Le Laurier noir/IV/Élégie à Lionel des Rieux

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Société de la Revue Le Feu (p. 71-72).

ÉLÉGIE À LIONEL DES RIEUX


Celui-là dont la vie entourait la jeunesse
Repose maintenant dans l’aurore des soirs.
Ses yeux sont clos. La lourde argile qui l’oppresse
Porte un laurier d’azur fleuri d’un crêpe noir.

Le temps qui n’a souci ni du noble courage,
Ni du rêve mouvant des hommes en chemin,
Comme le blé nouveau que les faux se partagent
L’a couché dans son temple et pris dans son destin.


La croix du souvenir monte seule la garde
Au sommet du talus que creuse son tombeau.
Le passé le défend, l’avenir le regarde,
La gloire, à son rouet, chante sur son repos.

Grain de l’été, son sang a mûri la conquête,
Étoile, il a sa part aux feux du firmament.
Taillez le marbre blanc, tenez les roses prêtes !
Femme, agenouillez-vous ! ce dieu fut votre amant !

Deux fois l’éternité gravit le promontoire.
Devant Vénus qui pleure et dénoue ses cheveux,
Monseigneur Saint-Denis le dresse dans l’Histoire,
L’archange Saint-Michel le sacre dans les cieux.

Ombre de mon ami, quand renaîtra la vie,
Je dresserai la table en face du vieux puits,
Et, comme aux jours anciens, les muses réunies
Vous serviront le vin dans la coupe des fruits.