Le Juif errant (Eugène Sue)/Partie VI/21

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Méline, Cans et compagnie (3-4p. 18-34).
Sixième partie : L’hôtel de Saint-Dizier


XXI


Le complot.


L’abbé marquis d’Aigrigny était, on l’a facilement deviné, le personnage que l’on a déjà vu rue du Milieu-des-Ursins, d’où il était parti pour Rome, il y avait de cela trois mois environ.

Le marquis était vêtu de grand deuil, avec son élégance accoutumée. Il ne portait pas de soutane ; sa redingote noire, assez juste, et son gilet bien serré aux hanches, faisaient valoir l’élégance de sa taille ; son pantalon de casimir noir découvrait son pied parfaitement chaussé de brodequins vernis. Enfin sa tonsure disparaissait au milieu de la légère calvitie qui avait un peu dégarni la partie postérieure de sa tête. Rien dans son costume ne décelait, pour ainsi dire, le prêtre, sauf peut-être le manque absolu de favoris, remarquable sur une figure aussi virile ; son menton, fraîchement rasé, s’appuyait sur une haute et ample cravate noire nouée avec une crânerie militaire qui rappelait que cet abbé marquis, que ce prédicateur en renom, alors l’un des chefs les plus actifs et les plus influents de son ordre, avait, sous la restauration, commandé un régiment de hussards, après avoir fait la guerre avec les Russes contre la France.

Arrivé seulement le matin, le marquis n’avait pas revu la princesse depuis que sa mère à lui, la marquise douairière d’Aigrigny, était morte auprès de Dunkerque, dans une terre appartenant à madame de Saint-Dizier, en appelant en vain son fils pour adoucir l’amertume de ses derniers moments ; mais un ordre, auquel M. d’Aigrigny avait dû sacrifier les sentiments les plus sacrés de la nature lui ayant été subitement transmis de Rome, il était aussitôt parti pour cette ville, non sans un mouvement d’hésitation remarqué et dénoncé par Rodin ; car l’amour de M. d’Aigrigny pour sa mère avait été le seul sentiment pur qui eût constamment traversé sa vie.

Lorsque le valet de chambre se fut discrètement retiré avec madame Grivois, le marquis s’approcha vivement de la princesse, lui tendit la main et lui dit d’une voix émue :

— Herminie… ne m’avez-vous pas caché quelque chose dans vos lettres ?… À ses derniers moments, ma mère m’a maudit ?

— Non, non, Frédérik… rassurez-vous… Elle eût désiré votre présence… Mais bientôt ses idées se sont troublées, et dans son délire… c’était encore vous… qu’elle appelait…

— Oui, dit le marquis avec amertume, son instinct maternel lui disait sans doute que ma présence aurait peut-être pu la rendre à la vie…

— Je vous en prie… oubliez de si tristes souvenirs… Ce malheur est irréparable.

— Une dernière fois, répétez-le-moi… vraiment, ma mère n’a pas été cruellement affectée de mon absence ?… Elle n’a pas soupçonné qu’un devoir plus impérieux m’appelait ailleurs ?

— Non, non, vous dis-je… lorsque sa raison s’est troublée, elle savait que vous n’aviez pas encore eu le temps d’être rendu près d’elle… Tous les tristes détails que je vous ai écrits à ce sujet sont de la plus exacte vérité. Ainsi rassurez-vous…

— Oui… ma conscience devrait être tranquille… j’ai obéi à mon devoir en sacrifiant ma mère, et pourtant, malgré moi, je n’ai jamais pu parvenir à ce complet détachement qui nous est commandé par ces terribles paroles : Celui qui ne hait pas son père, et sa mère et jusqu’à son âme, ne peut être mon disciple[1].

— Sans doute, Frédérik, ces renoncements sont pénibles ; mais, en échange, que d’influence !… que de pouvoir !

— Il est vrai, dit le marquis après un moment de silence, que ne sacrifierait-on pas pour régner dans l’ombre sur ces tout-puissants de la terre qui règnent au grand jour ? Ce voyage à Rome que je viens de faire… m’a donné une nouvelle idée de notre formidable pouvoir

— Oh ! oui, ce pouvoir est grand, bien grand, dit la princesse, et d’autant plus formidable et plus sûr qu’il s’exerce mystérieusement sur les esprits et sur les consciences.

