Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton

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LE HIBOU DES JÉSUITES OPPOSÉ À LA CORNEILLE DE CHARENTON,

Répond au fol selon sa folie, de peur qu’il ne s’estime être sage. Proverb. 26. v. 5.

M. DC. XXIV. 3

LE HIBOU DES JÉSUITES opposé à la Corneille de Charenton.

Nos Adversaires ont plus de trompettes que nous n’avons de soldats. Il n’y a si malotru parmy eux qui ne se mêle d’écrire. Il n’y a si misérable écrit qui ne soi tympanisé sur le pont neuf. Ils ont les rieurs de leur côté, & on chante la Musique devant l’Idole. Et ne plus ne moins que lors que l’on expose en veuë quelque tableau ridicule, il y a plus de fols qui s’y amusent, qu’il n’y a d’hommes sages attentifs à contempler le portrait d’un beau visage, les écrits les plus grotesques sont le passe-temps des idiots : le diable sait qu’au son de l’Évangile doivent tomber les murailles de Babylon : C’est pourquoy aussi-tôt

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qu’un fidèle serviteur de Dieu publie quelque vérité, il fait du bruict de tous côté, pour l'empêcher d'être ouye, mais malgré tous ses efforts le son en sera porté jusques au bout du monde, & enfin le mensonge aura la bouche close.

Mosieur Mestrezat ayant depuis peu de jours mis en lumière un docte & solide traicté de la Communion à Jésus-Christ au Sacrement de l'Eucharistie. Nos Adeversaires s'en sont grandement émeus, & le menacent de vous côtez. Et pour commencer l’escarmouche, Veron s'est advancé avec un sac d'injures. Puisque ces gens crient si haut, c'est un témoignage qu'ils se sentent picquez au vif : & puisqu’il sne répondent qu'en injures, c'est une preuve certaine que la raison leur manque. Veron qui fait le bâteleur avait peur qu'on le mécongneust, c’est pourquoy au frontispice de son admirable chef-d’œuvre, il a mis une pièce du métier, une marque de sa folie : Il intitule son livret la Corneille de Charenton. Ne plus ne moins que les enfans ont une forme d’oyseau qu’ils élèvent en l'air pour se donner du passe-temps. Ce maître bouffon ayant de la légèreté de sa cervelle engendré un oyfeau, tâche de le faire voller pour apprêter à rire au monde : mais cet oyseau ne tient qu’à un filet pourry qui se rompt de soy-même à la confusion de l’oyseleur. Cependant je ne puis penser pourquoy cet impertinent compare M. Mestrezat à la Corneille, si ce n’est-d’autant qu’il s’est attaqué à l’idolâtrie de l’Église romaine : car de dire qu’il n'a fait que transeri6

re les œuvres d'autruy, c'est un impudent mensonge. Comme le yvrognes croyent voir plusieurs Soleils, cet homme est tellement enyvré de sa passion, qui croit appercevoir plusieurs livres du tout semblables, il en voit même qui ne furent jamais comme le livre prétendu de M. Turretin, peut-être, qu'il veut dire de M. leVeilleux, mais il en parle comme un aveugle des couleurs. L'éclat de la vérité luy a donné dans la veuë, il en est éblouy, & la tête luy tourne. Il implore le secours du Roy, des Maréchaux de France, de l'assemblée de Charenron, il ne sçait où il en est. Pour redresser ce Docteur égaré, nous luy soutenons qu’entre l'écrit de M. Mestrezat & ceux de nos autres Docteurs qui ont écrit sur le même subject il se trouveras non une identité, mais une 7 conformité, & certes si notre homme pouvoit confesser la vérité, il nous advoüeroit que c'est ce qui le fait crever de dépitn car il voudroit les voir comme Madianites tirer l'épée l'un contre l'autre. Il se sont tous servis d'une même épée, mais ils l'ont diversement affilée, les uns en ont tranché d'un côté, les autres de l'autre, mais tous-ensemble en ont coupé les nœuds entortillez de la superstition,

Mais pour monstrer que M. Mestrezat n’a fait que tourner en François le Latin de Dominis, le sieur Veron met en avant une preuve feriale. Il ne faut, dit-il, que lire leurs indices, il y a en Dominis Appendices à Justin le Martyr, appendices à Irenée, etc. & en Mestrezat de S. Justin le Martyr, de S. Irenée, etc. Ô le Théologien admirable ! & qui se fut jamais 8

advisé d'une telle subtilité ? Dominis & M. Meftrezat s’estoiene. proposé un même but, assavoir de monstrer que les Docteurs de l'Eglise ancienne n’ont point eu la créance de l’Église romaine au poinct de l’Eucharistie. Pour parvenir à ce but, il faloit necessairement ou qu’ils confondissent, l'ordre des siècles & des Docteurs qui ont vécu en iceux, ou qu’ils les examinassent d’un même ordre. Joignez à cela que l’un & l’autre avoient un même but particulier, assavoir de réfuter le Cardinal.du, Perron, ils étoient donc obligez l’un & l'autre de suivre du Perron pas à pas, & ainsi se rencontrer en un même ordre. Mais si le corps des deux livres est une même chose, pourquoy est- ce que Veron qui met les indices en Parrallèlles, n’opposoit aussi chapitre à 9

