Le Mahâbhârata (traduction Fauche)/Tome 10/texte entier

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Traduction par Hippolyte Fauche.
Liepmannssohn et Dufour (tome 10p. titre-445).

LE
MAHA-BHARATA
POÈME ÉPIQUE
DE KRISHNA-DWAÎPAYANA
PLUS COMMUNÉMENT APPELÉ
VÉDA-VYASA
c’est-à-dire le compilateur et l’ordonnateur des védas
Traduit complètement pour la première fois du sanscrit en français
par
HIPPOLYTE FAUCHE
Traducteur du Râmâyana, des Œuvres complètes de Kâlidâsa, etc.
Abréviateur du Râmâyana.
Chevalier de la légion-d’honneur.


PUBLICATION POSTHUME
1870



LE MAHÂ-BHÂRATA


POÈME SANSCRIT.




SUITE DU KARNA-PARVA


Ton héroïque fils Douççâsana, grand roi, s’approcha de son cousin[1] Sahadéva, qui, dans une telle colère, consumait ainsi ton armée. 893.

À la vue de ces deux guerriers aux prises l’un avec l’autre dans un grand combat, les fameux héros de jeter leurs rugissements de bataille et de secouer leurs vêtements. 894.

Ensuite, frappé dans la poitrine de trois flèches par l’archer ton fils irrité, sire, le vigoureux enfant de Pândou, Sahadéva de blesser d’un nârâtcha ton fils, de le percer une seconde fois avec soixante-dix, et son cocher avec trois dards. 895-896.

Aussitôt qu’il eut tranché son arc dans ce grand combat, Douççâsana, majesté, darda en pleine poitrine, entre les bras, soixante-treize flèches à Sahadéva ! 897.

Celui-ci, en fureur, saisit dans cette vaste bataille un cimeterre, qu’il jeta sur le char de ton fils, où l’arme arrêta son coup. 898.

La vaste épée trancha son arc, sa corde et sa flèche : elle retomba sur le sol, comme un serpent impérissable s’abat du ciel. 899.

L’auguste Sahadéva s’arma d’un autre arc, et d’expédier à Douçcâsana un dard, causant la mort. 900.

Le Kourouide trancha, de son grand cimeterre aiguisé sur la pierre, cette flèche, qui accourait et qui avait une splendeur égale au bâton d’Yama ! 901.

Quand il eut avec effort, dans le combat, paralysé ce glaive acéré, le vigoureux saisit un nouvel arc et s’arma d’un trait puissant. 902.

Sahadéva abattit en riant, avec ses traits aiguisés, dans ce combat le cimeterre, qui accourait d’un rapide essor. Mais ton fils lui répondit alors avec soixante-quatre flèches, qu’il expédia d’une main hâtée. 903-904.

Sahadéva, de cinq traits, coupa l’un après l’autre, sire, chacun de ces nombreux dards, qui volaient dans le combat d’une aile légère. 905.

Dès qu’il eut arrêté ces immenses projectiles, envoyés par ton fils, lui d’expédier à son ennemi dans la guerre, des flèches en bien grand nombre. 906.

À peine eut-il mis obstacle individuellement, de trois dards acérés, à ces traits lancés par ton fils, il poussa une vaste clameur et bouleversa la terre. 907.

Aussitôt que Douçcâsana, sire, eut blessé dans ce combat le fils de Pândou, il accabla de neuf flèches le cocher de cet enfant de Mâdrî. 908.

Alors le majestueux Sahadéva irrité, grand roi, d’encocher un trait épouvantable, pareil au Trépas, à la Mort, à Yama ! 909.

Il banda l’arc et lança son dard sur l’immense arc de ton fils ; l’arme fendit toutes ses vitesses, et, quand elle eut percé la grande cuirasse, elle entra dans le sein de la terre, sire, comme un serpent dans une fourmillière ; et le fameux héros, ton fils, sire, tomba alors dans le délire de l’esprit. 910-911.

Dès que son cocher vit ce monarque privé de connaissance, il retira du combat à la hâte son char, éperdu d’effroi, en butte aux flèches acérées. 912.

Aussitôt que le noble rejeton de Pândou eut vaincu le Kourouide, il jeta ses yeux sur l’armée de Douryodhana, qu’il brisa de tous les côtés. 913.

Il broya l’armée Kouravienne, sire, de même qu’un homme écrase avec colère des œufs de fourmis. 914.

Quand Karna le Découpeur eut arrêté avec fureur Nakoula, qui, doué de rapidité, avait dispersé l’armée par sa vitesse dans la guerre, celui-ci dit à Karna, en riant : « Il y a long-temps, certes ! que les Dieux arrêtent sur moi un regard ami ! 915-916.

» Regarde-moi, scélérat, arrivé dans le combat à la portée de tes yeux. Tu es, certes ! la racine de nos maux, de nos combats, de notre guerre ; 917.

» C’est par ta faute que les Kourouides perdus en sont venus aux mains, les uns avec les autres ; mais, quand je t’aurai immolé dans le combat, j’aurai accompli mon affaire, et je serai libre d’inquiétude. » 918.

À Nakoula, qui parlait ainsi, l’Adhirathide fit cette réponse, digne du fils d’un roi et surtout d’un homme, qui portait l’arc : 919.

« Combats donc contre moi, brave guerrier : voyons ton courage. Quand tu auras accompli une prouesse dans la bataille, c’est alors, héros, qu’il te siéra de la raconter.

» Les héros combattent, sans dire un seul mot, suivant leur énergie dans la lutte : de même combats avec moi, ami, de toutes tes forces ; je vais étouffer ton orgueil. »

À ces mots, le fils du cocher de lancer précipitamment ses dards sur le fils de Pândou, qu’il blessa dans le combat de soixante-treize projectiles. 920-921-922.

Blessé par le fils du cocher, Nakoula de lui rendre en échange les blessures de quatre-vingt flèches, semblables à des serpents. 923.

Karna au grand arc, ayant tranché le sien de trente dards, empennés d’or, aiguisés sur la pierre, se mit à harceler ce fils de Pândou. 924.

Ces traits brisèrent la cuirasse et l’abreuvèrent de sang au milieu du combat ; et ces quatre-vingts dards, ayant fendu la terre, y pénétrèrent comme des serpents au sein des ondes. 925.

Quand il fut armé d’un nouvel arc au dos en or, incapable de trouver un égal, il blessa Karna de vingt et son cocher de trois flèches. 926.

Le meurtrier des héros ennemis, Nakoula irrité, grand roi, de trancher l’arc de Karna avec un kshourapra très-acéré. 927.

Alors ce guerrier coupa en riant de trois cents flèches ce brave à l’arc coupé, ce héros du monde entier. 928.

Dès qu’ils virent Karna en but aux traits du fils de Pândou, noble roi, les maîtres de chars et les Dieux s’élevèrent au comble de l’admiration. 929.

S’étant armé d’un nouvel arc, Karna le Découpeur de frapper Nakoula de cinq flèches à l’endroit de la clavicule. Le fils de Mâdrî resplendissait de ces dards implantés en ce lieu, comme le soleil, qui, déversant au monde la splendeur, brille de ses rayons[2]. 930.

Ensuite Nakoula, ayant blessé Karna de sept flèches, coupa enfin, vénérable roi, l’extrémité de son arc. 931.

Il saisit un nouvel arc plus rapide dans le combat, et couvrit de tous côtés avec ses traits les dix points de l’espace à Nakoula. 932.

Englouti sous ses flèches au vol agile, envoyées par l’arc de Karna, le grand héros se mit d’abord à détruire les dards avec ses dards. 933.

On vit se former dans le ciel un vaste réseau, formé de traits ; l’atmosphère semblait dévorée par les flèches, qui accouraient toutes à la fois. 934.

Les airs étaient alors couverts par ces centaines de projectiles décochés ; ces dards, maître de la terre, ressemblaient à des nuées de sauterelles. 935.

Ces flèches, dont l’or avaient changé la matière, se suivaient à chaque instant : rangées par files, elles éclairaient l’espace, comme des files de blanches ardées. 936.

Le soleil enseveli ou couvert dans le ciel sous cette masse de traits, il n’y avait plus rien de visible, qu’il fût sur la terre ou placé dans le ciel. 937.

La route étant fermée là de tous les côtés par la multitude des flèches, ces deux héros de resplendir, comme la mort et le soleil montés sur l’horizon. 938.

Tourmentés par la douleur, en butte de tous les côtés, à ces dards, les Somakas mouraient, Indra des rois, taillés en pièces par les traits, tombés de l’arc de l’Adhirathide.

De même ton armée était battue par les flèches de Nakoula : les points de l’espace se fendaient, majesté, comme des nuages sous l’haleine des vents pluvieux.

Blessées par les projectiles grands, divins, de ces deux guerriers, l’une et l’autre armée se plaça, en spectatrice, hors de la portée des traits. 939-940-941.

Quand le peuple se fut mis loin de l’atteinte des flèches de Karna et du Pândouide, ces magnanimes se blessèrent mutuellement sous leurs averses de traits. 942.

Se montrant, sur le front de la bataille, des javelots grands, célestes, et se désirant mutuellement la mort, ils se couvrirent rapidement d’un nuage de traits. 943.

Revêtus de la plume du paon et du héron, les traits, lancés par Nakoula, planaient dans le ciel, pour ainsi dire, sur la tête ombragée de l’Adhirathide ; 944.

Et les flèches, envoyées par le fils du cocher dans ce grand combat, se tenaient au milieu du ciel, couvrant le rejeton de Pândou. 945.

Entrés comme dans un palais de flèches, qui que ce soit ne put les voir, de même, sire, que le soleil et la lune masqués par les nuages. 946.

Irrité dans la bataille, Karna se fit un corps épouvantable et couvrit de toutes parts, des pluies de ses traits, le fils de Pândou. 947.

Amplement enseveli sous les flèches de l’Adhirathide, ce rejeton de Pândou n’en ressentit aucun trouble, puissant roi, comme le soleil des nuages, dont il est ombragé !

Le fils du cocher lança, en riant, vénérable roi dans le combat, par centaines et par milliers, des multitudes de flèches. 948-949.

Tout était plongé dans une ombre commune sous les traits de ce magnanime : les immenses flèches, qui tombaient à la fois, avaient fait naître comme l’ombre des nuages. 950.

Ayant tranché son arc à la main de ce guerrier au grand cœur, Karna abattit en riant, puissant roi, son cocher de la place, qu’il occupait sur le char. 951.

Puis, il fit descendre lestement, Bharatide, avec quatre flèches acérées, ses quatre chevaux au séjour d’Yama.

Il réduisit sous l’atteinte des flèches son char céleste en morceaux aussi menus que des graines de sésame, auguste roi, et son drapeau, et les gardiens de son chariot, et sa massue, et son glaive, et son bouclier à cent lunes, et tout son appareil de guerre. Sans char, sans cuirasse, ses chevaux tués, maître des hommes, 952-953-954.

Le héros, étant descendu à bas de son char, se tint armé d’une massue. Quand le fils du cocher le vit élever ce pilon, rempli d’épouvante, il le frappa, sire, de ses traits finement acérés et capables de soutenir un lourd fardeau. Dès qu’armé de ses flèches nombreuses, aux nœuds inclinés, il l’eût aperçu réduit sans armes, Karna le harcela, sans l’ébranler. Frappé dans le combat par le vigoureux guerrier, instruit dans les armes, 955-956-957.

Nakoula aux sens troublés de courir, entraîné par la peur, et Râdhéya avec un rire géminé s’en alla, sire, légèrement derrière ses pas. 958.

Il se jeta autour du cou son arc attaché à la corde, et il resplendit, sire, fils de Bharata, cette grande arme passée dans son cou. 959.

Quand, semblable à un sombre nuage, embelli par l'arc de Çakra, il fut entré dans ce cercle, comme la lune au milieu du ciel, 960.

Le fils du cocher lui adressa ce langage : « Tu as dit une parole inutile ; parle, rempli d’une nouvelle ardeur, maintenant que tu as été battu mainte et mainte fois. 961.

» Ne fais pas la guerre, Pândouide, aux vigoureux fils de Kourou ; combats avec des hommes, tels que toi ! n’en rougis pas, mon ami ! 962.

» Accepte le combat, fils de Mâdrî, ou retire-toi sous la protection de Krishna et de Phâlgouna ! » Cela dit, grand roi, il épargna le guerrier en ce moment. 963.

Ce vertueux héros ne l’immola point, arrivé sous la main de la mort ; et, se rappelant, sire, la parole de Kountî, il épargna son fils alors. 964.

Abandonné par l’archer, fils du cocher, le Pândouide, sire, se retira, plein de confusion vers le char d’Youdhishthira. 965.

Sous les coups-de l’Adhirathide, il monta sur sa voiture, gémissant, consumé par la douleur, semblable à un serpent, qui se tient sur une jarre d’eau. 966.

Dès qu’il l’eut vaincu, Karna se retira d’un pied hâté vers les Pântchâlains, sur son char, ombragé d’un vaste drapeau, avec ses coursiers, couleur de la blanche lune.

Alors, une insigne lamentation fut jetée par les Pândouides, souverain des hommes, quand ils virent le général des armées se diriger vers les multitudes de chars des Pântchâlains. 967-968.

L’Adhirathide accomplit en ce moment, puissant roi, un immense carnage ; le soleil était parvenu au milieu de sa carrière, et l’auguste se promena comme la lune. 969.

Nous vîmes alors, vénérable roi, enlever aux Pântchâlains des compagnies de chars, n’importe lesquels, avec les roues des voitures brisées, les drapeaux et les guidons en lambeaux, les chevaux tués, les cochers immolés, les moyeux des roues en pièces : partout erraient, troublés, les éléphants et les chars. 970-971.

Arrosés de sang, les trompes coupées, les coupes frontales rompues, il semblait que l’incendie d’une forêt tourmentât, dans ce grand combat, les membres souffrantsdes pachydermes. 972.

Tels chevaux, les membres inférieurs coupés, leursqueues velues mutilées, tombaient ensemble, sous lescoups du magnanime, comme des nuages déchirés. 973.

D’autres, c’était des éléphants, la tête égarée par les flèches, les nârâtchas, les leviers de fer, s’en allaient tournant la face vers lui, comme des sauterelles vers le feu. 974.

On voyait ceux-là, magnifiques pachydermes, ferme ssur les pieds, répandant leur sang des membres, comme des proboscidiens versent des bouquets de mada. 975.

Nous vîmes alors dans le combat des coursiers, dépouillés de leurs cuirasses, privés des attaches de leurs queues, sans parures, sans leurs ornements en cuivre, en argent et en or, sans mors, les chasses-mouches, les caparaçons, les carquois tombés, les cavaliers tués, les héros, qui faisaient leur parure dans la bataille, immolés. Nous vîmes errer les chevaux de la plus haute taille, 976-977-978.

Cousus de sabres, de traits barbelés et de cimeterres, Bharatide. Nous vîmes des cavaliers coiffés avec des tiares d’or, 979.

Palpitants, taillés en pièces, immolés ! Nous vîmes çà et là des chars, attelés de chevaux rapides, ornementés d’or, dépourvus de roues et de leurs membres divers, emporter rapidement à la ronde les cochers sans vie. 980-981.

Nous en vîmes quelques-uns avec les timons rompus et les roues brisées, Bharatide ; et d’autres sans drapeaux, sans guidons, avec les attaches des limons et les jougs cassés ; 982.

Des maîtres de chars sans vie, ou courant çà et là sous l’atteinte, maître des hommes, des flèches acérées de l’Adhirathide ; 983.

D’autres en grand nombre, immolés sous leurs armes, ou malgré leurs armes, qu’ils avaient conservées, couverts par des multitudes d’étoiles, et embellis des sonnettes les plus éclatantes. 984.

Nous vîmes courir de tous les côtés des éléphants, ornés d’étendards variés de toutes les couleurs. 985.

Nous en vîmes d’autres avec leurs cuisses, leurs bras, leurs têtes, abattus de tous les côtés par les dards sortis de l’arc, que tirait l’Adhirathide. 986.

Une grande, une terrible calamité suivit la flèche de Karna, tombant sur les guerriers, qui combattaient mollement avec leurs traits acérés. 987.

Les Srindjayas, taillés en pièces dans le combat par le fils du cocher, se portent, le visage tourné devant lui, comme des sauterelles au-devant du feu. 988.

Les kshatryas fuyaient devant ce grand héros, consumant les armées çà et là, comme le feu, dont l’immense intensité dévore la fin d’un youga. 989.

Le brave de tourmenter avec ses flèches, par-derrière, les fameux guerriers des Pântchâlains, qui, restes échappés aux combats, fin aient, ainsi rompus. 990.

Le resplendissant Adhirathide pressait la fuite de ces guerriers aux drapeaux déchirés, aux cuirasses éclatées ; et le vigoureux les abattait de ses traits, comme le soleil, arrivé au milieu du jour, voit s’évanouir les Bhoûtas devant ses rayons. 991-992.

Tandis qu’Youyoutsou mettait en déroute la grande armée de ton fils, Ouloûka fondit rapidement et lui cria : « Halte ! halte-là ! » 993.

Youyoutsou de blesser alors, sire, d’une flèche au tranchant acéré, Ouloûka à la grande vigueur, comme avec un coup de la foudre. 994.

Irrité, Ouloûka trancha d’un kshourapra l’arc de ton fils dans la bataille, et le tourmenta avec un karni. 995.

Abandonnant son arme coupée, Youyoutsou, les yeux imprégnés de colère, s’arma d’un nouvel arc immense et plus rapide. 996.

Ce fils de Çakouni le blessa de soixante flèches, éminent Bharatide ; il lança trois, dards contre son cocher et le frappa lui-même de nouveau. 997.

Ouloûka le perça de vingt traits ornés d’or, et coupa avec colère son drapeau d’or, au milieu de la bataille. 998.

Ce magnifique étendard, à la vaste grandeur, frappé dans sa hampe, fut brisé, et le drapeau d’or tomba, sire, à la face d’Youyoutsou ! 999.

Dès qu’il vit son enseigne mise en morceaux, celui-ci, rempli de colère, blessa de cinq flèches Ouloûka au milieu desseins. 1,000.

Ce héros, ô le plus vertueux des Bharatides, coupa avec un bhalla, frotté d’huile de sésame, la tête de son cocher dans la bataille. 1,001.

Ce chef tranché du cocher d’Youyoutsou croula sur la terre : telle une étoile à la beauté merveilleuse, qui est tombée sur le sol de la terre. 1.002.

Ouloûka de tuer ses quatre chevaux et de blesser Youyoutsou lui-même avec sept traits. Profondément atteint par le vigoureux, celui-ci de se retirer sur un autre char. 1,003.

Après sa victoire dans le combat, sire, le vainqueur s’en alla, d’un pied hàté, immolant de ses flèches acérées les Srindjayas et les Pântchâlains. 1,004.

Sans trouble, Çroutakarman, ton fils, puissant roi, réduisit dans la moitié d’un clin-d’œil Çatânîka sans cocher, ni chevaux, ni char. 1,005.

Debout, hors de sa voiture aux chevaux sans vie, le vaillant Çatânîka de lancer à ton fils, vénérable monarque, massue avec colère. 1,006.

Elle mit en cendres son chariot, ses chevaux, son cocher, Bharatide, et, d’un vol précipité, entra dans la terre, dont elle ouvrit le sein. 1,007.

Ces deux héros sans char, accroissant la gloire des Kourouides, se retirèrent du combat, pleins d’admiration l’un pour l’autre. 1,008.

Ton fils, le cœur ému, monta sur le char de Vivinçou, et Çatânîka se réfugia à la hâte dans la voiture de Prativindhya. 1,009.

Le Çakounide, en sa bouillante colère, ayant blessé Soutasoma de ses flèches acérées, ne l’ébranla pas plus qu’une bourrasque de vent n’émeut une montagne. 1,010.

À la vue de ce guerrier, qu’une excessive inimitié séparait de son père, Soutasoma le couvrit, Bharatide, avec plusieurs milliers de traits. 1,011.

Le héros victorieux dans la guerre, aux astras légers, le Çakounide s’empressa de couper ces dards avec d’autres flèches. 1,012.

Quand il eut arrêté ces projectiles avec ses traits aigus, il frappa, dans son ardente colère, Soutasoma avec trois dards. 1,013.

Ton beau-frère, puissant roi, découpa avec ses flèches, en morceaux menus comme des grains de sésame, son drapeau, ses chevaux, son cocher ; et les peuples de pousser de hautes clameurs. 1,014.

L’excellent archer, sans char, ses coursiers tués, son drapeau déchiré, saisit le meilleur des arcs et se tint sur la terre, hors de son char en pièces. 1,015.

Il lança des flèches empennées d’or, aiguisées sur la pierre, et il en couvrit, dans ce combat, le char de ton beau-frère. 1,016.

Dès que l’héroïque Soubalide vit ces multitudes de dards tomber sur son chariot, comme des nuées de sauterelles, il n’en ressentit pas même d’émotion. 1,017.

Le guerrier à la vaste renommée écrasa de ses traits les masses de flèches. Les guerriers et les Siddhas, placés dans les cieux, furent alors satisfaits, à la vue de la prouesse incroyable[3], merveilleuse, de Soutasoma ; car, à pied, il combattait contre le Çakounide, monté dans un char et déployant ses efforts. 1,018-1,019.

Il frappa de tous côtés, sire, son arc et ses carquois mêmes de bhallas violents, à la grande vitesse, aux nœuds inclinés. 1,020.

Le héros sans char au drapeau mutilé jeta un cri et leva son cimeterre, de couleur semblable au lotus d’azur ou au lapis-lazuli, à la poignée faite d’un ivoire tiré de l’éléphant même. 1,021.

Il estima bonne pour le sage Soutasoma cette arme tournoyante, d’un éclat pareil au ciel pur, et non différente du bâton de la Mort. 1,022.

Armé du cimeterre, il décrivit rapidement des milliers de cercles ; doué de vigueur et d’instruction, il montra dans la guerre, puissant roi, les quatorze coups : le tournoiement, le saut, la décharge de son arme, le plonger, l’émersion, la marche en avant, la chute et la promptitude à se relever soudain. 1,023-1,024.

Le brave Soubalide coupa les floches de l’ennemi : il les trancha même dans leur vol rapide avec sa vastè épée.

Ensuite, ce héros irrité, grand roi, envoya de nouveau à Soutasoma des traits semblables à des serpents.

Le guerrier d’une vaillance égale à celle de Garouda, montrant sa légèreté sous les armes, trancha les traits avec son cimeterre, grâce à son instruction et sa force naturelle.

Tandis qu’il décrivait alors des circonférences de cercles, sire, son rival coupa son cimeterre éblouissant avec un kshourapra bien acéré. 1,025-1,026-1,027-1,028.

Tranchée soudain, la grande épée tomba sur la terre ; mais la moitié de la brillante poignée, Bharatide, resta dans sa main. 1,029.

Quand il vit son cimeterre coupé, l’héroïque Soutasoma de sauter six pas et de blesser l’ennemi avec ce qui lui restait de son glaive. 1,030.

Il trancha dans ce combat l’arc et la corde de ce magnanime, et l’arme ornée d’or et de diamant tomba rapidement sur la terre. 1,031.

Puis, Soutasoma de marcher vers le grand char du Çroutakîrttide ; et le fils de Soubala saisit un nouvel arc épouvantable et très-invincible. 1,032.

Il s’approcha de l’armée des Pândouides, immolant de nombreux bataillons des ennemis. Alors, il s’éleva parmi les enfants de Pândou, souverain des hommes, une immense clameur, dès qu’ils virent le Soubalide marcher sans crainte dans le combat. On voyait ce magnanime jeter en déroute ces armées grandes, éblouissantes, remplies de traits et d’armes. Le Soubalide extermina les divisions Pândouides, comme le roi des Dieux, sire, anéantit l’armée des Daîtyas. 1,033-1,034-1,035-1,036.

Kripa, majesté, arrêta dans la guerre Dhrishtadyoumna, tel qu’un çarabha[4], désirant la bataille, barrerait la route à un lion au milieu d’une forêt. 1,037.

Empêché par le vigoureux Gaâutamide, le rejeton de Prishat ne put alors, Bharatide, avancer un pied devant l’autre. 1,038.

Quand ils virent le char de Kripa s’opposer au char de Dhrishtadyoumna, tous les Bhoûtas de trembrer et de se croire arrivés au moment de la destruction. 1,039.

Hors d’eux-mêmes, les maîtres de chars et les cavaliers se dirent : « Le plus excellent des hommes, le Çaradvatide à la grande splendeur, à l’esprit élevé, instruit dans les astras célestes, est irrité sans doute par la mort de Drona ! Puisse naître la paix entre Dhrishtadyoumna et le Gaâutamide ! 1,040-1,041.

» Puisse cet immense péril épargner l’armée entière ! Puisse ce brahrne ne pas nous massacrer tous, rassemblés devant lui ! 1,042.

» À en juger par ces formes toutes semblables à celles de la mort, que l’on voit porter au Gaâutamide, le rejeton de Bharadwâdja, il va marcher aujourd’hui dans cette route terrible. 1,043.

» L’Atchârya à la main prompte, toujours victorieux dans la bataille, docte dans les astras, est doué d’héroïsme et pénétré de colère. 1,044.

» On verra aujourd’hui le Prishatide montrer le dos au milieu d’un grand combat ! » Telles étaient ainsi les diverses paroles, qu’on entendait prononcer aux tiens, puissant roi, et aux ennemis, dans la rencontre de ces deux héros. Ensuite, Kripa le Çaradvatide, ayant soupiré de colère, 1,045-1,046.

Perça dans tous ses membres le rejeton de Prishat, rendu alors sans aucun mouvement. Atteint dans cette bataille par le magnanime Gaâutamide, Dhrishtadyoumna, environné par un vaste égarement d’esprit, ne savait plus ce qu’il avait à faire : « Est-ce de la félicité, Prishatide ? lui dit son cocher. 1,047-1,048.

» Mes yeux n’ont jamais vu nulle part dans la guerre une telle infortune ! Lancés par le plus grand des brahmes, qui vise de tous les côtés les organes de la vie, ces traits sont tombés, touchant leur but, par l’union avec le destin. Je vais faire revenir précipitamment le char sur ses pas, comme on empêche d’entrer dans la mer le cours léger d’un fleuve ! 1,049-1,050.

» Je pense que ce brahme, par qui ton courage est paralysé, est à l’abri de la mort ! » Dhrishtadyoumna lui dit avec lenteur, sire, ces paroles mêmes : 1,051.

« Le délire bat mon cœur ; la sueur, mon ami, baigne mes membres ; le tremblement agite mon corps, qui se revêt de ses poils hérissés. 1,052.

» Évite le combat avec le brahme, et vas avec lenteur là où se tient Arjouna. Une fois que tu auras obtenu, cocher, au milieu de la bataille, soit Kirîti, soit Bhîmaséna,

» Le bonheur découlera de cette manière pour moi-même : c’est mon opinion bien arrêtée ! » Ensuite le cocher, puissant roi, de s’avancer, hâtant le pas de ses chevaux, vers le lieu où Bhîma au grand arc combattait avec tes guerriers. Dès qu’il vit s’enfuir, vénérable roi, le char de Dhrishtadyoumna, 1,053-1,054-1,055.

Le Gaâutamide le suivit alors, dispersant des centaines de flèches ; et le dompteur des ennemis remplit de vent sa conque trois et quatre fois. 1,056.

Il épouvanta le Prishatide, comme jadis Mahéndra jeta l’effroi dans Namoutchi. Hârddikya arrêta en riant mainte et mainte fois dans la guerre Çikhandî, la mort incomparée de Bhîshma. Attaquant le grand héros des Hridikas, Çikhandî le blessa à l’endroit de la clavicule de cinq bhallas aiguisés. Kritavarman avec colère le perça de soixante flèches ; 1,057-1,058-1,059.

Et le grand héros, sire, trancha en riant son arc avec un seul trait. Aussitôt le vigoureux fils de Droupada saisit un nouvel arc ; 1,060.

« Arrête ! arrête ! » cria-t-il avec fureur à Harddikya. Il lui darda, Indra des rois, quatre-vingt-dix flèches du plus vif éclat, empennées d’or, qui frappèrent ses armes défensives. Dès qu’il vit ces traits immenses tomber au sein de la terre, il coupa entièrement son arc d’un kshourapra bien aiguisé, et blessa avec colère, entre les bras, dans la poitrine, de quatre-vingts flèches, l’archer à l’arc tranché, semblable à un taureau, privé de ses cornes. Furieux des blessures, qu’il devait aux traits aigus, Kritavarman 1,061-1,062-1,063-1,064.

Vomit de ses membres le sang, tel que l’eau tombe de la bouche d’une aiguière. Arrosé de ses blessures, il resplendissait, 1,065.

Baigné de cette pluie, comme l’or inonde une montagne. L’auguste s’arma d’un nouvel arc, avec sa flèche et sa corde ; 1,066.

Il blessa le fils de Çikhandî aux épaules avec ses foules de traits. ; et celui-ci brilla de ces dards placés en cet endroit, 1,067.

Comme un arbre immense, touffu de branches et de rameaux. Quand ils se furent percés grièvement l’un l’autre, ils furent inondés de sang. 1,068.

Ils resplendissaient, tels que deux taureaux, qui se sont portés des coups mutuels avec leurs cornes. Ces deux grands héros, déployant leurs efforts pour leur mort réciproque, 1,069.

Décrivirent alors des milliers de cercles avec leurs chars. Kritavarman blessa dans le combat, puissant roi, le Prishatide de soixante-douze traits acérés, empennés d’or, émoulus sur la pierre ; et, doué de hâte, le meilleur des combattants, Bhodja de lui envoyer dans le combat une flèche épouvantable, qui détruisait l’existence. Frappé d’elle, sire, il tomba promptement dans le délire. 1,070-1,071-1,072.

Environné de défaillance, il se hâta de s’appuyer sur la hampe de son drapeau ; et son cocher emmena précipitamment du champ de bataille ce meilleur des maîtres de chars, consumé par les traits de Hârddikya et poussant maint et maint gémissement. Après sa victoire sur le fils de Droupada, seigneur, l’armée Pândouide, battue de tous les côtés, s’enfuit à tous les points de l’espace.

Le héros aux blancs coursiers dissipa son armée, puissant roi, comme le souffle du vent disperse de toutes parts un amas de coton. 1,073-1,074-1,075-1,076.

Les Trigarttains, les Çivayas, les Çalvas, les conjurés, suivis des Kourouides, et ce qui formait l’armée de Nârâyana, s’avancèrent à sa rencontre. 1,077.

Satyaséna, Tchandradéva, Mitradéva, Soutandjaya, le fils de Souçrouti, Tchitraséna et Mitravarman, Bharatide, Souçarman, Vasoudharma, Souvarman et le roi des Trigarttains, environné de ses frères dans les combats, 1,078-1,079.

Lançant des multitudes de traits avec tes fils aux arcs puissants, habiles & manier toutes les sortes de flèches, s’approchèrent d’un pied hâté, inondant Arjouna dans cette bataille, comme des masses d’eau, qui se déchargent dans la mer. Ces guerriers, par centaines et par milliers, qui attaquaient Arjouna, 1,080-1,081.

De marcher tous à leur destruction, semblables à des serpents, aux yeux de qui vient s’offrir Garouda. Ceux-ci, quoique taillés en pièces dans la bataille, ne cessèrent pas de combattre avec Arjouna, comme des sauterelles, consumées par la flamme, n’abandonnent pas le feu, qui les attire. Satyaséna, de trois flèches, blessa le Pândouide dans la bataille, 1,082-1,083.

Mitradéva de soixante-trois, Tchandraséna de sept, Mitravarman de soixante-treize, et le fils de Souçrouti de soixante-et-onze, Çatroundjaya de vingt et Souçarman de neuf traits. Percé dans la guerre de ces dards nombreux, il frappa en retour ces maîtres des hommes. 1,084-1,085.

Quand il eut blessé le Souçroutide de sept flèches, Satyaséna de trois, Çatroundjaya de vingt et Tchandradéva de huit, Mitradéva de cent, Çroutaséna de trois, Mitravarman de neuf et Souçarman de quatre, multipliées par deux ; 1,086-1,087.

Quand il eut tué là, sire, Çatroundjaya de ses flèches, émoulues sur la pierre, il enleva à son corps la téte du Souçroutide, coiffée de son casque. 1,088.

Il plongea d’une main hâtée Tchandradéva de ses traits au séjour d’Yama. Il arrêta de cinq flèches individuellement chacun de ces grands héros, qui déployait ses efforts. Satyaséna irrité lui adressa un vaste levier de fer. 1,089-1,090.

Il visa bien Krishna, et poussa un cri de guerre dans ce combat. Le bras gauche du magnanime Mâghavat en fut brisé. 1,091.

L’arme faite de fer au manche d’or pénétra alors dans la terre : l’aiguillon et les rênes, souverain des hommes, tombèrent de la main de Mâdhava, blessé du levier de fer dans ce grand combat. Aussitôt que le Prithide Dhanandjaya vit le Vasoudévide, un des organes rompu, 1,092-1,093.

Il ressentit une violente colère et tint ce langage à Krishna : « Fais approcher tes chevaux, sire aux longs bras, vis-à-vis de Satyaséna, jusqu’à ce que je l’aie précipité de mes traits acérés dans le séjour d’Yama ! » Dès qu’il eut repris un nouvel aiguillon et les rênes elles-mêmes, comme devant, 1,094-1,095.

Il conduisit les chevaux vers le char de Satyaséna. Aussitôt que le Prithide Dhanandjaya s’aperçut que Vishvakséna avait un bras cassé, 1,096.

Le grand héros d’arrêter Satyaséna de ses flèches violentes, et de trancher à son corps, de bhallas très-acérés, au milieu de son armée, la vaste tête de ce monarque, ombragée de ses boucles-d’oreille. Quand il l’eut coupé de ses traits aigus, il la jeta devant Mitravarman. 1,097-1,098.

Il abattit, auguste roi, son cocher d’un vatsadanta acéré ; et le vigoureux, dans sa colère, fit tomber de nouveau, par centaines et par milliers, les troupes des conjurés sous des centaines de flèches. Puis, l’héroïque trancha la tête, sire, du magnanime Mitraséna avec un kshourapra, empenné d’argent. Dans son ardente fureur, il frappa Souçarman à l’endroit de la clavicule. 1,099-1,100-1,101.

Ensuite, tous les conjurés d’enfermer Dhanandjaya, et, faisant résonner dans leur colère les dix points de l’espace, ils l’accablèrent sous des multitudes de flèches. 1,102.

Tourmenté par ces traits, l’héroïque Djishnou, à l’âme incommensurable et d’une valeur égale à celle de Çakra, manifeste aussitôt l’astra formidable d’Indra. 1,103.

On vit naître des milliers de dards, souverain des hommes. On entendait çà et là un grand bruit de drapeaux déchirés et d’arcs brisés, auguste roi, l,104.

De chars avec leurs étendards, de carquois et découplés attelés, lie roues, de chevaux tombants, de traits barbelés et de sabres, 1,105.

De massues, de pilons, accompagnés de pattiças, de lances et de leviers de fer, de çataghnis, de disques, de bras et de cuisses, 1,106.

De fils, qui entourent le cou, d’armilles, de bracelets, de colliers, de nishkas et de cottes de mailles, 1,107.

D’ombrelles, de chasse-mouches et de têtes revêtues de la tiare, souverain des hommes. 1,108.

Sur la terre, semblable à un ciel, parsemé d’une multitude d’étoiles, on voyait des têtes aux yeux charmants, pareilles à la pleine lune, ombragées de leurs pendeloques. On voyait sur le sein de la terre les corps des guerriers tués, arrosés de sandal, revêtus de magnifiques habits, ornés de bouquets superbes. 1,109-1,110.

Tel que la cité des Gandharvas, le champ de bataille était épouvantable par les fils de rois immolés et les kshatryas à la grande force renversés, les éléphants et les coursiers abattus. La terre du combat était impraticable, comme semée de montagnes écroulées. 1,111-1,112.

Là, n’était pas de route pour le disque du magnanime Pândouide, écrasant les ennemis et tuant de ses bhallas les nombreux escadrons des coursiers et des éléphants. 1,113-1,114.

Les roues du char s’affaissent comme d’effroi, vénérable monarque ; les roues plongent, tandis qu’il marche dans la guerre au milieu de ce bourbier de sang. À chaque instant, les coursiers, qui ont la rapidité du vent ou de la pensée, succombent à une violente fatigue. 1,115-1,116.

