Le Jardin des dieux/Sous l’œil des hublots/Les Conquérants
LES CONQUÉRANTS
Nous apportons au fond de nos caisses profondes
L’amertume et l’alcool
Et nous venons vers eux, las de courir le monde,
Pour un suprême viol !
Notre ivresse, déjà, d’une haleine fétide
Empeste les jardins
Où les femmes rêvaient, jaunes cariatides,
Sous les arbres à pain.
Bientôt, elles viendront toucher loin de la hutte
Nos casques d’hommes blancs,
Bientôt, nous les aurons dans nos poignes de brute,
Les doux poignets tremblants,
Et les hommes, bientôt, pour nos laines communes,
Donneront sans compter
Tous leurs barils de nacre où le lait de la lune,
À jamais, est resté !
Et nous leur offrirons de belles carabines
— Nos Winchester charmants —
Afin que dans les soirs où l’absinthe embobine
Ils se tuent promptement.
Nous construirons un bar lourd comme ceux de Londres,
En acajou massif,
Et là, tout à loisir, comme nous saurons tondre
Ces grands diables naïfs !
Que l’Océan rageur sur les brisants déferle,
Malmenant nos engins,
Nous aurons son corail et ses plus grosses perles
Pour un verre de gin.
Allons ! faisons puer de notre gazoline
Le lac si bien conquis
Et que notre remords à tout jamais décline
À l’aube du wisky !