Le Général américain de la guerre de sécession, Robert Lee/02

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Le Général américain de la guerre de sécession, Robert Lee
Revue des Deux Mondes, 2e périodetome 105 (p. 505-512).
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II.


Revenons un peu en arrière pour suivre à grands pas les événemens qui s’étaient passés dans le reste de la Virginie. Le 10 juin 1861, la guerre avait éclaté. Le premier coup de fusil était tiré à York-town, et un engagement y avait eu lieu, suivi peu après par la bataille de Manassas, dans le nord de la Virginie, où les deux armées en vinrent pour la première fois sérieusement aux mains. Ici le vaillant Jackson, à la tête de sa fameuse 1re brigade, avait acquis tout d’abord ses titres à une immortelle renommée.

Nous aurons trop souvent l’occasion de parler de cet officier, l’un des types les plus étranges et les plus frappans qu’ait produits cette longue guerre, pour ne pas essayer de le dépeindre en quelques mots. Jackson présentait le contraste le plus complet, au physique et au moral, avec Lee, dont il allait bientôt devenir le meilleur lieutenant. Virginien lui aussi, mais d’une de ces familles obscures et laborieuses de l’ouest, il était arrivé à force de travail et de volonté à être professeur à l’école militaire de Lexington après avoir gagné dans la guerre du Mexique son grade de major. Les cadets, auxquels il faisait les classes de philosophie expérimentale et d’artillerie, se doutaient peu de la valeur et du génie militaire de leur grave et assez peu sympathique professeur. Sa tournure gauche, son grand corps maigre et disloqué, sa démarche raide et ses continuelles distractions le mettaient en butte aux intarissables plaisanteries de ses élèves, qui d’ailleurs n’appréciaient guère sa sévérité. Il avait en effet bien peu de l’apparence du héros ; mais sous ces bizarreries de caractère et de tournure qui le rendaient grotesque, se cachaient les plus nobles qualités, une piété ardente, un courage indomptable, une persévérance à toute épreuve. Pour lui, la religion chrétienne était une pratique de tous les instans, et à Lexington, comme plus tard dans les camps, ses habitudes de prière, de culte et de méditation prenaient une large portion de ses journées. Pendant de longues et douces années, sa vie s’était écoulée calme et laborieuse dans la belle vallée de Lexington, tout à ses travaux de professeur, et sans les terribles événemens qui le rappelèrent dans les camps et révélèrent ses talens militaires il fût resté l’obscur et excentrique maître de mathématiques, le rigoureux major-instructeur, le sombre et fervent elder (ancien) de l’église presbytérienne ; mais la valeur de cette nature systématique, juste et rigide à l’excès, avait été reconnue par ses supérieurs, et, appelé à Richmond, il avait été chargé par le gouvernement d’y former les nouvelles recrues, puis nommé colonel et envoyé commander une brigade d’infanterie à Harper’s Ferry.

L’apparence du nouveau colonel fit sur ses soldats un effet aussi étrange que lorsqu’à Lexington elle excitait l’hilarité de ses élèves. Rien en lui ne dénotait l’officier, le commandant. Son uniforme de simple soldat, sans galons et mal porté, son air distrait, sa gaucherie et sa réserve, provoquaient le sourire. À cheval, sa tournure était plus lamentable encore : il montait avec de trop courts étriers et ses mouvemens étaient des plus disgracieux. Telle était l’étrange figure qui allait bientôt devenir l’idole de ses soldats, et dont le nom, associé à celui de sa fameuse 1re brigade, restera impérissable dans les annales de la guerre. Composée de la fleur de la jeunesse de Virginie, qui était accourue tout entière à l’appel de son pays, cette brigade confondait dans ses rangs les noms les plus illustres avec les plus obscurs. Tous avaient voulu servir ; des enfans de quinze ans coudoyaient de vieux soldats du Mexique, et cet enthousiasme qui les réunissait en fit rapidement de véritables vétérans, les soutint pendant quatre ans à travers les plus terribles épreuves. Ce qu’il leur fallait pour utiliser leurs dispositions, ils le trouvèrent chez Jackson.