— Tenez, Herminie, j’ai eu sous mes ordres un régiment magnifique ; bien souvent, j’ai éprouvé la mâle et profonde jouissance du commandement… à ma voix, mes cavaliers s’ébranlaient, les fanfares sonnaient, mes officiers, étincelants de broderies d’or, couraient au galop répéter mes ordres : tous ces soldats, braves, ardents, cicatrisés par la bataille, obéissaient à un signe de moi ; je me sentais fier et fort, tenant pour ainsi dire dans ma main tous ces courages que je maîtrisais, comme je maîtrisais la fougue de mon cheval de bataille… Eh bien ! aujourd’hui, malgré nos mauvais jours… je me sens mille fois plus d’action, plus d’autorité, plus de force, plus d’audace, à la tête de cette milice noire et muette, qui pense, veut, va et obéit machinalement selon ma volonté !

— Combien vous avez raison, Frédérik !… reprit vivement la princesse, avec quel mépris on songe au passé !… Comme vous, souvent, je le compare au présent, et alors quelle satisfaction je ressens d’avoir suivi vos conseils ! Car, enfin, sans vous je jouerais le rôle misérable et ridicule que joue toujours une femme sur le retour lorsqu’elle a été belle et entourée… Que ferais-je à cette heure ? Je m’efforcerais en vain de retenir autour de moi ce monde égoïste et ingrat, ces hommes grossiers qui ne s’occupent des femmes que tant qu’elles peuvent servir à leurs passions ou flatter leur vanité ; ou bien il me resterait la ressource de tenir ce qu’on appelle une maison agréable… pour les autres… oui… donner des fêtes, c’est-à-dire recevoir une foule d’indifférents, et offrir des occasions de se rencontrer à de jeunes couples amoureux qui, se suivant chaque soir de salon en salon, ne viennent chez vous que pour se trouver ensemble ; stupide plaisir en vérité que d’héberger cette jeunesse épanouie, riante, amoureuse, qui regarde le luxe et l’éclat dont on l’entoure, comme le cadre obligé de ses joies et de ses amours insolents.

Il y avait tant de dureté dans les paroles de la princesse, et sa physionomie exprimait une envie si haineuse, que la violente amertume de ses regrets se trahissait malgré elle.

— Non, non, reprit-elle, grâce à vous, Frédérik, après un dernier et éclatant triomphe, j’ai rompu sans retour avec ce monde qui bientôt m’aurait abandonnée, moi si longtemps son idole et sa reine ; j’ai changé de royaume ;… au lieu d’hommes dissipés, que je dominais par une frivolité supérieure à la leur, je me suis vue entourée d’hommes considérables, redoutés, tout-puissants, dont plusieurs gouvernaient l’État ; je me suis dévouée à eux comme ils se sont dévoués à moi. Alors seulement j’ai joui du bonheur que j’avais toujours rêvé… j’ai eu une part active, une forte influence dans les plus grands intérêts du monde ; j’ai été initiée aux secrets les plus graves ; j’ai pu frapper sûrement qui m’avait raillée ou haïe ; j’ai pu élever au-delà de leurs espérances ceux qui me servaient, me respectaient et m’obéissaient.

— Et il y a des fous… des aveugles qui nous croient abattus parce que nous avons à lutter contre quelques mauvais jours, dit M. d’Aigrigny avec dédain, comme si nous n’étions pas surtout fondés, organisés pour la lutte… comme si dans la lutte nous ne puisions pas une force, une activité nouvelle… Sans doute les temps sont mauvais… mais ils deviendront meilleurs… Et vous le savez, il est presque certain que dans quelques jours, le 13 février, nous disposerons d’un moyen d’action assez puissant pour rétablir notre influence un moment ébranlée…

— Ah ! sans doute ! cette affaire des médailles est si importantes !

— Je n’avais autant de hâte d’être de retour ici que pour assister à ce qui peut être pour nous un si grand événement.

