Le Jardin de la Nuit (RDDM)/Offrande funéraire

La bibliothèque libre.

Pour les autres éditions de ce texte, voir Offrande funéraire.

Le Jardin de la Nuit (RDDM)
Revue des Deux Mondes4e période, tome 127 (p. 910-911).

OFFRANDE FUNÉRAIRE


Viens. Le soir assombrit le fleuve aux calmes eaux
Et la berge est humide où nous cueillons encore,
Au murmure plus frais du vent dans les roseaux,
Les fleurs du crépuscule après les fleurs d’aurore.

Tes pas comme les miens sont graves au retour
Et le cœur est plus faible alors que la nuit tombe.
Notre joie a cueilli toutes les fleurs du jour ;
Nous les déposerons sur la prochaine tombe.

Ces fleurs qui nous lassaient de leur poids parfumé
Couvriront le tombeau des mortes, nos sœurs tristes
Le narcisse mourant pour s’être trop aimé,
Les iris violets comme les améthystes,

Les nénuphars couleur de l’aube, les lys d’eau,
La jacinthe irisée ainsi que les opales,
Les fleurs qui nous chargeaient d’un odorant fardeau
Couvriront le tombeau des mortes, nos sœurs pâles.


Près de la tombe en fleur courbant nos jeunes fronts,
Restons pieusement dans l’herbe agenouillées ;
Nous qui vivons, pensons au jour où nous serons
Sous un tertre inconnu des mortes oubliées.

Effleurant d’un pied d’ombre un gazon ténébreux,
Nous rejoindrons l’essaim des âmes fugitives
Et nos mains cueilleront, loin de ces bords heureux,
Les iris noirs éclos aux stygiennes rives.