Toute cette armée, battue en pièces par l’archer fils de Pândou, et tournant le dos pour la plus grande partie, ne tenait pas le pied ferme, Bharatide. 1,117.

Quand il eut vaincu les troupes nombreuses des conjurés, le fils de Prithâ, Djishnou resplendit alors dans le combat, tel qu’un feu, qui flamboie sans fumée. 1,118.

Le roi Douryodhana fit face sans crainte avec ses flèches à Youdhishthira, qui décochait, puissante majesté, des traits en grand nombre. 1,119.

Dharmarâdja de blesser rapidement ton héroïque fils, qui venait d’une course hâtée, et de lui crier : « Arrête ! Halte-là ! » 1,120.

Violemment irrité, Souyodhana le frappa en retour de neuf flèches acérées, et perça son cocher avec un bhalla. Ensuite, Youdhishthira d’envoyer, sire, à Douryodhana treize dards, empennés d’or, aiguisés sur la pierre. 1,121-1,122.

À peine le grand héros eut-il tué ses quatre chevaux de quatre flèches, il ravit avec une cinquième la tête au corps de son cocher. 1,123.

Il abattit sur le sol de la terre avec une sixième le drapeau, avec une septième l’arc du roi, et avec une huitième son grand cimeterre. 1,124.

Enfin Dharmarâdja fit couler à flots, de cinq traits, le sang du monarque. Mais ton fils, étant sauté à bas de ce char aux chevaux immolés, 1,125.

Se tint sur la terre, plongé dans la plus grande infortune. Dès que Kripa, Açvatthâman, Karna et les autres le virent précipité dans cette crise, 1,126.

Ils s’approchèrent d’un pied hâté pour sauver cet empereur des hommes ; et tous les fils de Pândou, environnant Youdhishthira, l’accompagnèrent dans le combat. Alors s’éleva la bataille, sire, et l’on donna une voix, dans cette grande lutte, aux instruments de musique par milliers. 1,127-1,128.

Une rumeur de joie éclata, souverain des hommes, partout où les Pântchâlains s’avancèrent pour combattre avec les Kourouides. 1,129.

Les hommes s’entrecroisèrent hostilement avec les hommes, les éléphants avec les éléphants, les chars avec les chars et les chevaux montés avec les cavaliers. 1,130.

Il y avait dans la guerre, Mahârâdja, des combats singuliers au cimeterre variés, supérieurs, admirables à voir, et qui surpassaient même l’imagination, 1,131.

Tous les héros à la vaste fougue, animés par le désir réciproque de leur mort, soutenaient cette bataille avec diversité, excellence, légèreté. 1,132.

Fidèles au devoir du guerrier, ils se frappaient les uns les autres dans le combat, et n’attaquaient jamais, dans ce conflit, un brave par-derrière. 1,133.

Un instant, cette bataille, sire, fut agréable à voir ; ensuite, elle devint sans règles, comme entre des gens enivrés. 1,134.

Affrontant un éléphant, le maître de chars le déchirait avec ses traits acérés, et l’envoyait à la mort avec ses dards aux nœuds inclinés. 1,135.

Abordant des escadrons de cavalerie, des éléphants les dispersaient en fuite, et les déchiraient de la manière la plus horrible, çà et là, à tous les instants. 1,136.

Rassemblés de tous les côtés, de nombreux cavaliers, environnant des chevaux de la plus haute taille, faisaient résonner leurs mains de la façon la plus éclatante.

Les cavaliers frappaient sur les flancs et par-derrière les gigantesques éléphants, qui fuyaient d’une course rapide. 1,137-1,138.

Des proboscidiens, dans la furie de l’ivresse, ayant dispersé en fuite, sire, des multitudes de chevaux, ceux-ci les frappaient de leurs trompes, ceux-là de les broyer en pièces, sans pitié. 1,139.

Les uns perçaient de leurs défenses les chevaux et les cavaliers ; d’une vigueur excessive, ils enlevaient l’ennemi et le rejetaient sur la terre avec promptitude. 1,140.

Blessés de tous côtés par les fantassins à défaut de la cuirasse, les éléphants poussaient des cris épouvantables de détresse et couraient à tous les dix points de l’espace.

Les hommes de pied, fuyant d’un pas léger dans ce vaste combat, ayant abandonné leurs décorations, couraient éperdus, méconnus sur le champ de bataille. 1,141-1,142.

Pensant à la cause de la victoire[5], les cavaliers, portés sur les grands éléphants, prennent et brisent différents insignes. 1,143.

D’une grande vitesse et remplis de vigueur, les fantassins, environnant les guerriers dévoués à la cause et portés sur des pachydermes, jetaient devant eux un obstacle.

Les uns étaient lancés dans les airs par les trompes au milieu de ce grand combat, et, retombant, ils étaient profondément blessés par le bout des défenses de ces éléphants bien dressés. 1,144-1,145.

Ceux-ci étaient tués par les défenses mêmes, qui les avaient reçus dans leur chûte légère. Il en est qui, s’étant approchés là hostilement au milieu de l’armée, puissant roi, furent jetés mainte et mainte fois par les gigantesques éléphants, les membres tout broyés. Les autres chefs mouraient dans le combat, après qu’ils avaient tournoyé comme des chasses-mouche. Les autres éléphants, souverain des hommes, couvraient le champ de bataille çà et là de leurs corps, béants par de larges blessures. 1,146-1,147-1,148.

Ceux-là étaient enchaînés puissamment par les traits barbelés, les leviers de fer et les lances, plongés dans les gencives, les protubérances frontales et la partie du chef entre les défenses du pachyderme. 1,149.

Certains éléphants se trouvaient arrêtés par ces projectiles envoyés dans leurs flancs et doués d’une vaste épouvante. Les chars tombaient sur la terre, coupés avec les guerriers, qu’ils voituraient. 1,150.

Les cavaliers avec leurs chevaux, le levier de fer à la main, broyaient là rapidement sur la terre, dans ce grand combat, le fantassin, malgré sa cuirasse. 1,151.

Les ayant attaqués, des éléphants surpassèrent çà et là, souverain des hommes, certains chars avec leurs armures, et les jetèrent promptement dans cette terreur aux formes épouvantables. Des proboscidiens à la grande force tombaient, frappés des nârâtchas ; 1,152-1,153.

Ainsi croule sur la cîme de la terre le sommet d’une montagne, brisé par le tonnerre. Des guerriers, s’approchant des guerriers avec menaces, les frappaient de leurs poings dans la guerre. 1,154.

Les uns, s’étant pris mutuellement aux cheveux, se renversaient et se brisaient : les autres, levant leurs bras, se jetaient à bas sur le sol de la terre. 1,155.

Celui-ci, neutralisant les pieds et la poitrine du guerrier tremblant sous lui, enlevait sa tête : celui-là, sire, tranchait avec son épée le chef de son rival tombé. 1,156.

Un autre plongeait son javelot dans le corps de son ennemi vivant. Il y eut alors, Bharatide, une vaste bataille à coups de poings entre les combattants. 1,157.

On voyait se prendre aux cheveux, d’une manière terrible, et se livrer d’épouvantables combats à bras-le-corps. Tel inconnu enlevait dans la bataille, de plusieurs façons, sous des traits divers, les souffles de l’existence au héros engagé avec un autre. Des monceaux de cadavres mutilés s’élevaient par centaines et par milliers dans ce conflit des braves, attachés à leur cause. Les flèches et les cuirasses étaient baignées de sang. 1,158-1,159-1,160.

Elles resplendissaient comme des vêtements, teints de couleurs voyantes. Ainsi ce vaste combat était épouvantable et couvert d’armes. 1,161.

Le monde était rempli d’un bruit pareil au fracas de la Gangâ[6] en délire ; blessés des flèches, ils ne distinguaient rien, ni dans le ciel, ni devant eux. 1,162.

« Il faut combattre, » disaient les princes, et ils combattaient avides de la victoire ; chacun frappait les siens, grand roi, en même temps que les ennemis engagés avec eux. 1,163.

Les héros, les chars rompus, les éléphants renversés, Mahârâdja, causaient dans les deux armées une immense alarme. Dans un instant, la terre offrit un aspect impraticable. 1,164-1,165.

Dans un instant, les torrents de sang des monarques formèrent des tourbillons. Karna d’immoler les Pântchâlains, Dhanandjaya les Trigarttas, Bhîmaséna les Kourouides, sire, et de tous côtés, l’armée des éléphants. Ainsi se déroulait ce carnage entre les deux armées de Kourou et de Pândou, au milieu de ces héros, qui désiraient une vaste renommée, à l’heure où le soleil a passé le méridien. 1,166-1,167-1,168.

« J’ai entendu avec vérité, Sandjaya, interrompit Dhritarâshtra, ces malheurs nombreux, intolérables, d’une violence extrême, et la destruction de mes fils. 1,169.

» Le combat eut lieu, comme tu me l’as raconté ; et les Kourouides ne sont déjà plus, cocher ! c’est mon opinion bien arrêtée. 1,170.

» Le vaillant Douryodhana fut réduit alors sans char : que fit de lui Youdhishthira, le fils d’Yama, ou que fit de celui-ci le roi des hommes ? 1,171.

» Comment, le soir de ce jour, livra-t-on ce combat épouvantable ? Raconte-moi cela, suivant la vérité, Sandjaya ; car tu es un habile narrateur. » 1,172.

Quand les armées étaient engagées l’une avec l’autre, et taillées en pièces, chacune de son côté, répondit Sandjaya, ton fils, souverain des hommes, monta sur un autre char.

Doué d’une ardente colère et tel qu’un serpent armé de ses poisons, aussitôt que Douryodhana eut aperçu Youdhishthira, le fils d’Yama. 1,173-1,174.

Il dit précipitamment à son cocher, Bharatide : « Avance ! avance ! Fais-moi arriver promptement, cocher, là où est le fils de Pândou. » 1,175.

Revêtu de sa cuirasse, le roi brillait sous son ombrelle déployée sur sa tête ; et le cocher, excité par les paroles du monarque, le conduisit dans la guerre en face du charriot sublime d’Youdhishthira. Celui-ci irrité, comme un éléphant en rut, 1,176-1,177.

De stimuler son cocher : « Va où est Souyodhana ! » Ces deux cousins[7], braves et les plus grands des héros, en vinrent aux mains. 1,178.

Quand ces fameux héros aux grands arcs, courroucés, ivres de la furie des batailles, eurent croisé leurs armes, ils firent tomber l’un sur l’autre dans ce combat des pluies de flèches. 1,179.

Et le roi Douryodhana de trancher dans la guerre avec un bhalla, émoulu sur la pierre, l’arc du vertueux fils d'Yama. 1,180.

Youdhishthira dans sa colère ne put supporter cette marque de mépris, et, les yeux rouges de fureur, il rejeta son arc coupé. 1,181.

Le fils de Dharma saisit une autre arme et trancha, à la face de l’armée, le drapeau et l’arc de Douryodhana, qui prit un nouvel arc et décocha sur Youdhishthira. Pleins de colère, ils firent pleuvoir l’un sur l’autre des averses de flèches. 1,182-1,183.

Irrités comme deux lions et brûlants d’un mutuel désir de la victoire, ils se frappèrent de coups réciproques dans le combat, mugissants comme deux taureaux. 1,184.

Ces vaillants héros allèrent, se cherchant un défaut : ensuite, ils se remplirent de traits décochés, qui imprimaient des blessures. 1,185.

Ils brillaient, puissant roi, comme deux kinçoukas en fleurs ; puis, ils poussèrent mainte et mainte fois leurs cris de guerre. 1,186.

Ces héros éminents tirèrent des sons dans ce grand combat de leur arc et des paumes de leurs mains ; ils firent rendre à leurs conques les plus excellents accords. 1,187.

Ils s’accablèrent l’un l’autre de coups énormes, puissant monarque. Ensuite, le roi Youdhishthira de frapper dans la poitrine, avec colère, ton fils de trois flèches insurmontables, égales à la rapidité de la foudre. Le souverain de la terre, ton fils lui rendit promptement ses blessures avec cinq traits acérés, empennés d’or, aiguisés sur la pierre. Le roi Douryodhana lui darda, Bharatide, une lance 1,188-1,189-1,190.

Massive de fer, violente, semblable à un grand météore. Dharmarâdja la trancha soudain dans son vol de trois flèches aiguës, et le blessa lui-même rapidement avec cinq dards. Le projectile au grand son, au manche d’or tomba ; 1,191-1,192.

Et, dans sa chûte, semblable à celle d’un météore igné, il resplendit, pareil au feu. Aussitôt que ton fils, souverain des hommes, vit sa lance de fer paralysée, 1,193.

Il perça Youdhishthira de neuf bhallas acérés. L’héroïque guerrier, profondément blessé par son vigoureux ennemi, 1,194.

Saisit à la hâte une flèche, et, visant Douryodhana, le brave à la grande force de l’appliquer au milieu de son arc. 1,195.

Irrité, courageux, il envoya son trait, qui fondit, puissant roi, sur le grand héros, ton fils. 1,196.

Il jeta dans le délire l’esprit du monarque, et pénétra dans le sein de la terre. Douryodhana irrité saisit à la hâte une massue ; 1,197.

Et, désirant mettre fin à cette guerre, il courut sur le fils de Dharma. Aussitôt qu’il le vit accourir, sa massue levée, comme la Mort, son bâton à la main, 1,198.

Dharmarâdja d’envoyer à ton fils une vaste lance de fer enflammée, à la grande vitesse, ardente et telle qu’un météore de feu. 1,199.

Debout sur son char et blessé par elle, qui fendit au milieu des seins ses organes vitaux, le cœur profondément troublé, il tomba et s’évanouit. 1,200.

Bhîma dit à Dharmarâdja, car il se rappela sa promesse : « Seigneur, tu ne dois pas mettre à mort cet homme ! » Et cela dit, il l’empêcha[8]. 1,201.

Rritavarman, s’étant approchédeton fils, qu’on éloignait à la hâte du combat, trouva que ce monarque était alors plongé dans un océan d’infortune. 1,202.

Levant sa massue, ornée d’une étoffe d’or, Bhîma cornait avec vitesse dans la bataille sur Rritavarman. 1,203.

Telle était cette lutte des tiens avec les ennemis, au milieu de ce soir, où chacun, puissant roi, désirait gagner la victoire dans ce conflit. 1,204.

Ensuite les tiens, ivres de la furie des batailles, mettant à leur tête Rama, revinrent sur leurs pas et livrèrent un combat, semblable à celui des Asouras et des Dieux.

Exaltés au bruit des conques, des chevaux, des chars, des guerriers et des éléphants, les escadrons de cavaliers, de chars et de pachydermes, et les bataillons de fantassins se frappaient, le visage tourné devant l'ennemi, et bouillants de colère. 1,205-1,206.

Les plus excellents héros, les coursiers, les chariots et les guerriers donnaient la mort dans ce grand combat aux chevaux, aux éléphants, aux chars, avec des haches aiguisées, avec des épées, des pattiças et des traits de plusieurs sortes. 1,207.

La terre brillait, jonchée des têtes de héros, semblables au lotus, à la lune, au soleil, de pendeloques, de tiares étincelantes, de nez, d’yeux, de jolies bouches, de dents tranchantes. 1,208.

Frappés par des centaines de bâtons noueux, de pilons, de lances, de leviers en fer, de nakharas, de bhouçoundis et de massues, les chevaux, les éléphants et les guerriers versaient alors par milliers des fleuves de sang. 1,209.

Étalant leurs blessures et d’un aspect horrible, ces armées en pièces, aux coursiers, aux proboscidiens, aux chars, aux guerriers mutilés, resplendissaient, comme le royaume du souverain des morts, le jour, de la destruction des créatures. 1,210.

Tes combattants et tes fils, semblables aux enfants des Immortels, Indra des hommes, les princes de Kourou, ayant à leur tête des mortels à la vigueur sans mesure, s’avancèrent vers le fils de Çini. 1,211.

Remplie d’éléphants, de chars, de chevaux, des plus excellents guerriers , élevant un bruit pareil au mugissement de l’onde salée, cette armée épouvantable et plus qu’éclatante, ressemblait à l’armée, qui obéit aux ordres du maître des Dieux. 1,212.

Le fils du Soleil, qui possédait une valeur égale à celle du souverain des Immortels, frappa dans ce combat de ses flèches, pareilles aux rayons du père de la lumière, le plus grand héros des Çinides, semblable au frère mineur du plus grand des Tridaças. 1,213.

Le taureau des Çinides couvrit alors dans ce combat, d’une main hâtée, de ses flèches diverses, ce plus éminent des mortels, avec son char, ses chevaux et son cocher, lui, qui avait une splendeur égale au poison des serpenté.

Accablés par les traits du plus grand des Çinides, tes amis, portés sur leurs chariots, accompagnés de leurs éléphants, de leurs chars, de leurs cavaliers et de leurs hommes de pied, s’approchèrent à la hâte de Vasoushéna, le plus grand des héros. 1,214-1,215.

Il courut alors sur l’armée, semblable à un océan et poursuivie par des ennemis plus rapides qu'elle-même. Il y eut alors un vaste carnage d’éléphants, de chevaux, de guerriers, de chars, accompli par les principaux des fils de Droupada. 1,216.

Ces deux éminents hommes, Arjouna et Kéçava, ayant adressé les prières du jour et honoré l’auguste Çiva, suivant la règle, se portèrent d’un pied rapide sur ton armée, la résolution arrêtée pour la mort des ennemis.

Ceux-ci éperdus le virent alors s’avancer près d’eux sur un char, dont le vent agitait les drapeaux et les flammes, et dont le bruit ressemblait au fracas des nuages. 1,217-1,218.

Brandissant l’arc Gândiva sur son char, Arjouna remplit de ses traits l’atmosphère, les points cardinaux, les plages intermédiaires, 1,219.

Il renversa des voitures semblables aux chars des Immortels, avec leurs armes, leurs drapeaux, leurs cochers, et les anéantit avec ses flèches, comme le vent disperse les nuages. 1,220.

Il conduisit avec ses traits, aux demeures d’Yama, les éléphants et leurs guides, les armes, les drapeaux et les bannières, les chevaux, les cavaliers et les hommes de pied. 1,221.

Immolant tout de ses flèches au vol droit, Douryodhana marcha seul contre ce grand héros, qu’on ne pouvait arrêter, courroucé à l’égal de la mort. 1,222.

Quand Arjouna eut frappé de sept dards son arc, son drapeau, son cocher et ses chevaux, il trancha d’un seul trait son ombrelle. 1,223.

Dès qu’il eut encoché une neuvième sagette, la plus excellente des armes, destructive de la vie, il l’envoya à Douryodhana. Le corps d’Arjouna fut entamé sept fois par Açwatthâman. 1,224.

Lorsqu’il eut tranché l’arc du Dronide et qu’il en eut tué de ses flèches les excellents chevaux, le Pândouide coupa l’arc plus que terrible de Kripa lui-même. 1,225.

Alors qu’il eut mis en deux morceaux l’arc de Hârddikya, il rompit son drapeau et ses chevaux ; et, dès qu’il eut tranché le grand arc de Douççâsana, il s’avança vers Râdhéya. 1,226.

Ayant abandonné à la hâte Sâtyaki, Karna de blesser Arjouna avec trois flèches, et de percer mainte et mainte fois de vingt Krishna, ce fils de Prithâ. 1,227.

Tandis qu’il décochait ses traits nombreux, la fatigue n’assaillit point Karna : tel Çatakratou irrité, quand il immolait ses ennemis dans le combat. 1,228.

Sâtyaki, étant survenu, de blesser Karna avec ses flèches aiguës ; il le harcela de quatre-vingt-dix-neuf terribles dards[9], qu’il lit suivre de cent. 1,229.

Karna fut alors accablé par tous les seigneurs des Prithides, par Youdhâmanyou, Çikhandi, et Youyoutsou, les fortunés Draâupadéyains, guerriers aux grandes forces, par les deux jumeaux, le Prishatide lui-même et ce qui formait l’armée des Kalkéyains, des Matsyas, des Karoûshas et des Tchédiens. 1,230-1,231.

Le vigoureux Tchékitâna et Dharmarâdja, fidèle à son vœu, ces héros, environnant Karna d’éléphants, de coursiers, de chars et de fantassins au terrible courage, l’inondèrent dans ce combat de maintes et maintes flèches : tous, la pensée arrêtée dans la mort de Karna, ils prononçaient des paroles effrayantes. 1,232-1,233.

Ayant brisé nombre de fois leur pluie de traits par ses flèches acérées, Karna finit par l’emporter lui-même, grâce à la force de son astra : tel un arbre est enlevé par le vent, qui l’a rompu. 1,234.

On voyait Karna en fureur abattre les maîtres de chars, les éléphants et les chevaux à la haute taille, les cavaliers et les bataillons d’hommes de pied. 1,235.

Battue sous la puissance des astras de Karna, cette armée des Pândouides, sans traits, sans astras, sans corps de machines, avait en grande partie le dos tourné au combat.

Puis, avec son astra, ayant repoussé l'astra de Karna, Arjouna remplit en riant, des averses de ses flèches, les points cardinaux, le ciel et la terre. 1,236-1237.

Elles tombaient en forme de pilons et de massues ; les unes comme des çataghnis, les autres telles que des foudres terribles. 1,238.

Taillée en pièces par ces traits, l’armée, pleine d’éléphants, de chars, de cavaliers et de fantassins, errait, les yeux fermés entièrement, et poussant des cris. 1,239.

Les pachydermes, les chevaux, les guerriers livrèrent alors un combat, résolus d’accepter la mort[10] ; blessés, en proie aux flèches, ils couraient, pleins d’effroi. 1,240.

Tandis que les tiens, désirant la victoire, s’acharnaient à cette bataille, le soleil dans sa carrière arriva au mont Asta. 1,241.

Enveloppés d’obscurité et surtout de poussière, Mahârâdja, nous ne pouvions distinguer aucune chose, fût-elle heureuse ou malheureuse. 1,242.

Les fameux héros, accompagnés de tous les guerriers, tremblants d’un combat de nuit, Bharatide, appelaient à grands cris la retraite. 1,243.

Pendant que les Kourouides vidaient le champ de bataille à la chûte du jour, les enfants de Prithâ regagnaient leur camp, enchantés de la victoire, qu’ils avaient remportée. 1,244.

Au milieu des divers accords des instruments de musique, mêlés aux cris de guerre répétés, ils raillaient les ennemis, exaltant Atchyouta et Arjouna. 1,245.

Dans ces pertes, que l’on avait subies, tous les guerriers eux-mêmes, les plus excellents des hommes, répandirent avec les héros, sur les fils de Pândou, leurs paroles de bénédictions. 1,246.

Ensuite, l’armistice conclu, les Pândouides joyeux, ces plus illustres des mortels, rentrés dans leur camp, y passèrent la nuit. 1,247.

Et les Rakshasas, les Piçâtchas, les animaux carnassiers fondirent par troupes sur cet effroyable champ de bataille, semblable au lieu où s’amuse Roudra. 1,248.

« Arjouna, c’est évident ! nous a donné la mort à tous par sa volonté seule, observa le roi Dhritarâshtra. La mort elle-même ne serait pas délivrée de ce héros, ses armes à la main, dans le combat. 1,249.

» Seul, le Prithide a conquis Soubhadrâ ! Seul, il a rassasié le feu ! Seul, après qu’il eut triomphé de la terre, il a soumis les rois à payer le tribut ! 1,250.

» Seul, il a défait avec son arc divin les Nivâtakavatchas ! Il était seul, quand il combattit le Dieu Çarva, placé devant lui sous la forme d’un chasseur montagnard ! » Seul, il a sauvé les Bharatides ! Seul, il a satisfait Bhava ! Tous les souverains à la puissance terrible furent vaincus par lui seul ! 1,251-1,252.

» Dis ce que firent ces hommes irréprochables dans les éloges mérités : que fit alors, cocher, Douryodhana à la suite de ces choses ? n 1,253.

Percés, blessés, renversés, les membres coupés, sans armes ni chevaux, répondit Sandjaya, ces fiers guerriers, domptés par l’ennemi, poussant de tristes gémissements, étaient affligés par la douleur. 1,254.

Retirés dans leur camp, les Kourouides s’y livrèrent à de nouvelles délibérations : ils ressemblaient à des serpents, foulés aux pieds, qui ont les dents brisées et le venin tari. 1,255.

Soupirant comme un boa, frottant l’une de ses mains avec l’autre et les yeux fixés sur ton fils, Karna leur tint ce langage : 1,256.

« Arjouja fut toujours se consumant en efforts, ferme, habile, plein de constance ; et Vishnou fait de ce héros le même cas que de la mort. 1,257.

» Aujourd’hui, nous avons été trompés par la création rapide de ses astras ; mais demain, souverain de la terre, je détruirai toutes ses pensées. » 1,258.

Il dit : « Qu’il en soit ainsi ! » répondirent-ils ; Douryodhana congédia les plus grands rois ; et ceux-ci, la séance levée, se retirèrent tous dans leurs palais. 1,259.

Ils coulèrent cette nuit doucement, et sortirent joyeux pour le combat. Ils virent l’ordre de bataille invincible, estimé d’Ouçanas et de Vrihaspati, qu’avait établi, grâce à ses efforts, Dharmarâdja, le plus grand des Kourouides. Le meurtrier des héros contraires, Douryodhana se souvint alors du brave Karna aux épaules de taureau, qui faisait tourner le visage aux ennemis. L’esprit du monarque se porta vers ce Karna, égal à Pourandara dans les ban tailles, égal en force aux armées des vents, égal en courage à Kârttavîrya : le cœur du roi se dirigea vers l’héroïque Karna, le fils du cocher, comme pour enchaîner des hommes, qui jetaient de sinistres augures sur tous les guerriers. 1,260-1,261-1,262-1.263-1,264.

« Qu’est-ce que fit, cocher, s’enquit Dhritarâshtra, qu’est-ce que fit Douryodhana, après que votre cœur, hommes d’un faible courage, fut allé vers Karna, le Découpeur ? 1,265.

» Vit-il Râdhéya même, tel qu’un homme tourmenté par la froidure voit le soleil. Les guerriers arrivés à la fin de l’armistice, la bataille recommença. 1,266.

Comment Karna, le fils du Soleil, a-t-il combattu alors, Sandjaya ? Ou comment tous les Pândouides ont-ils fait la guerre au fils du cocher ? 1,267.

» Seul, Karna aux longs bras pourrait immoler les Prithides et les Srindjayas ! La force de l’un et l’autre bras de Karna est égale dans les combats à celle de Çakra et de Vishnou ! 1,268.

» Les traits et le courage de ce magnanime sont épouvantables : sa majesté Douryodhana, malgré son ivresse, s’est réfugiée sous la protection de Karna. 1,269.

» Alors, ce vaillant guerrier a vu Douryodhana profondément la proie des flèches, et les fils de Pândou remplis de courage. 1,270.

» Le faible Douryodhana s’est réfugié de nouveau sous le bras de Karna : cependant, il peut vaincre les Prithides, accompagnés de leurs fils et soutenus par Kéçava ! 1,271.

» Oh ! c’est un grand malheur que Karna n’ait pas surmonté dans le combat, par sa rapidité, les fils de Pândou ! Certes ! le Destin est la plus haute des voies. 1,272.

» Hélas ! voici que la condition du jeu s’agite épouvantable maintenant ! Hélas ! j’atteste qu’amères sont-les peines, causées par Douryodhana ! 1,273.

» Je supporte, Sandjaya, les pointes extrêmement épouvantables de ces flèches. Souyodhana pense, mon ami, du Soubalide qu’il est rempli de science politique ! 1,274.

» Karna fut toujours dévoué au plaisir du monarque, mon fils : c’est pour cela que j’apprends, Sandjaya, que dans ces grands combats, qui furent ainsi livrés, mes fils, toujours vaincus, ont fini par être immolés. Aucun d’eux ne put arrêter les Pândouides dans la bataille. 1,275-1,276.

» Ils se précipitent sous les coups du Destin, insurmontable à tout, comme au-devant des caresses d’une femme. » Songe, majesté, que les premières causes, répondit Sandjaya, sont véritablement justes ; l’homme ensuite pense qu’il doit faire ce qui dépassera les bornes. 1,277-1,278.

« Que cette affaire de lui ne soit pas ! » dis-tu ; et elle meurt dans ta pensée. Mais un homme, qui possède une science étendue, arrive de loin à connaître cette affaire de toi. 1,279.

Tu n’as pas délibéré d’abord sur les choses, que tu avais à faire ou non. On t’a dit souvent, sire : « Ne fais pas la guerre aux Pândouides ! » 1,280.

Tu n’as point accepté, souverain des hommes, cette grande parole ; et tu as accumulé des crimes épouvantables sur les fils de Pândou. 1,281.

Voilà pourquoi une horrible destruction des créatures exerce sa fureur sur les princes : mais cela est maintenant derrière nous ; ne t’en désole pas, éminent Bharatide.

Écoute comment, Impérissable, tout cet effrayant obstacle est arrivé ! Quand la nuit eut commencé à s’éclaircir, Kama de s’avancer vers le monarque. 1,282-1,283.

Abouché avec lui, ce guerrier aux longs bras tint ce langage à Douryodhana : 1,284.

« J’affronterai aujourd’hui, sire, le Pândouide à la haute renommée : j’immolerai ce héros, ou c’est lui, qui me tuera.

» Le grand nombre de mes affaires et celles du Prithide, sire, ont empêché que ma rencontre n’eut lieu avec Arjouna même. 1,285-1,286.-

» Écoute cette mienne parole, suivant ma science, souverain des hommes : je ne m’en irai pas du combat, Bharatide, sans avoir tué le fils de Prithâ, dans cette armée, dont j’aurai, le pied ferme, abattu le plus grand des héros ! ou le Prithide s’approchera de moi, réduit sans trait, ni lance ! 1,287-1,288.

» Apprends, monarque des hommes, quelle est la force des armes d’Arjouna, et quelle est la vigueur de mes armes célestes, qui m’assure le succès. 1,289.

» L’Ambidextre n’est pas mon égal ni pour le vol des astras, ni pour l’excellence, ni pour l’action d’abattre les traits au loin, ni pour la légèreté, ni pour aucune sorte de grande affaire ! 1,290.

» L’Ambidextre n’est pas mon égal ni pour l’acquisition de la connaissance des causes, ni pour le courage même, ni pour la science, ni pour l’héroïsme, ni pour la vigueur.

» Cet arc, nommé la Victoire, qui surpasse toutes les armes par sa haute taille, fut construit pour le dieu Indra, par les mains de Viçvakarma, en reconnaissance d’un service. 1,291-1,292.

» C’est grâce à lui que Çatakratou, sire, a vaincu les armées des Daîtyas : par le son de cette arme, les dix plages des Daîtyas étaient, sire, remplies de délire.

» Çakra donna cet arc souverainement estimé au rejeton de Bhrigou ; et le Djamadagnide me fit présent de cette arme sublime. 1,293-1,294.

» Je combattrai avec elle Arjouna aux longs bras, le plus grand des conquérants, comme Indra fondit au milieu du combat sur tous les Daîtyas, rassemblés en armes devant lui. 1,295.

» Cet arc épouvantable, donné par Râma, il surpasse le Gândîva : c’est avec cet arc qu’il a vaincu la terre, parcourue vingt-et-une fois. 1,296.

» Le Bhrigouide a proclamé les exploits célestes de cette arme ; c’est Râma, qui me l’a donnée, et je combattrai le Pândouide avec elle ! 1,297.

» Aujourd’hui, je verserai la joie dans ton cœur, Douryodhana, et dans celui de ta famille ; car j’immolerai le héros Arjouna, le plus glorieux des vainqueurs. 1,298.

» La gloire t’environnera maintenant avec tes fils et tes petits-fils, seigneur, quand la terre, accompagnée de ses montagnes, ses forêts, ses mers et ses îles, aura vu succomber ce héros. 1,299.

» Il n’existe pour moi rien d’impossible, surtout quand il s’agit maintenant de t’obliger ; c’est la félicité suprême pour moi, homme, qui possède mon âme et qui religieusement suis attaché à mon devoir. 1,300.

» Il lui est impossible de me supporter dans le combat, comme à l’arbre de soutenir le feu : je dois nécessairement subir le blâme, parce que je ne suis point en face de Phâlgouna. 1,301.

» La corde divine de son arc, ses deux immortels carquois et Govinda, son cocher, rien de tout cela n’existe pour moi. 1,302.

» Sache que son arc divin, incomparable, invaincu dans les combats, est le Gândîva, et que l’arc grand, céleste, sublime, dont mon bras est armé, a nom la Victoire : l’héroïque Pândouide excelle avec son arc ; mais moi, grâce à mon arme, seigneur, je surpasse le fils de Prithâ ! 1,303-1,304.

» Le Dâçârhain, qui tient ses rênes, est adoré dans tous les mondes ; de plus, il a reçu du Feu un char divin aux ornements d’or, imbrisable de tous les côtés, et des chevaux, qui ont la rapidité de la pensée, et pour drapeau céleste, lumineux, un singe, qui fait naître à tous l’étonnement. 1,305-1,306.

» Krishna, le créateur du monde, gouverne son char ; et moi, quoique dépourvu de ces moyens, je désire combattre le Pândouide. 1,307.

» Cet illustre Çalya, qui brille de la beauté des batailles, n’est pas inférieur à ce héros ; s’il veut bien conduire mon char, la victoire est assurée pour toi. 1,308.

» Que Çalya soit mon cocher, et qu’il fasse naître la douleur chez les ennemis ! Que les chars supportent alors, s’ils peuvent, mes nârâtchas et mes flèches ! 1,309.

» Qu’ensuite les plus excellentes voitures, attelées des plus éminents chevaux, s’approchent toujours de moi, taureau des Bharatides ! 1,310.

» Je serai, grâce à mes qualités, supérieur au fils de Prithâ ; Çalva excelle sur Krishna, et moi sur Arjouna.

» Autant le Dâçârhain, ce meurtrier des héros ennemis, possède la science des chevaux ; autant l’héroïque Çalya jouit de cette connaissance elle-même. 1,311-1,312.

» Il n’est personne, qui soit égal au roi de Madra pour la force des bras, comme entre ceux, qui manient l’arc, il n’en est aucun, qui soit mon égal pour les astras. 1,313.

» Ainsi, nul n’a dans les chevaux une connaissance pareille à la science de Çalya : mon chariot sera donc supérieur à celui, que modère Krishna. 1,314.

» Les choses étant ainsi, debout sur mon char, j’excelle en qualité sur Arjouna. Les Dieux me verront eux-mêmes, Indra marchant à leur tête, m’élever, ô le plus grand des Kourouides, contre Phâlgouna, qu’il est possible de vaincre dans la guerre. Je désire, terrible et puissant roi, avoir déjà pour toi accompli ces prouesses. 1,315-1,316.

» Que mon vœu soit exaucé I Que ce temps ne s’écoule pas en vain pour vous ! Les choses étant ainsi, l’affaire deviendra égale à tous mes désirs ! 1,317.

» Tu verras ensuite ce que je ferai dans la guerre, Bharatide. Au milieu du combat, je triompherai entièrement des Pândouides, rassemblés en armes ! 1,318.

» Les Asouras et les Dieux ne sont point capables de s’élever en bataille contre moi, sire, à plus forte raison les fils de Pândou, qui sont des enfants de Manou ! » 1,319.

À ces mots de Karna, qui avait la beauté des combats, ton fils, l’ayant honoré d’un cœur joyeux, tint à Râdhéya ce langage : 1,320.

« Je le ferai, Kama, ainsi que tu le juges à propos. Mes héros sortiront en bel ordre pour la bataille, avec leurs chevaux, avec leurs carquois. 1,321.

» Que les chars supportent donc tes nârâtchas et tes flèches ! Nous marcherons sur tes pas, Karna, nous et tous les princes ! » 1,322.

Cela dit, l’auguste monarque, ton fils, puissant roi, s’approcha et dit avec bienveillance et modestie ces paroles à l’héroïque roi de Madra : 1,323-l,324.

« Éminent Çatyavrata, qui accrois les peines des ennemis, héros, souverain de Madra, qui répands la terreur dans le combat parmi les guerriers hostiles. 1,325.

» Tu as entendu Karna au moment qu’il parlait, ô le plus excellent des hommes à la voix articulée ; c’est pour cela que j’ai fait choix de toi-même parmi les lions des monarques. 1,326.

» Je te supplie maintenant, pour la ruine du parti ennemi, à cause de ton courage incomparable, souverain de Madra, inclinant ma tête avec respect. 1,327.