— Vous avez su… la fatalité qui encore une fois a failli renverser tant de projets si laborieusement conçus.

— Oui, tout à l’heure en arrivant j’ai vu Rodin…

— Il vous a dit…

— L’inconcevable arrivée de l’Indien et des filles du général Simon au château de Cardoville après le double naufrage qui les a jetés sur la côte… de Picardie… Et l’on croyait les jeunes filles à Leipzig… l’Indien à Java… Les précautions étaient si bien prises… En vérité, ajouta le marquis avec dépit, on dirait qu’une invisible puissance protège cette famille !

— Heureusement Rodin est homme de ressources et d’activité, reprit la princesse ; il est venu hier soir… nous avons longuement causé.

— Et le résultat de votre entretien est excellent. Le soldat va être éloigné pendant deux jours… le confesseur de sa femme est prévenu, le reste ira de soi-même… demain ces jeunes filles ne seront plus à craindre… Reste l’Indien… il est demeuré à Cardoville assez dangereusement blessé ; on aura donc du temps pour agir…

— Mais ce n’est pas tout, reprit la princesse, il y a encore, sans compter ma nièce, deux personnes qui, pour nos intérêts, ne doivent pas se trouver à Paris le 13 février.

— Oui, M. Hardy ; mais son ami le plus cher, le plus intime, le trahit, et, par lui, on a attiré M. Hardy dans le Midi, d’où il est presque impossible qu’il revienne avant un mois. Quant à ce misérable ouvrier vagabond, surnommé Couche-tout-Nu…

— Ah !… fit la princesse avec une exclamation de pudeur révoltée…

— Cet homme ne nous inquiète pas… Enfin Gabriel, sur qui repose notre espoir certain, ne sera pas abandonné d’une minute jusqu’au grand jour ;… tout semble donc nous promettre le succès… et plus que jamais… il faut à tout prix obtenir ce succès. C’est pour nous une question de vie ou de mort… car en revenant, je me suis arrêté à Forli… J’ai vu le duc d’Orbano ; son influence sur l’esprit du roi est toute-puissante… absolue… il a complètement accaparé son esprit, c’est donc avec le duc seul qu’il est possible de traiter…

— Eh bien ?

— D’Orbano se fait fort, et il le peut, je le sais, de nous assurer une existence légale, hautement protégée dans les États de son maître, avec le privilège exclusif de l’éducation de la jeunesse… Grâce à de tels avantages, il ne nous faudrait pas en ce pays plus de deux ou trois ans pour y être tellement enracinés, que ce serait au duc d’Orbano à nous demander soutien et protection à son tour ; mais aujourd’hui, il peut tout, et il met une condition absolue à ses services.

— Et cette condition ?

— Cinq millions comptant, et une pension annuelle de cent mille francs.

— C’est beaucoup !…

— Et c’est peu, si l’on songe qu’une fois le pied dans ce pays, on rentrerait promptement dans cette somme qui, après tout, est à peine la huitième partie de celle que l’affaire des médailles, heureusement conduite, doit assurer à l’ordre.

— Oui… près de quarante millions…, dit la princesse d’un air pensif.

— Et encore… ces cinq millions que d’Orbano demande ne seraient qu’une avance… ils nous rentreraient par les dons volontaires, en raison même de l’accroissement d’influence que nous donnerait l’éducation des enfants, car, par eux, nous aurions la famille. Eh ! mon Dieu ! ceux qui gouvernent ne voient donc pas qu’en faisant nos affaires nous faisons les leurs… qu’en nous abandonnant l’éducation, ce que nous demandons avant toute chose, nous façonnerons le peuple à cette obéissance muette et morne, à cette soumission de serf et de brute, qui assure le repos des États par l’immobilité de l’esprit ; ils ne voient donc pas enfin que cette foi aveugle, passive, que nous demandons à la masse, doit leur servir de frein pour la conduire et la mater… tandis que nous demandons aux heureux du monde seulement des apparences qui devraient, s’ils avaient seulement l’intelligence de leur corruption, donner un stimulant de plus à leurs plaisirs.

