Le Mahâbhârata (traduction Fauche)/Tome 3/trois mots

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Traduction par Hippolyte Fauche.
(tome 3p. v-viii).


TROIS MOTS AVANT DE COMMENCER.


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En terminant l’avant-propos de notre deuxième volume, nous disions à nos lecteurs, le 1er juillet : À revoir ! à 6 mois ! et c’est aujourd’hui le 21 janvier ; nous sommes donc en retard de trois semaines. Nous le devons aux rigueurs de l’hiver, saison de petits jours, qui ne nous permet pas d’utiliser nos promenades, dont la pluie et la neige mouillent notre papier, dont le vent emporte notre feuillet, dont le froid fait tomber le crayon de nos doigts, tandis que la route à chaque instant nous rappelle le proverbe : Bonnes terres et mauvais chemins ! Mais nous serons plus exacts pour le quatrième volume, que nous allons commencer, grâce à Dieu, sous des auspices plus favorables. Nous pourrons faire un livre de feuilles, de fleurs, de parfums et de soleil !

Dans cet intervalle de temps, il nous est tombé sous les mains une brochure, extraite de la Revue d’Orient, sur notre traduction des Œuvres complètes de Kâlidâsa. Nous demandons la permission d’y relever ici une petite erreur.

L’auteur pense que notre traduction française du Râmâyana est postérieure à la traduction italienne : il se trompe ; elle est simultanée. Les deux œuvres étaient imprimées dans le même temps, et nous avons fait le dépôt de notre dernier volume le 19 juin 1858, c’est-à-dire, plus de sept mois avant que l’auteur turinois ne fît le dépôt du sien, ou suivant la date officielle, le 29 janvier 1859. On ne peut donc contester à la France l’honneur d’être la première, qui, sans autre subside qu’une minime souscription de vingt exemplaires ou deux cents francs, par tome, ait mené à fin cette laborieuse et vaste entreprise.

Mais alors nous étions absolument inconnus, et l’erreur n’a rien que de simple, de facile et de naturel.

D’après un article du journal le Temps, à l’occasion de mon tome premier, j’avais consenti à réimprimer les suivants au nombre de 600 exemplaires, sous la condition que M. Benjamin Duprat voudrait bien réimprimer, à ses frais, trois cents nouveaux tomes premiers, dont je lui faisais présent. Je lui remis pour ce travail un exemplaire, où les fautes étaient corrigées ; et je remplis mes nouveaux engagements, non sans une certaine inquiétude.

Les acheteurs, je l’avoue, sont venus, mais de bon aloi, et, par conséquent, en assez petit nombre ; la mort a frappé l’honorable M. Benjamin Duprat, et mon premier volume ne fut pas réimprimé.

Je suis donc libre de rompre maintenant cette convention hasardée.

Il m’a fallu quinze années pour écouler une édition du Râmâyana à 200 exemplaires ; il me faudrait au moins trente ans pour vendre 9, 600 volumes du Mahâ-Bhârata ; et ce laps de temps dépasse, certes ! de beaucoup, la durée probable de ma vie actuelle !

Arrêtons-nous donc, quand il en est temps encore, avant que les dépenses ne soient plus considérables, avant que ce vaste emmagasinage ne soit devenu une affaire presque colossale. J’ai imprimé mon deuxième et mon troisième volumes à 600 exemplaires ; je reviens à mon tirage plus modeste, mais plus sûr, de 300 volumes. Nous ne sommes pas nés pour une brillante fortune : nous avons peu de besoins, nous n’avons pas de désirs ; Dieu nous a gratifié d’une vigoureuse santé, la plus grande des faveurs ; et notre vie est l’image de notre caractère : doux et calme, il n’appellerait auprès de lui dame Fortune, que pour lui demander quelques moyens de faire à d’autres un peu de bien.


Juilly, 31 janvier 1865.


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