» Veuille donc modérer avec amour son chariot de guerre, ô le plus excellent des maîtres de chars, pour le bien de moi-même et la perte du Prithide. 1,328.

» Râdhéya, quand tu seras devenu son cocher, triomphera des ennemis : il n’existe pas un second Karna pour manier les flèches, si ce n’est toi, héros éminent, égal à Vasoudéva dans la guerre. Sauve Karna de toutes les manières, comme Brahma défendit Mahéçwara ! 1,329-1,330.

» Protège aujourd’hui Râdhéya, souverain de Madra, de la même manière que le Vrishnide environne de tous ses soins le Pândouide au sein des malheurs. 1,331.

» Bhîshma, Drona, Kripa, Karna, ta majesté et le vigoureux Bhodja, Çakouni le Soubalide, Açwatthâman et moi, nous composions notre armée. 1,332.

» Elle était ainsi, maître de la terre, formée de neuf portions ; mais la part de Bhîshma et du magnanime Drona ne réussit point alors. 1,333.

Deux parts sont mortes avec eux, après qu’ils eurent immolé mes ennemis. Certes ! ces deux héroïques vieillards ont succombé sous la fraude dans le combat. 1,334.

» Il sont allés de ce monde au Swarga, après qu’ils eurent accompli des exploits non faciles ; et les ennemis ont immolé dans la guerre d’autres éminents guerriers.

» Les miens en grand nombre sont allés du combat au Swarga, ayant fait le sacrifice de leur vie, et accompli des actions éminentes en proportion de leurs facultés.

» La plus forte partie de mon armée a succombé, monarque des hommes, sous les Pândouides, d’abord en petit nombre ; combien plus ne mourrait-elle pas maintenant ? 1,335-1,336-1,337.

» Fais, seigneur, que ces fils de Kountî magnanimes, pleins de force, doués d’un courage, qui est une vérité, ne puissent immoler ce reste de mon armée, ces divisions, desquelles les Pândouides, sire, ont détruit les héros dans les combats. Certes ! Karna, qui se complaît dans notre bien et notre plaisir, est un guerrier unique aux longs bras ; et ta majesté, tigre des hommes, est le grand héros de tous les mondes. Karna désire, Çalya, engager aujourd’hui une bataille avec Arjouna. 1,338-1,339-1,340.

» Il est en lui, auguste souverain de Madra, une vaste espérance de la victoire ! Il n’est aucun autre sur la terre, plus excellent que toi pour gouverner ses rênes. 1,341.

» De même que Krishna n’a pas d’égal pour modérer les guides du Prithide dans le combat, de même toi, sur le char de Karna, sois le modérateur de ses rênes. 1,342.

» Uni avec ce vaillant Krishna, le Prithide est défendu par lui dans la guerre ; les œuvres, qu’il fait, seigneur, sont exposées à tous les yeux ; c’est indubitable. 1,343.

» Ainsi Arjouna d’abord nous a frappés ainsi comme des ennemis : maintenant son courage s’appuie sur le Vasoudévide, qui l’accompagne. 1,344.

» Chaque jour, souverain de Madra, on voit le Prithide, secondé par Krishna, disperser en fuite dans la guerre la grande armée du Dhritarâshtride. 1,345.

» Il reste pour ton lot, prince à la grande splendeur, et pour celui de Karna ; détruis maintenant, de concert avec l’Adhirathide, ce qui est ton partage. 1,346.

» Immole de société avec lui, dans un vaste combat, le fils de Prithâ, comme le soleil, accompagné d’Arouna, dissipe l’obscurité. 1,347.

» À l’aspect de Karna et de Çalya, semblables à deux astres du jour se levant sur l'horizon, que les fameux héros s’enfuient dans la bataille, devant ces lumières pareilles à l’éclat du soleil adolescent. 1,348.

» Aussitôt qu’elle a vu Arouna et le soleil, vénérable sire, l’obscurité s’évanouit ; de même puissent se dissiper les fils de Kountî, avec les Pântchâlains et les Srindjayas !

» Karna est le plus excellent des maîtres de chars, ta majesté est le meilleur des cochers : on n’a pas encore vu et l’on ne verra jamais dans le monde une association aussi intime que l’union de vous deux, jeunes héros. 1,349-1,350.

» De même que le Vrishnide sauve le rejeton de Pândou dans toutes les conditions ; ainsi que ta majesté dans le combat défende Karna, le Découpeur. 1,351.

» Grâce à toi, qui mènera son char, maître de la terre, les Dieux eux-mêmes avec Çakra ne pourraient l’affronter dans la bataille, à plus forte raison les Pândouides ! Ne doute pas de ma parole. » 1,352-1,353.

Quand Çalya, rempli de colère, imprimant trois aigrettes à ses sourcils contractés et frottant mainte et mainte fois les mains, eut entendu le discours de Douryodhana.

Le guerrier aux longs bras, orgueilleux de sa force, de sa science, de son pouvoir, de sa famille, roulant ses grands yeux, teints par la fureur, lui répondit ce langage :

« Pour sûr, tu méprises, Gândhâride, ce dont tu me parles avec tant de confiance : « Remplis les fonctions de son cocher ! » dis-tu ; et tu te défies de moi !

» Tu fais l’éloge de Karna, pensant qu’il m’est supérieur dans la guerre et moi, je n’estime pas que Râdhéya me soit égal dans les combats. 1,354-1,355-1,356-1,357.

» Montre-moi, souverain de la terre, un homme supérieur, qui n’est qu’une part seulement de moi-même ; et, quand je l’aurai vaincu dans la bataille, je m’en retournerai comme je suis venu. 1,358.

» Seul moi-même, rejeton de Kourou, je combattrai cependant : approche-toi et contemple ma vigueur, tandis que je consume les ennemis. 1,359.

» Ne te défie pas de moi, Kourouide, comme ferait un homme, mon égal, qui aurait mis l’orgueil dans son cœur. » On ne doit jamais concevoir de mépris de moi dans la guerre. Vois mes bras potelés, semblables au corps de la foudre. 1,360-1,361.

» Vois mon arc merveilleux et mes flèches, pareilles à des serpents ! Vois mon char, attelé de chevaux généreux, qui ont la rapidité des vents. 1,362.

» Vois, Gândhâride, ma massue, ornée d’étoffes d’or ! Je suis capable de fendre la terre entière et de faire éclater les montagnes ! 1,363.

» Je pourrais dessécher l’océan par ma splendeur ! Pourquoi donc, quand je suis de telle sorte, sire, et bien suffisant pour la répression des ennemis, me joins-tu dans le combat à l’Adhirathide avec les fonctions basses de son cocher ? Ne veuille pas, Indra des rois, m’imposer ici une charge infime ! 1,364-1,365.

» Né dans la plus haute condition, je ne puis me soumettre au service d’un domestique, comme celui, qui est né dans la plus vile. Quiconque est placé dans l’obéissance, s’est-il rendu par affection plus vénérable ? Mais, s’il est soumis à la sujétion d’un plus bas, cette faute est ou très-grande ou très-petite. Le Brahma a créé les brahmes de sa bouche, les kshatryas de ses bras. 1,366-1,367.

» La tradition rapporte qu’il a formé les vaîçyas de ses cuisses et les çoûdras de ses pieds. Leurs différentes classes sont régulières ou par ordres mêlés, suivant l’union intime des quatre castes l’une avec l’autre. Ceux, qui gardent, qui gouvernent, qui donnent, sont nommés les kshatryas. 1,368-1,369.

» Ce qui distingue un brahme, c'est la faculté de célébrer le sacrifice, la lecture, les dons honorifiques et les donations pures : c’est pour la faveur du monde que les brahmes furent établis sur la terre. 1,370.

» Les labourage, l’élevage des troupeaux et l’aumône, suivant qu’il est juste, sont le partage des vaîçyas. Les çoûdras furent choisis pour être les serviteurs du brahme, du kshatrva et du vaîçya. 1,371.

» Les cochers furent établis comme les suivants du brahme et du kshatrya ; celui-ci d’aucune manière ne doit prêter son oreille aux paroles des cochers. 1,372.

» Moi, de qui le front est consacré et qui suis né dans la famille des rois saints ; moi sire, qui suis nommé un grand héros, à qui une cour est due et qui mérite les éloges des bardes, 1,373.

» Moi, qui suis tel, je ne puis remplir ici, meurtrier de l’armée ennemie, les fonctions de cocher pour l’Adhirathide. 1,374.

» Le mépris une fois encouru, puis-je combattre jamais ? Je t’adresse maintenant cette question, fils de Gândhârî ; et je retourne dans mon palais. » 1,375.

À ces mots, grand roi, Çalya, qui brillait de ses batailles, se leva en colère, et se retira à la hâte du milieu des rois. Ton fils, le caressant et l’ayant arrêté avec affection, avec respect, lui dit ces paroles douces, utiles en toutes les affaires : 1,376-1,377.

« Sans doute, Çalya, cela est ainsi que tu le comprends ; mais j’ai une certaine idée ; écoute-la, monarque des hommes. 1,378.

» Karna ne t’est pas supérieur, et je ne me défie pas de toi, prince ! Le roi, souverain de Madra, ne ferait pas ce qui ne serait pas vrai. 1,379.

» La vérité te fut d’abord exposée par les plus grands des hommes : c’est par cette voie, rejeton d’Arttâyana, que ta majesté en fut instruite : voilà mon opinion. 1,380.

» Parce que tu es devenu la flèche[11] des ennemis dans le combat, ô toi, qui donnes l’honneur, c’est pour cela que ton nom de Çalya[11] est vanté sur la surface de la terre.

» Ce qui d’abord fut dit par toi, prince souverainement honnête, est la vérité ; mais accomplis pour moi, vertueux roi, chaque chose, que l’on te demande. 1,381-1,382.

» Certes ! ni moi, ni Karna ne sommes plus vaillants que toi : si je fais choix ici de ta majesté dans la guerre, c’est parce qu’elle excelle à conduire un char parmi les principaux écuyers. 1,383.

» J’estime, Çalya, que Karna surpasse en qualités Dhanandjaya : mais voici l’opinion de ce monde : « Ta majesté est supérieure au Vasoudévide. » 1,384.

» Karna surpasse le Prithide par les astras mêmes, taureau des hommes ; et ta majesté est supérieure Krishna en science des chevaux et en vigueur. 1,385.

» Si le magnanime Vasoudévide possède la connaissance des coursiers, tu en sais deux fois plus, fils des plus grands souverains de Madra. » 1,386.

« Je suis satisfait de toi, Gândhâride, lui répondit Çalya ; car tu as dit au milieu de l’armée que j’étais supérieur au fils de Dévaki. 1,387.

» Je remplirai, comme il te plaît, héros, les fonctions de cocher pour l’illustre Râdhéya, combattant avec le chef des Pândouides. 1,388.

» Héros, j’ai cependant à faire une certaine condition à l’égard du Découpeur. En sa présence, j’abandonnerai ses paroles pour ne suivre que la croyance en moi. » 1,389.

« Qu’il en soit ainsi ! » répondit ton fils, sire ; et il fit connaître à Karna, ô le plus grand des Bharatides, l’opinion du souverain de Madra. 1,390.

« Écoute encore ce que je vais te dire, monarque de Madra, comment la guerre, seigneur, se fit jadis, reprit Douryodhana, entre les Asouras et les Dieux ; 1,391.

» Ce que me dit autrefois[12] le grand saint Mârkandéya. Écoute de ma bouche, qui va te la raconter complètement, cette vaste narration, ô le plus vertueux des saints rois. Tu ne dois pas admettre ici le doute dans ton cœur. La bataille de Târakâmaya fut la première, sire, entre les Asouras et les Dieux, que tourmentait un mutuel désir de la victoire. Ensuite, nous dit la renommée, les Dattyas furent vaincus par les Dieux. 1,392-1,393-1,394.

» Dans cette défaite des Daîtyas, prince, trois fils de Târaka : Yeux-d’étoiles, Yeux-de-lotus et Guirlande-d’éclairs, 1,395.

» Ayant pratiqué une violente macération et s’étant placés dans une mortification du premier degré, tourmentèrent leurs corps par la pénitence, fléau des ennemis.

» Satisfait d’eux parla répression des sens, l’abstinence, le vœu et la méditation profonde, le donateur des grâces, l’ayeul des mondes leur accorda une faveur. 1,396-1,397.

» De concert, ils demandèrent à l’ancêtre de l’univers entier, sire, d’être continuellement affranchis de la mort devant toutes les créatures. 1,398.

» Le Dieu, auguste souverain de tous les mondes, leur dit alors : « Il n’est pas d’immortalité accordée à quelqu’être que ce soit ; Asouras, retirez-vous d’ici ! 1,899.

» Ou choisissez une autre grâce, telle qu’il me plaise de l'admettre. » Quand ils eurent pensé là-dessus plus d’une fois, sire, ils dirent, fléchissant la tête, de compagnie, ces paroles à l’auguste souverain de tous les mondes : « Accorde-nous cette grâce, auguste ayeul des Dieux. » Montés dans trois villes, puissions-nous parcourir cette terre, honorés avant tous, au milieu de ce monde, grâce à ta faveur. 1,400-1,401-1,402.

» Nous marcherons ainsi les uns et les autres durant un millier d’années ; ces villes, irréprochable Dieu, viendront avec nous, douées d’une commune nature ; 1,403.

» Et quiconque, Adorable, aura frappé ces villes en marche, que la Mort, armée d’une flèche, soit alors pour nous le plus excellent des Dieux. » 1,404.

« Qu’il en soit ainsi ! » répondit le Dieu, qui rentra dans le ciel. Ceux-ci joyeux, cette faveur obtenue, ayant pensé à cette grâce les uns et les autres, 1,405.

» Choisirent pour le créateur de ces trois villes le grand Asoura Maya, honoré des Daîtyas et des Dânavas comme un immortel Viçvakarma. 1,406.

» Ensuite, l’intelligent Maya de créer, par la force de ses pénitences, ces trois cités : l’une de fer, l’autre d’argent et la troisième d’or. 1,407.

» La ville d’or était dans le ciel ; la cité d’argent se mouvait dans l’atmosphère ; mais celle de fer était sur la terre : c’est ainsi qu’il les fit, souverain du globe. 1,408.

» Chacune avait cent yodjanas ; sa largeur était égale à sa longueur ; elle était pourvue de palais et de chambres sur la cime des maisons ; elle possédait des portes arcadées et de nombreux murs d’enceinte. 1,409.

» Les plus éminents hôtels encombraient son étendue ; elle était couverte de grandes rues ; elle était embellie de portes et de palais divers. 1,410.

» Chacune de ces villes avait son roi particulier. Un ciel d’or brillait sur le magnanime Yeux-d’étoiles[13] . 1,411.

» Un ciel d’argent rayonnait sur Yeux-de-lotus[13] ; un ciel de fer couvrait Guirlande-d’éclairs. Ces trois monarques des Daityas se tenaient, foulant aux pieds les trois mondes par la vigueur de leurs astras. À la fin ils se dirent : « Qui est-ce qui se nomme le Pradjâpati ? » Ces principaux Daityas d’un courage incomparable se rassemblèrent çà et là par millions, par dizaines de millions et par centaines de millions. Ces mangeurs de chair, bien rassasiés, furent d’abord vaincus par les Dieux. 1,412-1,413-1,414.

» Placés dans l’inaccessible Tripoura, ils ambitionnent une vaste domination ; et tous en reçoivent de Maya tous les moyens. 1,415.

» Fortifiés dans cette ville, tous y vivent dans la sécurité. Est-il un désir, que l’habitant de Tripoura fomente dans son cœur. 1,416.

» Maya, par sa magie, lui en fournit la réalité, quelle qu’elle soit. Târakâksha avait pour fils un héros à la grande force, nommé Hari. 1,417.

» Il se mortifia dans une pénitence extrême, qui ravit le cœur de l’ayeul des mondes : il demanda au Dieu satisfait : « Qu'il y ait dans notre cité un vaste lac, 1,418.

» Où, nous étant plongés, tourmentés par les flèches, nous reprenions des forces plus grandes ! » Quand le fils d’Yeux-d’étoiles, l’héroïque Hari eut obtenu cette grâce,

» Il créa alors ce lac, qui devait, seigneur, conserver la vie des mortels. De cette manière, le Daîtya, frappé à mort, qui se jetait dans ce lac, y recouvrait aussitôt la vie à son entrée si vivifiante. En possession de cette merveille, les Asouras se mirent à persécuter de nouveau tous les mondes. 1,419-1,420-1,421.

» Arrivés à la perfection par de grandes pénitences, accroissant la crainte des Dieux, ils ne subirent jamais, sire, aucune défaite dans les combats. 1,422.

» Sans âme, sans pudeur, vaincus par la démence et l’avarice, tous, rangés d’eux-mêmes ou disposés par les autres, ils détruisaient leurs ennemis. 1,423.

» Ils se promenaient çà et là, à chaque instant, mettant les Dieux et leurs armées en déroute, fiers de leurs désirs accomplis et du présent de cette grâce. 1,424.

» Les Dânavas aux œuvres criminelles détruisirent sans limites[14] des contrées charmantes, les célestes jardins délicieux des habitants du ciel, et les asyles purs des rishis. Tandis que les mondes périssaient, Çakra, environné des Maroutes, 1,425-1,426.

» Prit ces villes pour son champ de bataille, y faisant tomber ses foudres de tous les côtés. Mais, dès que Pourandara vit qu’il n’avait pu rompre ces villes rendues imbrisables par le don de la grâce, souverain des hommes, que leur avait accordée le Créateur, alors effrayé, le maître des Dieux, ayant délivré les cités de ses armes, 1,427-1,428.

» S’en alla trouver avec les Immortels l’ayeul des mondes pour lui raconter, dompteur des ennemis, les injures, qu’ils avaient reçues des Asouras. 1,429.

» Quand les Dieux, inclinant leur tête, eurent tout raconté, suivant la vérité, ils interrogèrent l’adorable ancêtre des mondes sur les moyens de porter la mort à ces Démons.

» Lorsque le vénérable Dieu eut ouï leur plainte, il tint ce langage aux Immortels : « Quiconque commet une œuvre méchante contre vous, pèche contre moi-même.

» Les Asouras, certes ! ont des âmes dépravées ; tous, ils sont les ennemis des Dieux. Eux, qui vous oppressent, ils commettent ainsi continuellement des offenses.

» Je suis égal à tous les êtres : c’est indubitable. Quiconque est injuste doit être mis à mort ! C’est le vœu, que j’ai prononcé dans l’origine 1 1,430-1,431-1,432-1,433.

» Ces forteresses ne peuvent être brisées que par une seule flèche, non autrement ; et nul autre que Çiva ne peut les rompre avec un seul trait. 1,434.

» Vous, Dieux, choisissez donc pour votre combattant Djishnou-Içâna-Sthânou aux œuvres infatigables : il immolera les Asouras et les autres. » 1,435.

» À peine eurent-ils ouï ces paroles, les Dieux, sous la conduite de Çakra, ayant mis Brahma à leur tête, allèrent implorer le secours de l’Immortel, qui porte un taureau dans le champ de son enseigne. 1,436.

» Adoptant le vœu de la pénitence, embrassant l’éternel Brahman, ces êtres justes allèrent de toute leur âme avec les rishis, vers l’adorable Bhava. 1,437.

» Ils célébrèrent dans leurs paroles saintement horribles, redoutables, sire, le Dieu, qui donne la sécurité, ce magnanime, qui est l’âme de tout, et de la substance de qui même tout est rempli, 1,438.

» Qui sait, grâce à des pénitences différentes et supérieures, la méditation sur lui-même, à qui le nombre de lui-même est connu et de qui l’âme est toujours soumise.

» Ils virent l’époux d’Oumâ, semblable à nul autre dans le monde, l’adorable Içâna sans souillure, pareil à une masse de lumière. 1,439-1,440.

» Ils conçurent que l’Adorable était un, quoiqu’il eût toutes les formes diverses ; et chacun d’eux vit, plongé dans le plus grand étonnement, que les formes et les images de lui-même étaient dans cette grande âme. Dès qu’ils eurent vu que ce maître du monde, ce Dieu sans naissance, était composé de tous les êtres, 1,441-1,442.

» Les Immortels et les grands Rishis d’incliner leur tête jusqu’à terre. Çankara, s’étant levé et les ayant honorés avec le mot de : « C’est bien ! » 1,443.

» Parlez ! parlez ! » dit l’Adorable avec un sourire. Aussitôt qu’ils en eurent obtenu la permission de Tryambaka, les Dieux, l’âme pleine de confiance : 1,444.

« Adoration ! adoration ! adoration te soit rendue, seigneur ! dirent-ils. Adoration à toi, souverain maître des Dieux, à l’archer, qui porte une guirlande forestière !

» À celui, qui a détruit le sacrifice d’un Pradjâpati ; à celui, auquel les Pradjâpatis offrent le sacrifice ! Adoration à Çambou, célébré d’une louange, qui appartient à lui seul ;

» À Roudra, agité par la colère ; à Çouli au cou d’azur, aux yeux de gazelle, qui porte les plus excellentes armes, de qui les coups sont infaillibles ! 1,445-1,446-1,447.

» Au Dieu, qui mérite l’adoration, qui est pur, qui ravage, qui anéantit, qu’on ne peut arrêter ; au brahme, qui se mortifie, qui pratique le vœu de chasteté ! 1,448.

» À Içâna, sans mesure[15], qui gouverne le monde, qui est revêtu d’une peau comme vêtement, qui se complaît dans la pénitence, à la couleur, qui du jaune passe au noir, qui est engagé dans un vœu religieux, qui porte un habit d’écorce ! 1,449.

» Au père de Koumâra, à l’Immortel aux trois yeux, de qui la main est munie des armes les plus excellentes ; au Dieu, qui détruit les hommes, tombés dans l’infortune ; à l’ennemi du brahme Daksha ; au Dieu, qui extermine les multitudes des êtres ! 1,450.

» Adoration au maître des arbres, au souverain des hommes ! Adoration éternelle au maître des vaches, au maître des sacrifices ! 1,451.

» Adoration te soit rendue, à toi et à ton armée, Dieu aux trois yeux, à la splendeur sans mesure ! Jette un regard d’amour sur nous, Immortel, qui t’adorons de cœur, en paroles et en œuvres ! » 1,452.

» L’adorable Dieu, l’esprit serein, les salua de sa bienvenue et leur dit : « Cessez de trembler ! parlez ! Que dois-je faire ? » 1,453.

» Après que le magnanime eut donné la sécurité aux troupes des Pitris, des Rishis et des Dieux, Brahma, ayant honoré Çankara, lui tint ce langage utile au monde :

« Depuis le commencement de ta création, souverain des Dieux, cette région appartient aux Pradjâpatis ; le gouvernement en est exercé par moi : une grâce considérable fut accordée aux Dana vas ! 1,454-1,455.

» Nul autre que toi, souverain de ce qui fut et de ce qui est, ne peut enchaîner ces êtres, qui foulent aux pieds les bornes ; tu es l’ennemi prédestiné pour leur mort. 1,456.

» Accorde ta faveur, Dieu, souverain des Dieux, aux habitants du ciel, qui te sollicitent, le corps incliné : Çankara, immole les Dânavas ! 1,457.

» Que, grâce à toi, ce monde entier obtienne la paix, ô toi, qui donnes l’honneur : tu es secourable, maître suprême des mondes ; aussi sommes-nous venus implorer ton aide ! » 1,458.

« Tous vos ennemis doivent être frappés de mort, répondit Sthânou ; mais je ne puis tuer seul les vigoureux ennemis des Dieux. 1,459.

» Vous tous, Immortels, réunis à la moitié de ma puissance, car ils ont une grande force, triomphez dans le combat de ces multitudes d’ennemis. » 1,460.

« Nous, de qui la force et le pouvoir furent déjà éprouvés, lui répondirent les Dieux, nous pensons que la vigueur de ces Démons est dans un combat le double de notre force. »

« Les méchants, qui ont commis des offenses contre vous, reprit l’adorable saint, doivent être mis à mort partout ; immolez tous vos ennemis avec la moitié de ma puissance. » 1,461-1,462.

« Nous ne pouvons, souverain maître, lui objectèrent les Dieux, couper en deux ta vigueur ; immole donc pour nous tous les ennemis*avec la moitié de ta puissance. » 1,463.

« Si vous n’avez aucun moyen de couper en deux ma vigueur, repartit l’adorable saint, je les tuerai, en ajoutant à la mienne une moitié de votre force. » 1,464.

« Qu’il en soit ainsi ! » répondirent-ils au maître des Dieux ; et celui-ci, ayant pris, ô le plus grand des rois, la moitié de leur force, excella en vigueur. 1,465.

» Le Dieu était fort, il fut alors plus fort que tous ; et c’est de là que, dans la suite des temps, Çankara fut appelé Mahâdévâ ou le Grand-Dieu. 1,466.

« Je porte l’arc et la flèche, leur dit-il ; j’immolerai vos ennemis, habitants du ciel, sur le champ de bataille, debout sur mon char ! 1,467.

» Vous, Dieux ! contemplez mon char, mon arc et ma flèche, pendant que je vais abattre maintenant vos ennemis sur le sol de la terre. » 1,468.

« Ayant combiné çà et là toutes les formes des trois mondes, lui répondirent-ils, nous, souverain des Dieux, nous allons préparer ton char très-éblouissant. » 1,469.

» Ensuite, les plus éminents Immortels de tourner leur esprit vers ce char éclatant, disposé par le travail de Viçvakarma. 1,470.

» Ils pensèrent à Vishnou, à la lune et au feu comme à sa flèche : le feu avait la forme d’une corne : la lune, souverain des hommes, était son bhalla. 1,471.

» Vishnou était le fer, semblable au bourgeon, qui s’entrouvre, de cette flèche excellente. Ils firent son char de la terre, qui porte tous les êtres, avec son immense guirlande de villes, ses montagnes, ses forêts et ses lies. Le mont Mandara fut son œil, et le grand fleuve du Gange fut sa cuisse. 1,472-1,473.

» Les points cardinaux et les pays intermédiaires étaient le cortège du char ; son timon était formé par les troupeaux des constellations, et l’âge Krita était son attelage. 1,474.

» Vasouki, le plus grand des serpents, était les liens, qui attachent au timon ; l’Himâlaya et le mont Vindya furent les brancards de cette voiture immense. 1,475.

» Les plus grands des Dieux[16] firent de ces deux montagnes les moyens de locomotion dans le gouvernement de ce char : ils créèrent ses roues avec la mer, profonde habitation des Dânavas. 1,476.

» Le chœur des sept rishis était les ornements du char ; le Sindhou, la Sarasvati, le Gange et l’atmosphère en étaient le joug. 1,477.

» Les eaux et tous les fleuves étaient l’appareil du chariot ; les minutes, les secondes, le jour et la nuit, les saisons, les planètes enflammées et les étoiles mêmes dessinaient sa galerie extérieure. L’assemblage de l’amour, de l’intérêt et du devoir formait le trivénou[17] et le plancher du char. 1,478-1,479.

» Les simples, les herbes rampantes, la production des fleurs et des fruits étaient ses clochettes. Ayant pris le soleil et la lune, Mahâdéva les attacha à ce sublime, à ce plus éminent des chars. 1,480.

» Le jour éclatant et la sombre nuit furent l’un et l’autre de ses côtés ; ils adaptèrent les grands serpents, qui poussaient de longs soupirs[18], à lier au joug les dix souverains des éléphants, qui marchent sous la conduite de Dhritarâshtra. Le ciel devint son couple d’attelage, et les nuages furent comme des pelleteries jetées sur lui. 1,481-1,482.

» Kâlaprishtha, Nahousha, Karkodaka, Dhanandjaya et les autres Nâgas se convertirent en liens pour attacher la crinière et la queue des coursiers. 1,483.

» Les points cardinaux et les plages intermédiaires étaient les rênes des chevaux de ce char. On y voyait la méditation, la constance, l’intelligence, la fermeté et l’humilité même. 1,484.

» Les étoiles, les constellations et les planètes formaient différentes pelleteries sur le fond du ciel. Pour chevaux, ils adoptèrent les souverains du monde, les maîtres des richesses, des morts, des eaux et des Dieux. 1,485.

» Ils firent pour attaches des coursiers au joug la veille de la nouvelle lune, le quinzième jour de son âge, la nouvelle et la pleine sainte lune, et les fantômes, ennemis des hommes. 1,486.

» On avait disposé là pour ses rênes l’intérêt, la vérité et la justice : ce char était sous l’empire de la raison, et Sarasvatî errait à l’entour. 1,487.

» Agités par le vent, des drapeaux admirables et de couleurs différentes l’ombrageaient : ils illuminaient ce char céleste, auquel étaient liés, et les éclairs, et l’arc d’Indra.

» L’oblation, versée dans le feu, était l’aiguillon, la Gâyatrî le ruban, qui ornait la tête du magnanime Içâna, auquel fut d’abord assigné le sacrifice. 1,488-1,489.

» L’année fut son arc, la Sâvitrî sa corde au bruit immense ; il portait une armure céleste, ornée de précieuses pierrereries, imbrisable, affranchie de poussière, inaccessible au tchakra de la mort. Le Mérou, surmonté de la superbe montagne Maînâka, était la hampe de son drapeau. 1,490-1,491.

» Les nuages, ornés de foudres, composaient son enseigne ; ils brillaient, placés au milieu des Adhwaryous, comme des feux enflammés. 1,492.

» Les Dieux furent saisis d’étonnement, quand ils virent le chariot préparé ; quand ils virent chacune des lumières du monde entier, vénérable monarque, entrées dans sa construction. 1,498.

» Les Immortels annoncèrent à ce magnanime que le char était attelé ; et, dans cette voiture sublime, que les Dieux avaient ainsi préparée à la ruine de leurs ennemis, tigre des enfants de Manou, Çankara, puissante majesté, disposa ses armes principales. 1,494-1,495.

» Ayant élevé au sein des airs la hampe de sa bannière, il arbora son enseigne du taureau : le bâton de Brahma, le bâton de la Mort et le bâton de Roudra étaient ses armes douloureuses. 1,496.

» Des protecteurs, sur les côtés du char déployaient leurs efforts en tous les points de l’espace ; Atharvan et Angiras étaient les gardiens des roues du magnanime.

» Le Rig-Véda, le Sâma-Véda et les Pourânas marchaient devant lui ; les Itihâsas et les deux Yadjousb protégeaient ses derrières. 1,497-1,498.

» Les paroles et les sciences célestes, l’oblation versée dans le feu, les hymnes et les autres marques d’adoration, Indra des rois, marchaient, placés sur les flancs. 1,499.

» Le saint monosyllabe AUM jetait à sa tête, sire, une multitude de lumière éblouissante. Il avait choisi pour son arc l’année variée par les six saisons. 1,500.

» Cette arme à la corde impérissable lui donnait l’ombre dans le combat ; l’adorable Roudra était la mort, et son arc était l’année. 1,501.

» La nuit sombre, épouvantable, formait sa corde éternelle ; Vishnou en était la flèche, et son rayonnement en était la lune elle-même. 1,502.

» Agni et Soma composaient le monde entier, qui était appelé Vishnavien ; Vishnou était l’âme de l’adorable Bhava à la puissance infinie. 1,503.

» Les Asouras furent incapables de soutenir le contact de la corde mise à son arc ; Hara, le souverain maître, leur déchargea sa violente, son intolérable colère allumée dans sa flèche. 1,504.

» Angiras, fils de Bhrigou, lançait le fer inéluctable de la colère, née de son ressentiment ; le Dieu au cou d’azur, versant la terreur, le corps de couleur bistrée, était revêtu d’un habit d’écorces. 1,505.

» Flamboyant, environné de splendeurs et de lumières, il ressemblait à dix mille soleils ; Hara, qui fait tomber au piège des êtres, qu’il n’est pas facile d’y précipiter, est le vainqueur, et l’immolateur de ceux, qui haïssent les brahmes. 1,506.

» Il est toujours le protecteur et le destructeur des hommes, qui pratiquent le vice ou cultivent la vertu ; l’adorable Sthânou resplendit, environné par ces qualités de lui-même, rapides comme la pensée, aux formes terribles, aux épouvantables forces exterminatrices. Ce monde, en son ensemble universel, formait, ses membres. » Il brillait, sire, offrant la vue merveilleuse des choses immobiles et mobiles. Quand, armé de l’arc et revêtu de la cuirasse, il vit le char attelé, 1,507-1,508-1,509.

» Il prit une flèche céleste, qui avait son origine dans le feu, dans Vishnou[19] et dans la lune. Et les Dieux alors, auguste sire, de tourner vers elle leur pensée. 1,510.

» S’étant assis sur le plus excellent des Immortels, le vent, qui portait avec lui des odeurs pures, Mahâdéva, effrayant les Dieux en personnes, 1,511.

» Ébranlant même la terre, monta enfin, déployant ses efforts. Les plus grands des rishis, les Gandharvas, les chœurs des Immortels et les troupes des Apsaras célébrèrent le souverain des Dieux, au moment qu’il désirait s’élever sur le char. Exalté et loué par les Brahmarshis, ses bardes, 1,512-1,513.

» Et par les essaims dansants des Apsaras, habiles dans les exercices de la chorégraphie, le donateur des grâces resplendissant, armé du cimeterre, de l’arc et de la flèche : 1,514.

« Quel Dieu sera mon cocher ? » dit-il en riant. « Ce sera, lui répondirent les troupes des habitants du ciel celui, à qui ta Divinité en donnera l’ordre. Il sera, maître des Dieux, ton cocher : c’est indubitable ! » L’Immortel de nouveau ajouta ces paroles : « Choisissez pour mon cocher, sans y penser trop long-temps, celui, qui est plus âgé que moi. » Aussitôt qu’ils eurent ouï la parole dite, les Dieux magnanimes 1,515-1,516-1,517.

» Allèrent vers l’ayeul des mondes, et, l’ayant salué, lui tinrent ce langage : « On a fait dans la répression des ennemis des Immortels, comme il fut dit par toi, Dieu ! Nous nous sommes rendus favorable la Divinité, qui porte un taureau pour enseigne ; et son char, construit par nous, fut environné des armes les plus excellentes. 1,518-1,519.

» Mais nous ne savons pas encore qui sera le cocher de ce char sublime ? Qu’un Dieu, le plus grand des Immortels, soit donc établi pour son cocher ! 1,520.

» Veuille faire qu’un fruit, seigneur Dieu, couronne nos paroles ! Voici le langage, que jadis, Adorable, ta divinité nous adressa : 1,521.

« Je ferai le bien pour vos excellences ! nous dis-tu : veuille donc accomplir cette parole. » 1,522.

» Réuni avec les Dieux, le plus grand des héros, qu’il nous est difficile d’atteindre, tenant à sa main l’arc Pinâka et déployant ses efforts, choisi alors pour guerrier, mettra en déroute les ennemis et sèmera la terreur parmi les Dânavas. 1,523.

» Les quatre Védas sont les magnifiques chevaux ; la terre avec ses montagnes forme le char du magnanime ; les chœurs des constellations lui obéissent comme ses deux gardes. Hara est le combattant ; mais on ne voit pas encore son cocher. 1,524.

» Il nous reste ici à reconnaître son cocher, qui excelle sur tous ceux-ci, puissant Dieu. Voici le char fameux, les chevaux, le combattant, des cuirasses, des flèches et l’arc Pinâka ; mais nous ne voyons pas un autre que toi, ayeul des mondes, qui puisse être son cocher. 1,525-1,526.

» Tu es doué, certes ! de toutes les qualités, seigneur ; tu es supérieur aux Dieux ; hâte-toi de monter dans ce char, et gouverne ces ineffables chevaux pour la victoire du souverain des Dieux et la mort des Démons, qui haïssent les Tridaças. » Ils dirent, et, fléchissant la tête devant leur antique ayeul, 1,527-1,528.

» Les Dieux se le rendirent favorable pour la conduite du char : c’est ainsi qu’il nous fut raconté par la tradition.

« Aucune des paroles, qui furent ici prononcées par vous, habitants du ciel d’Indra, n’aura été dite en vain, répondit l’ayeul des mondes. Je gouvernerai les chevaux, tandis que Kapardi combattra. » 1,529-1,530.

» Ensuite, l’adorable Dieu, créateur des mondes, le Pitâmaha, à qui les Immortels avaient confié le soin de conduire la voiture du magnanime Içâna, monte promptement dans ce char, honoré paf le monde entier ; et les chevaux, rapides comme le vent, courbent la tête jusqu’à terre. 1,531-1,532.

