques êtres détestables, et les exagérations de quelques esprits égarés, pour des preuves d’une dépravation radicale et universelle. Même la France du règne de la terreur n’est guère responsable que de cette mollesse qui fait de la plupart des hommes des instruments placés entre les mains des intrigants et des enthousiastes, doués de plus d’activité. — L’Amérique tolère souvent des erreurs qui ne diffèrent que par le degré des conséquences, par suite d’une même soumission aveugle à des impulsions quelconques ; et ce degré dépend même plus des accidents de l’histoire et des causes naturelles, que de l’influence qu’on doit attribuer à tel ou tel parti. Il en était de Raoul comme de son pays ; l’un et l’autre étaient la créature des circonstances, et si ce jeune homme avait quelques-uns des défauts de sa nation et de son siècle, il en avait aussi la plupart des grandes qualités. Le relâchement de ses idées religieuses, qui était son principal défaut aux yeux de Ghita, et qui ne pouvait manquer d’en paraître un très-grand à une jeune fille élevée comme elle l’avait été et ayant des sentiments de la plus haute piété, était l’erreur du jour, et Raoul avait du moins adopté cette erreur de bonne foi, circonstance qui le rendait, pour celle qu’il aimait, l’objet d’un pieux et saint intérêt, presque aussi puissant que la tendresse naturelle de son sexe pour celui à qui elle avait accordé toute son affection.

Tant qu’avait duré ce court combat contre les canots, et pendant le peu de temps qu’il avait été sous le feu de la frégate, Raoul avait été lui-même. Le tumulte et l’agitation d’un engagement l’armaient toujours de la force d’âme nécessaire pour des actions dignes de la réputation qu’il avait acquise ; mais pendant le reste de la journée il n’avait senti que peu de dispositions à guerroyer. Une fois assuré que ses mâts étaient encore solides ; la chasse ne lui avait causé que peu d’inquiétude ; et maintenant qu’il était à l’ancre sur une eau peu profonde, il se sentait à peu près comme le voyageur qui trouve une bonne auberge après la fatigue d’une journée pénible. Quand Ithuel lui parla de la possibilité d’une attaque nocturne par les canots, il lui répondit en riant par le proverbe qu’un enfant qui s’est brûlé les doigts craint le feu, et il ne s’en inquiéta guère. Cependant nulle précaution convenable ne fut négligée. Raoul avait coutume d’exiger beaucoup des hommes de son équipage dans les moments d’urgence ; mais, en toute autre occasion, il était aussi indulgent qu’un bon père au milieu d’enfants obéissants et respectueux. Cette qualité, et la fermeté et le sang-froid qu’il montrait invariablement dans le danger, étaient le secret de l’influence sans bornes qu’il exerçait sur son équipage ; tous ceux qui servaient sous ses ordres étant bien convaincus qu’il n’exigeait jamais de personne un devoir pénible sans que la nécessité l’y contraignît.

