Le Gueux de Mer (Moke)/02

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J. Lebègue & Cie, libraires-éditeurs (p. 19-32).
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CHAPITRE II





a maison du bourgmestre de l’Écluse, devant laquelle s’arrêta le carrosse qui portait les deux dames, était d’une architecture simple, et paraissait beaucoup moins vaste que les hôtels de la noblesse brugeoise ; mais l’intérieur offrait la propreté la plus recherchée, et le luxe le mieux entendu.

Le bourgmestre était venu lui-même offrir la main aux deux dames. C’était un homme gros et joufflu, d’âge moyen et de stature médiocre, qui semblait mal à son aise dans ses habits de cérémonie, et singulièrement embarrassé par sa longue épée. Un manteau de velours noir et un bonnet de même étoffe, brodés en or, étaient les indices de sa dignité, et sa figure annonçait justement l’énergie nécessaire pour obéir en tout aux conseils, ou plutôt aux ordres de son curé et des officiers de la garnison espagnole.

Il salua profondément la baronne de Berghes, et un peu moins bas Marguerite, dont la beauté et le costume simple lui arrachèrent un mouvement de surprise ; et, présentant la main à toutes les deux, il les conduisit avec beaucoup de peine au salon, où la société était réunie.

C’était une salle assez grande, décorée de tapisseries de Bruges, de glaces de Venise et de buffets de bois précieux. Elle était remplie de cavaliers et de dames qu’on n’apercevait que par derrière, car elles étaient assises de manière à tourner le dos à ceux qui entraient. Mais, au nom de la baronne de Berghes et de la comtesse de Waldeghem, il se fit un mouvement général dans l’assemblée : les dames se levèrent, tandis que deux officiers espagnols accouraient au bourgmestre, et, tout en lui adressant quelques excuses, le repoussaient assez brusquement et s’emparaient de la main des deux nouvelles venues.

À l’air hautain et à la démarche assurée de ces deux militaires, il était facile de voir qu’ils se croyaient faits pour dicter des lois au reste de l’assemblée : en effet chacun semblait se ranger pour leur céder le passage, et ils forcèrent presque toutes les dames à se déplacer pour faire asseoir la baronne et sa nièce au centre du salon.

De pareilles manières étaient quelque chose de si nouveau et de si extraordinaire pour la jeune fille qu’elle se trouva assise presque à la place d’honneur, sans avoir jeté un coup d’œil autour d’elle. Quand elle leva enfin les yeux, elle se vit au milieu d’un demi-cercle de femmes presque toutes âgées, vêtues de robes traînantes et portant de hautes coiffures pyramidales. Aux deux extrémités du croissant étaient assis quelques vieux gentilshommes dont le pourpoint sans bouffes et sans taillades, la haut-de-chausses large et les souliers de drap rappelaient les modes du règne passé.

En face des dames se tenaient debout différents groupes de cavaliers, parmi lesquels on distinguait les militaires espagnols, couverts de soie et de velours. L’or et l’argent brillaient sur leurs habits, et l’acier de leurs armes était aussi luisant que le miroir le mieux poli ; mais leurs regards impérieux, leurs traits fortement dessinés, leur teint basané et leur contenance fière ne pouvaient inspirer que la crainte et l’aversion.

Il y avait aussi dans l’assemblée quelques jeunes prêtres, des officiers de marine, et de riches bourgeois. Ceux-ci s’entretenaient entre eux de politique et d’affaires, et faisaient fort peu d’attention au reste de la société.

Enfin, à l’extrémité du salon, Marguerite entrevit un jeune marin penché dans l’embrasure d’une fenêtre, et dont elle ne pouvait distinguer le visage. De larges pantalons rouges, une ceinture de la même couleur, et une saie ou veste bleue, sans collet et sans fraise, composaient son costume. De grosses boucles de cheveux châtains retombaient sur ses épaules : la jeune comtesse les remarqua et ses yeux devinrent humides, car ces beaux cheveux lui rappelaient ceux de Louis de Winchestre.

