Le Libertin de qualité, ou Ma Conversion/02

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MONSIEUR SATAN


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Monsieur Satan,

Vous avez instruit mon adolescence ; c’est à vous que je dois quantité de tours de passe-passe qui m’ont servi dans mes premières années ; vous savez si j’ai suivi vos leçons, si j’en ai sué nuit et jour pour agrandir votre empire et vous fournir des sujets nouveaux.

Mais, monsieur Satan, tout est bien changé dans ce pays, vous devenez vieux ; vous restez chez vous ; les moines même ne peuvent en arracher, vos diablereaux, pauvres hères, n’en savent pas autant que nos apprentis maquereaux ; ils ne vous rapportent que des récits infidèles, parce que nos femmes les attrapent et les bernent.

Je trouve donc une occasion de m’acquitter envers vous ; Je vous offre mon livre. Vous y lirez la Gazette de la cour, les Nouvelles à la main des filles, des financières et des dévotes. Vous serez instruit de quelques tours de bissac, où tout fin diable que vous êtes, vous auriez eu un pied de nez ; mais que votre chaste épouse n’y fourre pas le sien, car aussitôt cornes de licornes s’appliqueraient sur votre front séraphique. Défiez-vous surtout de ces grandes manches à gros vit, et ne laissez pas aller votre femme en confiance, sans une ceinture. Cependant, que la jalousie ne trouble pas votre repos ; car, croyez-vous, monsieur Satan, si elle le veut, cocu, serez, et quand vous la metteriez en poche, si fouterait-elle par la boutonnière.

Puissent les tableaux que j’ai l’honneur de mettre sous vos yeux ranimer un peu votre antique paillardise ! Puisse cette lecture faire branler tout l’univers ! Daignez recevoir ces vœux comme un témoignage du profond respect avec lequel je suis,

Monsieur Satan,

De Votre Altesse diabolique,

Le très-humble, très-obéissant
 et très-dévoué serviteur,

CON-DESIROS.