Dans l’occasion présente, dès que les matelots du Feu-Follet eurent soupé, il leur fut permis de se livrer à leurs danses ordinaires, et les chants romantiques de la Provence se firent entendre sur le gaillard d’avant. Il y régnait une gaieté cordiale, et il ne manquait que la présence de quelques femmes pour que cette scène ressemblât à l’amusement du soir d’un hameau sur la côte. Le beau sexe n’était pourtant pas complètement absent, ni en idée, ni en personne. Les chansons étaient remplies d’une galanterie chevaleresque, et Ghita les écoutait avec plaisir et intérêt. Elle était assise sur la lisse du couronnement, son oncle debout à son côté, tandis que Raoul se promenait sur le gaillard d’arrière et s’arrêtait à chaque tour pour exprimer quelque pensée ou quelque désir à des oreilles qui étaient toujours attentives. Enfin les chants et la danse se terminèrent, et tous les matelots descendirent sous le pont pour se jeter dans leurs hamacs, à l’exception de ceux qui devaient être de quart. Ce changement fut aussi frappant que subit. Le silence solennel d’une nuit éclairée par les étoiles succéda au rire léger, aux chants mélodieux, et à l’enjouement un peu bruyant d’hommes dont la gaieté naturelle semblait être restreinte par une sorte de civilisation supérieure à celle des marins des autres pays, et qui faisait que, quoique sans éducation, à bien des égards, ils blessaient bien rarement les convenances, ce qui arrive si souvent aux marins de la race anglo-saxonne. L’air frais commença bientôt à descendre des montagnes, et flottant sur la mer échaulée pendant la journée, il donna naissance à une légère brise de terre, qui soufflait exactement en sens contraire de celle qui, à peu près à la même heure, partait du continent voisin. Il n’y avait pas de lune, mais on ne pouvait dire que la nuit fût obscure, car des myriades d’étoiles brillaient dans le firmament, et remplissaient l’atmosphère d’une lumière qui servait à rendre les objets suffisamment distincts, et qui les laissait dans un demi-jour qui convenait à la scène et à l’heure. Raoul sentit l’influence de toutes ces circonstances à un degré extraordinaire, et elles le disposèrent à des pensées plus calmes que celles qui l’occupaient toujours dans ses moments de loisir. Il s’assit près de Ghita, dont l’oncle venait de descendre dans sa chambre pour se mettre à genoux et faire ses prières.

On n’entendait plus alors un seul pied s’appuyer sur le pont du lougre. Ithuel s’était porté près d’une bitte de bossoir, d’où il surveillait sans cesse son ancienne ennemie la Proserpine, la proximité de ce bâtiment ne lui permettant pas de dormir. Deux marins expérimentés, qui formaient seuls le quart du mouillage, comme on l’appelle, étaient stationnés à part l’un de l’autre, afin qu’ils ne pussent causer ; l’un sur le bossoir de tribord, l’autre dans les haubans du grand mât ; tous deux surveillant avec vigilance la mer et tout ce qui flottait sur son sein. En ce lieu retiré, ces objets étaient nécessairement en petit nombre, et ils ne se composaient que de la frégate, du lougre et de trois bâtiments côtiers que la Proserpine avait pris avant que la nuit tombât, et qu’elle avait relâchés ensuite. Un de ces bâtiments occupait à peu près le point milieu entre la frégate et le Feu-Follet, ayant jeté l’ancre après avoir fait des efforts infructueux pour avancer au nord, à l’aide du vent d’ouest expirant. Quoique la légère brise de terre qu’il faisait alors eût pu suffire pour le porter vers sa destination à raison d’un nœud ou deux, il semblait préférer rester où il était, et laisser une nuit de repos à son équipage, plutôt que de remettre à la voile sur-le-champ. La situation de cette felouque, et la circonstance qu’elle avait été abordée par la frégate pendant la soirée, l’avaient d’abord rendue suspecte à Raoul, et il avait ordonné qu’on la surveillât avec attention ; mais on n’avait rien découvert qui tendît à confirmer ses soupçons. Les mouvements de son équipage — la manière dont on avait jeté l’ancre, — la tranquillité complète qui régnait sur son bord, et même le mauvais arrangement de ses mâts et de son gréement, convainquirent Raoul que ses matelots n’avaient jamais servi sur un bâtiment de guerre. Cependant comme elle n’était qu’à un mille du lougre du côté de la mer, elle devait être surveillée, et le marin qui était en vigie dans les haubans était rarement une minute sans y fixer les yeux. Le second bâtiment côtier était un peu au sud de la frégate, portant toutes ses voiles et se dirigeant vers la terre, sans doute dans la vue de profiter autant que possible de la brise qui venait des montagnes. Sa position avait été déterminée une heure auparavant, et pendant tout ce temps elle n’avait changé que d’un demi-quart, quoiqu’il ne fût pas à une lieue ; ce qui prouvait combien il y avait peu de vent. Le troisième, qui était une petite felouque, était au nord, mais, depuis l’arrivée de la brise de terre, si on pouvait l’appeler une brise, il cherchait à tourner lentement au vent, et semblait disposé à traverser les bas-fonds plus près de la terre que l’endroit ou était le Feu-Follet, ou à entrer dans le Golo. On pouvait distinguer ses contours obscurs, quoique se dessinant sur la terre ; et il avançait lentement en travers sur l’avant du lougre, à environ un demi-mille plus près de la côte. Comme la rivière avait un fort courant, et que tous les bâtiments avaient le cap tourné vers la terre, Ithuel tournait quelquefois la tête pour voir quels progrès faisait celui-ci ; mais ils étaient si lents, qu’à peine pouvait-on remarquer qu’il changeât de position.