à chapitre, ou pour le moins période à période ? Certes si ce luy eût été chose possible, il n'y eût pas manqué, mais il écript contre sa conscience, & impose d’autant plus hardiment aux leteurs qu’il sçaits, que de mille il n'y en a pas un qui ait leu Dominis, & que peu se travailleront à examiner son livre. Que tout amateur de vérité prenne la peine de confronter les écrits de part & d’autre, & il recognoistra combien cet imposteur est impudent. Il n’est pas moins ridicule de croire que ce seroit un opprobre à un des nôtres d’avoir imité de Dominis, en ce qu’il a fait de bien : car selon le précepte de l'Apôtre, en la première aux Thessaloniciens, chapitre 5. Il faut éprouver toutes choses, & retenir ce qui est bon. 10

Ce misérable homme ayant plus Je science que de conscience, après avoir été quelque temps parmy nous, est retourné comme le chien son vomissement, & la truye lavée au bourbier ayant aymé ce present siècle, il nous a abandonné. Cependant il a frappé dans le sein de la grande paillarde, & la playe n’en sera jamais guérie. Il est retourne en Égypte, mais ses œuvres plus précieuses que l’or sont demeurées pour ornement au tabernacle, Ses écrits vivront après luy, & luy feront son procès au jour du Jugement. Nous avons été enrichis de ses dépoüilles , & les conserverons comme un thrésor à la postérité. Quoy que ce foient les armes d’un Goliath vaincu, si est-ce qu’elles serviront a jamais de trophées à l’Église, elles demeureront appenduës en la maison de Dieu, & 11

les oincts du Seigneur n’auront point de honte de les employer a combattre le mensonge. Or encore que Veron ayt sans raison & contre la vérité accusé M. Mestrezat de s'être paré des plumes d’autruy, si est-ce qu’il n’a que faire de craindre une récrimination de pareille nature. Nous n'avons garde de dire qu’il a inséré en ses écrits le labeur d’autruy, car personne avant luy ne est advisé de si mal faire. Pour trouver ce Veron, il le faut cercher dedans sa propre écume : car tout ce qu’il dit n’est qu'une rapsodie de ses autres écrits. Ce sont des choux recuits qui font mal au cœur. Cet homme ne pouvant acquérir de la gloire par la qualité de ses écrits tâche de se rendre recommendable par la quantité diceux. Il croit avoir affaire à des personnes 12 sonnes qui conteront ses paroles au lieu de peser les raisons. C'est pour- quoy il tache de remplir le monde de ses beaux livres , & les recommande au prône. C'est un homme prévoyant, il a eu peur que les beurrières n'eussent faute de papier : Si elles sont bien conseillées, elles deputeront vers luy pour l’encourager de continuer de bien en mieux.

Or comme nous aurions tort de comparer Veron à la Corneille d’Homere, aussi d’autre côté sommes- nous fondes en très bonne raison, de l'appeller le Hibou des Jesuites, Car ne plus ne moins que les autres oiseaux ne souffrent point le Hibou en leur compagnie, les Jefuites n'ont peu souffrir Veron, ils l'ont banny de leur société, tellement que de le Jésuite il est devenu Pretre seculier. C'est la compagnie qui n’est point 13