Elle ne put l’apercevoir qu’un moment, car l’officier qui lui avait donné la main vint se placer entre elle et lui, et la força à écouter une longue suite de compliments. Vainement la jeune fille tenait elle les yeux baissés, vainement restait-elle immobile comme une statue, l’Espagnol n’en continuait pas moins à débiter ses fades galanteries, à la grande satisfaction de la baronne de Berghes, qui s’enorgueillissait de voir le commandant de la garnison attaché au char de sa nièce.

Mon enfant, dit-elle à Marguerite, en lui donnant un petit coup sur la joue, vous devez connaître ce brave militaire : il a passé quelques mois à Bruges, et je suis sûre que vous avez entendu parler de don Christophe de Sandoval. — La jeune fille ne répondit rien. Elle avait quelquefois rencontré l’Espagnol et avait même cru remarquer qu’il s’attachait à ses pas ; mais elle feignit de l’avoir oublié, afin de lui faire comprendre combien elle faisait peu de cas de son hommage.

Don Sandoval, reprit la bonne dame en tournant les yeux vers l’officier, ma nièce est la pupille du vieux seigneur de Gruthuysen, dont l’opulence égale la noblesse. Croiriez-vous bien qu’à l’âge de seize ans elle a eu le courage de refuser la main du plus beau et du plus aimable jeune homme de Bruges, avec lequel elle avait été élevée, parce qu’il avait montré des opinions douteuses ? Ne soyez pas si honteuse, ma chère, pourquoi changez-vous ainsi de couleur ? votre action mérite des éloges ; car il n’appartenait qu’à une âme généreuse de mépriser ce Louis de Winchestre, qui mettait à vos pieds vingt seigneuries, le titre de princesse et le nom plus glorieux de dame de Gruthuysen. Vous seule peut-être, dans toute la Flandre, auriez pu payer son amour d’un juste dédain, et faire sentir à ce jeune audacieux que la rébellion anéantit tous les titres et que l’hérésie efface les plus brillantes qualités.

Il fallait tout l’aveuglement de la douairière pour ne point apercevoir la douleur et le désespoir qui se peignaient sur la figure décolorée de sa nièce. Elle avait réveillé des souvenirs cruels, et chacun de ses éloges était un coup de poignard pour la jeune fille, qui, pâle et tremblante, s’efforçait de ne point l’entendre et jetait autour d’elle des regards égarés.

Au moment même où sa tante parlait avec tant de mépris de l’amant qui lui était encore si cher, ses yeux se portèrent du côté où elle avait entrevu le jeune homme à la belle chevelure, qui semblait isolé au milieu de l’assemblée. Elle l’aperçut de nouveau : il avait changé d’attitude, et, appuyé contre la muraille, il se couvrait la figure de ses deux mains, tandis qu’un tremblement convulsif semblait agiter tous ses membres.

Une idée passagère, mais déchirante, vint frapper Marguerite : si c’était lui ! si, déguisé sous le costume d’un marin, Louis de Winchestre l’avait suivie, et entendait maintenant les discours injurieux de la baronne ! Comme lui, le marin était d’une haute taille ; il avait des cheveux bouclés comme lui ; et, quelque léger que fût ce double rapport, il suffisait pour émouvoir fortement le cœur d’une amante.

Elle baissa les yeux, et sentit un froid glacial se glisser dans ses veines : mais lorsqu’après le premier moment d’agitation elle voulut fixer encore ses regards sur le jeune homme, il avait repris sa première attitude, et se penchait encore davantage dans l’embrasure de la croisée.

L’émotion de la jeune comtesse n’échappa point à don Sandoval, qui, debout à côté d’elle, la regardait d’un œil pénétrant. Mais comme sa présomption égalait au moins sa perspicacité, il se trompa sur le motif de ce trouble subit, dont il crut devoir s’attribuer l’honneur. Charmé d’un pareil succès, il résolut bien de poursuivre sa conquête ; et comme il savait que la valeur est la qualité que les femmes admirent le plus, il n’imagina rien de mieux que de raconter ses prouesses.