Après avoir regardé autour de lui en silence pendant quelques minutes, Raoul leva les yeux vers le ciel, et considéra les étoiles.

— Vous ne savez probablement pas, Ghita, dit-il, à quoi peuvent nous servir et nous servent ces étoiles à nous autres marins. Avec leur aide, nous sommes en état de dire ou nous nous trouvons, au milieu du plus vaste Océan, — de connaître tous les points du compas, — d’être en quelque sorte chez nous, même quand nous en sommes le plus éloignés. Le marin européen doit du moins aller bien loin au sud de l’équateur, avant de ne plus voir les étoiles qu’il aperçoit du seuil de la porte de la maison de son père.

— C’est une nouvelle idée pour moi, répondit Ghita, vivement frappée du sentiment poétique de ces expressions, et je suis surprise, Raoul, que vous ne m’en ayez jamais parlé jusqu’à présent. C’est une grande chose que ces astres aient le pouvoir de vous reporter chez vous et de vous retracer les objets qui vous sont familiers, quand vous êtes loin de tout ce que vous aimez.

— N’avez-vous jamais entendu dire que des amants fussent convenus de regarder tous les jours à une heure fixe une certaine étoile, afin que leurs pensées pussent se rencontrer malgré l’immensité des mers et des terres qui les séparaient ?

— C’est une question à laquelle vous pouvez répondre vous-même, Raoul, tout ce que j’ai jamais entendu dire de l’amour et des amants étant sorti de votre bouche,

— Eh bien donc, je vous le dis ; et j’espère que nous ne nous séparerons pas sans avoir choisi notre heure et notre étoile — si toutefois nous nous séparons encore. — Si je ne vous en ai point parlé plus tôt, Ghita, c’est parce que vous êtes toujours présente à ma pensée. — Je n’ai besoin d’aucune étoile pour me rappeler le mont Argentaro et les Tours.

Si nous disions que Ghita entendit ces mots sans plaisir, ce serait l’élever trop au-dessus d’une faiblesse aussi naturelle qu’aimable. Son cœur s’ouvrait toujours aux protestations de tendresse de Raoul, et rien n’était plus agréable à son oreille que les assurances qu’il lui donnait de son dévouement et de son amour. La franchise avec laquelle il convenait de ses défauts, et surtout de l’absence de ce sentiment religieux qui avait tant de prix aux yeux de sa maîtresse, donnait un nouveau poids à ses paroles, quand il parlait de sa tendresse. Quoique Ghita rougît en ce moment en l’écoutant, elle ne sourit pas, et parut mélancolique. Elle fut près d’une minute sans lui faire aucune réponse ; et quand elle répondit, ce fut d’une voix basse qui annonçait l’intensité de ses sentiments et de ses pensées.

— Ces astres peuvent avoir un usage plus relevé, dit-elle ; regardez-les, Raoul ; nous ne pouvons les compter, car lorsque nos yeux se fixent sur l’espace, ils semblent sortir les uns après les autres des profondeurs du ciel, et se moquer de tous nos calculs. Nous voyons qu’il y en a des milliers, et nous pouvons croire qu’il en existe des myriades. Vous devez avoir appris, puisque vous êtes navigateur, que ces astres sont des soleils comme le nôtre, autour desquels tournent d’autres mondes ; or, comment est-il possible de voir et de savoir tout cela, sans croire à un Dieu et sentir notre néant ?

— Je ne conteste pas qu’il existe un pouvoir pour gouverner tout cela, Ghita ; mais je soutiens que c’est un principe, et non un être ayant notre forme ; — que c’est la cause de toutes choses, et non une divinité.