La lutte, comme nous l’avons dit, s’était sérieusement engagée en Nord-Virginie. Trois colonnes fédérales s’avancèrent et rencontrèrent les confédérés, commandés par Johnston et Beauregard, dans les environs de Manassas. Une action sanglante commença. Les confédérés, assaillis de trois côtés, faiblissaient devant le nombre des assaillans. Le général Bee, au désespoir, galopa, couvert de poussière et de sueur, vers Jackson, s’écriant : « Général, ils nous repoussent ! » Jackson, les yeux étincelans de ce feu qu’on ne leur connaissait que les jours de bataille, mais le visage impassible, répondit froidement : « Alors nous leur donnerons de la baïonnette. » Son calme agit comme par enchantement sur ses hommes découragés et sur Bee, qui leur cria : « Regardez Jackson, qui résiste là comme un mur de pierre (stonewall) ; tenons ferme jusqu’à la mort ou la victoire, » — puis tomba mortellement atteint, tandis que les 3,000 baïonnettes de Jackson arrêtaient l’infanterie ennemie et donnaient au reste de l’armée confédérée le temps de mettre les fédéraux en déroute. La fermeté de Jackson avait changé la fortune de la journée, et le mot de Bee resta comme une épithète attachée au nom du héros et à celui de sa redoutable brigade.

En mars, Lee fut rappelé à Richmond et chargé de l’entière direction militaire de la confédération. Son premier but, auquel il travailla jour et nuit, fut de mettre la ville de Richmond en état de défense. Les affaires des confédérés, malgré la victoire de Manassas dans la dernière campagne, n’étaient pas dans une condition très favorable. Exaltés par des succès qui leur avaient inspiré beaucoup trop de confiance en eux-mêmes, ils croyaient à une rapide fin de la guerre, et s’étaient reposés pendant l’hiver sur leurs lauriers. Le nord au contraire multipliait ses ressources pour l’ouverture de la prochaine campagne. Il fallut toute l’habileté d’organisation du général Lee pour mettre l’armée en état de lutter contre les troupes qui s’avançaient sur la Virginie. Le général Mac-Clellan, qui l’été précédent avait remporté des succès en Ouest Virginie, avait été désigné cette année pour menacer Richmond ; excellent soldat, ayant servi avec distinction au Mexique, il allait se montrer un redoutable adversaire. Au moment où la guerre avait éclaté, Mac-Clellan avait, lui aussi, hésité sur le parti qu’il devait suivre, puis, ayant accepté un commandement dans le nord et réussi dans sa première campagne, il avait été nommé au printemps de 1862 commandant en chef des armées fédérales. Toutes les ressources du gouvernement fédéral avaient été employées pour mettre l’armée sur un pied formidable. Partagée en trois corps, sous Banks, Mac-Dowell et Fremont, forte de 200,000 hommes, elle entourait Richmond de trois côtés, et selon toute apparence la capitale confédérée allait tomber entre ses mains avant la fin de la campagne.

Le général Joseph E. Johnston, qui commandait à Richmond même, dérouta les projets des fédéraux. Les faisant attaquer par Jackson dans la vallée de Virginie, ce qui opéra une diversion, il les assaillit lui-même à Seven-Pines, sur le Chickahominy, près de Richmond, et leur livra une sanglante bataille. Victorieux d’un côté, les confédérés furent moins heureux de l’autre. Les lignes de Mac-Clellan avaient reçu une atteinte grave ; mais Johnston, blessé grièvement, dut retourner dans Richmond, et le commandant en chef vint le remplacer. Huit jours après, Jackson terminait sa campagne dans la vallée de Virginie en défaisant Fremont à Port Republic, et était libre de venir rejoindre Lee sur le terrain de la lutte.

