Le Littré de la Grand’Côte/3e éd., 1903/Navet

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Chez l’imprimeur juré de l’académie (p. 239).
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NAVET. — 1. Une demoiselle de ma connaissance devait se marier. Son prétendu était venu déjeûner à la campagne chez le futur beau-père. Or, parmi les plats se trouvaient des navets. Après déjeûner, on s’éparpille sur la terrasse. La jeune fille eut à monter au premier. En montant, elle se soulageait gaillardement en faisant à chaque marche : Un navet : brrr ! Deux navets : brrr ! Trois navets : brrr ! Quand ce vint au quatrième navet, en tournant le palier, elle aperçoit le prétendu derrière elle. Eh quoi, Monsieur, lui fit-elle, vous étiez là ! — Oui, Mademoiselle, depuis le premier navet !!!

Nous autres, rapins, nous aurions ri de la chose. Mais quoi ! ce jeune homme était plein de poésie ; il était nourri de Byron, de Lamartine ! Il fut tellement suffoqué qu’il en rompit le mariage (historique !). L’imbécile s’imaginait-il donc épouser un ange que le Ciel aurait privé de la faculté de compter les navets ?

2. Surnom donné aux canuts. « Quand celos puvres navets — N’ont gin de liards au gosset, » dit une chanson de Reverony. Cochard contait qu’un député à la Constituante, sorti du commerce de la soierie, se trouvant un jour entre deux collègues, ceux-ci s’avisèrent en plaisantant de le qualifier de navet, à quoi il répondit qu’un navet entre deux plats constituait un excellent ragoût. Ce surnom de navet est aujourd’hui presque oublié. Comme le dit Cochard, il avait dû être fait sur navette. On l’a remplacé par cavet qui n’a point d’esprit et qui est inintelligible.