» À peine, illuminant tout de sa splendeur, l’adorable Immortel, ayeul des mondes, y fut-il monté que, s’étant levé, il prit en main les rênes, l’aiguillon et la conduite des coursiers, pareils au vent : « Monte ! » dit alors à Sthânou le plus grand des Dieux. 1,533-1,534,

» Dès qu’il eut pris la flèche, qui devait son origine au feu, à la lune, à Vishnou, ébranlant les ennemis avec son arc, Sthânou monta dans le char. 1,535. » Les plus éminents des Rishis, les Gandharvas, les troupes des Dieux et les chœurs des Apsaras exaltèrent le souverain des Immortels, debout dans son chariot. 1,536.

» Au milieu de ces louanges, le donateur des grâces, armé du cimeterre, de l’arc et de la flèche, se tenait dans sa voiture, illuminant les trois mondes de sa lumière.

» L’Immortel dit encore aux Dieux, sous la conduite d’Indra : « Cette arme, dit-on, ne tuera point ! Mais vous ne devez concevoir nullement de chagrin. 1,537-1,538.

» Sachez que cette flèche tuera les Asouras ! » - « C’est la vérité ! dirent les Dieux ; ils seront immolés. 1,539.

» Ce que l’adorable Dieu a prononcé n’est pas une parole, tombée en vain ! » Les Tridaças dirent, et leur pensée les éleva dans la plus grande satisfaction. 1,540.

» Alors le souverain des Immortels s’étant avancé, environné de toutes les armées des Dieux, sur son immense char, avec lequel il n’existe aucune similitude ; 1,541.

» Le Dieu exalté à la haute renommée s’approcha avec son cortège et les autres, inaffrontables mangeurs de chair humaine, qui semblaient danser, courant de tous les côtés et s’adressant de mutuelles menaces. Les vertueux Rishis, doués de bonnes qualités, plongés dans la pénitence, 1,542-1,543.

» Et les Immortels présageaient de tous côtés la victoire de Mahâdéva. Tandis que le souverain des Dieux s* avançait ainsi, versant la sécurité sur les mondes, 1,544.

» L’univers entier était satisfait et les Tridaças partageaient sa joie, ô le plus grand des hommes. Les Rishis en des hymnes nombreux louaient alors le maître des Dieux et accroissaient mainte et mainte fois sa splendeur. Des Gandharvas par milliers, par myriades, par centaines de millions, 1,545-1,546.

» Font parler dans sa marche divers instruments de musique. Dans le temps où le donateur des grâces, monté dans son char, s’avançait contre les Asouras : 1,547.

« Bien ! bien ! disait en souriant Viçvéça[20] ; avance-toi, Divinité, là où sont les Daltyas, et pousse vivement tes chevaux ! 1,548.

» Vois la vigueur de mes bras : je tuerai aujourd’hui les ennemis dans la bataille. » L’ayeul des mondes alors d’aiguillonner ses chevaux, rapides comme le vent et la pensée, vers ce lieu, où était la Tripoura, défendue, sire, par les Daîtyas et les Dânavas. Avec ses coursiers honorés par les mondes et qui semblaient dévorer l’atmosphère,

» L’Adorable se porta d’une prompte course pour la victoire des habitants du ciel. Tandis que, monté dans son char, Bhava s’avançait, tournant sa face vers Tripoura, son taureau, emplissant de bruit les plages du ciel, poussa un immense mugissement. À l’ouïe du beuglement vaste, épouvantable de ce taureau, 1,549-1,550-1,551-1,552.

» Les étoiles, ennemies des Dieux, tombèrent alors dans l’évanouissement ; les autres, se rassurant l’esprit, de tourner le front au combat. 1,553.

» Ensuite, Sthânou, armé du trident, rempli de colère, puissant roi, ébranla tous les êtres effrayés, les trois mondes et la terre. 1,554.

» De terribles prodiges annoncèrent qu’il encochait son dard. Sur ces entrefaites, le char de Brahma et de Roudra s’affaissa profondément par l’agitation donnée à la lune, au feu, à Vishnou, et le tremblement communiqué à l’arc. Nârâyana sortit de la portion, qu’il avait dans cette flèche.

» Il monta sur la forme du taureau et détruisit le grand char. Pendant que le char périssait et que les ennemis poussaient des cris, 1,555-1,556-1,557.

» L’Adorable à la grande vigueur jeta une clameur de joie. Il était placé, ô toi, qui donnes l’honneur, sur le front du taureau et l’échine des chevaux. 1,558.

» Alors l’adorable Roudra, assis, ô le plus grand des hommes, sur la tête de son taureau et le dos vigoureux de ses coursiers, vit apparaître à ses yeux la ville de Tripoura.

» Il effaça en ce moment les mamelles de la race chevaline et divisa en deux les ongles du taureau : c’est depuis lors, s’il te plaît, que l’ongle de l’espèce bovine est partagé en deux, 1,559-1,560.

» Et que les mamelles ne paraissent plus dans les cavales, foulées sous le poids du robuste Çiva, aux œuvres merveilleuses. 1,561.

» Ayant remis la corde à son arc, Çarva d’encocher son trait, qu’il unit à l’astra de Pâçoupata, et de tourner sa pensée vers la ville de Tripoura. 1,562.

» Tandis que Roudra se tenait, grand roi, cet arc levé dans sa main, ces villes furent alors réduites par la mort à la condition commune[21]. 1,563.

» Pendant que les choses étaient descendues à la nature de tous, et s’étaient Avancées vers la condition de trois villes ordinaires, une confuse joie saisit les Dieux magnanimes. 1,564.

» Exaltant le suprême seigneur, les plus éminents Risbis, les Siddhas et tous les chœurs des Souras donnèrent l’essor à leur voix, en criant : « Victoire ! » 1,565.

» Alors Tripoura apparut devant le Dieu à la vigueur intolérable, au corps formidable, indescriptible, qui tuait les Asouras. 1,566.

» L’adorable seigneur de l’univers, ayant bandé son arc céleste, de lancer à Tripoura cette flèche, qui avait la force des trois mondes. 1,567.

» À peine eut-il envoyé ce plus excellent des traits, vertueux monarque, les villes, croulant sur la terre, firent entendre de grands cris de détresse. 1,568.

» Quand il eut consumé ainsi les armées des Asouras, il les précipita dans la mer occidentale. Voilà comment Mahéçvara, irrité et désirant le bien des trois mondes, incendia les villes de Tripoura et surtout les Dânavas. Le feu, né de sa colère, fut arrêté par ces mots 1,569-1,570.

» De Tryambaka : « Holà ! Ne mets pas en cendres les mondes ! » Ensuite, les saints, les mondes et les Dieux, rentrés dans leur nature, de célébrer Sthânou à la force incomparable avec des paroles d’une religieuse horreur ; et sous la conduite de l’ayeul des mondes, tous les Souras, de qui les efforts avaient été couronnés du succès, congédiés par l’Adorable, de s’en aller comme ils étaient venus. C’est ainsi que l’adorable Dieu, Mahéçvara, le créateur de l’univers, 1,571-1,572-1,573.

» L’Immortel, qui a le& yeux fixés sur les troupes des Asouras et les armées des Dieux, procura la félicité aux mondes[22] ! De même que le Premier, l’impérissable, l’adorable Brahma, l’ayeul des mondes, le créateur de l’univers, remplit alors les fonctions de cocher à l’égard de Roudra ; de même que ta majesté se hâte de modérer les chevaux du magnanime Râdhéya, comme le Pitâmaha gouverna ceux de Roudra ! En effet ta majesté, tigre des rois, excelle sur Krishna et surtout sur Phâlgouna : il n’y a point de doute en cela. Certes ! tu es semblable à Roudra dans la guerre et l’égal de Brahma dans la science politique. 1,574-1,575-1,576-1,577.

» Ta majesté est donc capable de vaincre mes ennemis, comme il vainquit les Asouras. Prends une prompte décision, Çalya, afin que cet illustre Karna puisse immoler aujourd’hui et tuer le fils de Kountî, ce guerrier aux blancs coursiers, de qui Krishna est le cocher. En toi sont déposées, souverain de Madra, l’espérance de la victoire et l’espérance de la vie ! 1,578-1,579.

» La victoire sera obtenue maintenant par le ministère de Karna ; mais Karna, le royaume et nous tous, nous sommes renfermés en toi ! 1,580.

» La victoire sortira du combat ; gouverne donc ces magnifiques chevaux. Néanmoins, écoute encore de ma bouche cette autre histoire. 1,581.

» Un vertueux brahme l’a racontée en présence de mon père. Quand tu auras entendu cette parole merveilleuse, jointe à l’intérêt, à l’affaire, à sa cause, 1,582.

» Agis, Çalya, ta résolution arrêtée : il n’y a pas doute ici. Djamadagni à la haute renommée naquit dans la race des Bhrigouides. 1,583.

» Il eut un fils, nommé Râma, doué de qualités et d’énergie : celui-ci, embrassant une pénitence austère, se rendit agréable à Brahma. 1,584.

» Humble, les organes des sens comprimés, l’âme placide, son but était un astra désiré. Charmé de sa dévotion et de sa pénitence, Mahâdéva-Çankara, connaissant le désir de son cœur, se fit voir à lui. 1,585-1,586.

« Râma, je suis satisfait, lui dit-il. La félicité descende sur toi ! Je sais ce que tu désires. Rends ton âme entièrement pure, et tu obtiendras ce vœu. 1,587.

» Je te donnerai mes astras alors que tu seras purifié ; car mes astras, fils de Bhrigou, consument l’homme, qui n’est pas digne de les recevoir et capable de les porter ! »

» À ces mots du Dieu des Dieux, armé du trident, le Djamadagnide répondit au magnanime seigneur, en inclinant sa tête : 1,588-1,589.

« Quand tu reconnaîtras, souverain des Dieux, que je suis un vase digne de contenir ces astras, alors, que ta divinité veuille bien en récompenser mon obéissance. »

» Il se concilia ce Dieu Çarva plusieurs années, par sa pénitence, sa répression des sens, ses mortifications, ses hommages, ses présents, ses oblations, mises avant le beurre clarifié et les prières mystiques. Mahâdéva favorable de raconter plusieurs fois, en présence de Dévî, son épouse, les vertus de ce magnanime rejeton de Bhrigou : « Ce Râma aux vœux solides a toujours eu de la dévotion en moi ! » 1,590-1,591-1,592-1,593.

» C’est ainsi que ce Dieu content aimait à redire souvent, immolateur des ennemis, les qualités du brahme devant les Dieux et les Mânes. 1,594.

» Dans ce temps, les Daîtyas jouissaient d’une grande force, et les habitants du ciel étaient battus par eux dans un délire d’orgueil. 1.595.

» S’étant réunis, les Dieux prirent la résolution de les immoler : ils se consumèrent en efforts pour la mort de ces ennemis ; mais ils ne purent triompher d’eux. 1,596.

» Les Immortels alors, venant trouver l’époux d’Oumâ, supplièrent dévotement le suprême seigneur : « Extermine les armées de nos ennemis ! » 1,597.

» Le grand Dieu leur promit l’anéantissement des ennemis des Dieux ; il appela devant lui Râma, le fils de Bhrigou, et Çankara de lui parler en ces termes :

« Immole tous les ennemis des Dieux, rassemblés devant toi, rejeton de Bhrigou, par le désir du bien des mondes et pour faire une chose, qui me soit agréable. »

» À ces paroles, il répondit à Tryambaka, l’auguste donateur des grâces ; 1,598-1,599-1,600.

« Inexpérimenté dans les armes, quelle est ma puissance, maître des Dieux, pour livrer bataille et donner la mort à ces Dânavas, qui ont l’expérience des armes et sont ivres de la furie des combats ? » 1,601.

« Va avec mon congé, répondit le suprême seigneur ; tu immoleras tous les ennemis ; et, sorti victorieux de la bataille, tu obtiendras les vertus les plus éminentes. »

» Dès qu’il eut ouï ces paroles et les eut acceptées entièrement, Râma, comblé de bénédictions pour ce combat, de s’avancer contre les Dânavas. 1,602-1,603.

» Il dit à ces ennemis des Dieux, pleins de force, d’orgueil et d’ivresse : « Daîtyas, remplis de l’ivresse des batailles, soutenez ce combat contre moi. 1,604.

» C’est le Dieu des Dieux lui-même, grands Asouras, qui m’a envoyé pour vous dompter ! » À ces mots du fils de Bhrigou, les Daityas commencèrent le combat. 1,605.

» Le fils de Bhrigou détruisit les Daîtyas dans la guerre. Le plus grand des brahmes, le Djamadagnide, dont les Dânavas avaient sillonné le corps de blessures avec des coups, qui ressemblaient à l’attouchement de la foudre au bruyant tonnerre, fut guéri à l’instant, au seul toucher de Sthânou. 1,606-1,607.

» L’adorable Dieu fut satisfait de son œuvre, et il donna des grâces de plusieurs sortes au magnanime rejeton de Bhrigou. 1,608.

» Le Dieu des Dieux, armé du trident, lui parla d’une âme contente : « La douleur, qu’enfanta dans ton corps la chûte des flèches ennemies, enleva de toi, fils de Bhrigou, tout ce qu’il y avait d’humain. Reçois de ma main, comme tu le désires, mes astras célestes. » 1,609-1,610.

» Dès qu’il eut reçu tous ces astras et ces grâces de plusieurs sortes, que désirait son cœur, Râma d’incliner sa tête aux pieds de Bhava. 1,611.

» Aussitôt qu’il eut obtenu le congé du souverain des Dieux, l’homme aux grandes mortifications de s’en aller. C’est ainsi que le saint raconta cette histoire du temps passé. 1,612.

» C’est le Bhrigouide lui-même, qui, d’une âme joyeuse, a donné, tigre des hommes, la divine science de l’arc au magnanime Karna. 1,613.

» S’il y avait eu, prince, quelque faute dans Karna, certes ! le fils de Bhrigou, ne lui eût pas donné ses astras célestes. 1,614.

» Je ne puis jamais penser que Karna soit né dans une famille de cocher. J’aime à croire que c’est un fils des Dieux, et qu’il eut pour origine une famille de kshatryas.

» C’est le rejeton[23] d’un grand corps ; telle est mon opinion bien arrêtée. Ce brave Karna n’est aucunement, Çalya, sorti d’une race de cochers. 1,615-1,616.

» Comment ce grand héros aux longs bras, aux pendeloques naturelles, à la cuirasse innée, serait-il égal au soleil ? Il faudrait alors que le tigre fût né de la gazelle !

» Vois que ses deux bras potelés ressemblent à la trompe du roi des éléphants ! Vois sa vaste poitrine, qui donne la mort à tous les ennemis ! 1,617-1,618.

» Karna, le Taureau, le Découpeur, n’est, certes ! pas un homme du vulgaire ; c’est un magnanime, Indra des rois, c’est une excellence, c’est le disciple de Râma ! 1,619.

» Ainsi, l’adorable Dieu, Brahma, l’ayeul de tous les mondes, remplit en ce moment les fonctions de cocher et Roudra fut le maître du char. 1,620.

» Ici, il faut choisir pour conducteur du véhicule un héros Supérieur au maître du chariot : gouverne donc, tigre des hommes, les chevaux dans le combat. 1,621.

» De même que l’ayeul des mondes fut entouré d’efforts par les armées des Dieux ; de même, supérieur à Karna, seras-tu entouré aussi de nos efforts. 1,622.

» Ta majesté sera bientôt environnée, puissant roi, comme le Dieu, qui avait Içvara pour supérieur, fut environné par les Immortels ! Gouverne dans la bataille, prince à la grande splendeur, les chevaux de Râdhéya, comme l’ayeul des mondes modéra ceux de Roudra. » 1,623-1,624.

« Nombre de fois, ô le plus éminent des mortels, répondit Çalya, j’ai entendu conter cette légende surhumaine, divine, de ces deux lions des hommes ;

» Que l’ayeul des mondes remplit à l’égard de Bhava les fonctions de cocher ; et que les Asouras furent immolés, fils de Bharata, avec une flèche incomparable.

» Tout cela fut jadis connu de Krishna lui-même ; il apprit que l’adorable Pitâmaha descendit alors aux fonctions de cocher. 1,625-1,626-1,627.

» Krishna connaît dans la vérité le passé et l’avenir : c’est parce qu’il a connu cette histoire, qu’il s’est résigné sans doute au métier de cocher. 1,628.

» Krishna est le cocher du fils de Prithâ, comme l’Être existant-par-lui-même fut celui de Roudra. Si l’Adhirathide parvient jamais à tuer le fils de Kountî, 1,620.

» Kéçava lui-même combattra, à la vue du Prithide immolé ; et le Dieu, qui porte à sa main la massue, le disque de guerre et la conque, incendiera ton armée. 1,630.

» Et nul prince, attaché à ta cause, dans ces troupes ennemies, ne tiendra pied ici devant la colère du magnanime Vrishnide. » 1,631.

Le dompteur des ennemis, ton fils aux longs bras fit cette réponse d’une âme non troublée, reprit Sandjaya, au souverain de Madra, qui discourait de cette manière :

« Garde-toi de mépriser dans la bataille, guerrier aux longs bras, Karna le Découpeur, le meilleur de tous ceux, qui portent les armes, le héros, qui est arrivé à la perfection en toutes les flèches et tous les astras ; 1,632-1,633.

» Lui, duquel ayant ouï le son de l’arc grave, épouvantable, immense, les armées Pândouides se débandent aux dix points de l’espace ; 1,634.

» Lui, par qui, sous tes yeux mêmes, guerrier aux longs bras, aujourd’hui fut tué Ghatotkatcha, qui créait des centaines de magies, et qu’on mettait plus haut que sa magie même ; 1,635.

» Devant qui Bibhatsou, environné d’une grande terreur durant tous ces jours, ne put d’aucune manière tenir pied dans l’armée ennemie ; 1,636.

» Lui, qui, avec le bout de son arc, hâta la course du vigoureux Bhîmaséna, qu’il appela des noms, sire, d’insensé et de glouton ; 1,637.

» Lui, qui, dans un grand combat, vainquit les deux fils de Mâdrî ; et je ne sais quelle cause, vénérable monarque, mise au premier rang, empêcha leur mort dans cette bataille ; 1,638.

» Ce héros, par qui le plus excellent des Sâttwatides, Sâtyaki, le plus brave des Vrishnides, fut vaincu dans le combat et, malgré lui, fut réduit sans char ;

» Qui souvent, au milieu de la guerre allumée, dompta tous les autres Srindjayas, sous la conduite de Dhrishtadyoumna ! 1,639-1,640.

» Comment les Pândouides vaincront-ils ce grand héros, qui dans sa colère immolerait en plein combat Pourandara, sa foudre à la main. 1,641.

» Toi, héros, tu es parvenu à la science de tous les astras ; tu les connais tous : il n’existe personne sur la terre, qui te soit égal pour la force des bras. 1,642.

» Grâce à ta valeur, sire, tu es devenu la flèche[24] des ennemis ; et c’est pour cela, dompteur des batailles hostiles, que tu es surnommé Çalya[24]. 1,643.

» Dès qu’ils eurent senti la vigueur de tes bras, tous les Sâttwatides ne purent tenir contre cette force des bras : mais Krishna, sire, te serait-il supérieur ? 1,644.

» De même qu’après la mort de Phâlgouna, Krishna seul aurait à supporter vos forces réunies ; de même l’existence de Karna étant descendue au tombeau, tu aurais seul à soutenir cette force immense. 1,645.

» Pourquoi le Vasoudévide a-t-il arrêté[25] notre armée dans le combat ? Et pourquoi ta majesté n’immolerait-elle pas son armée, auguste roi. 1,646.

» À cause dé toi, noble prince, je désirerais suivre au milieu du combat la route de mes héroïques frères et de tous les maîtres de la terre. » 1,647.

« Je suis satisfait en toi, Gândhâride, ô toi, qui donnes l’honneur, lui répondit Çalya ; car tu dis, en face de l’armée, que la supériorité sur le fils de Dévakî est à moi.

» Je remplirai, comme tu le juges à propos, les fonctions de cocher pour l’illustre Râdhéya dans son combat avec le chef des Pândouides. 1,648-1,649.

» Je pose, héros, une certaine condition à l’égard de l’Adhirathide ; c’est que j’abandonnerai en sa présence la foi en ses paroles. » 1,650.

« Qu’il en soit ainsi ! » répondit ton fils avec Karna, sire, au roi de Madra, devant tous les kshatryas. 1,651.

Alors, rassuré par la promesse, qu’avait faite Çalya, de conduire le char, Douryodhana joyeux d’embrasser Karna ; 1,652.

Et, louant[26] de nouveau l’Adhirathide, ton fils lui dit : « Immole tous les Prithides dans le combat, comme le grand Indra extermina les Dânavas ! » 1,653.

Karna, dans la joie que Çalya eût consenti à gouverner ses chevaux, répondit à Douryodhana : 1,654.

« Ce roi de Madra ne s’est point exprimé d’une âme infiniment satisfaite, sire ; veuille lui parler encore de ta voix la plus douce. » 1,655.

Ensuite, le monarque à la grande science, habile en tous les astras, le vigoureux Douryodhana dit au roi de Madra, à Çalya, le maître de la terre, emplissant les échos de sa voix profonde, comme avec le bruit des nuages : « Çalya, aujourd’hui Karna doit combattre avec Arjouna : il l’a résolu. 1,656-1,657.

« Gouverne, tigre des hommes, ses coursiers dans le combat. L’Adhirathide veut immoler Phâlgouna, après qu’il aura fait mordre la poussière à tous les autres.

» Je te supplie mainte et mainte fois, sire, de prendre en main ses rênes. De même que Krishna est le conseiller du Prithide et le plus excellent conducteur de char ; de même, toi, défends de tous côtés le fils de Râdha. » 1,658-1,659.

Alors le souverain de Madra, Çalya joyeux, embrassant ton fils, Douryodhana, l’immolateur des ennemis lui tint ce langage : 1,660-1,661.

« Puisque tu en juges ainsi, Gândhâride à la vue aimable, je ferai donc, sire, tout ce qui t’est agréable.

» Partout où j’en eus jamais la capacité, attelé de tout mon cœur, ô le plus éminent des Bharatides, je porterai le timon de tes affaires. 1,662-1663.

» Mais veuillent ta majesté et Karna me pardonner entièrement ce que j’ai pu dire, soit d’agréable, soit de choquant, sur l’Adhirathide, poussé d’ailleurs par l’amour de son bien. » 1,664.

« Reste uni toujours à notre bien, souverain de Madra, lui répondit Karna, comme Kéçava l’est au fils de Prithâ, comme Brahma le fut à Içâna. » 1,665.

« Le blâme de soi-même et l’hommage rendu à soi-même, reprit Çalya, le reproche adressé aux autres et l’éloge, décerné aux autres, cette quadruple conduite n’est point observée par les sages. 1,666.

» Écoute cependant, comme tu le voudras, sage héros, ceci, qui est joint à la louange de soi-même et que je vais dire afin de gagner ta confiance. 1,667.

» Je suis aussi capable, seigneur, que Mâtali de gouverner le char de Çakra, à cause de mon attention, de mon art de manier les chevaux, et pour ma connaissance, ma science, mes cures dans leurs maladies. 1,668.

» Je conduirai tes coursiers, irréprochable guerrier, pendant que tu livreras bataille au Prithide : sois donc sans inquiétude, fils du cocher. » 1669.

« Cet illustre souverain du Madra va remplir, Karna, les fonctions de ton cocher, repartit Douryodhana : ce conducteur est supérieur à Krishna, comme Mâtali du roi des Dieux excelle sur tous les autres. 1,670.

» De même que Mâtali gouverne le chariot attelé des coursiers verts, de même Çalya sera le conducteur des chevaux de ton char. 1,671.

» Lorsque toi, monté sur le chariot, tu seras le combattant et que le souverain du Madra sera le cocher, il est certain que le plus excellent des héros vaincra les Prithides au milieu du combat. » 1,672.

Douryodhana dit encore, sire, à l’impétueux monarque du Madra, tandis que la guerre était allumée autour de lui : 1,673.

« Modère les chevaux magnifiques de Karna ; défendu par toi, Râdhéya, puissant roi, sera le vainqueur de Dhanandjaya ! » 1,674.

Ces paroles dites, étant monté sur le char, il répondit, Bharatide : « Qu’il en soit ainsi ! » Quand Çalya se fut approché, Karna, l’âme ravie, tint à son cocher ce langage :

« Prépare mon char, cocher, » dit-il à plusieurs fois d’une voix hâtée. L’autre avec ces mots : « Triomphe heureusement ! » lui annonça que ce chariot éminent, victorieux, divers, semblable à la ville des Gandharvas, était déjà prêt. Le plus excellent des maîtres de chars, Karna, ayant honoré son char, suivant l’étiquette, 1,675-1,676-1,677.

D’une cérémonie, célébrée d’abord par un prêtre instruit dans les Védas, ayant décrit avec étude un pradakshina, et adoré le soleil : 1,678.

« Est-ce que tu ne montes pas, dit-il, souverain de Madra, dans cette voiture placée près de toi. » Alors Çalya à la vaste splendeur monta, comme un lion sur une montagne, dans ce char de l’Adhirathide, immense, éminent, inaccessible. Lorsque Karna vit son chariot, arrivé dans les mains de Çalya, 1,679-1,680.

Il s’y tint, de même que le soleil sur un nuage environné des éclairs. Ces deux héros, montés sur le même char, semblaient le soleil et le feu, doués d’une égale lumière. 1,681.

Ces deux guerriers brillaient, tels que le soleil et le feu réunis dans un nuage au milieu du ciel : on louait d’eux leur immense lumière. 1,682.

Ils étaient vantés, comme les brahmes assistants et les ritouidjs célèbrent dans un sacrifice Indra et le feu : Karna resplendissait, monté dans son char, dont les coursiers étaient retenus par Çalya. 1,683.

Brandissant un arc épouvantable, Râdhéya debout sur le plus excellent des chars, resplendissait, environné de ses flèches, tel que le soleil dans le disque de ses rayons. Il brillait, ce tigre des hommes, comme l’astre radieux, placé sur le Mandara. Alors Douryodhana tint ce langage à l’Adhirathide aux longs bras, à la splendeur infinie, monté sur le char pour un combat : « Exécute, héros, debout sur ton char, en dépit de tous les archers, une prouesse difficile, que n’ont pas accomplie Bhîshma et Drona dans la guerre. Il est écrit en mon esprit que ces deux héroïques guerriers 1,684-1,685-1,686-1,687.

» Auraient immolé pour sûr Arjouna et Bhîmaséna. C’est à toi, vaillant Râdhéya, d’accomplir dans un grand combat, comme un second Indra, sa foudre à la main, cette action de courage, qu’ils n’ont pu consommer. Fais prisonnier Dharmarâdja, ou bien immole Dhanandjaya, 1,688-1,689.

» Et Bhîmaséna, et même les deux jumeaux, fils de Mâdrî. Obtiens la victoire ; la félicité descende sur toi ! Avance, taureau des hommes[27]. 1,690.

» Réduis en cendres toutes les armées du fils de Pândou ! » Ensuite, des milliers d’instruments de musique et des myriades de tambours, 1,691.

Empruntant une voix, réjouirent le cœur, comme le son des nuages au milieu du ciel. Ayant accepté ces paroles, monté dans son char, le plus grand des héros, 1,692.

Râdhéya dit ces mots à Çalya, habile dans les combats : « Pousse tes chevaux, guerrier aux longs bras, jusqu’à ce que j’aie tué Dhanandjaya, 1,693.

» Bhîmaséna, les deux jumeaux et le roi Youdhishthira. Que Dhanandjaya contemple aujourd’hui la force de mes bras, pendant que je décoche mes traits par centaines et par milliers. Je lancerai aujourd’hui, Çalya, mes flèches à la splendeur suprême pour la mort des Pândouides et la victoire de Douryodhana. » 1,694-1,695-1,696.

« Fils du cocher, lui répondit Çalya, comment méprises-tu les Pândouides, qui sont tous de grands héros aux vastes forces, et qui possèdent la science de tous les astras ; ces hommes vertueux, qui ne savent pas tourner le dos, qu’on ne peut vaincre, de qui la valeur est une vérité, et qui pourraient engendrer la crainte en la personne même de Çatakratou ? 1,697-1,698.

» Quand tu entendras sur le champ de bataille le son du Gândiva, éclatant comme la foudre, tu ne parleras point ainsi, Râdhéya ! 1,699.

» Quand tu verras l’armée des éléphants, les défenses rompues, que Bhîma lui-même immolera dans le combat, tu ne parleras point ainsi ! 1,700.

» Quand tu verras le fils de Dharma et les jumeaux faire dans le combat comme une ombrelle de nuages, au milieu du ciel, avec leurs flèches acérées ; 1,701.

» Quand tu verras les Pândouides et les autres à la main légère, au front inaccessible, disséminer leurs traits et tuer les ennemis, tu ne parleras point ainsi ! » 1,702.

Sans tenir compte de cette parole dite par le souverain du Madra : « Avance ! » répondit-il à son impétueux cocher. 1,703.

Dès qu’ils virent l’héroïque Karna, le pied ferme, avec le désir de combattre, tous les Kourouides, les formes joyeuses, poussèrent des cris de tous les côtés. 1,704.

Ensuite, avec le bruit des tymbales, le roulement des tambours, le sifflement des flèches et les cris divers des héros, 1,705.

Les tiens, forçant la mort à revenir sur ses pas, sortirent sur le champ de bataille. Tandis que Karna s’avançait alors et que les guerriers témoignaient leur joie.

La terre trembla, sire, et mugit dans une vaste étendue ; on vit sept grandes étoiles, qui sortaient du soleil.

Des météores de feu tombèrent sur la terre ; les plages du ciel s’embrâsèrent ; la foudre se précipita des airs sans pluie, et des vents épouvantables soufflèrent.

Des troupes de volatiles et de quadrupèdes, inspirant une grande terreur, mirent souvent alors ton armée à leur droite. 1,706-1,707-1,708-1,709.

Les chevaux de Karna tombèrent sur la terre au moment qu’il partit : une épouvantable pluie d’os se déversa du haut de l’atmosphère. 1,710.

Ses traits flamboyèrent, son drapeau trembla, maître de la terre, et ses chevaux de verser des larmes. 1,711.

Ces prodiges et d’autres nombreux, horribles, très-effrayants s’élevèrent en ce moment pour la ruine des Kourouides. 1,712.

Mais, fascinés par le Destin, tous les monarques n’en tinrent nul compte, et ils crièrent au fils du cocher à son départ : « Victoire ! Victoire ! » 1,713.

Les Kourouides regardaient à cette heure les Pândouides comme déjà vaincus.

Le plus excellent des héros, l’immolateur des vaillants ennemis, le Découpeur, sire, ayant jeté les yeux sur l’extrême valeur de Bhîshma et de Drona, resplendissait, monté dans son char, flamboyant comme le feu et le soleil.

Adressant la parole à Çalya et pensant aux immenses promesses du fils de Prithâ, il tint ce langage, embrâsé d’orgueil et d’arrogance, brûlant comme de colère et soupirant : 1,714-1,715.

« Mahéndra irrité, sa foudre à la main, ne m’inspire aucun effroi, quand je tiens mes armes et que je suis monté dans mon char. Certes ! à la vue de ces héros couchés morts, Bhîshma à leur tête, ce que j’ai de variable m’abandonne entièrement. 1,716-1,717.

» Lorsque ces deux irréprochables héros, comparables à Mahéndra et Vishnou, qui exterminaient avec les meilleurs des éléphants, des chevaux et des chars, et qui ressemblaient à des Immortels, ont succombé sous les ennemis, je ne ressens pas même à cette heure de crainte dans le combat. 1,718-1,719[28] .

» Quand je vois tant de monarques aux forces excessives, tués dans le combat par les ennemis, avec leurs cochers, leurs éléphants et leurs chars, je me demande comment ce vieillard, le plus éminent des brahmes, qui possédait la science des grands astras, n’a-t-il pas immolé dans la bataille tous les ennemis ? 1,720-1,721.

» Au souvenir de Drona, je dis une vérité dans ce grand combat ; Kourouides, écoutez ! Un autre que moi ne pourrait supporter qu’Arjouna aux formes terribles, comme la Mort, en vînt aux mains avec vous. 1,722.

» On voyait réunis en Drona l’instruction, la bienveillance, la force, la constance, les grands astras et l’humilité. Si le magnanime est tombé sous le pouvoir de la mort, je pense que tous les autres sont maintenant bien malades.

» Quel homme, déposant le doute au lever du soleil et pensant qu’il n’est rien de stable, que toute chose est unie au Destin, que c’est la science du monde, ne remettrait au lendemain[29]. pour arrêter sa résolution[29], en voyant ce vieillard, tombé parmi les morts. 1,723-1,724.

» Ni les astras, la force, le courage, l’adoration, la bonne politique, ni des armes supérieures ne suffisent donc pour assurer le bonheur d’un homme, puisque ce vieillard fut immolé dans le combat par les ennemis ! 1,725.

» Son intolérable astra n’a donc pu couvrir ce vénérable, de qui la splendeur ressemblait à celle du feu et du soleil, qui était égal pour le courage à Pourandara et Vishnou, et qui fut toujours pareil en sagesse à Ouçanas et Vrihaspati ! 1,726.

» Au milieu des lamentations et des pleurs des enfants et des femmes, quand la valeur du Dhritarâshtride s’est éteinte, je sais ce que j’ai maintenant à faire : avance donc, Çalya, vers l’armée des ennemis, là, où se tient le monarque Pândouide, dévoué à la vérité, où Bhîmaséna et Arjouna ont fixé leur pied, où sont les jumeaux, les Srindjayas, Sâtyaki et le Vasoudévide. Qui, si ce n’est moi, aurait la force de les supporter ? 1,727-1,728.

» Avance donc promptement sur le champ de bataille, souverain du Madra, contre les Pântchâlains, les Pândouides et les Srindjayas ! En étant venu aux mains avec eux, ou je les immolerai dans ce combat, ou j’irai, par le chemin de Drona, au séjour d’Yama. 1,729.

» Oui, moi-même, j’irai, au milieu de ces héros ! Apprends à me connaître, Çalya ! Je ne dois pas supporter l’offense d’un ami, et moi, qui te parle, j’abandonnerai ma vie et je suivrai Drona. 1,730.

» Honoré par la visite de la mort, la délivrance d’un insensé ou d’un sage ne se fait-elle point à la fin de la vie ? J’affronterai donc les fils de Prithâ, car il est impossible, héros intelligent, de surmonter le Destin. 1,731.

» Le prince, fils du Vitchitravîride[30] fut toujours à mes yeux observateur d’une vie juste : pour le succès de son affaire, je renoncerai à mes plaisirs, à mes jouissances et à la vie, qu’il est si difficile d’abandonner. 1,732.

» Le Djamadagnide m’a donné cet éminent char, attelé des principaux coursiers, environné d’une peau de tigre[31], aux roues, qui tournent en silence, au trivénou d’argent, au trikoça d’or. 1,733.

» Contemple, Çalya, mes arcs variés, mes drapeaux, mes pilons, mes flèches aux fouines terribles, mon épée flamboyante, mes armes invincibles, et ma conque magnifique, qui éclate en sons épouvantables ! 1,734.

» Monté dans ce char au bruit semblable à la chûte de la foudre, ombragé de drapeaux, attelé de blancs coursiers, embelli de superbes carquois, je ferai mordre la poussière dans ce combat sous ma force à Phâlgouna, le plus grand des héros. Quand bien même la mort, qui ravit tout, continuellement vigilante[32], défendrait le fils de Pândou au milieu de la bataille : ou je l’immolerai dans un combat engagé avec lui, ou je descendrai au séjour d’Yama, dans lequel m’a précédé Bhîshma. 1,735-1,736.

» Si même Indra, le souverain des eaux, le suprême arbitre des richesses et le roi des morts, Yama, réunissant leurs armées, voulaient de concert le défendre ici dans un grand combat, je les vaincrais tous aujourd’hui avec le fils de Pândou ! Pour quelle raison parlerais-je davantage ? »

Il dit ; dès que le puissant maître de Madra eut ouï ce langage de jactance du héros, qui se hâtait à la bataille, il n’eut pour lui que du mépris et des railleries, et fit cette réponse afin de l’arrêter : 1,737-1,738.

« Cesse, Karna, cesse de te vanter ainsi ; tu as dit une parole excessive, inspirée d’un excessif orgueil. Qu’il y a de différence entre Dhanandjaya, le premier des mortels, et ta majesté, qui est, hélas ! le dernier des hommes !