Il n’y avait pas de temps à perdre, il fallait à tout prix arrêter Mac-Clellan, qui, s’étant avancé en vue des murs de Richmond, menaçait la ville d’un siège, et pour cela il devenait indispensable de savoir quelles étaient les forces et la disposition exacte de son armée. Le général Stuart et les deux colonels Lee, l’un fils et l’autre neveu du général, se chargèrent de cette périlleuse reconnaissance. Se dérobant aux vedettes, culbutant les détachemens qu’ils rencontraient, mettant le feu aux fourgons fédéraux sur leur passage, trouvant les routes barrées à leur retour, et construisant à la hâte un pont sur le Chickahominy, pour le détruire aussitôt passé, ils firent ainsi complètement le tour de l’armée fédérale, quoique poursuivis par une grosse troupe de cavalerie. Ils rentrèrent enfin sains et saufs au camp, ayant pleinement réussi dans cette téméraire expédition. Le côté faible de Mac-Clellan avait été découvert, et Lee prépara l’attaque.

Jackson avait reçu l’ordre de venir rejoindre son général en chef à Cold-Harbor le 25 juin. Une dépêche adressée au « général Jackson quelque part » lui enjoignait d’arriver à marches forcées et avec le plus grand secret. « Quelque part » était en effet la seule adresse qui pût convenir au rapide et silencieux capitaine et à ses mystérieux mouvemens. Trompant par ses manœuvres la vigilance de Mac-Clellan, Jackson, forcé à d’innombrables marches et contre-marches dont lui seul dans son armée avait le secret, n’arriva que le 27. Lee n’avait pu retarder ses opérations. Après de longues heures d’un combat acharné, les confédérés avaient réussi à déloger les fédéraux de leurs positions à Mechanicsville, sur le Chickahominy ; mais, trouvant des travaux de défense bien plus formidables un peu plus loin, ils ne purent s’en emparer et ne gagnèrent que le champ de bataille, où ils couchèrent. Le lendemain de cette journée, la première du « combat de sept jours, » la lutte recommença, et les sudistes firent d’héroïques efforts pour s’emparer des positions qu’ils n’avaient pu prendre la veille. Hill et Longstreet furent impuissans, tout en infligeant des pertes considérables à Mac-Clellan, à percer les travaux ennemis. — Jackson, si impatiemment attendu, n’arrivait pas. Lee, calme et sérieux comme toujours, ne trahissait par aucun geste son extrême préoccupation ; mais la position devenait critique, lorsque vers deux heures, au milieu du roulement de l’artillerie, un immense cri se fit entendre ; Jackson était arrivé.

« Ah ! général, s’écria Lee, il me tardait de vous voir ; j’avais espéré vous rencontrer plus tôt. » Jackson salua silencieusement, rendant le serrement de main à celui dont il devait dire un jour : « Cet homme est un phénomène ; il est le seul au monde que le suivrais les yeux bandés. » Lee, regardant avec inquiétude du côté de la violente canonnade, lui dit : « Le feu est terrible ! croyez-vous que vos hommes pourront le soutenir ? » Jackson écouta un instant, et de sa voix brève répondit : « Ils peuvent tout supporter, général ; ils supporteront bien cela. » Et donnant des éperons à sa maigre monture, il se précipita à la tête de ses régimens sur l’ennemi. Dès ce moment, la bataille redoubla de fureur. De part et d’autre, sous une effroyable grêle de mitraille, les charges se succédèrent. Les fédéraux, massés derrière une éminence et protégés par les parapets qui n’avaient pu être entamés la veille, semblaient ne pouvoir être délogés par aucune approche. Enfin, à un dernier cri d’encouragement de leurs généraux, les confédérés se ruèrent avec une sorte de rage sur les travaux ennemis. Escaladant sous une pluie de feu les abatis d’arbres, s’élançant à travers un ravin et de profonds marécages, et chassant tout devant eux par une épouvantable charge à la baïonnette, ils plantèrent leur drapeau sur la redoute fédérale, et, blessés, mutilés, haletans, ils poussèrent un cri de triomphe qui résonna dans tous leurs rangs. Cependant les fédéraux résistaient encore, leur dernière ligne n’avait pas été rompue. La canonnade redoubla, une dernière décharge vint balayer l’artillerie fédérale, et le soleil couchant éclaira derrière des monceaux de morts et de mourans les troupes nordistes abandonnant leurs pièces. La première passe d’armes entre Lee et Mac-Clellan avait été fatale à celui-ci, bien que ses troupes se fussent admirablement battues. Il ne pouvait plus songer à prendre Richmond, tout au plus pouvait-il effectuer une retraite en bon ordre vers le James-River. Dans la nuit, il repassa le Chickahominy, laissant Lee camper sur un champ de bataille si chèrement acquis.