— Qui dit que Dieu soit un être ayant notre forme, Raoul ? Personne ne le sait, — personne ne peut le savoir, — personne ne le dit parmi ceux qui le respectent et qui l’adorent comme ils le doivent.

— Vos prêtres ne disent-ils pas qu’il a créé l’homme à son image ? n’est-ce pas lui avoir donné sa forme et sa ressemblance ?

— Point du tout, mon cher Raoul. C’est l’avoir créé à l’image de son esprit. L’homme a reçu une âme qui partage, quoique à un bien faible degré, l’essence impérissable de Dieu, et c’est en ce sens qu’il a été créé à son image. Personne ne peut avoir osé en dire davantage. Mais quel être que celui qui est le maître de tous ces mondes brillants !

— Ghita, vous connaissez ma manière de penser sur tout cela, et vous savez aussi que je ne voudrais pas dire un seul mot qui pût vous blesser ou vous affliger.

— Ce n’est pas votre manière de penser, Raoul, c’est votre manière de parler qui fait toute la différence entre nous. Nul homme qui pense ne peut douter de l’existence d’un être supérieur à tout ce qui se trouve dans tout l’univers, et qui est le créateur de toutes choses.

— Si vous voulez dire d’un principe, Ghita, j’en conviens avec vous ; mais si vous parlez d’un être, je demande la preuve de son existence. Qu’il existe un principe puissant qui ait créé tous ces astres et placé toutes ces étoiles dans le firmament, c’est ce dont je n’ai jamais douté, car ce serait révoquer en doute un fait que j’ai tous les jours sous les yeux ; mais supposer un être capable de produire tout cela, ce serait croire à un être que je n’ai jamais vu.

— Et pourquoi ne pas supposer qu’un être a pu créer tout cela, aussi bien que ce que vous appelez un principe ?

— Parce que je vois tous les jours des principes au-dessus de mon intelligence à l’œuvre tout autour de moi. — Parce que j’en vois dans cette lourde frégate, qui gémit sous le poids de son artillerie, et qui flotte sur cette eau si légère ; — dans, les arbres, qui croissent sur la terre dont nous sommess voisins ; — dans les hommes, les animaux, les oiseaux, les poissons, qui naissent et qui meurent ; mais je ne vois ni ne connais aucun être qui soit en état de faire tout cela.

— C’est parce que vous ne connaissez pas Dieu ; il est le créateur des principes dont vous parlez, et il est infiniment plus puissant que tous vos principes.

— Cela est aisé à dire, Ghita, mais difficile à, prouver. Je prends un gland et je le plante dans la terre ; avec le temps il devient une plante, et avec les années un grand arbre. Or, tout cela dépend d’un principe mystérieux qui m’est inconnu, mais dont l’existence m’est démontrée, car je puis moi-même mettre ce principe en action en creusant la terre et en y plaçant une graine. Je puis même aller plus loin, du moins jusqu’à un certain point, car, en choisissant convenablement le sol et la saison, je puis accélérer ou retarder à mon gré la croissance de la plante, et même influer sur la conformation de l’arbre.

— Sans doute, Raoul ; jusqu’à un certain point, vous pouvez faire tout cela, et vous le pouvez précisément parce que vous avez été créé à l’image de Dieu. La faible ressemblance que vous avez avec cet être tout-puissant vous met en état de faire ce qui est impossible aux autres créatures. Si vous étiez son égal, vous pourriez créer le principe dont vous parlez, et que votre aveuglement prend pour celui qui en est le maître.

Ces mots furent prononcés avec plus d’émotion que Ghita n’en avait montré dans leurs fréquentes conversations sur ce sujet, et d’un ton si solennel, qu’il fit tressaillir celui auquel ils étaient adressés. Ghita n’était pas philosophe, dans l’acception commune de ce mot, tandis que Raoul croyait l’être beaucoup, malgré l’éducation imparfaite qu’il avait reçue ; et cependant les sentiments fortement religieux de la jeune fille développaient tellement ses facultés naturelles, qu’il s’étonnait souvent de l’entendre employer les meilleurs arguments à l’appui d’une cause qu’il se flattait de si bien connaître.

