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Le Livre des mères et des enfants/II/Le coucher d’un petit garçon

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LE COUCHER D’UN PETIT GARÇON.


Couchez-vous, petit Paul ! il pleut. C’est nuit : c’est l’heure.
Les loups sont au rempart. Le chien vient d’aboyer.
La cloche a dit : « Dormez ! » et l’ange gardien pleure,
Quand les enfants si tard font du bruit au foyer.

« Je ne veux pas toujours aller dormir ; et j’aime
À faire étinceler mon sabre au feu du soir ;

Et je tuerai tes loups ! je les tuerai moi-même ! »
Et le petit méchant, tout nu, vint se rasseoir.


Ou sommes-nous ? mon Dieu ! donnez-nous patience ;
Et surtout soyez Dieu ! soyez lent à punir :
L’ame qui vient d’éclore a si peu de science !
Attendez sa raison, mon Dieu ! dans l’avenir.


L’oiseau qui brise l’œuf est moins près de la terre ;
Il vous obéit mieux : au coucher du soleil,
Un par un descendus dans l’arbre solitaire,
Sous le rideau qui tremble ils plongent leur sommeil.


Au colombier fermé nul pigeon ne roucoule ;
Sous le cygne endormi l’eau du lac bleu s’écoule,
Paul ! trois fois la couveuse a compté ses enfants ;
Son aile les enferme ; et moi, je vous défends !


La lune qui s’enfuit, toute pale et fâchée,
Dit : « Quel est cet enfant qui ne dort pas encor ? »
Sous son lit de nuage elle est déjà couchée ;
Au fond d’un cercle noir la voilà qui s’endort.


Le petit mendiant, perdu seul à cette heure,
Rôdant avec ses pieds las et froids, doux martyr !
Dans la rue isolée où sa misère pleure,
Mon Dieu ! qu’il aimerait un lit pour s’y blottir ! »


Et Paul, qui regardait encor sa belle épée,
Se coucha doucement en pliant ses habits :
Et sa mère bientôt ne fut plus occupée
Qu’à baiser ses yeux clos par un ange assoupis !