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Le Jubilé, suivie de deux autres ouvrages/Le Jubilé

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LE JUBILÉ,




ODE


J’ai vu l’Impiété, de forfaits surchargée,
Triomphante, & par-tout en Sagesse érigée,
Sur nos Autels détruits marcher impunément :
Ses Soldats, du Très-haut vainqueurs imaginaires,
Par ces blasphèmes téméraires,
Annonçoient aux mortels leur gloire d’un moment.




» Nous t’avons sans retour convaincu d’imposture,
» Ô Christ ! toi qui disois : ma Loi solide & pure
» Doit survivre au soleil, allumé par mes mains :
» Le soleil luit encore & dément ta parole ;
» Mais où règne ta Loi frivole,
» Fantôme, autrefois Dieu des crédules humains.




» Les Peuples ne vont plus, aveuglés par tes Mages,
» Suspendre leurs présens autour de tes images,
» Tributaires craintifs d’un bois mangé des vers.
» L’enfant même se rit de la mère insensée
» Qui veut dans sa jeune pensée
» Graver un Dieu menteur, banni de l’univers.




 » Tombez, Temples déserts, désormais inutiles !
» L’oiseau seul de la nuit, ou des prêtres serviles
» Fréquentent de vos murs la sombre & vaste horreur.
» Embrasez-vous, Autels ! Rentrent dans la poussière,
» Avec leur Idole grossière,
» Tous ces Tirans sacrés qui trafiquent l’erreur ».




Ainsi parloit hier un peuple de faux Sages.
Si le Roi des Soleils, sensible à leurs outrages,
Eût dit dans sa pensée : ingrats, vous périrés ;
Le tonnerre vengeur, éveillé de soi-même,
Devinant son ordre suprême,
Les auroit parmi nous choisis & dévorés.




Mais tu l’as commandé ; la foudre est assoupie ;
Grand Dieu ! tu veux confondre & non perdre l’impie.
» Fais triompher ma Loi, renais, temps précieux,
» Ô temps où de la grace ouvrant la source immense,
» Durant deux saisons de clémence,
» Mon Église élargit l’étroit sentier des Cieux ».




Hé bien, Sages d’un jour ! ces temps viennent d’éclorre ;
Demandez au Seigneur où sa Loi règne encore ;
La Loi du Tout-Puissant fleurit dans nos cités ;
Elle charme vos fils ; elle enchaîne vos femmes ;
Elle vit même dans vos ames
Dont l’orgueil déicide étouffoit ses clartés.




Ouvrez les yeux ; pleurez vos triomphes stériles.
Ô Babilone impure ! ô Reine de nos Villes,
Long-temps d’un peuple athée exécrable séjour !
Dis nous : n’es-tu donc plus cette cité hautaine
Où l’Impiété Souveraine
Avoit placé son trône & rassemblé sa cour.




Sitôt qu’aux champs de l’air l’œil du jour étincelle,
Sur les pas de la Croix qui marche devant elle,
Toute une nation, les enfans, les vieillards,
Les vierges, les époux, les esclaves, leurs maîtres,
Conduits en ordre par nos prêtres,
Du nom de l’Éternel remplissent tes remparts.




Mais que vois-je ? où vont-ils ces fils de la Victoire,
Ces guerriers mutilés, chargés d’ans & de gloire,
Restes d’hommes, jadis l’effroi de nos Rivaux ?
Pourquoi ce front baissé, ces bras dépouillés d’armes ?
Pourquoi ces prières, ces larmes
Et ces Chefs consternés qui suivent leurs drapeaux ?




Ô ferveur ! ô d’un Dieu triomphe mémorable !
Pleins de la même foi, que ce peuple innombrable,
Dans cet humble appareil implorant ta pitié,
Seigneur, ils vont t’offrir, pour calmer tes vengeances,
Et leurs lauriers & les souffrances
D’un corps, dont le tombeau possède la moitié.




Ciel ! quel vaste concours ! aggrandissez-vous, Temples !
Peuples, prosternez-vous ! Soleil, qui les contemples,
Éclairas-tu jamais des spectacles plus saints ?
Torrens des airs, craignez d’interrompre ces fêtes !
Taisez-vous, Foudres & Tempêtes !
Jours de paix, levez-vous toujours clairs & sereins.




Tu peux enfin cesser tes plaintes maternelles,
Sion ! quitte ce deuil ; vois tes enfans rebelles
Dans ces temps de pardon, revôler dans tes bras.
Tout marche, tout fléchit sous ta Loi fortunée ;
Et l’Impiété détrônée
Cherche où fut son empire & ne le trouve pas.