destituée de la prudence de ce siècle, a prévu les équipées de Veron, & n’a point voulu être chargée de son opprobre, il leur a semble trop ridicule pour un Jésuite. 2. Ajoutez a cela que le Hibou ne peut suporter la lumière du Soleil, aussi Veron ne peut souffrir l'éclat de la vérité, il se cache dans les ténèbres du mensonge. 3. Le Hibou est un oiseau de mauvais augure, personne ne se plait a le savoir sur sa maison : Si quelqu’un prend plaisir en la compagnie de Veron, dites assurément qu'il chemine en ténèbres, il est prés de tomber dans le sépulcre de l'erreur : car à ceux qui aiment la piété & la vertu, c’est un personnage tellement odieux & insupportable, que d’orenavant on dira importun comme Veron. 4. Il n'y a point d’oiseau plus puant que le Hibou : 14 tout ce qui sort de la bouche de Veron est pure infection, Bien punais qui ne le sent. 5. ll n'y a poing de cry plus desagreable que celuy du Hibou: Jamais homme ne parla avec moins d'éloquence que Veron : Il n'y a rien de plus fade que ses livres, les Secretaires des Saincts Innocents écrivent de meilleure grâce. 6. On dit qu'un jour l’Aigle proposa en plein Conseil de recevoir en sa Cour les petits des oiseaux qui se trouveroient de plus grande beauté : chaque oiseau vouloit présenter les siens, mais le Hibou dit à l'aigle, ma Princesse reçoy les miens qui surpassent tous les autres en beauté : l'Aigle demande de quelle beauté sont ses petits ? & le Hibou répond, d’une beauté semblable à la mienne, & alors tous les autres oiseaux se prirent à rire de15 démesurément. Il semble que cette fable ayt été composée expressément pour représenter Veron qui prend la hardiesse de présenter ses écrits a Aigle de la France, & les croit parfaitement beaux, pour ce qu'ils portent son plumage.

Que si vous me demandez quel est le plumage de ce Hibou: Je répons qu'il est compose de ces dix plumes principales, l'ignorance, l'impertinence, l'insolence, l'imposture, l'impudence, le mensonge,la jactance, les injures, la bouffonnerie & l’impiété.

Son ignorance est palpable, il se mêle d'écrire & n’entend pas l'état des controverses : il estime que nous croyons ne recevoir en la Cène que des figures, & que notre union a Jésus-Christ ne consiste qu'en imagination : & d'autant que 16 M. Mestrezat conformément à la doctrine de toutes nos Eglises Reformées enseigne en son traité, que les signes ne sont pas seulement figuratifs, mais aussi exhibitifs de la grâce de Dieu, & qu'approchans de la Table du Seigneur avec foy & repentance nous recevons non seulement le pain & le vin, mais aussi le Corps & le Sang de Jésus-Christ, dont nos âmes sont nourries spirituellement en l'espérance de la vie éternelle, d'autant (disie) que le dit Sieur enseigne ces choses, il estime qu'il est Heresiarque Prevôtable en France, & qu'il doit être châtié par ceux de son party. Quoy Docteur! Est-ce être Heresiarque d'enseigner une doctrine reçue en l'Eglise, il y a plus de seize cens ans? est-ce un crime Prevotable de dire que Jésus-Christ nous |17

nous est exhibé en la Cene ? Enseigner la Communion à Jesus Christ, est-ce un sujet pour exclurre quelqu'un de la Communion des fideles ? Certes si Veron attend à rentrer en* la Compagnie des Jesuittes, que M. Mestrezat soit abandonné de son party, il est en danger de ne porter jamais agraffe.

On ne vid jamais de telles impertinences que celles de Veron : Ceux qui tiennent le milieu entre deux opinions par une nouvelle Rhetorique ; il les appelle Hermaphrodites en Religion : Si ces paroles étoient de meilleure grâce, nous aurions juste sujet de les appliquer à Veron, qui fait ensemble le métier de bateleur & de Theologien. Pensant avoir trouvé la fève au gâteau, il promet d'immoler une Corneille a la risée publique, & cependant il 18 conuie le Roy au Sacrifice. Rappportez icy le tiltre ferial qu'il met en sa methode , Reponfe generale a tous les livres de Calvin, Beze,du Plef- fis, Rewet, Kemmmcius ,Vorfts: aux Confe/sions a Ausbourg de Saxe, d'Angleterre, et à tous les livres et prêches des MINISTRES, presens et futurs. Il devoit plutôt dire, reponse à ce qui n’a point été écrit, & qui ne le sera jamais, & il eût mieux rencontré.

Son insolence est toute manifeste, car à un livre sérieux plein de doctrine & de lecture, il oppose un écrit ridicule, où il ne parle que de Corneilles & de Lapreaux, Digne certes de se cacher dans le clapied, si ce n'est qu'il ayme mieux prêcher aux Hiboux & aux Verons à l'imitation de saint François qui préchoit aux oiseaux & aux poissons Page:Jean Mestrezat - Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton.djvu/22 Page:Jean Mestrezat - Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton.djvu/23 Page:Jean Mestrezat - Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton.djvu/24 Page:Jean Mestrezat - Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton.djvu/25 Page:Jean Mestrezat - Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton.djvu/26 Page:Jean Mestrezat - Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton.djvu/27 Page:Jean Mestrezat - Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton.djvu/28 Page:Jean Mestrezat - Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton.djvu/29 Page:Jean Mestrezat - Le Hibou des Jésuites opposé à la corneille de Charenton.djvu/30