— Il n’importe, Frédérik, reprit la princesse, ainsi que vous le dites, un grand jour approche… avec près de quarante millions que l’ordre peut posséder par l’heureux succès de l’affaire des médailles… on peut tenter sûrement bien de grandes choses… Comme levier, entre vos mains un tel moyen d’action serait d’une portée incalculable, dans ce temps où tout se vend et s’achète.

— Et puis, reprit M. d’Aigrigny d’un air pensif, il ne faut pas se le dissimuler… ici la réaction continue… l’exemple de la France est tout… C’est à peine si en Autriche et en Hollande nous pouvons nous maintenir ;… les ressources de l’ordre diminuent de jour en jour. C’est un moment de crise ; mais il peut se prolonger. Aussi, grâce à cette ressource immense… de l’affaire des médailles, nous pouvons non-seulement braver toutes les éventualités, mais encore nous établir puissamment, grâce à l’offre du duc d’Orbano, que nous acceptons… alors, de ce centre inexpugnable, notre rayonnement serait incalculable… Ah !… le 13 février, ajouta M. d’Aigrigny après un moment de silence, en secouant la tête, le 13 février peut être pour notre puissance une date aussi fameuse que celle du concile qui nous a donné, pour ainsi dire, une nouvelle vie.

— Aussi ne faut-il rien épargner, dit la princesse, pour réussir à tout prix… Des six personnes que vous avez à craindre, cinq sont ou seront hors d’état de vous nuire… Il reste donc ma nièce… et vous savez que je n’attendais que votre arrivée pour prendre une dernière résolution… Toutes mes dispositions sont prises, et, ce matin même… nous commencerons à agir…

— Vos soupçons ont-ils augmenté depuis votre dernière lettre ?

— Oui… je suis certaine qu’elle est plus instruite qu’elle ne veut le paraître ;… et dans ce cas, nous n’aurions pas de plus dangereuse ennemie.

— Telle a été toujours mon opinion… Aussi, il y a six mois, vous ai-je engagée à prendre en tous cas les mesures que vous avez prises, à provoquer de sa part cette demande d’émancipation dont les conséquences rendent facile aujourd’hui ce qui sans cela eût été impossible.

— Enfin, dit la princesse avec une expression de joie haineuse et amère, ce caractère indomptable sera brisé ; je vais enfin être vengée de tant d’insolents sarcasmes que j’ai été obligée de dévorer, pour ne pas éveiller ses soupçons ; moi… moi avoir tant supporté jusqu’ici… car cette Adrienne a pris comme à tâche, l’imprudente… de m’irriter contre elle…

— Qui vous offense… m’offense… vous le savez, mes haines sont les vôtres…

— Et vous-même… combien de fois avez-vous été en butte à sa poignante ironie !

— Mes instincts m’ont rarement trompé ;… je suis certain que cette jeune fille peut être pour nous un ennemi dangereux… très-dangereux, dit le marquis d’une voix brève et dure.

— Aussi faut-il qu’elle ne soit plus à craindre, répondit madame de Saint-Dizier en regardant fixement le marquis.

— Avez-vous vu le docteur Baleinier et le subrogé tuteur, M. Tripeaud ? demanda-t-il.

— Ils seront ici ce matin… je les ai avertis de tout.

— Vous les avez trouvés bien disposés contre elle ?

— Parfaitement… Ce qui est précieux, c’est qu’Adrienne ne se défie en rien du docteur, qui a toujours su conserver sa confiance… Du reste, une circonstance qui me semble inexplicable vient encore à notre aide.

— Que voulez-vous dire ?

— Ce matin, madame Grivois est allée, selon mes ordres, rappeler à Adrienne que je l’attendais à midi pour une affaire importante. En approchant du pavillon, madame Grivois a vu ou a cru voir Adrienne rentrer par la petite porte du jardin.

— Que dites-vous ?… Serait-il possible ! En a-t-on la preuve positive ? s’écria le marquis.

— Jusqu’à présent, il n’y a pas d’autre preuve que la déposition spontanée de madame Grivois ; mais j’y songe, dit la princesse en prenant un papier placé auprès d’elle, voici le rapport que me fait chaque jour une des femmes d’Adrienne.

