Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Arquebuse
ARQUEBUSE. — L’eau d’arquebuse de la Déserte était jadis célèbre pour les chutes, les contusions, les maux de tête, apoplexies, etc., etc. Il y en avait dans toutes les maisons. Assez agréable au goût, elle devait contenir, avec de l’arnica, quantité d’ingrédients. Elle se préparait à l’abbaye royale des Bénédictins de la Déserte, qui occupait l’emplacement actuel du Jardin des Plantes et de la place Sathonay. Dans mon enfance, on disait toujours aller à la Déserte pour « aller à la place Sathonay ». Ma grand’mère maternelle avait été l’amie de la dernière abbesse, Mme de Montjouvent, qui après la Révolution, réduite à une grande gêne, lui vendit un très beau reliquaire du xviie siècle, que nous possédons encore et qui contient une quantité extraordinaire de reliques. Mme de Montjouvent, restée d’humeur fort gaie, en dépit de l’adversité, s’était retirée dans un humble logement, avec sa fidèle Julie, sa femme de chambre au temps de l’abbaye, et son perroquet. Ce perroquet avait été élevé dans les grandes traditions. Quand Mme de Montjouvent entrait, il scandait lentement, avec des inflexions de théâtre, un : « Bon-jour, Ma-da-me l’Ab-besse ! » Quand c’était Julie, il n’y mettait pas tant de façons, et se bornait à lui dire d’un ton bref : « Julie, baise mon c.. ! »
La recette de l’eau d’arquebuse était, dans mon enfance, conservée par les dames Garcin, deux vieilles, qui avaient été au couvent. À leur mort elles Ia léguèrent à la fabrique de Saint-Louis (aujourd’hui Saint-Vincent), qui, à son tour, l’a cédée à un pharmacien de la place de la Miséricorde.