— Je crois, Ghita, répondit Raoul, que nous nous entendons à peine. Je ne prétends pas voir plus qu’il n’est permis à l’homme, ni comprendre plus qu’il ne lui est donné ; mais cela ne prouve rien ; car l’éléphant comprend plus que le cheval, et le cheval plus que le poisson. Il y a un principe qui gouverne tout dans le monde, et ce principe, nous l’appelons la nature. C’est elle qui a produit tous ces mondes que nous voyons parcourir l’espace, et tous les mystères de la création, et une de ses lois, c’est que rien de ce qu’elle a produit ne comprendra ses secrets.

— Vous n’avez qu’a vous imaginer que votre principe est un esprit, Raoul, un être qui ne peut tomber sous nos sens, pour avoir le Dieu des chrétiens. Est-il plus difficile de croire en lui qu’en votre principe inconnu, comme vous l’appelez ? Vous savez que vous pouvez construire un lougre, — trouver dans le soleil et les astres, à l’aide de votre raison, les moyens de traverser le vaste Océan, — pourquoi ne pas supposer qu’il existe un être supérieur qui peut faire encore davantage ? Vous-même vous pouvez neutraliser le pouvoir de votre grand principe ; vous pouvez empêcher la graine de croître et abattre l’arbre, et si le principe peut être ainsi détruit, quelque accident peut un jour détruire toute la création en en détruisant le principe. — Je n’ose vous parler de la révélation, car je sais que vous vous en moquez.

— Je puis ne pas y croire, chère Ghita ; mais je ne me moque de rien de ce que vous dites et de ce que vous respectez.

— Je vous en remercierais, Raoul, si je ne sentais que ce serait prendre pour moi un hommage qui doit être porté bien plus haut.

— Mais voici ma guitare, et je regrette que l’hymne à la Vierge n’ait pas été chantée ce soir à bord de votre lougre. Vous ne sauriez croire quelle douceur à une hymne quand elle est chantée sur l’eau. Je l’ai entendu chanter par l’équipage de la felouque qui est entre nous et la frégate, tandis que le vôtre chantait une chanson provençale à l’éloge de la beauté d’une femme, au lieu d’élever la voix pour célébrer les louanges du Créateur.

— Vous avez dessein de chanter cette hymne, Ghita, sans quoi vous n’auriez pas apporté votre guitare.

— Oui, Raoul, car j’ai toujours trouvé votre âme attendrie après une musique sainte. Qui sait si la merci de Dieu ne daignera pas un jour faire servir les notes de cette hymne à toucher votre cœur ?

Il y eut une pause d’un moment, et les doigts de Ghita, pinçant légèrement les cordes de son instrument, firent entendre une symphonie solennelle. Vinrent ensuite les doux sons de l’Ave Maria, accompagnés d’une voix mélodieuse qui aurait pu réellement attendrir un cœur de pierre. Napolitaine de naissance, Ghita avait toute la passion de son pays pour la musique, et elle avait appris quelque chose de la science musicale, qui semble innée chez toutes les nations de cette partie du monde. La nature l’avait douée d’une des voix les plus touchantes de son sexe, — d’une voix moins forte que douce et mélodieuse, et elle ne l’employait jamais à des chants religieux sans un léger tremblement qui en augmentait encore le charme, car c’était la sensibilité qui le causait. Tandis qu’elle chantait cette hymne bien connue, elle était animée d’un saint espoir que Dieu, dans ses voies miraculeuses, pourrait faire d’elle un instrument pour la conversion de son amant, et cette pensée doubla son talent. Jamais Ghita n’avait si bien chanté, et ce qui le prouva, c’est qu’Ithuel quitta son poste, et passa sur le gaillard d’arrière, pour mieux l’entendre, et que les deux vigies oublièrent momentanément leurs devoirs pour lui donner toute leur attention.

— Si quelque chose pouvait faire de moi un croyant, Ghita, murmura Raoul quand le dernier son eut expiré sur les lèvres de sa maîtresse, ce seraient les accents de votre voix mélodieuse. — Comment donc, monsieur Itouel ! êtes-vous aussi un amateur de musique sacrée ?