Cinq jours durant, les fédéraux opérèrent leur retraite à travers White oak swamp, marécage presque impénétrable, sans routes et sans issues, où hommes et chevaux, enfonçant jusqu’aux genoux et abîmés par le brûlant soleil de juin, manquaient de provisions et de ressources. Poursuivi avec acharnement par les confédérés et se servant contre eux de tous ces obstacles, il leur tint tête avec succès dans trois engagemens successifs, et finit par arriver à un campement sûr, près du James-River, à 30 milles de Richmond. Là, il se retrouvait sous la protection de ses canonnières. Lee rentrait de son côté, le 8 juillet, dans la capitale qu’il venait de délivrer d’une manière si éclatante, et qui le reçut en libérateur. Sa modestie presque exagérée, — vertu peu américaine, — lui rendait pénibles les nombreuses ovations qu’il dut recevoir. Ne sentait-il pas d’ailleurs qu’une première victoire ne rendait pas l’avenir moins difficile ? Les ressources du nord étaient immenses, comparées à celles du sud ; Mac-Clellan à lui seul avait encore 90,000 hommes sous les armes.

La défaite de celui-ci avait en effet inspiré au nord une nouvelle énergie. 300,000 hommes furent tout de suite appelés sous les drapeaux, et le commandant en chef mis de côté et remplacé par le général Pope. Son insuccès ne fut pas la seule cause de la disgrâce de Mac-Clellan ; un violent antagonisme entre lui et Halleck, ministre de la guerre à Washington, en était la véritable raison. Dans un rapport adressé au président Lincoln, Mac-Clellan avait fort noblement exprimé l’avis suivant. « Cette rébellion a pris le caractère d’une guerre ; elle doit être regardée comme telle et conduite selon les principes les plus élevés de la civilisation chrétienne. En aucun cas, cette guerre ne doit aboutir à l’asservissement du peuple d’aucun état ; elle doit être une guerre non contre les populations, mais contre les forces armées et l’organisation politique. Ni les confiscations de propriétés, ni les exécutions politiques, ni la division des états en territoires, ni l’abolition forcée de l’esclavage ne doivent être admises un seul instant. En continuant la guerre, toute propriété personnelle et toute personne sans armes doivent être strictement protégées, assujetties seulement aux nécessités militaires. Toute propriété personnelle requise pour usage militaire doit être payée ; le pillage et les déprédations doivent être traités comme crimes, tout dommage inutile sévèrement défendu et les offenses des militaires envers des citoyens rapidement punis. Les arrestations par l’autorité militaire ne doivent être tolérées que sur le lieu même des hostilités, et les sermens non requis par la constitution ne doivent être ni exigés ni reçus… Des esclaves en contrebande selon l’acte du congrès doivent recevoir la protection militaire, s’ils la demandent. Le droit du gouvernement de s’approprier d’une manière permanente pour son service le travail des esclaves doit être affirmé, et par conséquent le droit du propriétaire à recevoir une compensation reconnu… Je puis être bientôt rappelé par mon créateur, et c’est au nom du pardon que j’espère recevoir de lui que je vous écris ceci en toute sincérité envers vous et par amour pour mon pays. » Ces nobles et courageuses paroles resteront comme un des titres les plus honorables de la carrière de Mac-Clellan. Elles eurent à Washington pour résultat de le faire remplacer comme commandant des forces fédérales en Virginie par le général Pope, dont les dispositions furent fort différentes. Ses ordres portaient que tout séparatiste serait immédiatement arrêté, — que le serment de soumission lui serait imposé, qu’il ne serait relâché que sur une caution assez considérable. S’il refusait le serment, il devait être chassé des lignes fédérales ; si on l’y retrouvait, il devait être fusillé comme espion, et ses biens confisqués. Tout individu accusé de communiquer avec qui que ce soit en dedans des lignes confédérées serait également fusillé. Enfin les subordonnés du général Pope devaient arrêter les citoyens marquans et les garder comme otages pour s’assurer de la bonne conduite des populations, la vie de chacun de ces otages répondant pour chacun des soldats fédéraux qui pouvaient être tués dans les expéditions fourragères. La guerre conduite sur de tels principes menait rapidement au vandalisme et à la rapine : aussi le général Lee ne put-il retenir sa juste indignation. Il adressa au ministre de la guerre à Washington d’énergiques réclamations, qui ne restèrent pas sans effet. Le gouvernement fédéral proclama qu’aucun officier ne devait quitter les rangs sans autorisation, pour prendre le bien d’autrui, sous peine de mort.