» Qui, si ce n’est Arjouna, après qu’il aurait agité violemment la maison d’Yadou, que Vishnou protège, comme le ciel est défendu par le roi des Immortels, eut entraîné dans son parti le frère mineur du plus excellent des mortels ? 1,739-1,740.

» Quel homme aurait ici défié au combat dans leur dispute sur la mort d’une gazelle Bhava, le seigneur des seigneurs, le souverain des trois mondes, si ce n’est Arjouna, de qui la valeur égale celle du roi des Dieux ? 1,741.

» Il a vaincu de ses flèches, pour la majesté du Feu, les Rakshasas, les Yakshas, les Piçâtchas, les Garoudas, les hommes, les grands serpents, les Asouras et les Dieux ; et sa victoire lui a rendu l’oblation de beurre clarifié, vivement désirée. 1,742.

» Tu te rappelles sans doute par qui le fils de Dhritarâshtra fut délivré, quand il fut enlevé par les ennemis ? Arjouna fit mordre la poussière à ces bataillons nombreux dans le combat avec les Kourouides, sous des flèches puissantes et semblables à l’auteur du jour. 1,743.

» Tu n’as pas oublié peut-être que les Dhritarâshtrides. amis des querelles, furent délivrés par les Pândouides, qui domptèrent les armées des Démons ce jour où tu fus le premier à prendre la fuite ! 1,744.

» Dans l’enlèvement des vaches, vous fûtes encore vaincus par ce plus vaillant des hommes, avec vos chars, avec votre armée dans la joie, avec le gourou, avec les fils du gourou, avec Bhîshma lui-même : pourquoi n’as-tu pas[33] alors vaincu cet Arjouna ? 1,745.

» Ce nouveau et noble combat se présente aujourd’hui pour ta mort : si la crainte de l’ennemi ne te force pas à fuir, entré sur le champ de bataille, fils du cocher, tu meurs aujourd’hui ! » 1,746.

Il dit, versant beaucoup de choses blessantes pour Karna, élogieuses pour son ennemi ; et, bouillant de coléré, le fléau du combat, le généralissime des armées de Kourou fit cette réponse au souverain de Madra, qui semblait pénétré de joie : 1,747.

« Bien ! bien ! Pourquoi vantes-tu Phâlgouna ? Est-ce que la bataille s’est élevée déjà entre lui et moi ? S’il réussit à me vaincre dans ce combat-ci, alors tu auras une raison pour me jeter cette jactance. » 1,748.

» Qu’il en soit ainsi ! » reprit le souverain de Madra, qui ne répondit pas autre chose. « Avance, Çalya !» lui dit Karna, poussé par le désir du combat. 1,749.

Et le char aux blancs coursiers, qui avait Çalya pour cocher, de s’avancer, détruisant les ennemis dans la bataille, comme le soleil dissipe l’obscurité. 1,750.

Karna, rempli de joie, s’approchait sur son char, couvert d’une peau de tigre, attelé de chevaux blancs ; et, dès qu’il vit l’armée des Pândouides, il s’informa d’une voix hâtée sur Dhanandjaya. 1,751.

Versant la joie en ton armée par sa marche, l’Adhirathide, promenant ses yeux sur le champ de bataille, interrogea chacun des Pândouides : 1,752.

« À celui, qui me fera voir maintenant le magnanime aux blancs coursiers, je donnerai la richesse souhaitée, qu’il désire en son cœur. 1,753.

» À celui, qui n’a point ce désir, je donnerai au contraire un char plein de pierreries, s’il peut me dire où est Dhanandjaya[34]. 1,754-1,755.

» N’a-t-il pas ce désir, je donnerai à l’homme, qui verra Arjouna, une centaine de vaches, bonnes laitières, chacune avec le vase de cuivre, destiné pour la traire. 1,756.

» À celui, qui verra Arjouna, je donnerai cent des plus riches villages. À celui, qui me dira où est Arjouna, je donnerai encore un char de couleur blanche, attelé de mules avec des crinières aussi noires que le collyre. Si l’homme, qui voit Arjouna, n’a point ce désir, 1,757-1,758.

» Je lui en donnerai, un autre d’or, et un attelage de six bœufs à la taille des éléphants : je lui donnerai encore cent femmes esclaves bien parées, 1,759.

» Au teint d’azur, avec des nishkas au cou, instruites dans le chant et les instruments de musique. L’homme, qui voit Arjouna, n’a-t-il point ce désir, 1,760.

» Je lui donnerai avec abondance cent éléphants, cent villages, cent chars, de l’or au premier degré et cent centaines de coursiers les plus distingués, chevaux propres à traîner un char, bien instruits, bien domptés[35] pour les qualités. Je donnerai à celui, qui me dira où est Dhanandjaya, quatre cents vaches laitières aux cornes dorées, chacune accompagnée de son magnifique veau. Si l’homme, qui voit Arjouna, n’a point ce désir, 1,761-1,762-1,703.

» Je lui accorderai une autre grâce, et lui donnerai cinq cents chevaux blancs, couverts de médaillons d’or, parés de joyaux d’une grande pureté. 1,764.

» À celui, qui me dira où est Arjouna, je donnerai dix-huit autres chevaux bien domptés[35], avec un char d’or superbe, magnifiquement orné, attelé des premiers chevaux du Kambodje. Si l’homme, qui voit Arjouna n’a point ce désir, 1,765-1,766.

» Je lui donnerai, comme autre grâce, six cents éléphants et d’autres nés en différents finages, dressés par des éleveurs de ces bêtes, parés de guirlandes d’or, et couverts de médaillons divers de ce précieux métal. L’homme, qui voit Arjouna, n’a-t-il point ce désir, 1,767-1,768.

» Je lui accorderai une autre grâce et lui donnerai quatorze villages de vaîçyas, très-fertiles, pleins de richesses, avec des eaux et des forêts circonvoisines, avec quatorze apanages, bien doués, sire, en toute sécurité. Je donnerai encore à celui, qui me dira où est Dhanandjaya, cent femmes esclaves du Magadha, dans la fleur de la jeunesse, portant des nishkas à leurs cous. L’homme, qui voit Arjouna, n’a-t-il point ce désir, 1,769-1,670-1,771.

» Je lui donnerai une autre faveur, celle, qu’il peut souhaiter. Je lui accorderai encore des épouses pour ses fils, des lieux de promenade, tout ce que je possède de richesses, et je comblerai tous les vœux, qu’il forme dans son cœur. Enfin, quand j’aurai tué les deux Krishnas réunis, je donnerai toutes les richesses, qui leur appartiennent, 1,772-1,773.

» Au guerrier, qui me dira où sont Arjouna et Kéçava ! » L’Adhirathide articula à plusieurs fois ces paroles dans la bataille ; 1,774.

Il remplit de vent sa conque sublime au son éclatant, fille de la mer. Quand il eut ouï ce langage si convenable du fils de cocher, 1,775.

Douryodhana avec les gens, qui suivaient sa cause, en fut très-satisfait. Alors de tous côtés le son des timbales et des tambours, 1,776.

Les cris de guerre, les instruments de musique et le barrit des éléphants, auguste sire, éclatèrent de toutes parts dans ton armée. 1,777.

Le bruit des guerriers pleins d’ardeur retentit de concert. Le souverain du Madra fit cette réponse en riant aux vanteries du grand héros, qui traînait les cadavres des ennemis, à Râdhéya, qui s’avançait en bondissant au milieu de son armée joyeuse : 1,778-1,779[36].

« Ne donne pas en présent à un homme, fils du cocher, ces trois couples d’éléphants en or : tu verras à l’instant même Dhanandjaya. 1,781.

» Tu abandonneras, comme de l’urine, ta richesse forcément, Râdhéya ; et tu verras Dhanandjaya, sans qu’il t’en coûte rien. 1,782.

» Tu abandonneras sans fruit, comme un insensé, tout ce que tu as d’immense en richesses. Quiconque donne à des gens indignes, commet une faute ; tu ne t’en es pas aperçu dans ton délire. 1,783.

» Il t’est possible, cocher, de sacrifier en diverses manières avec cette immense richesse, que tu vas quitter : sacrifie donc ! 1,784.

» Quant à ce que tu désires en vain, dans ta folie, tuer les deux Krishnas : nous n’avons, certes ! pas ouï dire que deux lions irrités soient tombés morts dans le combat.

» Tu ambitionnes ce qui n’est point à désirer : tu n’as donc pas d’amis, qui t’arrêtent au moment, où tu vas tomber dans le feu. 1,785-1,786.

» Tu ne sais pas ce que tu dois faire ou non. Tu es mûr pour la mort, c’est indubitable. Quel homme, ayant le désir de la vie, dirait une parole sans aucune vérité, et qu’on ne doit pas entendre ? 1,787.

» Se lier une pierre au cou, et traverser la mer à la force des bras, ou se précipiter de la cime d’une montagne, c’ est là ce que tu veux faire. 1,788.

» Accompagné de tous les guerriers, bien défendu par tes nombreuses armées, combats avec Dhanandjaya, si tu veux obtenir la béatitude éternelle. 1,789.

» Je parle, non pour t’offenser, mais pour le bien du Dhritarâshtride ; crois-en les paroles, que j’ai proférées, si tu as le désir de conserver la vie. » 1,790.

« Comptant sur la force de mes bras, lui répondit Karna, je désire me rencontrer dans le combat avec Arjouna ; mais toi, ennemi, sous la voix d’un ami, tu cherches à m’effrayer. 1,791.

» Personne, Indra lui-même, tenant sa foudre levée, ne pourrait aujourd’hui m’écarter de ce dessein : à plus forte raison un mortel ne le pourrait-il de quelque manière. »

Il dit, et, à la fin de ses paroles, le roi de Madra, Çalya d’objecter une réponse dernière, voulant, passé toute mesure, irriter encore plus l’Adhirathide : 1,792-1,793.

« Quand les flèches, douées de vitesse, lancées par sa corde et décochées par l’adroit Phâlgouna, te poursuivront de leur pointe acérée, tu regretteras alors d’avoir ainsi demandé Arjouna. 1,794.

» Lorsqu’il aura pris son arc céleste, qu’il incendiera l’armée et qu’il sera près de te broyer sous ses traits aigus, alors, fils du cocher, tu seras consumé de repentir. 1,795.

» Comme un enfant, qui, couché dans le giron de sa mère, veut prendre la lune ; ainsi fais-tu maintenant dans ton délire, quand tu veux triompher d’Arjouna, éclatant de lumière et monté dans son char, 1,790.

» Armé d’un trident au tranchant bien acéré, tu broies tous les membres, Karna, toi, qui veux combattre à cette heure avec Arjouna, de qui l’œuvre est semblable à un tranchant bien aigu ! 1,797.

» De même que si une gazelle rapide, jeune, imprudente, provoquait un lion, couvert d’une épaisse crinière, à la haute taille, plein de colère : voilà ce qu’est maintenant ton défi, Adhirathide, jeté à Phâlgouna. 1,798.

» Ne défie pas un fils de roi à la grande vigueur, fils du cocher, comme un chacal, non rassasié de chair, qui provoque un lion. Aujourd’hui, si tu t’approches du Prithide, tu périras ! 1,799.

» Tu appelles au combat le Prithide Dhanandjaya, tel qu’un lièvre, Karna, défierait un grand éléphant, aux défenses comme le manche d’une charrue, au faciès garni déjoués, fendues par le mada. 1,800.

» Tu désires combattre avec le Prithide, mais c’est frapper d’un bâton dans ta démence un serpent noir au venin subtil, à la colère ardente, qui se tient dans son trou ! 1,801.

» Tel qu’un chacal, qui, sans considérer sa vigueur, glapit contre un lion irrité à l’épaisse crinière ; ainsi tu répands, insensé, tes invectives sur Arjouna ! 1,802.

» Tu défies pour ta chûte, Karna, le Prithide Dhanandjaya, comme un serpent défierait le fils de Vinatâ, l’impétueux Garouda, le plus excellent des oiseaux. 1,803.

» Tu veux traverser, quoique sans barque, le dépôt de toutes les eaux, plein de poissons, aux formes épouvantables et qui s’accroît au lever de la lune. 1,804.

» Tu provoques au combat, mon ami, le Prithide Dhanandjaya, ce taureau, de qui le cou ressemble à un tambour et qui combat avec des cornes aiguës. 1,805.

» Vile grenouille, tu ne vois pas qu’Arjouna est dans ce monde le nuage des hommes, qu’il verse la pluie au gré de leurs désirs, et tu coasses contre cette grande nuée très-épouvantable. 1,806.

» Comme un chien qui, couché dans sa loge, aboierait contre un tigre, tapi dans sa forêt ; ainsi, Karna, tu aboies contre Dhanandjaya, le tigre des hommes. 1,807 ;

» Tel qu’un chacal, qui, dans le bois, où il habite, environné par des lièvres, se croit un lion, tant qu’il ne voit pas le roi des quadrupèdes ; de même, Râdhéya, tu penses que tu es un lion, parce que tu ne vois pas le dompteur des ennemis, Dhanandjaya, le tigre des hommes. » Tu te regardes comme un tigre en ce moment, où tu ne vois pas, semblables au soleil et à la lune, les deux Krishnas, montés sur un même char.

» II t’est possible de parler à ton gré, Karna, tant que tu n’entends pas dans cette vaste bataille le son de l’arc Gândîva. 1,808-1,809-1,810-1,811.

» Tu deviendras un chacal aussitôt que tu l’auras vu faisant résonner, comme un tigre rugissant, les dix points de l’espace avec le bruit de son arc et le roulement de son char. 1,812.

» Mais tu es toujours comme un chacal, et Dhanandjaya est toujours comme un lion ; aussi te voit-on comme un chacal, insensé, par ta haine pour les héros. 1,813.

» Ce que sont, pour la force et la faiblesse, un rat et un chat, en comparaison du chien et du tigre ; ce que sont un chacal et un lion, un lièvre et un éléphant ; ce que sont le mensonge et la vérité, ce que sont le poison et l’immortalité : voilà ce que vous êtes, l’un à l'égard de l'autre, toi et le Prithide, célébrés chacun pour vos œuvres. » 1,814.

Méprisé par Çalya à la splendeur infinie, Râdhéya, bouillant de colère, et considérant que chacune de ses paroles était une flèche, lui répondit en ces mots : 1,815-1,816.

« Un homme, qui a des qualités, connaît les qualités de ceux, qui en possèdent ; celui, qui en est dépourvu, ne les voit pas. Mais toi, Çalya, tu es vide de qualités, comment distinguerais-tu les vertus et les vices ? 1,817.

» Moi, Çalya, je connais les grands astras, la colère, la vigueur, l’arc, les flèches et le courage du magnanime Arjouna. 1,818.

» Je sais également quelle est la grandeur de Krishna, le premier des maîtres de la terre ; tu n’as pas, comme je l’ai, Çalya, la connaissance de ces choses. 1,819.

» Ainsi, comme je sais quelle vigueur existe en moi et quelle vigueur est dans le fils de Pândou, j’ai appelé au combat le héros, qui porte l’arc Gândîva. 1,820.

» Voici une flèche, que je possède, ornée, bien empennée, qui se repait de sang, qui repose dans son carquois, qui est richement imbue d’huile de sésame. 1,821.

» Elle dort, honorée de nombreuses années, cette flèche terrible, aux formes de serpent, remplie de poison, couverte de poudre de sandal, et qui détruit des escadrons d’éléphants, de chevaux et de guerriers, à l’aspect effrayant, pleine d’une vaste épouvante, qui brise les os et rompt les cuirasses. Content de cette arme, je fendrais avec elle le grand mont Mérou. 1,822-1,823.

» Jamais il ne m’arriverait de lancer ce dard sur un autre que Phâlgouna et Krishna, le fils de Dévaki. Écoute de ma bouche une vérité. 1,824.

» Armé de ce trait, au comble de la colère, Çalya, je combattrai le Vasoudévide et Dhanandjaya : cette œuvre sera digne de moi. 1,825.

» La fortune pour tous les héros de Vrishni repose dans Krishna ; la victoire est placée dans Arjouna pour tous les fils de Pândou. 1,826.

» Qui, s’affrontant avec ces tigres des hommes, peut arrêter ces héros combattants et montés dans un même char ? 1,827.

» Tu verras fondre sur moi seul à la naissance illustre ces deux frères invaincus, Çalya, qui comptent dans leur famille des oncles, des sœurs, des aïeux, et périr sous mon bras, comme deux perles retenues par un même fil. Le Gândîva à la main d’Arjouna, le disque de guerre au bras de Krishna, Garouda et le singe, leurs drapeaux, 1,828-1,829.

» Qui inspirent la terreur aux gens timides, Çalya, font ma joie. Mais tu es un insensé de mauvaise nature, qui n’es pas versé dans les armes puissantes. 1,830.

» Brisé par la crainte, tu jettes en ton effroi beaucoup de paroles, qui n’ont pas de sens. Pour quelle raison vantes-tu ces deux guerriers, homme né dans un mauvais lieu ? 1,831.

» Quand j’aurai tué ces deux braves, je t’immolerai toi-même avec tes parents, homme vil, inintelligent, né dans une maison criminelle et l’opprobre des kshatryas.

» D’ami que tu étais, devenu mon ennemi, pourquoi m’effrayes-tu de ces deux Krishnas ? Ou je les tuerai aujourd’hui même, ou ils me tueront ! 1,832-1,833.

» Je ne crains pas les deux Krishnas, sachant quelle est ma vigueur. Tais-toi, homme de vile naissance ! De mon bras seul, j’abattrai mille Vasoudévides et des centaines de Phâlgounas. Venu à nos yeux, un peuple, composé en très-grande partie de vieillards, de femmes et d’enfants, 1,834-1,835.

» Ont chanté ces vers d’une voix, qui imitait celle des Brahmes, qui murmurent le Véda. Écoute ces chants de ma bouche, Çalya, au milieu de ces vils habitants du Madra. 1,836.

» Des brahmes les ont exactement racontés jadis en présence du roi. Quand tu les auras écoutés, supporte les choses avec égalité d’âme, insensé, ou fais-nous entendre une réponse. 1,837.

« Le Madrakain est notre ennemi secret ; il est toujours un faux ami : il n’existe point d’amitié dans le Madrakain aux paroles viles et le dernier des hommes. 1,838.

» Le Madrakain a toujours l’âme vicieuse ; il est toujours sans droiture, adonné au mensonge ; une iniquité absolument la dernière existe chez les Madrakains. » Voilà ce qu’on nous a fût entendre. 1,839.

» Le père, le fils, la mère, la belle-mère et le beau-père, l’oncle, le gendre, la fille, le frère, le petit-fils et les parents quelconques, 1,840.

» Les amis et les autres, les serviteurs et les servantes, venus, sans qu’il en reste un seul dans les maisons, à ces assemblées, où les femmes, connues et inconnues, sont mêlées d’elles-mêmes avec les hommes, y mangent du poisson, de la chair de bœuf, du riz frit et moulu ; et, quand ils ont bu du sidhou, ils pleurent et ils rient. 1,841-1,842.

» Ils chantent des choses insignifiantes, ils s’avancent à leur fantaisie, ils s’entretiennent l’un l’autre à leur volonté avec des propos sans aucun sens : comment le devoir peut-il exister parmi ces Madrakains orgueilleux, desquels on ne cite que des œuvres sans beauté ? Ni la haine, ni l’amitié n’agit dans le Madrakain. 1,843-1,844.

» Il n’y a point d’amitié pour lui, il est toujours impur. Oui ! La pureté est effacée[37] pour les Madrakains et les habitants du Gândhâra. 1,845.

» L’oblation offerte sera perdue pour le sacrifiant et le sacrificateur, fût-il un roi ; et de même qu’un brahme, s’il donne la consécration à un çoûdra, marche à sa perte ; de même que les ennemis des brahmes s’avancent toujours en ce monde vers leur destruction : tel succombe l’homme, qui a lié amitié avec les Madrakains. » 1,846-1,847.

» Il n’y a point d’amitié chez un Madrakain. Mais ton venin, scorpion, est impuissant, car j’ai pris comme antidote l’incantation de Çiva. 1,848.

» C’est ainsi que les Pandits font la cure d’une personne mordue par un scorpion et frappé d’un poison rapide : c’est une vérité, qui frappe les yeux. 1,849.

» Observe donc le silence, homme sage. Écoute cette parole, que j’ai encore à dire. La tête égarée par les liqueurs spiritueuses, les femmes, sans bornes dans leur union avec des amants, car elles sont les plus belles pour l’amour, quittent leurs vêtements et dansent : comment un Madrakain, leur fils, pourrait-il exprimer ce qui est conforme au devoir ? 1,850-1,851.

» Tandis qu’elles se tiennent occupées de leurs voluptés, elles urinent comme des chamelles en des lieux privés d’eaux : elles ne rougissent pas de briser leur devoir çà et là. 1,852.

» Et toi, qui es le fils de telles femmes, tu veux ici nous tracer le devoir ! Une Madrakaine, suppliée de livrer une potion pour la haute valeur[38], répond avec un refus[39] ;

» Et désireuse de ne pas donner, elle profère ces effroyables paroles : « Que personne ne me demande ce breuvage, qui m’est cher. 1,853-1,854.

» Je donnerais un fils, je donnerais un époux ; je ne veux pas donner cette potion. » Les Madrakaines, enveloppées de couvertures, grandes, à la couleur d’or, sans pudeur, gourmandes, ont perdu la plupart toute pureté. » Voilà ce que nous avons entendu. À moi ainsi qu’à d’autres, il serait donc possible d’objecter ces reproches et le reste, qui est considérable, sur vos actions mauvaises et blâmables, depuis le bout des ongles jusqu’à la pointe des cheveux, Comment les Saâuviras, le Sindhou et les Madrakains pourraient-ils connaître le devoir ? 1,855-l,856-1,857.

» Ne sont-ils pas ignorés, ces devoirs, par les Mlétchhas, qui ont reçu la naissance de familles impures. Mais le kshatrya, nous dit-on, n’a rien de plus important que le devoir ? 1,858.

» Parce qu’il gtt, honoré par les plus excellents des mortels, immolé sur le champ de bataille, il faut que je le délivre dans cette mêlée des armes. 1,859.

» C’est ma première résolution en mon désir de trouver le Swarga dans la mort : et d’ailleurs ne suis-je pas le cher ami du prudent Dhritarâshtride ? 1,860.

» Pour lui je donnerais les souffles de ma vie et je sacrifierais tout ce que j’ai de richesses. Assurément, homme né dans un mauvais lieu, tu es employé dans l’intérêt des Pândouides, car tu agis en tout à notre égard comme un ennemi. Certes 1 II t’est impossible, ainsi qu’à des centaines de matérialistes, semblables à toi, de me faire volontiers tourner le front au combat, moi, à qui le devoir est connu ! Gémis donc et dessèche-toi de douleur, comme une antilope, tourmentée par la chaleur. 1,861-1,862-1,863.

» Ferme dans la conduite du kshatrya, il est impossible de m’effrayer. Je n’ai oublié, ni le sacrifice de ma vie, ni cette route, dont nous a parlé jadis le vénérable Rima et que doivent suivre ces lions des hommes, qui ne savent pas tourner le dos au milieu du combat. Sache que tous mes efforts sont dirigés à la défense des Dhritarâshtrides[40], à la mort des ennemis, et que je suis entré dans la conduite sublime, adoptée par le grand Paâuroûravas. Je ne vois pas, souverain de Madra, qu’il soit déjà né dans les trois mondes, 1,864-1,865-1,866.

» Le mortel, qui me détournerait de ce dessein : c’est mon opinion. Ayant la connaissance de ces choses, garde le silence. À quoi bon tenir un long discours sur ta crainte ?

» Quand je t’aurai fait mordre la poussière, ô le dernier des Madrakains, je ne livrerai pas ton corps aux animaux carnassiers par égard pour tes amis, pour Dhritarâshtra et pour Douryodhana[40] avec lui. 1,867-1,868.

» Si tu vis, c’est par ces trois causes de résignation au blâme ; mais si tu répètes encore, souverain de Madra, une telle parole, 1,869.

» Je ferai tomber ta tête sous ma massue, pareille à la foudre. Que les armées entendent maintenant ici les mots, que je prononce, ou qu’elles en voient l’effet : 1,870.

» Les deux Krishnas immoleront Karna, ou Karna les immolera eux-mêmes ! » Dès qu’il eut parlé ainsi, Râdhéya de répéter, monarque des hommes sans terreur au roi de Madra : « Avance ! avance ! » 1,871-1,872.

Aussitôt qu’il eut entendu, vénérable sire, ce langage de l’Adhirathide, irréprochable dans les batailles, Çalya, reprenant la parole, dit à Karna ; « C’est une parole à prouver, 1,873.

» Moi, qui suis moi-même dévoué au devoir, je suis né dans la famille des rois sacrificateurs, qui ne savent pas tourner le dos dans les batailles, des rois au front consacré. 1,874.

» Tu te montres, Vrisha, comme enivré de liqueurs spiritueuses : mais aujourd’hui je te[41] guérirai par affection de cette indolence. 1,875.

» Écoute, racontée par ma bouche, cette fable du corbeau ; et, quand tu l’auras entendue, agis selon ta fantaisie, homme dégradé et le plus vil de ta race. 1,876.

» Je ne me souviens pas qu’il y ait en moi aucune tache pour mériter, irréprochable guerrier aux longs bras, que tu veuilles me donner la mort. 1,877.

» Nécessairement, je dois comprendre ta parole, soit utile, soit inutile, surtout étant un roi, monté sur un char, avec le désir du bien, 1,878.

» L’uni et l’inégal, la force et la faiblesse du maître de char, la fatigue et la langueur des chevaux et du maître ; la connaissance de l’arme, le cri des quadrupèdes, le chant des oiseaux, la charge et la surcharge, les représailles à tirer par les flèches, la jonction des astras, le combat et les présages eux-mêmes : toujours, je dois bien savoir tout cela, moi, qui suis gouverneur de ce char. 1,879-1,880-1,881.

» Voilà pourquoi je te répète, Karna, que c’est une chose à prouver. Certes ! le vaîçya possède au-delà des mers une grande abondance de froment et de richesses.

» Le sacrificateur est le maître des dons honorifiques, le kshatrya conserve la pureté, tant qu’il reste dans ses fonctions ; il est père de nombreux enfants, époux d’une femme aimée et rempli de compassion pour tous les êtres. 1,882-1,883.

» La sécurité des jeunes et renommés enfants, ses fils, habite dans le royaume d’un souverain, qui met le devoir à la tête de ses actions. 1,884.

» Un corbeau faisait sa nourriture des restes de plusieurs maisons ; des fils en bas âge de valçyas lui en fournissaient toujours. 1,885.

» C’était de la viande, du riz bouilli, du caillé, du lait, de l’eau, du miel et du beurre clarifié : le corbeau enfin était nourri des restes de ces jeunes enfants de valçyas.

» Voyant leurs soins, l’oiseau[42] de s’enorgueillir et de mépriser les mieux doués entre les volatiles. Des cygnes vinrent un jour du bout des mers, franchissant les distances éloignées. 1,886-1,887.

» À la vue des cygnes, les enfants, l’esprit joyeux et regardant ces oiseaux comme ils auraient vu l’arrivée de Garouda, tinrent ce langage au corbeau : 1,888.

« Oiseau, ton excellence est la plus distinguée des volatiles : l’oiseau excelle sur tous ceux, qui ont peu d’intelligence ! » 1,889.

» Il crut cette parole une vérité par fatuité et par orgueil ; il accourut s’enquérir auprès des cygnes quel était le chef de ces oiseaux ? 1,890.

» Le corbeau, fier de ces restes, apportés par beaucoup de gens venus deloin, provoqua l’oiseau, qu’il pensait être le chef de ces cygnes étrangers, et l’insensé dit : « Volons ensemble[43]. » À ces mots, les cygnes, réunis là, de rire ; 1,891-1,892.

» Et ces oiseaux vigoureux, les plus excellents des volatiles, adressèrent ce langage au corbeau, qui se répandait en paroles : 1,893.

« Nous sommes des cygnes, qui parcourons cette terre et qui avons pour demeure le lac Mânasa. Nous sommes toujours honorés des oiseaux pour notre vol lointain.

» Comment défies-tu, insensé corbeau que tu es, au plus long vol, un cygne vigoureux, un tchakrânga, qui est venu de si loin ? 1,894-1,895.

» Comment voleras-tu avec nous ? Dis-nous-le, corbeau. » Et ce fou de corbeau, méprisant mainte et mainte fois la parole des cygnes, leur jeta cette réponse, en se vantant, suivant la légèreté de son espèce : 1,896-1,897.

« Je volerai, il n’y a nul doute, une centaine de vols, et, l’un après l’autre, dans un cent d’yodjanas divers, étonnants : » Le vol en haut, le vol en bas, le vol devant, le vol simple, le vol dedans, le vol ensemble, des courses obliques de vol, 1,898-1,899.

» Le vol séparé, le vol autour, le vol opposé, le vol superbe, le vol très-rapide, le grand vol, le vol en plein air, le parîdtnaka[44], 1,900.

» L’avadîna[45], le pradîna[45], le sandîna[45], le vol des vols, le vol en compagnie, l’essor, le vol redoublé, le vol distinct, 1,901.

» La montée, la descente et d’autres d’une espèce différente ; je volerai en avant et en arrière ; j’exécuterai aujourd’hui à vos yeux rivaux des circonvolutions et beaucoup de choses, qui distinguent un oiseau de bonne race. Vous serez témoins de ma vigueur : je parcourrai les airs en volant avec l’un ou l’autre de ces moyens. 1,902-1,903.

» Dites-moi avec convenance de quelle manière, cygnes, vous désirez que je vole. Mais, après que vous y aurez pensé fortement, ne volez pas avec moi. 1,904.

» Car l’air n’offre pas d’asyle aux oiseaux, qui tombent dans ces vols. » À ces paroles du corbeau, un d’eux lui répondit en riant ces mots ; écoute-les de ma bouche, Râdhéya : 1,905-1,906.

« Il est sûr, corbeau, que tu voleras de cent-une manières : mais tous les autres oiseaux ne connaissent qu’une seule manière de voler. 1,907.

» C’est ainsi que je volerai, moi, corbeau ; car je n’en connais pas une autre quelconque. Vole comme il te plaira, volatile aux yeux noirs. » 1,908.

» Les corbeaux s’étaient rassemblés en ce lieu à l’heure où le soleil abandonne l’horizon : « Comment, disaient-ils, ce cygne, qui n’a qu’un seul vol, en pourrait-il vaincre cent ? 1,909.

» Ce corbeau vigoureux à la force rapide triompherait avec un seul vol des ailes du cygne, fût-il doué lui-même de cent vols ? » 1,910.

» Alors le cygne et le corbeau commencent leur joute aérienne avec émulation, le cygne volant d’une seule façon, le corbeau d’une centaine de manières. 1,911.

» Soit que le cygne, soit que le corbeau vole, ils excitent l’étonnement de quiconque voit leur rapide essor.

» À peine eurent-ils vu mainte et mainte allée et venue de leur compagnon, les corbeaux enchantés de crier avec des sons très-élevés. 1,912-1,913.

» Ils se moquaient des cygnes et leur adressaient des paroles blessantes : « Monte ! monte encore ! » disaient-ils et redisaient-ils à l’oiseau de leur espèce. 1,914.

» Ils s’abattent sur la terre, ils s’élèvent sur la cime des arbres, ils jettent différents cris et proclament déjà la victoire. 1,915.

» Le cygne commença, noble monarque, à s’avancer par un vol doux ; il fut même dépassé un instant par le corbeau. 1,916.

» Celui-ci méprisa les cygnes et leur adressa ces paroles : « Ce cygne, qui vole dans les airs, voyez comme je l’ai devancé ! » 1,917.

» Dès qu’il eut entendu ces mots, l’oiseau de voler rapidement vers la plage occidentale, bien au-dessus de la mer, séjour des makaras. 1,918.

» Alors, la crainte envahit le corbeau à demi-mort, plein de fatigue à cause de son long vol et qui ne voyait pas d’île, ni d’arbres, où il pût reposer son aile. 1,919.

« Où abattrai-je mon vol fatigué dans cet océan des eaux ? La mer, habitation de troupes nombreuses d’animaux terribles, n’est pas supportable. 1,920.

» La lumière des cieux surpasse encore le danger, que font courir ces centaines de grands monstres aquatiques. » Mais la mer, fils du cocher, est sans comparaison pour sa profondeur. 1,921.

» Les marins, Karna, savent que les eaux jettent un voile sur les plages du ciel ; ils craignent la chûte lointaine de l’océan[46], combien plus un corbeau ? 1,022.

» Le cygne, après un instant écoulé de telle ou telle façon, ayant vu le corbeau tellement en arrière, n’eut pas la force d’aller plus loin. 1,923.

» Le cygne, qui l’avait dépassé, jetant ses yeux sur le malheureux volatile, eut cette pensée : « Ce corbeau, qui est venu si loin, tombe du ciel et fixe sur moi un regard suppliant. » 1,924.

» L’oiseau très-fatigué s’approche alors du cygne ; et celui-ci, le voyant, les forces ainsi défaillantes, se rappela le vœu d’un homme de bien et lui dit, en le retirant des eaux, où il était déjà plongé : 1,925-1,926.

« Toi, qui es instruit en de nombreux vols dans ce récit, que tu nous as fait mainte et mainte fois, de ce qui compose ton art de voler, tu ne nous as rien dit de celui-ci, qui est sans doute un mystère. 1,927.

» Comment s’appelle cette manière, dont tu voles maintenant ? Car voici, corbeau, que tu touches l’eau à chaque instant de tes ailes et de ton bec. 1,928.

» Parle ! quel nom donnes-tu à ce vol-ci, que tu fais maintenant ?… Reviens, corbeau ! reviens à toi promptement ! Je te sauve. » 1,929.

» Le malheureux insensé, qui touchait l’eau des ailes et du bec, répondit alors ces mots au cygne, qui le regardait d’un air moqueur ; 1,930.

» Brisé par l’impétuosité de son vol, épuisé de fatigue, tombant, l’oiseau qui ne voyait pas la rive ultérieure des eaux, dit ces paroles au cygne : 1,931.

« Nous, oiseaux, qui crions kâ-kâ[47], d’où nous vient notre nom, nous marchons comme une race, née des corbeaux ; je m’incline devant toi, cygne, avec les souffles de ma vie ; retire-moi, plongé dans les eaux. 1,932.

» Le malheureux oiseau, qui touchait le vaste océan du bec et des ailes, était tombé tout d’un coup, brisé par une grande fatigue. 1,933.

» L’ayant vu s’affaisser, l’âme consternée, dans les eaux de la mer, le cygne tint ce langage au corbeau, sur le point de mourir : 1,934.

« Je vole de cent et une manières ! » as-tu dit ; rappelles-toi, corbeau ! Tu as parlé, en te glorifiant toi-même. » Toi, qui accomplis cent et un vols, tu es donc supérieur à moi ! Comment alors, rompu ainsi par la fatigue, es-tu tombé au milieu du vaste océan ?» 1,935-1,936.

» Le corbeau sur le point de périr, s’étant vu relevé au-dessus des eaux, remercia le cygne et lui répondit alors en ces termes : 1,937.

« Enorgueilli de restes, qui m’étaient donnés, cygne, je me suis regardé comme un Garouda ; j’ai méprisé un grand nombre de volatiles et d’autres corbeaux. 1,938.

» Je m’incline devant toi, cygne, avec les souffles de ma vie ; place-moi dans ton île. Si je suis heureux dans ma prière, seigneur, conduis-moi dans ta patrie. 1,939.

» Je ne mépriserai plus rien ; sauve-moi de cette infortune. » Tandis qu’il parlait ainsi, le cygne prit avec compassion l’oiseau consterné, hors de lui, gémissant, plongé déjà dans la grande mer, humide d’eau, pénible à voir et croassant : « kâ-ka ! kâ-ka !» 1,940-1,941.

» Il retira avec ses pattes le corbeau rapidement et le fit monter doucement sur son dos. Quand le volatile sans pensée y fut assis promptement, 1,942.

» Le cygne à tire-d’aile retourna dans son île, où ils abattirent leur vol : il y établit l’habitant des airs et lui fit reprendre ses sens. 1,943.

» Rapide comme la pensée, le cygne arriva dans ce lieu presque aussitôt qu’il l’eût désiré : et c’est ainsi que le corbeau, nourri des restes, fut vaincu par lui. » 1,944.