— La signora à une voix rare, capitaine Roule. Mais nous avons à songer à d’autres affaires. Si vous voulez passer sur l’avant, vous pourrez jeter un coup d’œil sur la petite felouque qui, depuis trois heures, a rampé le long du rivage en avant de nous. J’y vois je ne sais quoi qui ne me paraît pas naturel. Elle semble se rapprocher de nous, et on ne lui voit pas le moindre mouvement dans l’eau. Je regarde cette dernière circonstance comme contre nature pour un bâtiment qui à toutes ses voiles dehors, et avec la brise qu’il fait.

Raoul serra la main de Ghita, et l’invita à descendre dans sa chambre, car il craignait que l’air de la nuit ne nuisît à sa santé. Il se rendit ensuite sur l’avant, d’où il pouvait voir celle des trois felouques qui était le plus près de la côte, aussi bien que l’obscurité le permettait, et il éprouva quelque inquiétude en la voyant à si peu de distance du lougre. La dernière fois qu’il en avait remarqué la position, elle était au moins à un demi-mille de distance, et semblait passer en travers sur l’avant du Feu-Follet, avec assez de vent pour avoir fait depuis ce temps un mille en avant, et cependant il ne put voir qu’elle se fût avancée dans cette direction autant qu’elle avait dérivé vers le lougre.

— L’avez-vous examinée longtemps ? demanda-t-il à Ithuel.

— Depuis qu’elle a paru rester stationnaire, et il y a maintenant une vingtaine de minutes. Je suppose que c’est un bâtiment mauvais voilier ; il a été plusieurs heures à faire une lieue, et il y a assez d’air pour qu’un pareil esquif file trois nœuds par heure ; il est aisé de comprendre comment il dérive vers nous, car cette rivière a un courant très-fort, comme vous pouvez le voir par le bouillonnement de l’eau sous notre taille-mer ; mais, en même temps, je ne vois rien qui puisse l’empêcher d’aller en avant. J’en ai déterminé la position, il y a au moins un quart d’heure, par la lumière que vous voyez ici en ligne avec la montagne la plus voisine ; et depuis ce temps il n’a pas avancé de cinq fois sa longueur.

— Ce n’est qu’un bâtiment côtier de l’île de Corse, après tout, Ithuel. Je ne puis croire que les Anglais voulussent renouer connaissance avec notre mitraille, et tenter un nouvel abordage pour le plaisir de se faire battre une seconde fois.

— Dieu seul le sait : les hommes à bord de cette frégate sont des démons incarnés. Voyez ! il fait une bonne brise de nuit, et cette felouque n’est pas à une encâblure de nous. Relevez-la par la draille du foc, et vous verrez vous-même comme elle marche lentement en avant.

Raoul suivit ce conseil, et après un court examen il reconnut que la felouque n’avait aucun mouvement visible en avant, tandis qu’elle dérivait avec le courant précisément sur l’avant du lougre. Cette circonstance le convainquit qu’elle devait avoir une drague sur l’arrière, ce qui indiquait des intentions hostiles. L’ennemi était probablement en force à bord de cette felouque, et il était important de faire des préparatifs de défense.

Cependant, il répugnait encore à Raoul de faire éveiller tout son monde. Comme tous les hommes doués de sang-froid et de fermeté, il n’aimait point à donner une fausse alarme, et il lui paraissait si invraisemblable que les Anglais eussent si promptement oublié la leçon qu’ils avaient reçue dans la matinée, qu’il pouvait à peine ajouter foi au témoignage de ses sens. Ses hommes avaient travaillé péniblement toute la journée à réparer les avaries du lougre, et la plupart dormaient de ce sommeil profond qui suit la fatigue. Cependant, chaque minute amenait la felouque plus près du Feu-Follet, et augmentait le danger si l’ennemi s’en était réellement mis en possession. D’après toutes ces circonstances, il résolut de commencer par la héler, sachant que tout son équipage serait sur le pont en une minute, et que chacun dormait ayant ses armes à son côté, de crainte d’une attaque par les canots de la frégate pendant la nuit.