Je puis me vanter, dit-il, d’être surnommé dans l’armée : el castigador de los veillacos Flamingos lutheranos[1] ; car, grâce au Ciel ! j’ai purgé la Belgique de bon nombre de mécontents. Plus d’un gueux des bois[2] est tombé sous mon épée, et, Dieu aidant, elle châtiera encore plus d’un gueux de mer. Je le déclare hautement, sans craindre que personne me contredise, quoique peut-être il se trouve ici des gens dont l’opinion est justement suspecte (et il s’arrêta un moment, pour jeter un regard de mépris sur les bourgeois) : — Les rebelles et les hérétiques n’ont pas de plus grand ennemi que Christophe de Sandoval ; et, pour dire toute ma pensée, je voudrais qu’il se présentât devant moi quelque partisan du prince d’Orange, militaire ou marin ; j’aurais bientôt appris à ce misérable à respecter un soldat du roi.

En achevant ces mots il frappa sur son sabre, comme pour provoquer tous ceux qui étaient présents. Plus d’un brave Flamand frémit d’indignation à cette vue ; mais telle était l’épouvante qu’avait inspirée l’excessive rigueur du duc d’Albe que personne n’osait opposer de résistance aux Espagnols, et les militaires de cette nation pouvaient impunément braver les Belges courbés sous le joug. Il n’y eut donc personne qui releva le défi porté par don Sandoval : seulement, le jeune marin que Marguerite avait remarqué releva la tête et tourna vers l’officier ses yeux étincelants ; mais, soit que celui-ci n’y prît pas garde, ou que toute autre considération l’arrêtât, il se pencha de nouveau vers la jeune fille et reprit son discours.

Marguerite le laissa parler sans donner aucun signe d’approbation ni de mécontentement. D’autres pensées l’occupaient, et les paroles de l’Espagnol frappaient son oreille sans parvenir jusqu’à son esprit. Mais, en revanche, don Sandoval vit bientôt les regards des autres dames, et surtout de la baronne, fixés sur lui avec l’expression d’une admiration profonde, et, encouragé par ce succès, il déploya toute la jactance que l’on reprochait alors à ses compatriotes.

Sans considérer qu’il parlait devant des Belges, il s’exprima de la manière la plus méprisante sur les guerriers de cette nation ; il taxa de lâcheté le vainqueur de Gravelines et de St-Quentin, et de parjure ce noble Guillaume de Nassau, chef de mécontents, dont toute l’Europe admirait le génie et les vertus[3]. À l’entendre, il eût suffi d’un seul tiercès, ou régiment espagnol, pour mettre en fuite toutes les milices des Pays-Bas, et une couple de galions eussent pu anéantir cette formidable marine des gueux de mer, qui tenait bloqués tous les ports de Flandre. Il est vrai que ces intrépides patriotes n’avaient que de petits navires médiocrement équipés ; mais leur adresse, leur expérience, et surtout leur courage héroïque avaient brillé dans tant de combats, que c’était le comble de l’ineptie ou de la mauvaise foi que d’afficher du mépris pour de pareils adversaires.

Cependant, bien loin de contredire ou de désapprouver don Sandoval, la plus grande partie des auditeurs l’appuyaient hautement. Quelques marins peut-être souriaient, quelques gens sensés gardaient le silence ; mais les femmes, les prêtres et tous ceux qui ne connaissaient rien au métier des armes applaudissaient aux fanfaronnades de l’Espagnol : ils se joignaient à lui pour appeler de tous leurs vœux la défaite et le massacre de leurs propres concitoyens ; aveuglés par le fanatisme, ou avilis par l’esclavage, ils montraient pour ceux de leurs compatriotes qui voulaient secouer le joug une haine plus forte peut-être que celle des étrangers.

C’était surtout contre les habitants de Flessingue et des autres villes de Zélande, qui avaient embrassé le parti des révoltés, que se déchaînait la colère des habitants de l’Écluse. Quoique unis à ces mécontents par les liens d’une origine commune et d’une longue fraternité, l’esprit de parti étouffait dans leur cœur toute autre considération, et beaucoup d’entre eux protestaient qu’ils sacrifieraient volontiers leur fortune pour contribuer au supplice de ces ennemis du trône et de l’autel.

