Le Journal d’une femme/II/V

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Calmann Lévy (p. 341-343).
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V


J’ai passé toute la nuit debout, songeant à tout cela. Toute la nuit, j’ai revu dans son lit de neige ma chère petite amie d’enfance, et je me suis juré de faire pour elle ce que j’aurais voulu qu’elle fît pour moi, — de protéger sa mémoire jusqu’au bout, même aux dépens de mon bonheur, même aux dépens de ma vie, de défendre son honneur à tout prix, — de la laisser, ma pauvre petite morte, pure et blanche dans le souvenir de tous… Dors en paix, ma chérie ! Dieu seul et moi nous connaîtrons ta faute !

Je viens de brûler son billet funèbre, — l’unique preuve.

J’ai écrit à M. d’Éblis que je le priais de m’épargner son dernier adieu. Je ne le verrai plus. — Me voilà seule, seule à jamais.

… Mais tu me restes, ma fille… J’écris ces dernières lignes auprès de ton berceau… J’espère mettre un jour ces pages dans ta corbeille de jeune femme, mon enfant : elles te feront peut-être aimer ta pauvre mère romanesque… Tu apprendras peut-être d’elle que la passion et le roman sont bons quelquefois avec l’aide de Dieu, qu’ils élèvent les cœurs, qu’ils leur enseignent les devoirs supérieurs, les grands sacrifices, les hautes joies de la vie… — Je pleure, c’est vrai, en te le disant ; mais il y a, crois-moi, des larmes qui font envie aux anges !



FIN