Pope arriva plein d’assurance pour entreprendre sa campagne de Virginie, se vantant qu’avec une armée comme celle que Mac-Clellan lui laissait rien ne pourrait arrêter sa marche triomphale jusqu’à la Nouvelle-Orléans. Pendant quelque temps, les deux armées s’observèrent ; enfin, craignant une avance trop rapide de son adversaire, Lee détacha contre lui Jackson, qui le força après un vif engagement à reculer. Ici encore, à un moment critique de cette action de Cedar-Run, lorsque les confédérés semblaient ne plus pouvoir soutenir le poids de l’ennemi, Jackson se précipita au milieu de la mêlée, l’œil en feu, la voix vibrante, une sorte d’incarnation du génie des batailles, décidé à vaincre ou à périr. Le cri de Stonewall Jackson rallia comme par magie ses troupes débandées, et elles repoussèrent furieusement l’ennemi derrière le Rappahanock.

Ce fut là que Lee résolut d’attaquer : calculant sur l’aide que lui offrait un pays très boisé, il partagea son armée en deux. Jackson devait avec une moitié tourner et menacer les derrières de Pope. Le brave lieutenant de Lee, s’avançant par un détour sur Manassas, y détruisit les dépôts considérables de provisions et d’armes qui y étaient amassés. Sur cette nouvelle. Pope vint en toute hâte à Manassas, mais Jackson avait déjà disparu aussi rapidement et mystérieusement qu’il était arrivé, ayant marché 50 milles en deux jours, et laissant Pope dans une ignorance confuse des positions de ses ennemis. Il s’était retiré à Sudley, adossé aux mêmes montagnes par lesquelles il avait débouché et où Lee devait le rejoindre. Celui-ci de son côté, arrivant avec le reste de l’armée à marches forcées, pénétra par Thorough-Fare-Gap, défilé dans cette même chaîne de montagnes par lesquelles Pope se croyait protégé, et, guidé par le canon, trouva son lieutenant aux prises avec toute l’armée fédérale, à l’endroit même où un an avant la première bataille de Manassas avait été livrée. Pope attaquait avec fureur les lignes confédérées, croyant n’avoir affaire qu’à Jackson et ne se doutant pas de la présence de Lee. Pendant deux jours, la lutte dura. Il y eut des deux côtés des prodiges de valeur et de hardiesse. Des lignes entières des brigades qui chargeaient sous Jackson et Longstreet étaient annihilées sous le feu de l’artillerie fédérale. Petit à petit les côtés de l’immense V auquel ressemblait l’ordre de bataille de Lee se refermèrent sur l’ennemi. Les colonnes confédérées pressant sur le cœur même de l’armée de Pope, une nouvelle charge plus terrible que les autres, où toutes les réserves confédérées donnèrent avec une fureur « de démons, » nous disent les témoins, anéantit les dernières résistances fédérales. Le coucher du soleil vint terminer la bataille, et la retraite désordonnée des vaincus commença. Pope se retira dans la nuit, et deux jours après se réfugiait autour de Washington. Ainsi finit la troisième avance des fédéraux sur Richmond. Lee avait de nouveau délivré la Virginie. Ses pertes étaient de 10,000 hommes, mais celles des fédéraux étaient trois fois plus considérables, et ils laissaient un grand nombre de prisonniers.