» Abandonnant ta force, ta vaillance, ton royaume et ta patience, tu viens au combat, Karna, comme ce corbeau, jadis engraissé des reliefs dans la famille d’un vaîçya.

» C’est ainsi que tu fus nourri des restes du Dhritarâshtride, il n’y a pas de doute : mais tu dédaignes, Karna, tous ces mets les plus excellents. 1,945-1,946.

» Lorsque tu étais protégé dans la cité de Virâta par Drona, par son fils, par Kripa, par Bhîshma et les autres Kourouides, pourquoi n’as-tu point alors immolé Arjouna, quand il était seul. 1,947.

» Dans ce jour, où vous étiez là présents et ne formant qu’un seul tout, vous fûtes vaincus par Kirîti, comme des chacals[48] par un lion : où était alors ton courage ?

» À la vue de ton frère immolé dans le combat par l’Ambidextre, sous les yeux des plus vaillants Kourouides, tu t’es enfui d’abord ; 1,948-1,949.

» Et dans le Dwaîtavana, où tu étais poursuivi par les Gandharvas, abandonnant tous les enfants de Kourou, tu t’es enfui le premier, 1,950.

» Lorsqu’il eut vaincu et détruit, dans un combat les Gandharvas, sous les ordres de Tchitraséna, c’est le Prithide, Karna, qui a délivré Douryodhana et ses épouses.

» Ensuite, la puissance, digne des Pourânas, du Prithide et de Kéçava fut racontée dans l’assemblée par Râma au conseil des rois. 1,951-1,952.

» N’as-tu pas entendu la parole de Drona et de Bhîshma, qui toujours répétaient en présence des monarques : « Les deux Krishnas ne peuvent être mis à mort ? » 1,953.

» Je dirai chacun[49] des moyens, par lesquels Dhanandjaya l’emporte sur toi, comme Brahma sur tous les êtres. 1,954.

» Maintenant tu verras, montés sur un char suprême, le fils de Vasoudéva et le Pândouide, fils de Kountî.

» De même que le corbeau s’est approché du cygne sur un dessein, qu’il avait conçu ; de même avance-toi vers le Vrishnide et le Pândouide Dhanandjaya. 1,955-1,956.

» Quand tu verras dans la bataille, montés sur un même char, ces deux héros, le Vasoudévide et Dhanandjaya, alors, Karna, tu ne parleras point ainsi ! 1,957.

» Quand le Prithide châtiera ton orgueil avec des centaines de flèches, tu verras alors, Karna, quelle différence existe entre Arjouna et toi. 1,958.

» Ne méprise pas dans ta folie, comme un moucheron deux brasiers ardents, ces deux plus grands des hommes, qui sont renommés parmi les mortels, les Asouras et les Dieux. 1,959.

» Les hommes voient dans leur manifestation Arjouna et Kéçava tels que la lune et le soleil ; mais toi, c’est comme un moucheron. 1,960.

» Ne veuille pas mépriser ainsi, intelligent fils du cocher, Arjouna et l’impérissable, ces deux magnanimes lions des hommes : reste en silence au lieu de te glorifier. »

Dès que l’Adhirathide au grand cœur eut entendu, sans aucun plaisir, ces paroles choquantes du souverain de Madra, il répondit à Çalya : « Je sais que tels sont Arjouna et le Vasoudévide. 1,961-1,962.

» Çaâuri conduit le char d’Arjouna, et ce Pândouide à la force réunit de puissants astras. Je sais en vérité que ces dons, Çalya, sont maintenant invisibles dans toi.

» Je combattrai, sans crainte, les deux Krishnas, les meilleurs de ceux, qui portent les armes ; et l’arc, qui m’est venu de Râma, le plus excellent des Brahmes, les brûlera aujourd’hui jusqu’au fond des entrailles. 1,963-1,964.

» J’ai habité jadis chez Râma sous le travestissement d’un brahme, voulant obtenir un astra ; et là un obstacle fut jeté devant moi par le roi des Dieux, qui désirait le bien d’Arjouna même. 1,966.

» Un ver, qui survint et pénétra dans ma cuisse, brisa par cette blessure la régularité de mon corps : entré dans ma cuisse, il la rompit dans le sommeil du révérend, qui avait déposé sur moi sa tête. 1,966.

» Un grand fleuve d’un sang épais sortit de mon corps par cette plaie de ma cuisse ; mais je ne bougeai pas dans la crainte du révérend : le brahme se réveilla et vit ma blessure. 1,967.

» Lorsqu’il me vit réunir tant de fermeté : « Tu n’es pas un brahme ! me dit-il ; qui es-tu ? Avoue-moi la vérité. » Lui ayant annoncé alors que j’étais un cocher, je lui déclarai véritablement qui j’étais. 1,968.

» Quand il m’eut entendu, le grand ascète, l’âme enveloppée de colère, me dit : « Cet astra, que tu reçois, cocher, n’est pas fait pour demeurer caché ; il paraîtra au temps de l’œuvre devant tes yeux. » 1,969.

» Sans les brahmes, la sainte écriture ne serait pas plus durable, que le temps de ta vie[50]. Maintenant cet astra est infiniment convenable dans cette bataille confuse, épouvantable à l’extrême. 1,970.

» Ce fameux Çalya, qui est arrivé chez les Bharatides, qui traîne les cadavres de ses ennemis, qui enlève tout, qui est plus que terrible, est, à mon avis, le fléau des kshatryas les plus distingués par la valeur ; c’est un vigoureux immolateur des hommes. 1,971.

» Moi, je plongerai, Çalya, dans la gueule de la Mort Dhanandjaya le Pândouide, qui est impétueux, le meilleur des guerriers, un archer terrible, effrayant, à la valeur intolérable, et qui ne promet que des choses vraies dans la guerre. 1,972.

» Grâce à cet astra, avec lequel je ferai mordre la poussière dans le combat à des multitudes d’ennemis, je tuerai dans la bataille Dhanandjaya, héros terrible, cruel, consommé dans les armes, robuste, archer formidable, à la vigueur sans mesure, qui brûle, qui fait souffrir mille peines au parti contraire. Quand le souverain des eaux rapide, incommensurable, veut submerger de nombreuses créatures, 1,973-l,971.

» La mer se livre à une grande fougue, mais son rivage la contient dans sa grandeur infinie. Au milieu de la bataille, où je combattrai le fils de Kountî, le plus grand dans le monde entre ceux, qui bandent la corde de l’arc ; Arjouna, qui lance des flèches bien empennées, sans mesure, rompant les organes de la vie et détruisant les héros : ainsi, je retiendrai avec mes traits, comme son rivage, le Prithide, semblable à la mer, plus fort que la force elle-même, inaffrontable, pareil à l’océan, qui submerge tous les princes sous la multitude de ses flèches, à qui je ne crois pas qu’il y ait maintenant dans les combats un autre homme son égal parmi ceux, qui portent l’arc. 1,975-1,976-1,977-1978.

» Vois maintenant le conflit très-épouvantable de moi avec ce guerrier, qui peut vaincre dans une bataille les Asouras et les Dieux ! Un orgueil infini dévore ce Pândouide, qui aime les combats ; mais il ira au monde des morts sous mes grands astras, qui n’ont rien d’humain.

» Oui ! quand j’aurai repoussé les astras du Prithide avec les miens, je lui ferai mordre la poussière avec mes traits puissants ! Je couvrirai complètement de mes dards, tel qu’un nuage, le terrible Dhanandjaya, qui dissipe l’obscurité, qui ressemble à mille rayons de lumière, qui flamboie, et qui embrâse[51]toutes les plages du ciel. Moi, devenu un nuage, j’éteindrai dans ce combat le Prithide, qui est pareil au feu par ses pluies de flèches, qui est rempli de splendeur, qui est comme un brasier, doué de flamme et de fumée, et qui incendie ce monde. Je comprimerai sous mes bhallas ce fils de Kounti, ce grand ennemi, enflammé de colère, incommensurable, à la puissance flamboyante, aux dents très-aiguës, et qui est comme un serpent irrésistible. Tel que le mont Himâlaya, je soutiendrai dans la bataille ce Dhanandjaya irrité, insoutenable, terrible, pareil au vent, qui brise, qui fend et qui broie. Je supporterai dans la guerre Dhanandjaya, le meilleur au monde parmi tous ceux, qui portent l’arc, ce cheval de somme vigoureux, ce héros, qui est toujours le premier dans les combats, qui est habile dans les évolutions du char, auquel je ne crois pas qu’il existe maintenant un autre homme, son égal, entre ceux, qui ont pris l’arc à leur main. {De la stance 1,979 à la stance 1,985.)

» En étant venu à croiser les armes avec ce guerrier, je le combattrai, lui, qui a vaincu toute cette terre. Est-il un homme, qui tienne à conserver sa vie, est-il un homme, qui veuille, si ce n’est moi, combattre avec l’Ambidextre, qui, sur le plateau du Khândava, triompha de toutes les créatures, mêlées avec les êtres célestes ? Le guerrier aux blancs coursiers est superbe, consommé dans les armes ; il a sa main exercée ; il s’unifie avec Dieu, il connaît les astras célestes, il broie les ennemis. 1,985-1,986.

» Mais aujourd’hui j’enlèverai avec mes traits acérés sa tête au corps de ce héros, monté sur son char ! Mettant avant toute chose dans ce combat la mort ou la victoire, Çalya, je combattrai ce Dhanandjaya. 1,987.

» Il n’est pas un autre moitél, qui, monté sur un char, voudrait engager une bataille avec ce Pândouide, semblable au Dieu Indra ; car tu me forces à dire dans l’assemblée des kshatryas le courage de ce fils de Pândou dans un combat. 1,988.

» Pourquoi, stupide, à l’âme insensée, viens-tu me parler avec violence du courage de Phâlgouna ? L’homme, qui vomit des paroles choquantes, est dur et vil ; il ne peut supporter les personnes capables et jette le blâme sur elles. 1,989.

» Je tuerais des centaines de gens semblables à toi ; mais je les souffre avec patience à cause qu’ils sont unis à l’affaire de ces temps ! Tu dis comme un insensé, des choses agréables pour le Pândouide, et tu rabaisses, méchant, ce que je suis capable de faire ! 1,990.

» Tu as l’esprit de travers pour les choses, que je dois faire au sens droit ; tu es un cadavre ; tu es un faux ami ; l’amitié a sept pas à faire. Mais le voici revenu ce temps, où le terrible Douryodhana s’avance vers le combat.

» Moi, je désire le succès de ses affaires ; tu l’estimes, lorsqu’il n’est pas dans l’abandon ; il faut alors que tu l’aimes comme un ami, que tu t’en glorifies, que tu lui inspires de la joie, ou que tu le défendes, que tu lui sois favorable, que tu le félicites. 1,991-1,992.

» Je te dis tout cela, qui vient de moi ; le roi Douryodhana connaît bien ces choses de ma part[52] ; mais toi, en ennemi, tu détruis ce qui est, tu châties, tu diminues ce qui est grand, tu écoutes l’offense[53], tu respires ou tu donnes la mort. 1,993.

» Tu conduis au tombeau de cent manières ordinairement par des sortilèges : tout ce qui est en toi est aussi à moi pour l’intérêt de Douryodhana[53], et pour te faire plaisir, à cause de la renommée, à cause de moi-même, à cause de la pratique de mon devoir[53]. 1,994.

» Je livrerai donc un combat au fils de Pândou et au Vasoudévide. Vois maintenant cette œuvre exécutée avec effort ! Vois maintenant mes astras sublimes, humains, célestes et brahmiques ! 1,995.

» Je m’avancerai hostilement vers ce héros à la valeur terrible, comme un éléphant, surexcité par l’ivresse, s’approche d’un éléphant ivre ; et je lancerai de tout mon cœur sur le Prithide pour la victoire mon astra brahmique, incommensurable, invincible dans le combat. 1,996.

» Et ni le fils de Vivasvat, son bâton à la main, ni Varouna lui-même avec son lacet, ni le souverain arbitre des richesses avec sa massue, ni Indra, armé de sa foudre, ne pourraient le sauver de ce dard, lancé par moi dans la bataille, mon tchakra tombât-il aujourd’hui sur un membre, duquel ne dépend point la vie ! 1,997-1,998.

» Quel autre ennemi quelconque saurait le défendre ? Apprends, Çalya, que je suis exempt de la crainte. 1,999.

» Je ne redoute, ni le fils de Prithâ, ni même Djanârddana : mon combat avec eux sera pour leur infortune.

» Un jour, causant de flèches et de victoire, seigneur, et lançant avec ignorance des lieux, où ils tombaient, mes dards aux formes épouvantables, inspirant la terreur,

» Je tuai d’un trait dans ma négligence le fils de Homadhénou, qui se promenait dans un endroit solitaire : « Parce que tu as tué, inattentif, que tu étais, me dit le brahme, le fils de Homadhénou, ton disque de guerre tombera dans une caverne[54] ! » 2,000-2,001-2,002-2,003.

» Lorsque je suis arrivé à la bataille et que je combats, ma crainte tombe sur un seul point : cette parole du brahme me fait trembler fortement. 2,004.

» Car ces maîtres du soma sont les souverains arbitres du plaisir et de la peine. Je lui donnai un millier de vaches et six cents taureaux. 2,006.

» Mais je n’obtins pas, Çalya, ma grâce du brahme. Je lui donnai sept cents éléphants, roi de Madra, et des centaines de serviteurs et de servantes. 2,006.

» Malgré ces dons, l’éminent brahme ne m’accorda point mon pardon. Je lui fis présent de quatorze milliers de veaux noirs et blancs ; et le plus vertueux des brahmes ne me donna pas en retour sa faveur. Je l’honorai et lui donnai une maison, pourvue de toutes les choses propres à exciter le désir, et t$ut ce que je possédais en richesses quelconques. Mais il ne formait pour elles aucun souhait. Ensuite, il me dit, à moi, qui le suppliais de toutes mes forces qu’il pardonnât mon offense : 2,007-2,008-2,009.

« Cette parole, que j’ai dite, cocher, tombera sur toi, et il n’en sera pas autrement ! Un mensonge pourrait anéantir les créatures, et cette faute m’induirait en péché. 2,010.

» Donc, si je veux observer le devoir, je ne puis avancer une chose fausse. Ne veuille pas interrompre la route du brahme ; tu subiras une expiation. 2,011.

» Que personne dans le monde ne commette un mensonge : obtiens l’effet de ma parole. » Il dit ; et moi, aigrement blâmé, je t’ai répété son langage par amitié. 2,012.

» Je sais que tu es un amer critique : reste en silence ; écoute encore autre chose. » 2,013.

Ce dompteur des ennemis, Râdhéya, ayant arrêté le souverain de Madra, ajouta, puissant roi, ces nouvelles paroles : 2,014.

« Voici ce que je réponds aux exemples, que ton discours me fait apercevoir : ta parole, Çalya, n’est point capable de m’effrayer dans une bataille. 2,015.

» Si tous les Dieux, sous les ordres d’Indra, me déclaraient la guerre, la crainte ne naîtrait pas dans mon cœur ; combien plus, quand je n’ai devantmoi que le Prithide et Kéçava ? 2,016.

» Des paroles seulement ne peuvent m’épouvanter d’aucune manière : l’homme, qui se laisserait effrayer dans le combat par ton langage, sache-le, est un autre que moi !

» Cette âpreté vigoureuse, avec laquelle tu m’as parlé, est d’un homme vil : tu es incapable de raconter mes vertus ; tu les franchis d’un saut rapide, insensé !

» Moi, Karna, je n’ai pas été, Madrakain, enfanté pour la peur ; je suis né pour le courage et pour la renommée de moi-même. 2,017-2,018-2,019.

» Grâce à ton art pour conduire[55], à ma patience[55], à l’amitié de Douryodhana, si tu vis maintenant, Çalya, c’est pour l’une de ces raisons. 2,020.

» Nous avons entrepris une affaire immense du roi Souyodana ; elle repose sur moi, et c’est pour cela que je te laisse vivre cet instant. 2,021.

» Jadis, on est convenu de supporter tes offenses ; sans un millier de Çalyas, j’aurais déjà vaincu les ennemis. 2,022.

« Tu es un mauvais ami, un homme plein d’iniquités, » dit-on : et voilà pourquoi tu vis maintenant. » 2,023.

« Ce sont là de vaines paroles, lui répondit Çalya ; tu ne dis rien sur les ennemis ; mais, sans être un millier de Karnas, il est bien possible (je vaincre les ennemis dans la bataille. » 2,024.

L’Adhirathide de jeter au souverain de Madra à l’aspect rennfrogné, qui lui tenait ce langage blessant, une réponse encore deux fois plus choquante : 2,025.

« Écoute avec attention, roi de Madra, ce récit, qui fut dit en présence de Dhritarâshtra, et que j’ai entendu.

» Les brahmes dans le palais de ce monarque racontaient que les diverses régions de la terre étaient variées, et qu’elles avaient été données jadis. 2,026-2,027.

» Un vieux brahme, le meilleur de son ordre, méprisant ces narrations historiques, les pays Vâhîkas et Madrakains, tint alors ce langage : 2,028.

« Que l’on fuie les Vâhlkas impurs, extérieurs au devoir, qui sont relégués hors de son enceinte par l’Himâlaya, et ceux, qui sont exclus par la Gangâ, la Sarasvatî, l’Yamounâ, le Kouroukshétra, et ceux, que ces cinq régions mettent en dehors, et ceux, qui sont laissés dans l’espace libre entre les six fleuves, dont le Sindhou est le premier. 2,029-2,030.

» Le Govarddhana est nommé le Vata, et les quatre derniers sont appelés Soubhadra. Je me souviens que, depuis l’âge de Koumâra, c’est la porte de la race des rois. 2,031.

» Il fut habité par moi chez les Vâhîkas dans un dessein bien caché, et j’ai connu leur conduite en habitant avec eux.

» Çâkala est le nom de leur ville ; leur fleuve est appelé Nimnaya ; les Vâhîkas portent le nom de Djartikas : on blâme grandement leur manière de vivre. 2,032-2,033.

» Ces buveurs de liqueurs spiritueuses, de rhum extrait de la mélasse ou de l’orge frit ; ces mangeurs de chair de bœuf assaisonné avec des aulx, de gâteaux de farine, de viande et d’autres comestibles, sont dépourvus de caractère. 2,034.

» Ointes de parfums, parées de bouquets, sans vêtements, les femmes enivrées y chantent et y dansent extérieurement au sein des villes, dans les palais, au pied des remparts, 2,035.

» Avec diverses chansons d’ivresse, semblables aux cris des ânesses ou des chamelles. Sans frein dans les amours, elles suivent de tous côtés leurs désirs. 2,036.

» Au décès de leur maître ou de leur époux, elles se disent froidement l’une à l’autre dans les conversations, qu’elles agitent, pleines d’ivresse : « Ah ! il est mort !… Ah ! il est mort ! » 2,037.

» Femmes de brahmes déchus, sans retenue dans les fêtes, elles dansent, elles injurient Ces dames orgueilleuses font assurément leur habitation dans le Kouroudjângala. 2,038.

» Fut-il jamais un de ces méchants Vâhîkas quelconque, qui n’a point chanté, le cœur au comble de la joie ? La vierge, devenue grande, est revêtue là de voiles déliés ; ses rêves lui retracent mon image dans le Kouroudjângala, où je suis un étranger. Ayant traversé la Çatadrou et la délicieuse Iravatî, je verrai sa patrie dans mes courses errantes. Les femmes y sont charmantes ; elles ont des seins[56] gonflés ; l’arsenic rouge enflamme l’angle de leurs yeux ; elles ont des collyres, qui sont la cime des grâces, que peut atteindre la femme vierge. 2,039-2,040-2,041-2,042.

» Frémissantes, couvertes de pelleteries et de voiles, leur aspect est aimable, au milieu des sons du tambourin, de la tymbale et du tambour. 2,043.

» Ivres, nous irons doucement sur des mulets, des chameaux et des ânes dans ces forêts aux routes unies de caréyas, de karils et d’acacias. 2,044.

» Nous mangerons des gâteaux de farine, des boules de riz grillé et moulu, arrosé de babeurre ; et, quand nous aurons repris des forces dans la route : « Comment, nous dirons-nous, enlever les vêtements des caravanes de ces voyageurs ? Et comment les tuerons-nous, malgré leur grand nombre ? » Quel homme raisonnable voudrait habiter, ne fût-ce qu’un instant même, au milieu de ces cruels Vâhîkas, de ces brahmes déchus, qui ont un tel caractère ? Tels sont, dit[57] le brahme, ces Vâhîkas, de qui la route est vaine. 2,045-2,046.

» Tu en retrancheras pour toi la sixième partie des deux côtés, quant au vice et à la vertu. » Après qu’il eut dit ces choses, le vertueux brahme ajouta ces nouvelles paroles :

« Écoute ce qu’il a dit touchant ces orgueilleux Vâhîkas : « Là est une chanson rakshasaine, que l’on chante toujours dans cette grasse ville de Çâkala, le quatorzième jour de la quinzaine obscure, au son du tambour frappé dans la nuit : « Quand chanterai-je de nouveau dans Çâkala ces chansons Vâhîkaines ? 2,047-2,048-2,049.

» Rassasiée de chair de bœuf, ayant bu du rhum de mélasse, la sourâ et l’asava, bien parée, environnée de vierges et de femmes adultes, 2,050.

» Je mange de nombreux béliers, accompagnés de poignées d’oignons, de la viande de sanglier, de bœuf, de coq, de vautour et de chameau. 2,051.

» À quoi vous sert d’être nés, vous, qui ne mangez pas de brebis ! » Ainsi chantent-elles dans l’ivresse du sidhou, et le Çâkalain de chanter avec elles. 2,052.

» Comment le devoir serait-il chez eux au milieu de ces cris des vieillards et des enfants ?» C’est ainsi que parla ce brahme ; sache-le, Çalya. Eh bien ! je vais te raconter encore 2,053.

» Ce que nous dit un autre brahme dans l’assemblée des Kourouides : « Il y a cinq rivières, qui coulent dans ces lieux, où s’élèvent ces bois de caréyas[58] : 2,054.

» La Çatadrou, la Vipâçâ et l’Iravatî, qui est la troisième ; la Tchandrabhâgâ et la Vitastâ. Le Sindhou est la sixième, mais en dehors de la montagne. 2,055.

» Les Arattas est le nom de leur pays : le devoir étouffé n’ira point vers ces Dâsamîyains, brahmes dégradés, ni vers ces Vâhikas, qui n’offrent pas de sacrifices. 2,056.

» Les brahmes, les Mânes et les Dieux ne reçoivent rien de ces Vâhîkas, justes déchus : ainsi la tradition nous l’a raconté. 2,057.

» Un savant brahme parla ainsi dans l’assemblée des gens de bien : « Les Vâhîkas mangent en des vases à grand ventre[59], faits de bois ou d’argile, léchés par les chiens, oints de riz frit et moulu, ou de liqueur spiritueuse, de la viande de brebis, de chameau, de bœuf ou de vache, et du lait. 2,058-2,059.

» Inconsidérés, pères d’enfants mélangés, se nourrissant de toutes sortes d’aliments et de laits, les Vâhîkas mangent et boivent des choses de telle espèce[60]. 2,060.

» Il faut qu’un pandit évite la société des Arattas, nommés les Vâhîkas. » Comprends-tu, Çalya ? Non ! Eh bien ! Je vais te répéter encore ce qu’un autre brahme m’a conté dans l’assemblée des Kourouides. « Ayant bu du lait de chamelle dans Yougandhara, demeuré dans la terre de Vishnou ; 2,061-2,062.

» Et s’étant ainsi baigné dans Bhoûtilaya, comment irait-il au Swarga ? Où ces cinq rivières roulent leurs flots, sortis de la montagne, 2,063.

» Habitent les Arattas, nommés les Vâhîkas ; un homme respectable doit se refuser à vivre parmi eux un jour et une nuit. Le Vahi et le Nâmahtka sont entre la Vipâçâ et la Piçâtchakî. 2,064.

» Les Vâhîkas sont leur postérité ; cette création n’appartient pas au Pradjâpati. Comment ces êtres d’une naissance vile connaîtraient-ils les différents devoirs ? 2, 065. » Un homme sensé fuira les Kâraskaras, les Mâhishakas, les Kâlingains, les Kéralas, les Karkotakas et les Virakas aux mauvaises mœurs. » 2,066.

» Il dit. Une certaine Rakshasî, qui portait une ceinture de grands ouloûkhalas, parla ainsi à un brahme, visiteur des tîrthas[61](1), et qui passait une nuit dans son habitation[61] : 2,067.

« Ces lieux sont nommés les Arattas : cette eau porte le nom de Vâhîka. C’est là que sont les plus vils des brahmes, qui donnent la mort, comme Brahma. 2,068.

» Les Prasthalas, les Madrakains et les Gândhâras, le peuple, qui est dit proprement les Arattas, les Khaças, les Saâuvîras du Sindhou et les Vasâtiens, sont méprisés pour la plus grande partie. » 2,069-2,070.

« Comprends donc, Çalya ! Eh bien ! je vais te dire encore autre chose. Écoute avec attention ce qui m’a été raconté convenablement. 2,071.

« Jadis, un brahme reçut l’hospitalité dans notre maison : là, satisfait, quand il vit mes bonnes mœurs, il me dit ces paroles : 2,072.

« Long-temps, j’habitai seul un sommet de l’Himâlaya : j’ai vu beaucoup de régions soumises à différents devoirs.

» Là, sont des êtres, de qui les pas ne sont pas retenus par un vice quelconque : ils vous répètent tous les devoirs, qui furent dits jamais par des hommes, qui sont allés à la rive ultérieure des Védas. 2,073-2,074.

» Je voyageai en des lieux, remplis de mœurs différentes ; et, faisant route chez les Vâhîkas, j’entendis raconter, puissant roi, 2,075.

» Que là, après avoir été brahme, un Vâhîka devient kshatrya, ensuite valçya, puis çoûdra, enfin barbier ;

» Qu’après le métier de barbier, il reprend les fonctions du brahme ; et qu’il passe de l’état du brahme à la condition de serviteur. 2,076-2,077.

» Un quidam sert de brahme dans une famille ; puis, on le congédie, n’obéissant plus qu’à sa volonté. Les Gândhâras, les Madrakains et les Vâhîkas sont des hommes de faible intelligence. 2,078.

» J’appris là cette cause de la confusion des devoirs ; et, quand j’eus parcouru toute la terre, je trouvai le contraire de tout chez les Vâhîkas. » 2,079.

» Comprends donc, Çalya ! Eh bien ! je vais te répéter encore les paroles de mépris, qu’un autre a dites sur les Vâhîkas. 2,080.

» Jadis, une certaine vierge honnête, le fait est certain, enlevée de l’Aratta par des brigands, fut indignement outragée, et la jeune fille les maudit : 2,081.

« Parce que enfant et douée d’un frère, j’ai reçu de vous la plus cruelle offense ; à cause de cela, qu’il n’y ait désormais dans vos familles, ni un homme respectable, ni une chaste femme ! 2,082.

» Ne veuillez pas expier ce crime abominable ; et, pour cette impénitence, n’ayez ni fils, ni neveu, qui soient les héritiers de vos biens ! » 2,083.

» Les Kouraviens, accompagnés des Pântchâlains, les Çâlvas avec les Naîmishains, les Koçalains, les Kaças, les Paâundras, les Kalingains, les Mâgadhains 2,084.

» Et les vertueux Tchédiens connaissent le devoir éternel. Les méchants sont répandus en divers lieux ; les Vâhîkas sont pour la plus grande partie sans règle de conduite [62]. 2,085.

» Depuis les Matsyas, ce sont les Kouraviens et les Pântchâlains, qu’on doit présenter aux éloges ; à partir de Nalmisha, ce sont les Tchédiens, qui l’emportent. Les gens de bien, si l’on excepte les Madrakains, observent l’antique devoir ; mais les peuples, situés entre les cinq rivières, sont dépravés. » 2,086.

» Maintenant que tu possèdes ces connaissances, sire, garde le silence dans les entretiens sur le devoir ; sois tel qu’un monarque indifférent, Çalya ! Tu es le protecteur de ce peuple, et comme roi, tu prends la sixième partie de ses vices et de ses vertus. 2,087.

» Cependant, toi, qui participes à ses mauvaises œuvres, tu n’es pas le conservateur de cette région : un roi vertueux est le défenseur des créatures, mais tu n’es qu’un artisan d’œuvres iniques. 2,088.

» Jadis, lorsque le devoir éternel était honoré en toutes les contrées, Brahma, voyant le devoir observé par les habitants des cinq rivières, s’écria : « Fi donc ! » 2,089.

» Quand Brahma eut blâmé le devoir, parce qu’il était observé des Dâsamlyains, ces brahmes déchus, artisans d’œuvres iniques, qu’est-ce que tù as dit au milieu du monde ? 2,090.

» Ces paroles : « Le créateur méprise le devoir observé par les habitants des cinq rivières, et il ne veut pas honorer ceux mêmes, qui se tiennent au milieu des classes, fermes dans leur devoir ! » 2,091.

» Comprends donc, Çalya ! Eh bien ! Je vais te parler encore. Le Rakshasa Kalmâshapâda, se plongeant dans un lac, dit ces mots : 2,092.

« La nourriture mendiée est la honte du kshatrya ; l’inconstance dans ses vœux est la honte du brahme ; les Vâhîkas sont la honte de la terre ; une femme de Madra est la honte des femmes ! » 2,093.

» Un roi arracha le noctivague aux ondes, qui le submergeaient, et lui adressa une question. Écoute de ma bouche ce qu’il répondit : 2,094.

« Les Mlétchhas sont la honte des hommes, un vaisseau d’argile est la honte des Mlétchhas, les eunuques sont la honte des vases de terre, les sacrificateurs d’un kshatrya impur sont la honte des eunuques. 2,095.

« Puisse la tache, qui souille les offrandes du sacrificateur d’un tel kshatrya, se répandre sur toi-même, et n’en sois jamais délivré ! » 2,096.

» Cette réponse de parole accomplie, qu’il rendit, est un remède rakshasique à l’égard de ceux, qui sont frappés d’un venin subtil ou infestés par les Rakshasas. 2,097.

» Les Pântchâlains ont pour devoir les Védas, les Kaâuraviens la justice, les Matsyas la vérité, les Çoûrasénas le sacrifice. Les orientaux sont des serviteurs, les méridionaux des çoûdras, les Vâhîkas des voleurs, et les Sourâshtras une race mêlée. 2,098.

» L’ingratitude, le ravissement du bien d’autrui, l’intempérance des liqueurs spiritueuses, l’adultère avec l’épouse de son gourou, l’âpreté dans les paroles, la mort donnée aux vaches, le vagabondage pendant la nuit, l’habitation hors de chez soi et l’usage des habits d’un autre : 2,099.

» Voilà quel est leur devoir, il n’est pas de vice pour eux. Fi donc pour les Arattas, qui demeurent entre les cinq rivières ! Mais les Kouraviens, depuis les Pântchâlains, et les Matsyas, depuis la forêt Nalmisha, connaissent le devoir.

» Les septentrionaux, les Angaset les sages Mâgadhains vivent dans l’observation des devoirs supérieurs. 2,100-2,101.

» Les Dieux, sous la conduite du Feu, sont allés dans la région orientale ; Yama, l’auteur des bonnes œuvres, que secondent les Pitris ou les Mânes, protège la contrée méridionale. 2,102.

» Défendant les Immortels, Varouna le vigoureux garde la plage occidentale ; l’adorable Lunus veille avec les brahmes sur la portion septentrionale. 2,103.

» Les Rakshasas et les Piçâtchas ont sous leur gardé l’Himalaya la plus haute des montagnes ; et les Gouyakas, grand roi, le mont Gandhamâdana. 2,104.

» L’éternel Vishnou protège, comme Djanârddana, tous les êtres. Les Magadhains, qui connaissent les signes, et les Koçalains, instruits dans les choses, qui tombent sous les yeux, 2,105.

» Et les Kouraviens, les Pântchâlains, les Çalvas, qui exécutent entièrement un ordre, dont une moitié seulement leur fut donnée, et les montagnards difficiles à atteindre[63], et les Çivayains, 2,106.

» Et les l’avarias, qui réunissent toutes les connaissances, et surtout, sire, les Çoûras mêmes savent le devoir : les Mlétchhas, qui sont liés à leurs propres sentiments, et d’autres peuples sont étrangers à ce qui est bien. 2,107.

» Il en est ainsi des Vâhîkas, opposés à toute parole utile[63], et des Madrakains quelconques. Toi, Çalya, qui es tel, ne veuille pas m’objecter une réponse ! Le Madrakain est appelé la souillure de tous les pays de la terre. 2,108-2,109.

» Boire du Sindhou, souiller la couche de son gourou, tuer un embryon, enlever le bien d’autrui : ce sont pour eux des vertus ; le vice n’existe pas à leurs yeux. Fi donc pour ces enfants d’Arattas, qui habitent entre les cinq rivières ! 2,110.

» Maintenant que ces choses sont portées à ta connaissance, garde le silence ; ne fais pas d’opposition ; car je t’immolerais d’abord et je ferais mordre ensuite la poussière à Kéçava et Arjouna. » 2,111.

« L’abandon des malades, répondit Çalya, la vente de son épouse et de son fils, existe dans la personne des hommes, Karna, de qui ta majesté est le maître souverain.

» Rappelle-toi que ta valeur fut estimée un seul char dans l'énumération, que Bhîshma fit des guerriers montés sur des chariots ; et, connaissant ces défauts de toi-même, évite la colère et ne sois pas irrité. 2,112-2,113.

» Partout il y a des brahmes, Karna ; partout il y a des kshatryas, des vaîçyas et des çoûdras : partout il y a des femmes honnêtes et fidèles à leur vœu. 2,114.

» Les hommes s’amusent des ridicules avec les hommes, et, contractant des mariages, ils conservent mutuellement leur espèce en chaque pays. 2,115.

» Chacun est toujours habile à parler d’autrui, il ne sait rien dire sur lui-même ; et, quand il le sait, il perd l’esprit.

» Il y a partout des rois dévoués à tous leurs devoirs ; ils reprennent les méchants ; partout il y en a de vertueux. 2,116-2,117.

» Tout homme, Karna, ne pratique point le vice, parce qu’il est né dans un pays, où le vice est général. Les Dieux eux-mêmes ne sont pas tels qu’ils sont chacun par la vertu de son origine. » 2,118.

Alors, le roi Douryodhana d’arrêter Karna et Çalya dans leur dispute : Râdhéya, par des gestes d’ami, Çalya en joignant respectueusement ses mains devant lui. 2,119.

Retenu ainsi par lui, Karna ne fit aucune réponse, auguste monarque ; et Çalya tourna son visage vers les ennemis. 2,120.

Ensuite le fils adoptif de Râdhâ, se mettant à rire, d’exciter de nouveau son noble cocher, en lui criant : « Marche ! » 2,121.

Dès que Karna vit que l’armée ennemie des Prithides, défendue par Dhrishtadyoumna, avait un ordre de bataille incomparable, fait pour lui résister, 2,122.

Il s’avança, ébranlant la terre avec le bruit de ses chars, le fracas de ses cris de guerre, et les concerts des instruments de musique. 2,123.

Ce fléau des ennemis à la grande splendeur, tremblant comme de colère, aspirant à s’enivrer de combats, rangea exactement son armée, éminent Bharatide, dans un ordre contraire. 2,124.

Tel que Maghavat disperse les troupes des Asouras, il dissipa l’armée Pândouide ; il frappa Youdhishtbira et le mit à sa droite. 2,125.

« Comment, Sandjaya, demanda le roi Dhritarâshtra, comment Râdhéya sut-il ranger son armée en bataille contre les Pândouides sous les ordres de Dhrishtadyoumna et qui tous étaient défendus par Bhîmaséna, 2,126.

» Qui tous étaient de grands héros, invincibles aux Immortels eux-mêmes ? Qui sont ceux, qui distribuèrent, suivant la convenance, les ailes et le bout des ailes de mon armée, Sandjaya ? Ou comment demeurèrent-ils, le pied ferme ? Comment les fils de Pândou rangèrent-ils contre les miens leur armée en bataille ? 2,127-2,128.

» Comment ce combat grand, bien épouvantable, se déroula-t-il ? Où était Bîbhatsou, tandis que Karna s’avançait vers Youdhishthira ? 2,129.

» Quel homme est capable d’affronter Youdhishthira en présence d’Arjouna, qui seul jadis triompha dans le Khândava de toutes les créatures ? 2,130.