De pareils sentiments devaient choquer le cœur généreux de Marguerite. Souvent elle avait vu aborder à Bruges des familles d’insulaires zélandais ; elle avait admiré l’air d’innocence et de candeur des jeunes femmes de ce pays, la simplicité mâle de leurs époux et la noble gravité de leurs pères : c’étaient là ceux qu’on peignait maintenant comme des monstres, ceux qu’on voulait égorger, ceux dont il fallait submerger le pays, afin qu’il ne restât plus de vestiges d’un peuple si laborieux. À cette pensée, Marguerite frémissait ; il lui semblait que les Flamands qui l’entouraient étaient les plus dénaturés des hommes, s’ils approuvaient de tels desseins, ou les plus lâches, si, aimant encore leur pays, ils pouvaient garder le silence.

Des plateaux chargés de différentes sortes de vins avaient été présentés à toute l’assemblée. Chacun s’était armé d’un verre, et les dames elles-mêmes avaient accepté des boissons rafraîchissantes ; mais, selon la vieille coutume du pays, on attendait que le bourgmestre donnât l’exemple et le signal de boire, en portant un toast. L’honnête magistrat, qui ne tardait jamais en pareille occasion, s’était déjà avancé au milieu du cercle des dames ; déjà il avait salué profondément la baronne de Berghes, dont sans doute il allait proposer la santé, quand don Sandoval s’approcha de lui, et, de l’air le plus arrogant, lui mit la main sur la bouche, le repoussa en arrière et lui dit : Faites-moi le plaisir, mon cher bourgmestre, de me laisser cette fois remplir votre rôle.

Le bourgmestre n’était rien moins que querelleur, il connaissait l’humeur vindicative des Espagnols et craignait de s’y exposer ; il s’inclina donc, en signe d’assentiment, et se soumit à la nécessité.

Puisqu’il n’y a ici que de bons catholiques, et de fidèles royalistes, reprit alors l’Espagnol d’une voix forte, en agitant de la main gauche son chapeau garni de plumes,… buvons au châtiment des rebelles, à la prise de Flessingue, à l’humiliation du prince d’Orange !

En achevant ces mots il éleva son verre en l’air et le porta ensuite à la bouche : mais la liqueur n’atteignit point ses lèvres ; avant qu’il pût y toucher une main vigoureuse lui avait arraché le verre et l’avait lancé par la fenêtre.

À cette action imprévue il s’éleva une exclamation générale, suivie d’un long et profond silence : tous les regards étaient fixés sur le téméraire qui osait provoquer de la sorte un gentilhomme castillan, commandant de la garnison ; c’était un jeune marin. On ne remarquait dans son costume ni soie, ni velours, ni ganses d’or ; aucune broderie ne brillait sur sa poitrine, mais une large cicatrice sillonnait son front, et le feu du courage éclatait dans ses yeux.

Marguerite aussi avait jeté un regard sur ce téméraire ; mais à peine put-elle en croire le témoignage de ses sens quand elle reconnut ses traits à la fois nobles et doux, ce front calme, ce sourire fier et cet œil étincelant du compagnon de son enfance : c’était Louis de Winchestre.

Seul au milieu de plusieurs officiers qui déjà mettaient l’épée à la main, l’intrépide jeune homme semblait se croire invulnérable ; il ne faisait aucun mouvement pour se retirer ni pour se défendre, il ne prononçait pas une seule parole. Mais son regard semblait dire : ils n’oseraient.

Don Sandoval paraissait plongé dans une morne stupeur : trois fois il porta la main à son poignard, et trois fois la honte d’assassiner un homme sans défense l’arrêta. — Malheureux, dit-il enfin, qui es-tu ?

— Je suis Belge, répondit le jeune marin sans changer de contenance, et ce mot suffit pour justifier ma conduite ; mais, si vous voulez en apprendre davantage, je suis prêt à me faire connaître partout ailleurs qu’ici.