— Ho ! de la felouque ! s’écria Raoul, ce bâtiment étant déjà trop près pour qu’il eût besoin d’un porte-voix. Quel est ce bâtiment, et pourquoi dérive-t-il autant sur nous ?

La Belle Corse, répondit-on en un patois mêlé de français et d’italien ; comme Raoul s’y attendait, si l’équipage était celui d’un bâtiment côtier. — Nous sommes frétés pour la Padulella, et nous désirons longer la côte pour tenir le vent plus longtemps. Notre bâtiment n’est pas bon voilier, et nous dérivons parce que nous sommes en plein milieu du courant.

— Alors vous allez tomber en travers sur notre avant. Vous savez que je commande un bâtiment armé, et je ne puis permettre cela.

— Ah ! Signor ! nous sommes amis de la république, et nous ne voudrions pas vous nuire. Nous espérons que vous ne ferez aucun mal à de pauvres mariniers comme nous. Nous allons laisser arriver, s’il vous plaît, et nous passerons sous votre poupe.

Cette proposition fut faite si soudainement, et était si inattendue, que Raoul n’eut pas le temps d’y faire aucune objection, et quand même il aurait voulu en faire, elle, fut exécutée trop promptement pour lui en laisser le moyen. La felouque arriva vent arrière et gouverna presque sur l’avant du lougre, acquérant par l’aide combinée du vent et du courant une vitesse suffisante pour dissiper tous les doutes d’Ithuel.

— Tout le monde en haut pour repousser l’abordage ! s’écria Raoul s’élançant vers le cabestan pour prendre ses armes. Montez vite, mes enfants ! montez vite ! Il y a ici de la trahison.

Ces mots étaient à peine prononcés que Raoul était déjà de retour sur le pied du beaupré, et les plus actifs de ses matelots arrivaient successivement sur le pont. Pendant ce court espace de temps, la felouque s’était approchée à environ quarante toises : alors, à la grande surprise de tous ceux qui étaient sur le lougre, elle revint au vent, et se laissa dériver sur le Feu-Follet jusqu’à ce qu’elle parût arrêtée par le câble de ce bâtiment, son arrière tourné vers le bossoir de tribord du lougre. En ce moment, et précisément à l’instant où les deux bâtiments venaient en contact, on entendit un bruit d’aviron, on vit une flamme s’élancer par l’écoutille ouverte de la felouque, et cette lueur fit entrevoir assez loin un canot qui fuyait à force de rames.

— Un brûlot ! un brûlot ! s’écrièrent une vingtaine de voix en même temps ; et le ton d’horreur qui accompagnait ces cris annonçait l’existence d’un danger qui est peut-être le plus terrible de tous ceux que les marins aient à craindre.

Mais la voix de Raoul Yvard ne se faisait pas entendre. Du moment que son œil avait aperçu la flamme, il avait disparu du beaupré. On ne le revit qu’au bout d’une vingtaine de secondes, et il était alors sur la lisse de couronnement de la felouque, ayant sur l’épaule un bout de cordage qu’il avait ramassé sur le gaillard d’avant.

— Antoine ! François ! Grégoire ! s’écria-t-il d’une voix de tonnerre, suivez-moi ! Que le reste de l’équipage soit prêt à filer du câble, et qu’on frappe un grelin sur le bout.

L’équipage du Feu-Follet était habitué à l’ordre et à une obéissance implicite. Les officiers étaient arrivés sur le pont, et l’on se mit à exécuter les ordres du capitaine. Raoul lui-même avança sur la felouque, suivi des trois hommes qu’il avait appelés. Ils n’eurent pas de difficulté à éviter les flammes, quoiqu’elles sortissent par l’écoutille en large colonne. Comme Raoul le soupçonnait, la felouque avait été retenue par une chaîne passée en double sur le câble qui dirigeait sa dérive sur le lougre. Il amarra la chaîne de la felouque, avec le bout de corde qu’il avait emporté, sur son câble, et il passa l’autre bout par l’écubier de la felouque et l’amarra bien à son bord. Cette manœuvre n’était pas sans danger, car le feu menaçait déjà de lui interdire le retour sur son bord. Il réussit pourtant à y arriver sans accident avec les hommes qu’il avait emmenés, et qu’il faisait marcher devant lui. Dès qu’il eut mis le pied sur le gaillard d’avant du Feu-Follet, il s’écria :

— Filez le câble, mes enfants ; filez-le rondement, si vous voulez préserver notre beau lougre de l’incendie !