» Quel autre guerrier, avec le désir de la vie, si ce n’est Râdhéya, engagerait un combat avec lui ? » 2,131.

Écoute comment devint l’ordre de bataille des héros d’Arjouna, répondit Sandjaya, et ce que fut son combat, après qu’il eut arrêté chacun des rois. 2,132.

Kripa le Çaradvatide, sire, le Mâgadhain impétueux et Kritavarman le Satwata se rangèrent à l’aile droite.

À l’extrémité de leurs ailes, Çakouni et le grand héros Ouloûka défendaient ton armée avec des cavaliers, armés de traits barbelés resplendissants, des Gândhâras sans trouble et des montagnards invincibles, comme des nuées de sauterelles, tels qu’avec des Piçâtchas au regard insoutenable. 2,133-2,134-2,135.

Vingt-quatre milliers de chars, qui ne tournent jamais le dos, héros, ivres de combats et qui ont juré de rester, le pied ferme, protégeaient l’aile gauche. 2,136.

Ils étaient suivis par tes fils, qui désiraient immoler Krishna et Arjouna. Des Kambodjains, des Çakas avec des Yavanas, des fantassins, des cavaliers et des chars formaient, d’après les ordres du fils de cocher, le bord de leurs ailes : ils se tenaient, provoquant Arjouna et Kéçava à la grande force. 2,137-2,138.

Karna lui-même, revêtu de sa cuirasse, était placé au milieu de la bouche de l’armée : le meilleur de ceux, qui manient l’arc, portant une armure et des pendeloques admirables, paré de bouquets, il défendait la principale armée au milieu de tes fils brûlants de colère, qui se partageaient sa défense. Le héros brillait, entraînant deux armées derrière ses pas. 2,139-2,140.

Le guerrier aux longs bras, jetant l’éclat du soleil ou du feu, s’avançait, l’aspect aimable, les yeux du jaune passant au noir, monté sur les épaules d’un grand éléphant. 2,141.

Environné de ses combattants, Douççâsana avait pris position en arrière de cet ordre de bataille, Maharâdja ; et le roi Douryodhana marchait lui-même après lui. 2,142.

Défendu par ses frères germains aux armures diverses, aux flèches différentes, protégé par les Madrakains réunis aux Kaîkévains à la grande vigueur, il resplendissait, comme Çatakratou, environné par les Dieux. Açwatthâman et les fameux héros, qui étaient les plus distingués des Kourouides, 2,143-2,144.

Semblables à des éléphants, que tourmente une ivresse continuelle, suivaient l’armée des chars, de même que des nuées enceintes de pluies. 2,145.

Soutenus par des cavaliers aux drapeaux et aux bannières flamboyantes, aux armes supérieures, ils brillaient, comme des montagnes couvertes d’arbres. 2,146.

Il y avait par milliers des hommes pour garder les pas des fantassins et des éléphants, héros, qui ne savaient pas reculer, armés d’épées et de pattiças. 2,147.

Tel que l’armée des Asouras et des Dieux, ce roi des ordres de batailles resplendissait d’éléphants, de chars et de cavaliers, splendidement ornés. 2,148.

Digne de Vrishaspati et bien disposé par le prudent généralissime, cet ordre de bataille, dansant, pour ainsi dire, inspirait la crainte aux ennemis. 2,149.

Les éléphants, les chars et les chevaux[64], qui désiraient combattre, sortent de ses ailes et du bout de ses ailes, ainsi que les nuages dans la saison des pluies. Dès qu’il vit Karna à la tête de l’armée, le monarque Youdhishthira dit ces mots à Dhanandjaya, le héros unique, l’immolateur des ennemis : 2,150-2,151.

« Vois, Arjouna, ce grand ordre, disposé dans la bataille par l’Adhirathide : l’armée ennemie se montre munie d’ailes et de bout des ailes. 2,152.

» Jette les yeux sur cette immense armée des ennemis, et agis de telle sorte qu’elle soit dépourvue de direction. »

À ces mots du roi, Arjouna, joignant les mains à son iront, lui répondit : « Tout cela ne sera pas fait autrement que tà majesté ne l’a dit. 2,153-2,154.

» J’exécuterai, Bharatide, la destruction de cette disposition en bataille : j’immolerai ses principaux chefs et j’accomplirai ainsi son renversement. » 2,155.

« Combats donc Râdhéya, lui répondit Youdhishthira ; que Bhîmaséna livre un combat à Souyodhana ; Nakoula à Vrishaséna et Sahadéva au fils de Soubala ; 2,156.

» Çatânîka à Douççâsana, le héros des Çinides à Hârddikya ; Pândya au fils de Drona ; et je combattrai moi-même Kripa, marchant à ma rencontre. 2,157.

» Les Draâupâdéyains feront la guerre aux autres Dhritarâshtrides. Que chacun des miens immole chacun de nos rivaux réunis. » 2,158.

À ces mots de Dharmarâdja : « Qu’il en soit ainsi ! » répondit Arjouna ; il donna l’ordre à ses troupes, et s’en alla de sa personne à la tête de l’armée. 2,159.

Au commencement des choses, le feu, guide de tout, . est passé à la condition de cheval[65]. On sait donc que le Dieu né le premier fut Brahma. 2,160.

Ceux, qui vinrent ensuite, sont dans l’ordre Brahma, Içàna, Indra et Varouna. Étant montés sur le premier des chars, Arjouna et Kéçava de s’avancer. 2,161.

Dès qu’il vit accourir ce char à l’aspect merveilleux, Çalya de nouveau dit à l’Adhirathide, ivre de la fureur des combats : 2,162.

« Tous les guerriers ne peuvent arrêter, comme la maturité des œuvres, ce char aux chevaux blancs, qui s’avance, conduit par Krishna. 2,163.

» C’est le fils de Kountî, qui tue les ennemis, celui, Karna, sur lequel tu t’enquiers. On entend un bruit confus, comme un grand fracas des nuages. 2,164.

» Ce sont, assurément, les deux magnanimes, Arjouna et le Vasoudévide. Le ciel reste voilé par cette poussière soulevée. 2,165.

» Les roues de son char, qui roule, Karna, ébranlent la terre ; ce grand vent souffle contre ton armée. 2,166.

» Les animaux carnassiers hurlent d’une manière épouvantable ; les gazelles gémissent. Vois ce cadavre, Karna, horripilant, épouvantable, accompagné d’une immense terreur, semblable à un nuage et qui se tient, enveloppant le soleil. Vois cet astre, qui parait de tous les côtés de l’horizon entouré comme par des gazelles, que poursuivent des tigres puissants. Vois ces ardées et ces vautours, Karna, rassemblés par milliers ! 2,167-2,168-2,169.

» Effrayants et placés l’un vis-à-vis de l’autre, ils semblent s’adresser mutuellement la parole. Ces drapeaux éminents, immortels, peints de diverses couleurs, attachés à ton grand char, jettent des flammes et sont ébranlés. Vois ces chevaux admirables à voir, à la haute taille, à a prompU rapidité, agités par la crainte et bondissants au milieu dts airs, comme des Garoudas. Certainement, à en juger par ces signes, les princes, jetés sur la terre, y dormiront, Karna, immolés par centaines et par milliers. On entend un bruit confus, effrayant de conques, 2,170-2,171-2,172-2,173.

» De tymbales et de tambours par tous les côtés. Écoute, Râdhéya, ce bruit de flèches variées, de guerriers, de chevaux et d’éléphants rapides ; écoute les sons de la flèche à la surface de la corde du magnanime. Tissues de sa main, on voit les étoffes de diverses couleurs, que l’artiste a produites avec l’argent et l’or, briller sur le char, agitées par le vent. Regarde ces drapeaux d’Arjouna, garnis de clochettes, avec une lune et des étoiles en or, qui vont, secoués par le vent, dispersent de menues étincelles, comme des éclaire au milieu des nuages, et brillent dans le combat, tels que sur une voiture divine. Ces chars avec des étendards sont les véhicules des magnanimes Pântchâlains. (De la stance 2,474 à la stance 2,179.)

» Vois l’héroïque fils de Kountî, Bîbhatsou, qui n’a jamais été vaincu, inspirer de l’audace au plus excellent des drapeaux, le singe, qui marche en avant. 2,179.

» On distingue au sommet de l’étendard du Prithide, où l’on peut le voir de tous côtés, ce singe épouvantable, qui accroît le châtiment des ennemis. 2,180.

» Voici le disque, la massue, l’arc Çârnga, la conque du prudent Krishna et le joyau Kaâustoubha, qui resplendit vivement sur sa poitrine. 2,181.

» Voici le Vasoudévide à la vigueur extrême, son arc et sa massue à la main, qui s’avance, conduisant les coursiers du Pândouide, rapides comme le vent. 2,182.

» Voilà son Gândîva frémissant, qui rugit. Voilà les flèches acérées, lancées par l’adroit Ambidextre, qui tuent les ennemis 2,183.

» Dans ces lieux où la vaste terre est jonchée des têtes, aux yeux dorés, aux visages pareils à une pleine lune, des rois, qui ne savent pas fuir. 2,184.

» Ces dards ressemblent à de grandes massues ; ils sont imbus de senteurs exquises ; ils font tomber les bras aux traits levés, avec les armes des rois, enivrés pour les combats,

» La langue sortie de la bouche et les yeux de l'orbite, les chevaux avec les cavaliers gisent, tombés, tombants, abattus sur la terre. 2,185-2,186.

» Voici des éléphants immolés avec des formes semblables à des cimes de montagnes ; en voici d’autres, qui marchent, tels que des montagnes ambulantes, déchirés et fendus par le fils de Prithâ. 2,187.

» Des chars, pareils à la ville des Gandharvas et dont les maîtres ne sont plus, tombent comme ces chars des habitants du ciel, arrivés à la fin de la récompense due à leurs bonnes œuvres. 2,188.

» Kirîti sème le plus grand trouble au milieu de l’armée, telle qu’un troupeau de plusieurs milliers de gazelles, épouvantées par un lion. 2,189.

» Les héros Pândouides exterminent tes princes, qu’ils poursuivent, immolant des multitudes de fantassins, de cavaliers, d’éléphants et de chars. 2,190.

» On ne voit pas le fils de Prithâ, caché, comme le soleil par des masses de nuages : on n’aperçoit que l’extrémité de son drapeau ; on entend même le bruit de sa corde.

» Tu verras tout à l’heure le héros aux blancs coursiers, qui a Krishna pour son cocher, qui détruit les ennemis dans le combat ; celui, Karna, sur qui tu prends des renseignements. 2,191-2,192.

» Tu verras à présent les deux fléaux des ennemis, ces tigres des hommes, aux yeux de sang, le Vasoudévide et Arjouna, montés sur un seul et même char. 2,193.

» Si tu parviens à dompter le guerrier, qui a le Vrishnide pour cocher et le Gândîva pour son arc, tu régneras sur nous, Râdhéya. 2,194.

» Provoqué par les conjurés, ce vigoureux combattant est venu, le visage tourné vers eux, et il fait dans le combat le carnage de ces ennemis. » 2,195.

Au souverain de Madra, qui parlait ainsi, Karna de répondre avec une extrême amertume de cœur : « Vois ! On n’aperçoit pas le Prithide, parce qu’il est poursuivi de tous les côtés par les conjurés en courroux, comme le soleil est caché par les nuages. Arjouna, qui est leur but, Çalya, est plongé dans la mer des combattants. » 2,196-2,197.

« Qui pourrait étouffer Varouna par l’eau ? reprit Çalya. Qui éteindrait le feu par le bois ? Qui pourrait arrêter le vent, ou avaler la mer ? 2,198.

» Je pense que c’est une chose égale de comprimer Arjouna au milieu d’un combat ! Il est impossible aux Asouras et aux Dieux mêmes, Indra fût-il à leur tête, de vaincre le fils de Prithâ dans la bataille. 2,199.

» Cependant éprouve de la satisfaction ; sois content d’avoir prononcé cette parole. Tu es incapable de le vaincre par un combat : forme un autre désir. 2,200.

» Quiconque pourrait vaincre Arjouna dans une bataille, arracherait la terre à la force de ses bras ; il consumerait dans sa colère toutes ces créatures ; il précipiterait des cieux les Immortels eux-mêmes ! 2,201.

» Vois l’héroïque fils de Kountî aux œuvres terribles, infatigables, aux longs bras, qui se tient, semant la lumière, tel quun autre Mérou. 2,202.

» Plein de colère, toujours irrité, se rappelant sa vieille inimitié, ce formidable et robuste guerrier se montre, désirant obtenir la victoire. 2,203.

» Voici le plus vertueux des hommes vertueux, Youdhishthira-Dharmarâdja ; conquérant des cités hostiles, il présente un front ardu aux ennemis. 2,204.

» Nakoula et Sahadéva, ces deux frères de tout sang, ces tigres des hommes, se tiennent, invincibles au combat, comme les deux Açwins. 2,205.

» Ces cinq Draâupadéyains, tels que cinq montagnes, tous égaux avec Arjouna dans la bataille et désireux de combattre, se présentent de pied ferme. 2,206.

» Ces vainqueurs par la vérité, fils de Droupada, ces héros, sous la conduite de Dhrishtadyoumna, se montrent, gonflés d’orgueil, remplis d’une force supérieure. 2,207.

» Devant lui s’avance, aspirant au combat, semblable à la mort en courroux, aussi intolérable qu’Indra, ce fameux Sâtyaki, le meilleur des Sâttwatides. » 2,208.

Tandis que ces deux lions des hommesVentretenaient ainsi, l’une et l’autre armée en vinrent vivement aux mains, comme le Gange et l’Yamounâ. 2,209.

« Les nombreuses armées ayant croisé l’épée de cette manière, s’enquit Dhritarâshtra, comment le Prithide attaqua-t-il les conjurés, Sandjaya, et Karna les Pândouides ?

» Raconte-moi ce combat avec étendue, car tu es un habile narrateur ; et je ne suis pas rassasié encore de la valeur des héros dans la bataille. » 2,210-2,211.

Après qu’il eut méprisé, reprit Sandjaya, cette grande armée des ennemis rangée devant lui, Arjouna établit son ordre de bataille pour résister à la mauvaise politique de ton fils. 2,212.

Dhrishtadyoumna répandait sa brillante lumière sur cette disposition d’une grande armée, remplie de chars et de fantassins, que rendaient impénétrable les cavaliers et les éléphants. 2,213.

Flamboyant d’un éclat, pareil au soleil et à la lune, avec ses chevaux, couleur de la colombe, le Prishatide, armé de son arc, brillait, tel que la mort, revêtue d’un corps.

Munis d’armes et de cuirasses divines, frémissants d’un courage égal à celui d’un tigre, tous les Draâupadéyains, aspirants au combat, accompagnés de leurs suivants et le corps enflammé, défendaient le rejeton de Prishat, comme la lune est défendue par l’armée des étoiles. À peine eut-il vu les conjurés dans la bataille au milieu de ces nombreuses armées, 2,214-2,215-2,216.

Arjouna irrité de fondre sur eux, brandissant l’arc Gândîva, et les conjurés de se précipiter sur le fils de Prithâ, désirant sa perte, la résolution arrêtée pour la victoire et forçant la mort à revenir sur ses pas. L'armée, remplie de chars et d’éléphants enivrés, pleine d’une foule nombreuse de chevaux et de guerriers, exubérante de fantassins, fière de ses braves héros, harcela rapidement Arjouna. Le combat d’eux avec Kirîti fut tumultueux et confus ; 2,217-2,218-2,219.

Tel que fut, nous dit la renommée, sa bataille avec les Nivâtakavatchas. Le Prithide coupa à milliers les chars, les chevaux, les drapeaux, les éléphants, les hommes de pied venus au combat, les flèches, les arcs, les cimeterres, les tchakrasetles haches, les bras tenant leurs armes levées, les différentes armes et les têtes des ennemis. Las conjurés, pensant que son char était noyé dans ce grand tourbillon de guerriers, semblable au sol des enfers, se mirent à pousser des cris. Quand il eut tué de nouveau les ennemis, il les immola ensuite au nord, 2,220-2,221-2,222-2,223. Puis au midi, enfin à l’occident, comme Roudra irrité extermina les bestiaux. Le combat des Pântchâlains, des Tchédiens et des Srindjayas avec les tiens, vénérable monarque, était accompagné d’une extrême épouvante. Kripa, Kritavarman et Çakouni le Soubalide, 2,224-2,225.

Les divisions exaltées, bouillantes de colère, les combattants des armées de chars, ivres de la furie des combats, en vinrent aux mains avec les Kaâuçaliens, les Kâçyas, les Matsyas, les Kaîkéyains et les vaillants héros des Çoûrasénas. Le combat de ces braves, tous çoûdras, qui connaissaient les vertus du kshatrya, était exterminateur, mais vertueux, procurant la gloire, ouvrant les portes du Swarga et détruisant les péchés du corps. Accompagné de ses frères, éminent Bharatide, Douryodhana, 2,226-2,227-2,228.

Le plus grand des Kourouides, que protègent les plus excellents de sa race et les fameux héros des Madrakains, défendait Karna, livrant bataille à Sâtyaki, aux Tchédiens, aux Pântchâlains et aux Pândouides. Karna lui-même, après avoir immolé de ses flèches acérées la grande armée et broyé les plus formidables chars, d’accabler Youdhishthira. Lorsqu’il eut par milliers rendu les ennemis sans vie, sans corps, sans char, sans vêtement, qu’il les eut jetés sur la route du Swarga et de la renommée, il apporta la joie aux siens. Tel était, vénérable roi, ce combat, semblable à celui des Asouras et des Dieux, qui causait la perte des éléphants, des chevaux et des guerriers Srindjayas et Kourouides. (De la stance 2,229 à la stance 2,234.)

« Dis-moi, Sandjaya, lui demanda le roi Dhritarâshtra, ce que fit Karna, lorsqu’il fut entré dans l’armée des Prithides, exécutant le carnage des guerriers, et qu’il se fut approché du roi. 2,234.

» Quels éminents héros des Prithides arrêtèrent Karna dans le combat ? Et qui l’Adhirathide avait-il broyé, quand il accabla Youdhishthira ? » 2,235.

Dès que Karna vit les Prithides, le pied ferme, ayant à leur tête Dhrishtadyoumna, répondit Sandjaya, ce traîneur de cadavres ennemis courut d’un pied rapide sur les Pântchâlains. 2,236.

Aussitôt que ces guerriers victorieux le virent fondre à toute bride sur eux, ils se portèrent à la rencontre de ce magnanime, comme des cygnes vers la grande mer.

Alors, le son des milliers de conques allant au cœur et les bruits épouvantables des tambours éclatèrent de l’un et l’autre côté. 2,237-2,238.

Ce fut un brouhaha effrayant de chûte des flèches diverses, de tumultes des chevaux et des éléphants, de cris de guerre, que jetaient les héros. 2,239.

On croyait voir évidemment vaciller la terre avec ses montagnes, ses forêts et ses mers, l’atmosphère avec ses vents et ses nuages, le firmament avec ses constellations, ses planètes, sa lune et son soleil. 2,240.

Les êtres, qui ont peu d’énergie, et ceux, qui sont presque déjà morts, portèrent ce jugement sur le son ; et ils en furent troublés. 2,241.

Karna, dans une ardente colère, envoya une flèche rapide ; il en frappa l’armée Pândouide, comme Maghavat les troupes Asouriques. 2,242.

Entré dans l’armée des fils de Pândou, il décocha soixante-dix-sept traits et consuma les meilleurs des Prabhadrakas [66]. 2,243.

Ensuite, avec vingt-cinq flèches de chars aiguës, bien empennées, ce plus grand des braves immola vingt-cinq Pântchâlains. 2,244.

Le héros tua par centaines et par milliers les Tchédiens avec des nârâtchas empennés d’or, qui fendaient le corps des ennemis. 2,245.

Des multitudes de chars des Pântchâlains d’environner, puissant roi, ce guerrier dans le combat, où il exécutait des prouesses plus qu’humaines. 2,246.

Alors Karna-Vrisha, le fils du Soleil, encocha cinq dards intolérables, Bharatide, avec lesquels il tua cinq Pântchâlains : 2,247.

Bhânoudéva, Tchitraséna, Sénavindou, Tapana et Çoûraséna, qu’il extermina dans la bataille. 2,248.

Après qu’il eut abattu ces héros de ses flèches, les Pântchâlains firent éclater de grands hélas ! hélas ! dans ce vaste combat. 2,249.

Dix héros des Pântchâlains de l’environner, Mahârâdja ; et Karna rapidement de les percer à leur tour de ses légers projectiles. 2,250.

Deux gardes de ses roues, les fils invincibles de Karna, Soushéna et Satyaséna, combattirent, renonçant pour lui aux souffles de la vie. 2,251.

Le grand héros Vrishaséna, le meilleur des fils de Karna, garde de ses derrières, défendait lui-même les croupières de l’Adhirathide. 2,252.

Dhrishtadyoumna et Sâtyaki, les Draâupadéyains, Vrikaudara, Djanamédjaya, Çikhandi et les plus grands héros des Prabhadrakas[67], 2,253.

Les Tchédiens, les Kaîkéyains, les Pântchâlains, les jumeaux et les Matsyas, revêtus de cuirasses, coururent de compagnie sur l’Adhirathide avec le désir de tuer ce combattant. 2,254.

Ils firent pleuvoir sur le guerrier, qui les broyait, différents traits et des flèches, comme des gouttes d’eau : tels, dans la saison des pluies, les nuages se déversent sur une montagne. 2,255.

Mais des combattants, fils de Karna, désirant sauver leur père, et d’autres héros des tiens, sire, d’arrêter ces braves. Ayant coupé d’un bhalla l’arc de Bhîmaséna, Soushéna le blessa au cœur de sept nârâtchas et poussa un effroyable cri. 2,256-2,257.

Bhîmaséna à la valeur épouvantable saisit un nouvel arc, lui ajusta sa corde et trancha l’arc de Soushéna. 2,258. Il le perça avec colère de dix traits, comme en dansant, et rapidement il frappa l’Adhirathide de trois fois sept flèches acérées. 2,259.

Sous dix traits, au milieu des regards de ses amis, il abattit le fils de Karna, Bhânouséna, avec son drapeau, ses armes, son cocher et ses chevaux. 2,260.

Sa tête, à l’aspect charmant, au visage pareil à la lune, lut enlevée par un kshoura, comme un lotus, dont la tige est brisée. 2,261.

À peine Bhîma eut-il immolé ce fils de Karna, qu’il se remit à tourmenter les tiens ; et, quand il eut coupé les deux arcs de Kripa et de Hârddikya, il harcela ces deux héros. 2,262.

Après qu’il eut blessé Douççâsana de trois et Çakouni de six flèches de fer, il réduisit sans char les deux guerriers, Ouloûka et Patatri. 2,263.

« Ah ! prends garde à toi, Soushéna ! Tu es mort ! » et, ce disant, Karna saisit un projectile, trancha de son trait le dard menaçant de l’ennemi et le blessa lui-même de trois flèches. 2,264.

Bhîmaséna en saisit un autre bien éclatant, aux beaux nœuds ; il l’envoya à Soushéna et le déchira avec cette arme. Défendant son fils et animé par le désir de tuer, Vrisha-l’Adhirathide blessa de nouveau le cruel Bhîmaséna avec soixante-treize flèches violentes. 2,265-2,266.

Mais, ayant pris un arc sublime et capable de supporter il ne charge, Soushéna de lancer à Nakoula cinq traits dans la poitrine, entre les bras. 2,267.

Dès qu’il l’eut percé de vingt flèches solides, résistant à un fardeau, Nakoula vigoureusement jeta un cri et porta l’effroi dans Karna. 2,268.

Le grand héros Soushéna, l’ayant blessé de dix traits, puissant roi, coupa son arc promptement avec un kshourapra. 2,269.

Transporté de colère, Nakoula saisit un nouvel arc ; arrêta dans la guerre Soushéna avec neuf dards. 2,270.

Le meurtrier des héros ennemis voila de ses projectiles les plages du ciel ; il frappa son cocher, sire, et Soushéna lui-même de trois flèches. 2,271.

Il coupa en trois avec trois bhallas son arc très-solide ; mais, rempli de courroux, Soushéna prit une arme nouvelle. 2,272.

Il blessa Nakoula de soixante et Sahadéva de sept traits. Ce fut un combat immense et semblable à celui des Asouras et des Dieux. 2,273.

Ils se frappèrent de flèches d’une main agile pour la mort de l’un et de l’autre. Quand Sâtyaki eut immolé de trois dards le cocher de Vrishaséna. 2,274. Il trancha d’un bhalla son arc, et, de sept, il perça ses chevaux ; et, dès qu’il eut coupé son drapeau d’une flèche, il le blessa lui-même au cœur avec trois. 2,275.

L’ennemi tomba dans son char et se releva un instant après ; rendu dans ce combat par Youyoudhâna sans drapeau, ni chevaux, ni cocher, ni char, il s’avança, armé du cimeterre et de la cuirasse, vers le Çinide, avec le désir de le tuer. Soudain, avec dix oreilles-de-sanglier[68], Sâtyaki de frapper la cuirasse et l’épée du guerrier, qui accourait[69] d’un pied rapide. Quand Douççâsana le vit sans char et privé d’armes, 2,276-2,277-2,278.

Il le recueillit précipitamment dans son char et le conduisit vers un autre. Le grand héros Vrishaséna, héroïque fils de Karna, monté dans un nouveau chariot, blessa de soixante-treize dards les Draâupadéyains, de cinq Youyoudhâna, de soixante-quatre Bhîmaséna et de cinq Sahadéva : de trente dards il frappa Nakoula ; de sept Çatânîka, avec dix Çikhandî, avec cent Dharmarâdja. Il perça, auguste Indra des rois, ces héros et d’autres, qui étaient avides de la victoire. 2,279-2,280-2,281-2,282.

Et l’inaffrontable guerrier défendit ensuite les derrières de Karna dans la guerre. Lorsque le Çinide eut percé Douççâsana avec neuf flèches de fer, 2,283.

Et qu’il l’eut réduit sans chevaux, ni cocher, ni char, il lui planta trois dards au front. Mais soudain le blessé remonta sur un autre char, équipé suivant la règle. 2,284.

Il combattit avec les Pândouides, et s’avança même vers l’armée de Karna, que Dhrishtadyoumna atteignit avec dix flèches, les Draâupadéyains avec soixante-treize, Youyoudhâna avec sept, Bhîmaséna avec soixante-quatre et Sahadéva avec sept, 2,285-2,286.

Çikhandî avec dix et l’héroïque Dharmarâdja avec dix traits. Ces braves et d’autres, avides de victoire, Indra des rois, harcelèrent dans ce vaste combat le fils du cocher au grand arc. Le vaillant dompteur des ennemis, l’Adhirathide passa en revue ces guerriers sur son char et les blessa tous en échange de dix flèches individuellement. Alors nous vîmes, grand roi, la puissance des astras et la légèreté du magnanime Karna. Ce fut comme une chose merveilleuse ! On ne le voyait pas tirer ses flèches du carquois, ni les encocher, ni les décocher ; on ne voyait que les ennemis tués dans sa colère ! Le ciel, l’atmosphère, la terre, les points cardinaux, tout était rempli de traits acérés. (De la stance 2,287 à la stance 2,292.)

L’atmosphère brillait dans ce lieu avec des formes enveloppées de nuages rouges ; et l’auguste Râdhéya semblait danser, son arc à la main. 2,292.

Blessé par eux, il les blessa en retour individuellement de ses triples dards ; et, quand il les eut percés de nouveau avec des traits envoyés par dizaines et par centaines, il poussa un vaste cri. 2,293.

Couverts de chars, de cochers et de chevaux, les ennemis de présenter un côté faible. Après que Râdhéya eut de ses pluies de flèches accablé ces grands héros, 2,294.

Le traîneur de cadavres pénétra sans crainte dans l’armée des éléphants. Lorsqu’il eut immolé trente chars des Tchédiens, qui ne savent pas reculer, 2,295.

Il marcha contre Youdhishthira avec des traits acérés. Ensuite, les Pândouides, sire, Çikhandt et Sâtyaki 2,296. D’environner le roi, qu’ils défendirent contre Râdhéya : de même, tous les tiens, héros aux grands arcs, déployant leurs efforts, de protéger sur tous les côtés Karna, difficile à arrêter dans les batailles. Les sons des instruments de musique divers éclatèrent, souverain des hommes ; 2,297-2,298.

Le cri de guerre naquit parmi les braves, qui s’envoyaient des menaces : puis, les Kourouides et les Pândouides en vinrent aux mains sans crainte, les Prithides, commandés par Youdhishthira, et nous, ayant à notre tête le fils du cocher. 2,299-2,300.

Lorsqu’il eut déchiré l’armée, Karna, environné par des milliers d’hommes de pied, de chevaux, d’éléphants et de chars, fondit sur Youdhishthira. 2,301.

Dès qu’il eut tranché avec des centaines de traits violents les armes diverses, envoyées par les ennemis, Vrisha se mit à les frapper sans crainte. 2,302.

Le fils du cocher[70] tranchait leurs cuisses, leurs bras, leurs têtes : et ceux-ci tombaient morts sur la terre ou s’enfuyaient mutilés. 2,303.

Excités par Sâtyaki, les fantassins, et Drâvidas, et Nishâdas, se précipitèrent de nouveau dans le combat sur l’Adhirathide avec le désir de le tuer. 2,304.

Ceux-là, sans cuirasse, sans bras, sans tête, abattus par les flèches de Karna, tombaient ensemble sur la terre, comme une forêt de çâlas[71] coupée. 2,305.

Ainsi, des centaines, des milliers et des myriades de combattants, immolés sur le champ de bataille, jonchaient la terre de leurs corps et remplissaient de sa gloire tous les points de l’espace. 2,306.

Telle qu’on enferme une maladie entre des médicaments et des vers magiques, tels les Pântchâlains et les Pândouides assiégeaient dans ce combat le fils du Soleil, Karna, irrité comme la mort. 2,307-2,308.

Il les détruisit et courut de nouveau sur Youdhishthira lui-même, comm’e une maladie triomphante, qui surpasse les remèdes et les incantations. 2,309.

Les yeux teints par la colère, Dharmarâdja adressa ces mots alors à Karna, le meurtrier des héros ennemis, arrêté non loin de lui : 2,310.

« Karna ! Karna ! tu rivalises toujours, - écoute ma parole, fils du cocher, - avec l’impétueux Phâlgouna dans la guerre, où tu assistes en vain. 2,311.

» Et toujours nous sommes vexés par toi, qui embrasses les sentiments du Dhritarâshtride. Revêtu d’un grand courage, montre-nous donc tout ce que tu as de force, d’énergie et de haine à l’égard des Pândouides. Je vais éloigner de toi en cette vaste bataille la foi, que tu as dans le combat ! » 2,312-2,313.

Après qu’il eut ainsi parlé à Karna, grand roi, le fils de Pândou le perça de dix traits forgés en fer, empennés d’or. 2,314.

L’héroïque dompteur des ennemis, le fils du cocher, le blessa en retour et en riant, Bharatide, avec dix vatsadantas. 2,315.

Percé par l’Adhirathide et dédaignant ses coups, vénérable sire, il flamboya de colère, comme un feu, où l’on a versé le beurre clarifié. 2,316.

On voyait le corps du monarque environné par des guirlandes de flammes, comme un autre tourbillon de feu, qui désire incendier les créatures à la fin d’un youga.

Portant des armes flamboyantes, parés de bouquets lumineux, tombés du ciel, les guerriers fuyaient, Indra des rois, aux dix points de l’espace. 2,317-2,318.

Ensuite, brandissant un arc immense, ornementé d’or, il encocha sur lui une flèche acérée, capable de fendre même les montagnes. 2,319.

Ce roi appliqua sur l’arme son trait levé, semblable au bâton d’Yama, et l’envoya d’une main rapide avec le désir de tuer l’Adhirathide. 2,320.

Ce dard au son de la foudre et du tonnerre, lancé par l’agile archer, entra soudain dans Karna au grand char et pénétra dans son flanc gauche. 2,321.

Accablé de ce coup, le guerrier aux longs bras s’évanouit, et, le corps affaissé, il laissa échapper son arc dans sa voiture légère. 2,322.

Dès qu’on eut vu Karna réduit en cet état, et le visage presque entièrement sans couleur, des hélas ! hélas ! furent jetés dans toute[72] la grande armée du fils de Dhritarâshtra. 2,323.

À l’aspect de la vaillance du roi des Pândouides, les cris de guerre, Mahârâdja, les tremblements, les sons, exprimant la douleur, naquirent de tous les côtés. 2,324.

Mais, rendu à la connaissance peu de temps après et s’armant d’un cruel courage, Râdhéya de tourner son esprit à la perte du roi ; 2,325.

Et, brandissant un arc immense, gage d’une grande victoire, ce guerrier à l’âme incommensurable inonda le Pândouide de ses flèches acérées. 2,326.

Avec deux traits en rasoir, il abattit dans la guerre deux Pântchâlains, Tchandradéva et Dandadhàra, gardes des roues du magnanime. 2,327.

Ces deux héros brillaient aux côtés de Dharmarâdja, près de son char, comme la constellation Pounarvasou[73]auprès de la lune. 2,328.

Youdhishthira de nouveau blessa de ses flèches aiguës Karna, et perça de trois dards chacun Soushéna et Satyaséna. 2,329.

Il frappa Çalya de quatre-vingt-dix traits, Karna de soixante-treize, et blessa de trois flèches ses défenseurs individuellement. 2,330.

L’Adhirathide, semant l’agitation, trancha en riant son arc d’un bhalla, frappa le roi de soixante dards et poussa un cri. 2,331.

Alors, les chefs des Pândouides, saisis de colère, coururent à la rescousse de Youdhishthira, et ils accablèrent Karna de flèches. 2,332.

On vit combattre Sâtyaki, Tchékilâna, Pândyalui-même, Dhrishtadyoumna et Çikhandî, les charmants Draâupadéyains, les jumeaux, Bhîmaséna et le fils de Çiçoupâla, les Karoûshains, les Matsyas, les Kaikéyains, les habitants de Kâçi et les Kauçalains. 2,333-2,334.

Ces héros blessèrent d’une main rapide Vasoushéna : et le Pântchâlain Djanamédjaya de percer Karna de ses flèches. 2,335.

Quand, excités par le désir de t’immoler, ils eurent environné Karna, ils coururent sur lui de tous les côtés avec des traits aigus, des nâlikas, des nârâtchas, desoreilles-desanglier, des vatsadantas, des vipâthas, des flèches en fer à cheval, d’autres en becs de moineau, avec des cavaliers, des éléphants et des chars, armés de dards terribles et divers. 2,336-2,337.

Poursuivi de tous les côtés par les plus excellents des Pândouides, il envoya l’astra brahmique et remplit de traits les points de l’espace. 2,338.

Le feu de l’héroïque Karna, qui avait pour chaleur sa vaillance, et pour flammes ses grandes flèches, consumant la forêt des Pândouides, se promenait dans la bataille. Le guerrier au grand arc, au grand cœur, encocha de vastes traits, et coupa en riant de ses flèches l’arc de l’Indra des hommes. 2,339-2,340.

L’Adhirathide encocha dans un instant quatre-vingt-dix projectiles aux nœuds inclinés, et fendit dans ce combat la cuirasse du roi avec ses traits acérés. 2,341.

Cette armure faite d’or, émaillée de pierres fines, resplendit en tombant, comme un nuage accompagné de la foudre, embrassé du soleil et frappé par le vent. 2,342.

Tombée du corps de cet Indra des hommes, sa cuirasse brillait, telle que, dans la nuit, un ciel sans nuage, paré de ses pierreries célestes. 2,343.

Son armure fendue par les flèches et lui-même arrosé de sang, le fils de Prithâ envoya sur l’Adhirathide une lance toute de fer. 2,344.

Celui-ci la trancha de sept traits flamboyante au milieu des airs ; et l’arme, coupée avec les flèches du guerrier au grand arc, tomba sur la terre. 2,345.

À la force de ses bras, Youdhishthira avec quatre leviers de fer blessa dans le cœur même l’Adhirathide, et poussa un cri de joie. 2,346.

Karna, de qui le sang sortait à flots, soupirant comme un serpent irrité, trancha son drapeau d’un bhalla et blessa le Pândouide avec trois. 2,347.

