Le Livre des sonnets/Souvent, — & j’en frémis, — quand sur ta lèvre infâme

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Sonnet




Souvent, — & j’en frémis, — quand ſur ta lèvre infâme
J’ai bu, dans un ſanglot, d’amères voluptés,
Alors qu’une détreſſe immenfe prend mon âme,
Ô toi pour qui je meurs, tu dors à mes côtés.

L’ombre épaiſſe envahît tes ſereines beautés
Et, juſque ſous tes cils, éteint tes yeux de flamme ;
Ton ſouffle égal & lent fait comme un bruit de rame :
C’eſt ton rêve qui fuit vers des bords enchantés.

Repoſe ſans remords, ô cruelle maitreſſe !
Ignore, dans mes bras, les pleurs de ma careſſe :
Car tu n’es pas ma ſœur, cœur à peine vivant.

Mais, quand la nuit a clos tes paupières meurtries,
Quelle pitié des dieux pour les choſes flétries
Te rend, ſous mes baiſers, le ſommeil d’un enfant ?


Armand Silveſtre.