Il n’y avait pas un moment à perdre. Le lougre, étant debout au vent et au courant, cula à mesure qu’on filait du câble ; mais d’abord le brûlot, qui n’était déjà plus qu’une nappe de feu, son pont ayant été saturé de goudron, parut disposé à l’accompagner. Cependant, à la grande joie de tous ceux qui se trouvaient à bord du lougre, ils virent bientôt la poupe de la felouque se séparer de leur proue, et, ayant fait une embardée au moyen du gouvernail, en quelques secondes même son beaupré et son foc avaient échappé au danger. La felouque resta stationnaire, tandis que le lougre s’en éloignait en culant brasse à brasse, et il se trouva enfin à distance suffisante de cette masse embrasée.

Tous ces événements se passèrent en moins de cinq minutes, et tout avait été fait avec un sang-froid et une promptitude qui semblaient tenir de l’instinct plutôt que de la raison. La voix de Raoul ne se fit entendre que pour donner le peu d’ordres que nous avons rapportés ; et quand, à la lumière éblouissante qui illuminait le lougre et la surface de l’eau jusqu’à une certaine distance, et qui produisait même la clarté d’un beau midi, il vit Ghita regarder ce spectacle avec un air d’admiration mêlée de terreur, il s’approcha d’elle, et lui parla d’un ton léger, comme si ce n’eût été qu’une fête donnée pour leur amusement.

— Notre girandole ne le cède qu’à celle de Saint-Pierre, ma chère Ghita, dit-il en souriant ; nous l’avons échappé belle ; mais, grâce à votre Dieu, — je parlerai ainsi, si cela vous fait plaisir, — nous n’avons essuyé aucun malheur.

— Et vous avez été l’instrument de sa bonté, Raoul. J’ai tout vu de cet endroit ; car, lorsque j’ai entendu appeler l’équipage sur le pont, j’y suis montée aussi. Comme j’ai tremblé en vous voyant sur ce bâtiment enflammé !

— C’était un plan bien imaginé par messieurs les Anglais ; mais il a complètement échoué. Ce bâtiment avait une cargaison de goudron et autres approvisionnements pour la marine, et l’ayant capturé ce soir, ils ont cru éteindre notre Feu-Follet par une flamme plus forte et plus vive qu’ils ont allumée ; mais le Feu-Follet brillera encore lorsque leur feu sera éteint.

— N’y a-t-il donc pas de danger que ce brûlot ne vienne à nous ? Il en est si près que je ne suis pas sans alarmes.

— Il en est trop loin pour nous nuire, d’autant plus que nos voiles sont mouillées par la rosée. Il ne peut venir ici, tant que notre câble existera, et comme il est sous l’eau il ne peut brûler. Dans une demi-heure il n’en restera presque rien, et nous jouirons de ce feu de joie tant qu’il durera.

Et maintenant que toute crainte de danger était passée, c’était un spectacle dont on pouvait véritablement jouir. À l’aide de cette brillante lumière, on voyait la curiosité peinte sur tous les visages, qui étaient tournés vers cette masse embrasée, comme le tournesol suit la grande source de la chaleur dans sa route à travers les cieux ; tandis que les mâts, les voiles, les canons et même les plus petits objets qui étaient à bord du lougre sortaient de l’obscurité et brillaient comme s’ils eussent fait partie de cette illumination. Mais une flamme si ardente ne tarda pas à épuiser ses aliments. Les mâts de la felouque tombèrent bientôt en pyramides de feu ; le pont s’enfonça ; tous les bois succombèrent planche à planche, et la conflagration s’éteignit en grande partie dans l’eau qui en réfléchissait l’éclat. Au bout d’une heure, il ne restait guère que des cendres encore chaudes dans la cale du bâtiment.