L’Espagnol pâlit et fit un pas en arrière. C’est un rebelle, murmura-t-il ; arrêtons-le, il a pris le parti des hérétiques.

— Oh ! non ! non ! s’écria Marguerite en étendant vers les officiers ses mains suppliantes.

— De grâce, seigneurs espagnols, dit le bourgmestre éperdu, point de violences dans ma maison !

— C’est un rebelle, répéta don Sandoval en dégainant son sabre.

— C’est au moins un patriote, reprit le jeune homme avec un regard assuré ; c’est un Flamand qui connaît ses droits et qui saura les défendre : attaquez-moi donc, si vous voulez.

En parlant ainsi il avait tiré de sa ceinture deux pistolets, dont la vue intimida les plus hardis. Profitant de leur hésitation il se retira à pas lents, sans que personne songeât à l’en empêcher.

Ce fut en vain que l’on voulut ensuite le poursuivre, on ne put découvrir ses traces, soit que le hasard l’eût favorisé, soit que ceux qui s’étaient élancés après lui craignissent de le rejoindre.

Le bourgmestre, auquel on demanda le nom et le rang de cet inconnu, ne sut que répondre : le prenant pour un officier de la flottille royaliste qui mouillait à l’embouchure de l’Escaut, il l’avait accueilli sans le questionner ; car comment le premier magistrat de la ville de l’Écluse eût-il soupçonné qu’un rebelle osât s’introduire dans sa maison ?

Marguerite, qui mieux que toute autre personne eût pu satisfaire la curiosité de l’assemblée, n’avait garde de trahir celui qu’elle aimait. Pour la baronne de Berghes, elle n’avait vu Louis de Winchestre que dans son enfance, et telle était d’ailleurs l’opinion qu’elle avait des seigneurs de Gruthuysen, que jamais la ressemblance la plus frappante n’eût pu lui faire soupçonner qu’un rejeton de cette illustre famille fût caché sous l’habit d’un marin.

Il fallut donc se contenter des conjectures plus ou moins probables auxquelles ses discours pouvaient donner lieu. Les uns ne virent en lui qu’un Belge ami de son pays, et choqué de l’orgueil et de la férocité des militaires espagnols ; d’autres pensèrent que c’était un de ces mécontents qui, sans lever ouvertement l’étendard de la révolte, redoutaient plus les rigueurs de la tyrannie que les désordres d’une excessive liberté : il y en eut aussi qui le regardèrent comme un espion des gueux de mer, et qui conclurent qu’il fallait le prendre… si on l’attrapait.

Un vieil Allemand, soldat de fortune, qui s’était élevé au rang de capitaine à force de services et de blessures, fut le dernier qui exprima son opinion. Je ne me connais pas fort bien aux distinctions politiques, dit-il en caressant de la main ses moustaches grises ; mais ce que j’ose vous assurer, c’est que ce jeune homme a le cœur d’un brave.



  1. Il y avait en effet un officier espagnol qui se donnait ce titre. (Chron. de Holl. 1. X, p. 246.)
  2. Tout le monde sait pourquoi les patriotes belges avaient dans le principe adopté le nom de gueux. Ce nom fut ensuite spécialement appliqué à ceux qui faisaient par terre ou par mer la guerre de partisans. — Aujourd’hui encore, dans les villes de Flandre, le peuple donne aux réformés le nom de Geuzen.
  3. Comme il y a des écrivains qui semblent se faire un devoir de flétrir la mémoire de ce grand homme, nous citerons ici le témoignage du plus illustre historien contemporain, le président de Tou, qui mérite doublement croyance : comme étranger, et par conséquent moins partial que les auteurs de notre pays, et comme ayant une juste réputation de sagesse et de véracité. « Jamais peut-être, dit-il, aucun homme n’avait réuni au même degré la prudence, la constance, la grandeur d’âme, l’amour de la justice, la patience et la modération. Prudentiam, constantiam, magnanimitatem, æquitatem, patientiam et moderationem, qua virtutes vix fortasse in ullo mortalium tanta simul fuerunt. De Thou, hist. lib. LXXIX in fine. »