— Celle que Rodin est parvenu à faire placer auprès de votre nièce ?

— Elle-même, et comme cette créature se trouve dans la plus entière dépendance de Rodin, elle nous a parfaitement servis jusqu’ici… Peut-être dans ce rapport trouvera-t-on la confirmation de ce que madame Grivois affirme avoir vu.

À peine la princesse eut-elle jeté les yeux sur cette note, qu’elle s’écria presque avec effroi :

— Que vois-je ?… mais c’est donc le démon que cette Adrienne ?

— Que dites-vous ?

— Le régisseur de Cardoville, en écrivant à ma nièce pour lui demander sa protection, l’a instruite du séjour du prince indien au château. Elle sait qu’il est son parent… et elle vient d’écrire à son ancien professeur de peinture Norval de partir en poste, afin de ramener ici ce prince Djalma… lui… qu’il faut, à tout prix, tenir éloigné de Paris…

Le marquis pâlit et dit à madame de Saint-Dizier :

— S’il ne s’agit pas d’un nouveau caprice de votre nièce… l’empressement qu’elle met à mander ici ce parent… prouve qu’elle en sait encore plus que vous n’aviez osé le soupçonner… Il n’y a pas à en douter, elle est instruite de l’affaire des médailles. Elle peut tout perdre… prenez garde.

— Alors, dit résolument la princesse, il n’y a plus à hésiter… il faut pousser les choses encore plus loin que nous ne l’avions pensé… et que ce matin même tout soit fini…

— C’est presque impossible.

— Tout se peut ; le docteur et M. Tripeaud sont à nous, dit vivement la princesse.

— Quoique je sois aussi sûr que vous-même du docteur… et de M. Tripeaud dans cette circonstance, dit le marquis en réfléchissant, il ne faudra aborder la question d’agir aujourd’hui… qui les effrayera d’abord… qu’après l’entretien que nous allons avoir avec votre nièce… Il nous sera facile, malgré sa finesse, de savoir à quoi nous en tenir… Et si nos soupçons se réalisent… si elle est instruite de ce qu’il serait si dangereux qu’elle sût… alors aucun ménagement, surtout aucun retard. Il n’y a pas à hésiter.

— Avez-vous pu faire prévenir l’homme en question ? dit la princesse après un moment de silence.

— Il doit être ici… à midi… il ne peut tarder.

— J’ai pensé que nous serions ici très-commodément pour ce que nous voulons… cette pièce n’est séparée du petit salon que par une portière, on l’abaissera… et votre homme pourra se placer derrière.

— À merveille.

— C’est un homme sûr ?…

— Très-sûr… nous l’avons déjà souvent employé dans des circonstances pareilles ; il est aussi habile que discret…

À ce moment on frappa légèrement à la porte.

— Entrez, dit la princesse.

— M. le docteur Baleinier fait demander si madame la princesse peut le recevoir, dit un valet de chambre.

— Certainement, priez-le d’entrer.

— Il y a aussi un monsieur à qui M. l’abbé a donné rendez-vous ici à midi, et que selon ses ordres j’ai fait attendre dans l’oratoire.

— C’est l’homme en question, dit le marquis à la princesse, il faudrait d’abord l’introduire ; il est inutile, quant à présent, que le docteur Baleinier le voie.

— Faites venir d’abord cette personne, dit la princesse, puis, lorsque je sonnerai, vous prierez M. le docteur Baleinier d’entrer ; dans le cas où M. le baron Tripeaud se présenterait, vous le conduiriez de même ici ; ensuite ma porte sera absolument fermée, excepté pour mademoiselle Adrienne.

Le valet de chambre sortit.



  1. À propos de cette recommandation, on trouve ce commentaire dans les Constitutions des Jésuites : « Pour que le caractère du langage vienne au secours des sentiments, il est sage de s’habituer à dire non pas j’ai des parents, ou j’ai des frères, mais j’avais des parents, j’avais des frères. » (Examen général, pag. 29, Constitutions.)