Le Géranium ovipare/Le nain et le cochon sous le crâne du poète
LE NAIN ET LE COCHON
SOUS LE CRANE DU POÈTE
Cet homme était hagard, cet homme était hispide,
cet homme était poète et cet homme était saoul.
Il était ostrogoth, ou peut-être gépide
et me tint en bavant les propos ci-dessous.
Un nain s’est logé sous mon crâne chauve
avec son petit cochon mauve :
ces deux avortons de Lilliput
gîtent sous mon sinciput ;
ils vivent là tous les deux
tératologiques et hideux.
Oh ! qui me délivrera d’eux ?
Le cochon fouille ma cervelle
grognant, grattant de son gros groin,
pour déterrer comme des truffes
mes concepts métaphysiques
les déterrer comme des truffes !
Et le méchant nain s’en régale
en dépit de Spurzheim et de Gall,
il faut voir comme il s’en régale !
Souriant, l’air amène,
se frottant l’abdomen
il a bouffé mes notions sur le noumène
et mes concepts sur le libre arbitre
dont j’étais fier à si juste titre !
Puis il monte sur son cochon
et pique de falots galops
à califourchon
sur son cochon.
C’est une marche triomphale,
une ruée, une rafale
à travers tout mon encéphale.
Le pourceau
fait des sauts,
le cochon
fait des bonds,
mes circonvolutions
sont en révolution !
La vitesse les grise !
Ils piétinent ma substance grise
et mes méninges ! Ma pauvre pie-
mère, ils en ont fait de la charpie
et c’est bien pis
pour l’arachnoïde et la dure-mère :
elles ne sont plus que souvenir et chimère !
Fils de nain et fils de truie
ils ont détruit
ma glande pituitaire
au delà du pont de Varole.
Oh ! je vous en donne ma parole,
j’aimerais mieux le ver solitaire,
ça ne lèse que l’intestin,
au moins, le ver solitaire !
Horrible, horrible destin !
mes concepts sont le festin
d’un cochon et d’un nain
très peu bénins !…
Et maintenant je n’ai plus d’idées !
Ils me les ont toutes mangées !
Ah ! puisque je n’ai plus d’idées
Seigneur, envoyez-moi la rime
Seigneur, ô par pitié la rime
pour remplacer les idées !
Et puis nettoyez mon pauvre cerveau,
mon docte cerveau
plein d’in-octavo
reliés en veau !
Ayant dit tout cela
cet homme s’en alla !