Il coupa ses deux carquois ; il mit son char en morceaux menus, tels que des grains de sésame. Monté sur le char, attelé de chevaux blancs comme l’ivoire, à la queue noire, qui traînait le fils de Prithâ, ce roi s’avançait, tournant le dos au combat. Il marchait ainsi, privé par la mort, des palefreniers, qui conduisaient à droite et à gauche les deux premiers de ses quatre coursiers. 2,348-2,349.

L’âme dans la perplexité, Youdhishthira ne put tenir le pied ferme en face de Karna : et celui-ci de fondre sur le fils de Pândou avec ses drapeaux en guise de tortues et d’autres animaux aquatiques, avec ses crocset son ombrelle adamantine pour ses poissons. Il toucha sur l’épaule, de sa main blanche[74] et marquée de signes heureux, le fils de Pândou, afin de remplir son devoir de kshatrya ; mais, quand il désirait le prendre, il se souvint de la parole de Kountî. 2,350-2,351-2,352.

« Karna, lui dit Çalya, ne veuille pas faire prisonnier le plus grand des princes, à peine pris, te mettant à mort il me réduirait en cendre ! » 2,353.

Râdhéya dit en riant, sire, et comme s’il dédaignait le Pândouide : « Comment donc un guerrier, né dans une noble famille et qui a le pied ferme dans le devoir du kshatrya, 2,354.

» Abandonnera-t-il, effrayé, un champ de bataille dans un grand combat pour conserver sa vie ? Ta majesté n’est pas habile dans les devoirs du kshatrya : oui ! c’est mon opinion. 2,355.

» Ton excellence est douée de science brahmique, de force, de lecture, de célébration des sacrifices ; mais ne combats point, fils de Kountî ; ne t’attaque point à des héros.

» Ne leur adresse pas des paroles désagréables ; ne t’engage pas dans un grand combat. » À ces mots, le vigoureux Adhirathide abandonna le fils de Prithâ.

Il extermina l’armée Pândouide, comme le Dieu, qui tient la foudre à sa main, tailla en pièces l’armée Asourique ; et le monarque se retira précipitamment du combat, sire, avec honte et confusion. 2,356-2,357-2,358.

Pensant que le roi opérait sa retraite, les Tchédiens, les Pândouides, les Pântchâlains et le grand héros Sâtyaki suivirent l’impérissable. 2,359.

Les Draâupadéyains et les héros, fils de Mâdrî etdePândou, marchèrent sur leurs pas. Aussitôt que l’Adhirathide vit l’armée d’Youdhishthira tourner le dos, 2,360.

Le héros transporté le suivit par derrière, accompagné des Kourouides. Le bruit des arcs, des tymbales, des tambours, et le fracas des cris de guerre éclata parmi les fils de Dhritarâshtra. Or, Youdhishthira, étant monté à la hâte sur un char, 2,361-2,362.

Vit, grand roi, la vaillance de Karna, dont il entendait la gloire. Quand Dharmarâdja irrité vit son armée agitée, il dit à ses guerriers : « Tuez-les ! Qu’attendez-vous ? » Et sur ce congé du roi, tous les fameux héros des Pândouides, conduits par Bhîmaséna, fondirent sur tes fils. Alors, Bharatide, s’éleva çà et là un bruit tumultueux des combattants, hommes de pied, cavaliers, éléphants, chariots, et les projectiles volants : « Levez-vous ! Frappez ! Descendez chez les morts ! » 2,363-2,364-2,365-2,366.

Et, ce disant, les guerriers se frappaient les uns les autres dans ce grand combat. Les pluies de flèches jetaient là dans le ciel, comme l’ombre d’un nuage. 2,367.

Couverts de ces dards lancés par les plus excellents des guerriers, qui s’entr’égorgeaient mutuellement, les maîtres de la terre tombaient sur le sol dans ce combat, sans drapeau, ni guidons, sans ombrelles[75], ni cochers, ni chevaux, sans armes, détruits, privés de leurs membres et des principaux organes. Les plus grands des éléphants, semblables à des cimes de montagnes, qui s’écroulent sur un plan incliné, 2,368-2,369.

Tombaient, immolés avec les guerriers, qu’ils portaient, comme des montagnes fendues par le tonnerre. Des compagnies de fantassins par milliers succombaient avec les héros ennemis, de qui les décorations et les ornements des cuirasses volaient à la ronde, déchirés, fracassés. La terre de toutes parts était jonchée des têtes de héros, ivres de combat, aux yeux longs et grands, aux visages pareils à la lune et au lotus. Les armées entendirent dans le ciel comme sur la terre un son, 2,370-2,371-2,372.

Que produisaient les chars des Dieux et les chœurs des Apsaras, mêlés aux concerts des voix et des instruments de musique. Étant montées à l’envi sur leurs chariots, les troupes des Apsaras vont trouver les guerriers tombés, par centaines et par milliers, le front tourné vers les héros, qui les ont frappés. À la vue de cette grande merveille, exposée devant leurs yeux par l’envie d’obtenir le Swarga, 2,373-2,374.

Les héros, l’âme transportée, se hâtaient de s’entre détruire mutuellement. Les maîtres de chars engageaient avec les maîtres de chars un combat varié, 2,375.

Les fantassins avec les fantassins, les éléphants avec les éléphants, les chevaux avec les chevaux. Tandis que se déroulait cette bataille, causant la perte des éléphants, des chevaux et des guerriers, enveloppée d’une poussière soulevée par les années, chacun immolait ses ennemis. Le combat se livrait entre deux hommes, dont l’un avait ses cheveux et l’autre était chauve, dont l’un avait ses dents et l’autre était sans dents, dont l’un avait des ongles et l’autre était sans ongles. 2,376-2,377.

Il y avait des joutes à coups de poing, il y avait des combats singuliers, destructeurs des souffles vitaux, des péchés et des corps. Dans le temps où s’agitait cette bataille pour la perte des coursiers, des éléphants et des guerriers, 2,378.

Un fleuve de sang, sorti de leurs corps, entraînait les cadavres tombés en grand nombre des guerriers, des éléphants et des chevaux. 2,379.

Un marais de sang et de chair, dont l’eau grandement épouvantable était du sang, coulait des combattants, des cavaliers, des éléphants et des chevaux, dans un encombrement de cadavres des proboscidiens, des coursiers et des soldats. Elle causait la terreur des gens timides, mais ceux, qui désirent la victoire, passent au rivage ultérieur de cette rivière infranchissable. 2,380-2,381.

Ceux-ci nageaient dans cette eau peu profonde ; les autres y disparaissaient, submergés ; les uns reparaissaient à la surface ; mais les autres, avec des membres oints de sang, portant des cuirasses rouges et les meilleures des armes, 2,382.

Se lavaient dans ses flots, buvaient de son onde, taureau des Bharatides, et s’y flétrissaient. Nous vîmes les chars, les chevaux, les guerriers, les éléphants, les armes, les parures, les vêtements, les cuirasses, les morts et les blessés. Nous vîmes la terre, l’atmosphère, les points cardinaux, le ciel, couverts de sang, pour la plus grande partie. 2,383-2,384.

Ce gué de sang, son contact, son goût, sa forme et principalement son fracas, qui excellait par-dessus tout, 2,385.

Firent naître, Bharatide, une immense terreur dans s a plus grande partie de l’armée. Alors, conduits par Bhîmaséna et dirigés par Sâtyaki, les héros fondirent de nouveau sur l’armée taillée en pièces. La grande armée de tes fils, sire, tourna le dos devant ces magnanimes, accourant avec une fougue insoutenable. Remplie de chevaux et de guerriers, semblable à des coursiers et des chars en déroute, 2,385-2,386-2,387-2,388.

Les boucliers et les cuirasses tombés, les arcs et les armes rejetés, ton armée courait çà et là, agitée de tous les côtés ; tel est dans la forêt un troupeau d’éléphants assailli par un lion. 2,389-2,390.

Dès qu’il vit les Pândouides fondre sur tes divisions, grand roi, Douryodhana de toutes parts arrêta entièrement et ces guerriers et son armée, taureau des Bharatides. Mais ni les ailes et le bout des ailes, ni Çakouni le Soubalide ne revinrent sur leurs pas, sire, aux cris de ton fils. Ensuite, les Kourouides en armes s’élancèrent dans la bataille sur Bhîmaséna. 2,391-2,392-2,393.

Aussitôt que Karna vit courir les Dhritarâshtrides et la réunion des rois, il dit au souverain du Madra : « Avance vers ce char de Bhîma. » 2,394.

À ces mots de Karna, l’empereur du Madra, Çalya de pousser les chevaux, couleur des cygnes, vers ce lieu où était Vrikaudara. 2,395.

Aiguillonnés par Çalya, qui avait la splendeur des batailles, les coursiers, à peine arrivés près du char de Bhîmaséna, s’attachèrent à lui. 2,396.

Bouillant de colère, quand il vit Karna s’approcher, Bhîma de tourner sa pensée, éminent Bharatide, vers la mort de ce guerrier. 2,397.

Il dit au brave Sâtyaki et à Dhrishtadyoumna le Prisbatide : « Vous, héros, défendez Youdhishthira, le monarque à l’âme juste, à peine délivré sous mes yeux d’un grand danger. Le roi a perdu en ma présence tout son cortège détruit, 2,398-2,399.

» Sous la main du méchant Râdhéva pour la satisfaction de Douryodhana. Mais j’irai aujourd’hui, Prishatide, à la fin de cette douleur. 2,400.

» Aujourd’hui, je serai le meurtrier de Karna dans le combat, ou c’est lui, qui me tuera dans cette bataille fort épouvantable : je te dis là une vérité. 2,401.

» Je confie à vos excellences le monarque en dépôt. Tous, déployez vos efforts, sans crainte, pour le sauver. » 2,402.

À ces mots, le guerrier aux longs bras de s’avancer vers l’Adhirathide, emplissant de son immense cri de guerre tous les échos du ciel. 2,403.

Dès qu’il vit s’avancer à la hâte Bhlma, plein de la joie du combat, l’auguste maître des Madrakains dit au fils du cocher : 2,404.

« Vois ce guerrier aux longs bras, le fils irrité de Pândou, qui brûle de décharger sur toi, Karna, sa colère certaine, amassée depuis long-temps. 2,405.

» Jamais avant, je ne lui ai vu une telle forme, depuis qu’Abhimanyou a mordu la poussière et que le noctivague Ghatotkatcha lui-même a succombé. 2,406.

» Il est capable, dans sa colère, d’arrêter les trois mondes ensemble ; telles il porte ses formes, dont l’éclat ressemble au feu à la fin d’un youga. » 2,407.

Tandis que le souverain maître des Madrakains tenait ce langage à Karna, Ventre-de-loup, enflammé de colère, s’avança vers Râdhéya. 2,408.

Quand il vit arriver Bhlma avec la joie des batailles, le fils de Râdfeâ adressa en riant ces paroles à Çalya : 2,409.

« Le discours, que tu viens de me tenir à l’instant, auguste roi du peuple Madrakain, à l’égard de Bhîmaséna, est une vérité : il n’y a pas de doute ici. 2,410.

» Ce Vrikaudara est un brave et un héros, et un homme prompt à la colère ; il n’a aucun souci de son corps et de son existence elle-même ; il est supérieur en force. 2,411.

» Dans la cité de Virâta, habitant d’une maison, où il vivait inconnu, l’amour, qu’il portait à Draâupadl, lui fit exterminer, appuyé sur la seule force de ses bras et travesti sous un déguisement, l'athlète Kirâta avec sa troupe. Aujourd’hui, que, rempli de colère, les armes à la main, au front de la bataille, 2,412-2,413.

» Il vienne donc au combat, semblable à la mort, levant son bâton familier ! J’ai long-temps désiré ce plaisir. 2,414.

» Que je tue Arjouna dans le combat ou qu’Arjouna me tue ! Cela m’arrivera aujourd’hui peut-être de ma rencontre avec Bhîmaséna. 2,415.

» Si Bhîmaséna est ou tué ou réduit sans char, le Prithide accourra sur moi ; ce que je verrai comme un événement heureux. 2,416.

» Pense de telle sorte que cette chose, que tu juges à propos, arrive ici promptement. » Aussitôt qu’il eut entendu ces paroles de Râdhéya, le guerrier à la vigueur sans mesure. 2,417.

Çalya répondit ces mots au fils du cocher ainsi exalté : « Va, héros aux longs bras, vers Bhîmaséna à la grande force. 2,418.

» Quand tu auras abattu Bhîma, tu obtiendras ensuite Phâlgouna ; ce qui est le désir conçu dans ton cœur et souhaité déjà dès un long temps. 2,419.

» Il viendra alors sûrement à toi, Karna ; je te dis là une vérité. » Ces mots prononcés, le fils du Soleil répondit à Çalya : 2,420.

« Je serai l’immolateur d’Arjouna dans la bataille, ou c’est Dhanandjaya, qui me tuera ! Applique ton esprit au combat, et marche au lieu où est Vrikaudara. » 2,421.

Çalya de s’avancer rapidement sur son char là, souverain des hommes, où Bhîma au grand arc mettait l’armée en fuite. 2,422.

Les accords des instruments de musique et le grand son des tambours, Indra des rois, s’éleva dans cette rencontre de Karna et de Vrikaudara. 2,423.

Le vigoureux Bhîmaséna irrité envoya des flèches de fer acérées, luisantes, répandues en tous les points du ciel, parcourir son armée d’un accès difficile. 2,424.

Terrible était dans le combat de Karna et du Pândouide, auguste et puissant roi, cette chûte de traits confuse, à la forme épouvantable. 2,425.

Un instant après, Indra des rois, le Pândouide fondit sur Karna. À peine Vrisha le Découpeur le vit-il arrivé non loin de lui, 2,426.

Qu’il le frappa, bouillant de colère, avec un nârâtcha au milieu des seins ; et le guerrier à l’âme incommensurable le couvrit de nouveau avec des pluies de flèches. 2,427.

Celui-ci, blessé par le fils du cocher, le submergea de ses traits ; il perça le Découpeur de neuf dards acérés aux nœuds inclinés. 2,428.

Karna de trancher en deux par le milieu son arc avec des projectiles ; et de frapper entre les seins le guerrier à l’arc coupé avec un nârâtcha bien aiguisé, qui fendait toutes les armures. Saisissant un nouvel arc, Vrikaudra, à qui les organes de la vie étaient connus, blessa dans ces mêmes parties le fils du cocher avec ses traits acérés, et jeta vigoureux un cri, qui ébranla, pour ainsi dire, le ciel et la terre. 2,429-2,430-2,431.

Karna de lancer sur lui vingt-cinq nârâtchas : tel, dans la forêt, on tourmente avec des torches ardentes un fier éléphant, inondé par le mada. 2,432.

Son corps déchiré par les flèches, ses yeux, que le désir de la mort de l’Adhirathide rougissait d’une impatiente colère, le Pândouide, rempli de courroux, 2,433.

Ajusta sur son arc un trait sublime, d’une grande vitesse, assez fort pour supporter une charge et capable de fendre les montagnes. 2,434.

Ce héros à l’arc gigantesque, irrité, vigoureux, plus robuste que le vent, son père, tira son arc jusqu’à l’oreille et envoya sa flèche avec le désir de porter la mort à Karna. Lancé par ce puissant guerrier, le trait, qui avait la rapidité de la foudre et le bruit du tonnerre, fendit Karna dans la bataille, comme il aurait pu fendre une montagne. 2,435-2,436.

Le généralissime des armées, rejeton de Kourou, l’Adhirathide, sous le coup de Bhîmaséna, s’affaissa sans connaissance sur le banc de son char. 2,437.

Dès que le souverain de Madra eut vu ce fils du cocher privé de sentiment, il emmena sur le char à travers le champ de bataille ce Karna, qui avait la beauté des combats. 2,438.

Ce héros vaincu, Bhîmaséna mit en déroute la grande armée du Dhritarâshtride, comme jadis Indra dispersa les Dânavas. 2,439.

« Bhîma accomplit donc, Sandjaya, s’enquit Dhritarâshtra, cet exploit bien difficile, qui renversa Karna auxlongs bras, sur le banc de son char ? 2,440.

« Il suffit de Karna seul pour immoler dans une bataille les Pàndouides avec les Srindjayas ! » m’a dit, cocher, Douryodhana mainte et mainte fois. 2,441.

» Mais, quand il vit Râdhéya vaincu par Bhîma dans le combat, que fit à la suite de ces choses Douryodhana, mon fils ? » 2,442.

Lorsqu’il vit Râdhéya, le fils du cocher, tourner le dos dans le combat, répondit Sandjaya, ton fils, grand roi, tint ce langage à ses frères germains : 2,443.

« Courez vite ! La félicité descende sur vous ! Sauvez Râdhéya du profond danger, où l’a jeté Bhîmaséna ; arrachez-le de cette mer d’infortune, où il est plongé. »

À cet ordre du roi, tous irrités, entraînés par le désir de tuer Bhîmaséna, ils s’approchent de lui, comme des sauterelles volent au feu. 2,444-2,445.

C’était Çroutavat, Dourdhara, Krâtha, Vivitsou, Vikata et Sama, armé du carquois, de la cuirasse et du lacet, Nanda et Oupananda, 2,446.

Doushpradharsha, Soubâhou, Vâtavéga et Souvartchas, Dhanourgrâha, Dourmada, Djalasandha, Çala et Saha.

Environnés de ces héros, les guerriers, pleins de force et d’énergie, s’approchant de Bhîmaséna, l’entourèrent de tous les côtés. 2,447-2,448.

De toutes parts, ils décochèrent des multitudes de flèches, marquées de différents caractères. Le vigoureux Bhîmaséna, en proie à ces dards, 2,449.

Abattit avec cinq dizaines de traits[76] cinquante héros de tes fils, monarque des hommes, qui accouraient d’un pied rapide. 2,450.

Bhîmaséna irrité enleva d’un bhalla, grand roi, la tête de Vivitsou, qui tomba, tranchée sur la terre, 2,451.

Et semblable à une pleine lune avec ses pendeloques et son casque. Quand ses frères, seigneur, virent ce héros sans vie, ils coururent de tous côtés dans le combat sur Bhîma au courage épouvantable. Le vaillant guerrier avec deux bhallas ennemis ravit les souffles de l’existence à deux de tes fils dans cette vaste bataille, Vikata et Sama, l’un et l’autre égaux aux fils des Dieux, qui s’abattirent sur la terre comme deux arbres cassés par le vent. Bhîma avec hâte conduisit ensuite Krâtha au séjour d’Yama. 2,452-2,453-2,454-2,455.

Immolé d’un nârâtcha très-aigu, il tomba sur la terre. Alors il s’éleva, monarque des peuples, une violente lamentation de « Hélas ! hélas ! » 2,456.

Dès qu’il eut donné la mort à ces héroïques archers, tes fils, de nouveau le vigoureux Bhîmaséna, dans ton armée très-agitée, 2,457.

De plonger Nanda et Oupananda, au milieu de la bataille, dans les demeures d’Yama. Alors tes fils s’enfuirent émus, épouvantés, à la vue de Bhîmaséna dans son char, semblable à Yama, à la Mort, au Trépas. Enfoncé dans ses tristes pensées, lorsque le fils du cocher vit les princes tes fils couchés morts, 2,458-2,459.

Il fit de nouveau lancer ses chevaux, couleur des cygnes, vers l’endroit où se trouvait le Pândouide. Ces coursiers, aiguillonnés par le souverain de Madra, arrivent d’une vitesse accélérée au char de Bhîmaséna et s’attachent à lui. Il y eut dans ce combat du Pândouide et de Karna une chûte de flèches confuse, horrible, aux formes épouvantables, auguste Mahârâdja. Quand je vis ces deux grands héros aux prises, telle fut alors ma pensée : « Comment ce combat va-t-il se dérouler maintenant ? » Dans ce conflit, Bhima, orgueilleux de ses batailles, couvrit de ses traits Karna sous les yeux de ton Tils ; et Râdhéya, vivement irrité et connaissant les astras supérieurs, de blesser Bhîma avec neuf bhallas tout de fer, aux nœuds inclinés. Frappé, ce guerrier aux longs bras, au courage épouvantable, perça l’Adhirathide de neuf dards, tirés jusqu’à l’oreille. Soupirant comme un serpent, puissant roi, Karna (De la stance 2,460 à la stance 2,467.)

D’inonder le Pândouide avec une grande averse de flèches ; et Bhîma lui-même, ayant couvert ce grand héros d’une multitude de traits, sous les yeux des Kourouides, jeta un cri de toute la force de ses vigoureux poumons. Bouillant de colère, Karna saisit un arc solide ; 2,467-2,468.

Et frappa son rival avec dix traits, aiguisés sur la pierre. D’un bhalla aigu il trancha son arc. 2,469.

Bhîma aux longs bras s’arma d’une effroyable massue, ornée de rubans d’or et telle qu’un autre bâton de la Mort.

Désirant la mort de Karna, il envoya son pilon, en criant de toutes ses forces. Mais l’Adhirathide trancha dans son essor, en plusieurs morceaux, avec des flèches semblables à des serpents, la massue, retentissante d’un bruit pareil au son de la foudre ou du tonnerre. Alors Bhîma, ayant pris un arc plus fort, 2,470-2,471-2,472.

Ensevelit sous des traits Karna, qui tourmente avec une force supérieure. Dans ce conflit de Karna et du Pândouide, le combat fut aussi terrible que la bataille acharnée d’Indra et de Vishnou, impatients de s’ôter la vie l’un à l’autre. Ensuite Karna, levant son arc solide, qui avait l’oreille pour sa racine, de blesser, grand roi, Bhîmaséna avec trois flèches. Atteint profondément par l’Adhirathide, le guerrier au grand arc, le plus fort des hommes forts, 2,473-2,474-2,475.

Saisit un trait effrayant, capable de fendre le corps de Karna. Après qu’elle eut déchiré son corps, la flèche

Entra dans la terre, sire, comme un serpent dans une fourmilière. Troublé de ce coup puissant, Karna de s’en aller en vacillant sur son char ; telle une montagne dans un tremblement de terre. Alors, grand roi, enflammé de colère et de fureur, l’Adhirathide 2,476-2,477-2,478.

Lança vingt-cinq nârâtchas sur le fils de Pândou ; il le frappa de traits nombreux, et coupa son drapeau d’une flèche. 2,479.

Il envoya d’un bhalla son cocher à la mort et trancha lestement d’un trait son arc rapide. 2,480.

Un instant après, Indra des rois, Karna en riant, avec peu de peine, réduisit sans char Bhîmaséna aux œuvres épouvantables. 2,481.

Le héros aux longs bras, semblable au Vent, ô le plus grand des Bharatides, et riant, quoique privé de char, saisit un pilon et s’élança du haut de sa voiture légère.

Étant sauté à bas de son char, Bhîma, à coups de massue, dispersa ton armée, souverain des hommes, tel que le vent dissipe les nuages d’automne. 2,482-2,483.

Bhîma, le fléau des ennemis, guerrier aux formes irritées, sire, eut bientôt dispersé sept cents éléphants aux défenses aussi longues que des manches de charrue.

Connaissant les organes de la vie, le vigoureux frappait les proboscidiens dans les gencives, les yeux, les bosses frontales, les tempes et les organes de l’existence. 2,484-8,485.

Renvoyés sur leurs pas, ils couraient, effrayés ; ils le couvraient de leurs tailles gigantesques, comme le soleil est voilé par les nuages. 2,486.

Tel qu’Indra bat les montagnes, Ventre-de-loup assomma de sa massue les sept cents éléphants placés sur la terre, avec leurs drapeaux, leurs armes et les gens, dont ils étaient montés. 2,487.

Le dompteur des ennemis, fils de Kountî, broya encore deux fois cinquante éléphants aux forces supérieures de ton bien robuste fils. 2,488.

Le Pândouide, consumant ton armée dans le combat, détruisit un cent de chars supérieurs et d’autres ennemis par centaines, qui étaient des fantassins. 2,489.

Ton armée, tourmentée par le magnanime héros, Bhîmaséna, se tordait comme un cuir déposé sur le feu.

Les tiens, effrayés par la crainte de Bhîma, abandonnant ce héros dans le combat, s’enfuirent aux dix pointe de l’espace. 2,490-2,491.

Cinq cents autres chars bruyante, avec des cuirasses et des boucliers, accoururent vers Bhîma, le frappant de tous côtés avec des multitudes de flèches. 2,492.

Il broya de sa massue les sept cents héros avec leurs guidons, leurs drapeaux et leurs armes, comme Vishnou jadis écrasa les Asouras. 2,493.

Çakouni et trois mille cavaliers à ses ordres, estimés des héros, s’approchèrent de Bhîma, tenant à leurs mains des lances de fer, des traits barbelés et des sabres. 2,494.

Allant promptement, d’un pied rapide, à leur rencontre, le meurtrier des héros ennemis, parcourant les diverses routes de l’escrime, les écrasa de sa massue, les cavaliers et les chevaux, 2,495.

De tous les côtés, s’éleva de ces guerriers blessés un grand bruit, semblable à celui des éléphants assommés à coups de pierres. 2,496.

Après qu’il eut tué trois mille fiers chevaux de ton fils Soubala, il monta sur un autre char et s’avança irrité vers Râdhéya. 2,497.

Karna lui-même couvrait de ses flèches dans ce combat, sire, le fils de Dharma, le dompteur des ennemis, et abattait son cocher. 2,498.

Le grand héros à la course agile, ayant aperçu son char dans la bataille, le suivit rapidement et l’inonda de traits, de dards et de flèches. 2,499.

Quand il eut couvert le ciel et la terre de ses projectiles, le fils de Maroute ensevelit avec colère sous des multitudes de traits le roi, qui accourait. 2,500.

Revenant précipitamment sur ses pas, le traîneur des ennemis, Râdhéya couvrit de tous les côtés Bhîma de flèches acérées. 2,501.

Sâtyaki à l’âme incommensurable de harceler, afin de faire son arrière-garde prisonnière, Bharatide, Karna, arrivé près du char de Bhîmaséna. 2,502.

Extrêmement tourmenté par ses flèches, l’Adhirathide s’approcha de lui. Ces deux sages, les plus excellents de tous les archers, lancèrent des traits enflammés et resplendirent. Ces deux héros étendirent au milieu du ciel, Indra des rois, une multitude de flèches terribles, à l’aspect effroyable, rose comme le dos du héron. Nous ne vîmes plus, à cause des flèches lancées par milliers, ni la lumière du soleil, ni les points cardinaux, ni les plages intermédiaires. Toutes les grandes splendeurs du soleil, échauffant au milieu du jour, sire, 2,503-2,504-2,505-2,506.

Furent enlevées par les multitudes de flèches, que lançaient le Pândouide et Karna. Revenus au combat, les Kourouides virent le Soubalide, Kritavarman, Açwatthâman, le fils de l’Adhirathide et Kripa aux prises avec les Pândouides. Ces guerriers accourant élevèrent un bruit violent, maître des hommes, aussi épouvantable que le fracas des mers, gonflées par la pluie. Quand les deux armées, pleines d’une grande ardeur, se virent étroitement engagées l’une avec l’autre dans ce grand combat, elles se firent mutuellement contre-poids. Ensuite, lorsque le soleil fut arrivé au milieu de sa carrière, se déroula un combat (De la stance 2,507 à la stance 2,511).

Tel que jamais on n’en vit un pareil, jamais on n’entendit parler d’un semblable. Les masses de forces, qui s’avançaient lestement vers les masses de forces dans le combat, arrivaient avec vitesse, comme les eaux dans la mer. C’était un grand bruit des multitudes de traits, décochés les uns contre les autres ; 2,511-2,512.

De même que deux rivières, qui viennent à confondre leurs eaux dans un confluent. Alors eut lieu, souverain des hommes, un combat aux formes épouvantables des Kourouides et des Pândouides, animés par le désir d’une immense renommée. On entendait différentes voix, fracturées par la bataille, de héros, qui s’envoyaient des menaces, sire, après qu’ils avaient proclamé leurs noms. Chaque guerrier fait entendre, ou de son père, ou de sa mère, ou de ses œuvres, ou de son caractère même une chose, qui marche clopin-clopant. Quand je vis ces héros s’adresser des menaces l’un à l’autre dans le combat, 2,513-2,514-2,515-2,516.

Voici quel fut mon sentiment, sire : « La vie de ces hommes n’est point à eux ! » Lorsque je vis les corps de ces guerriers irrités à la puissance hors de mesure, une crainte violente me saisit et je me demandai : « Quelle sera l’issue de ce combat ? » Alors, se frappant de coups mutuels, les Pândouides et les grands héros de Kourou, se déchirèrent de leurs flèches acérées. 2,517-2,518-2,519.

Les kshatryas, se désirant, puissant roi, réciproquement la mort, et, s’étant déclaré mutuellement leur hostilité, se meurtrirent les uns et les autres dans le combat.

Les foules de chars, les foules de chevaux, les foules d’éléphants, les foules de guerriers s’attachèrent de tous côtés les unes avec les autres dans la bataille. 2,520-2,521.

Nous vîmes tomber, lancés de toutes parts dans ce conflit bien épouvantable, les massues, les pilons, les épieux, les traits barbelés, les bhindipâlas et les bhouçoundis. Les pluies de flèches s’abattaient de tous les côtés, de même que des nuées de sauterelles. 2,522-2,523.

Les éléphants, s’étant approchés des éléphants, les chevaux des chevaux et les maîtres de chars des maîtres de chars, se dissipaient mutuellement dans le combat. 2,524.

Les fantassins terrassaient les bataillons de fantassins, et les hommes de pied abattaient les escadrons de cavalerie ; les fantassins jonchaient la terre des éléphants de char ; et les éléphants de char ôtaient la vie au coursier.

Les proboscidiens à la course rapide broyèrent dans le combat, sire, ceux, de qui le corps était mal conformé par la nature. Le champ de bataille des héros tués là et poussant des cris mutuels, devint aussi épouvantable que celui où fut accompli le carnage des bestiaux. La terre paraissait entièrement, Bharatide, couverte de sang, 2,525-2,526-2,527.

Telle que le sol, dans la saison des pluies, est couvert par la foule des coccinelles. La terre était noire, comme une jeune négresse, qui porterait deux voiles blancs, chargés d’une épaisse teinture ; elle était émaillée, pour ainsi dire, de chair et de sang ; elle semblait faite d’or par les nombreuses têtes rompues et les cuisses, Bharatide, par les riches pendeloques et les ornements, 2,528-2,529-2,530.

Les nishkas des héros et les corps des archers. Les foules de boucliers tombaient là sur la terre avec les drapeaux. Les éléphants, s’étant approchés des éléphants, se déchiraient de leurs défenses ; et, frappés de ces coups, les pachydermes, les membres arrosés de sang, comme des fleuves d’or, resplendissaient, tels que brillent des montagnes ruisselantes des métaux, dont elles sont parées.

Déployant des sentiments hostiles, les nombreux guerriers de leurs bras lancent des leviers de fer : les éléphants se promènent avec leurs trompes ; les autres déchirent avec elles. 2,531-2,532-2,533-2,534.

Les cuirasses, fendues par les nârâtchas, les plus grands des éléphants brillaient, comme des montagnes sans nuages, sire, à l’arrivée des frimas. 2,535.

Bigarrés de flèches à l’empennure d’or, les plus hauts des pachydermes resplendissaient, de même que des montagnes aux sommets enflammés par des météores. 2,536.

Certains autres éléphants, blessés par des éléphants, dont la similitude imitait des montagnes, périssaient dans cette bataille, tels que des monts, munis encore de leurs ailes ;

D’autres fuyaient et tombaient sur la terre dans ce grand combat, tourmentés par les flèches, en but aux dards, qui s’abattaient sur leurs bosses frontales et sur la partie de leur tête contenue entre les défenses. 2,537-2,538.

Ceux-ci rugissaient comme des lions, ceux-là poussaient des cris épouvantables ; d’autres en grand nombre, sire, erraient çà et là, jetant des plaintes. 2,539.

Parés de médaillons d’or, les chevaux, blessés par les dards, s’affaissaient, languissaient, vaguaient aux dix points de l’espace. 2,540.

Les uns traînés se convulsaient sur la surface de la terre, et, frappés des traits et des leviers de fer, exprimaient la douleur par différents mouvements. 2,541.

Des hommes blessés voyaient crier sur la terre, ceux-ci des parents, les uns leurs pères, les autres leurs grandspères ; tels voyaient courir les ennemis, et ceux-là d’autres, qui se disaient l’un à l’autre les noms vantés de leurs familles. 2,542-2,543.

Les bras coupés d’eux aux ornements d’or roulaient, se convulsaient, tombaient et volaient en l’air ; d’autres, abattus par milliers, palpitaient dans le combat ; et d’autres exécutaient des mouvements prompts, comme des serpents à cinq têtes. 2,5 44-2,545.

Ces bras, semblables au corps des reptiles, oints de sandal, arrosés de sang, monarque des hommes, jetaient un vif éclat, comme des enseignes d’or. 2,546.

Tandis que ce conflit épouvantable s’agitait à tous les points de l’espace, ils combattaient inconnus et se détruisant les uns les autres. 2,547.

Enveloppés d’obscurité, personne ne distinguait, ni les ennemis, ni les siens eux-mêmes dans cette bataille, voilée par la chûte des flèches, ensevelie sous la poussière de la terre. 2,548.

Ce combat était effroyable, aux formes horribles ; et plus d’une fois on vit là couler de grandes rivières aux ondes de sang. 2,549.

Elles étaient jonchées de têtes au lieu de pierres ; elles avaient pour nouveau gazon les vallisnéries des chevelures ; elles étaient remplies d’os en guise de poissons ; leurs embarcations étaient des arcs, des flèches et des massues.

Ils produisirent des rivières bien effroyables, à l’aspect horrible, accrues par des affluents de sang, qui avaient des marais de sang et de chair. 2,550-2,551.

Faisant la crainte des gens timides, augmentant la joie des héros, ces rivières, épouvantables à la vue, conduisaient aux demeures d’Yama. 2,552.

Noyant ceux, qui étaient submergés, elles enfantaient la terreur du kshatrya. Au milieu des cris, que poussaient les carnassiers, tigre des hommes, 2,553. Le champ de bataille devint horrible et semblable à la ville du roi des morts. De tous les côtés se dressaient dès corps décapités en nombre incalculable. 2,554

Les troupes des Bhoûtas dansaient, bien rassasiées de chair et de sang. Dès qu’ils eurent bu le sang et bu la graisse, Bharatide, 2,555.

On vit accourir les grues, les vautours et les corbeaux, rassasiés, ivres de moëlle, de graisse, de chair et même de substance adipeuse. 2,556.

Les héros renommés, ayant mis bas la crainte, sire, très-difficile à secouer, accomplirent sans peur dans le combat des exploits conformes au vœu du combattant. 2,557.

Donnant leur courage à célébrer, les braves se promenaient dans la bataille, remplie de troupes d’animaux carnassiers, encombrée de flèches et de lances en fer. 2,558.

Ils se disaient l’un à l’autre, auguste Bharatide, leurs familles et leurs noms ou les noms et les familles de leurs pères. 2,559.

Nombreux étaient les combattants, qui faisaient alors entendre leurs noms, et nombreux étaient les guerriers[77], qui se meurtrissaient alors l’un l’autre çà et là avec des pattiças, des leviers et des lances de fer. Tandis que ce combat très-épouvantable et de formes terribles se déroulait ainsi, l’armée Kouravienne s’affaissait, comme un navire brisé dans la mer. 2,560-2,561-2,562.

Pendant l’action de cette bataille, où les kshatry as étaient plongés, on entendit, vénérable roi, le grand bruit de l’arc Gândîva 2,563.

Du côté où le Pândouide consommait le carnage des conjurés ; mais ceux-ci, avides de la victoire, firent tomber de toutes parts avec colère, sire, des pluies de flèches, dans le combat, sur la tête du Prithide et sur l’armée des Koçarlains et de Nârâvana. 2,564-2,565.

Soudain, supportant ces effrayantes pluies, l’auguste Prithide se plongea avec rapidité dans la bataille, immolant les plus braves des maîtres de chars. 2,566.

Quand il se fut enfoncé dans l’armée des chariots avec ses flèches aiguisées sur la pierre, le fils de Prithâ de s’avancer vers Souçarman, revêtu des armes les plus excellentes. 2,567.

Le meilleur des maîtres de chars déchargea sur lui des averses de traits, et les conjurés firent pleuvoir leurs dards sur le fils de Prithâ. 2,568.

Aussitôt qu’il eut blessé Phâlgouna de dix flèches, Souçarman perça de trois Djanârddana au bras droit. 2,560.

Ensuite, il frappa d’un second bhalla son drapeau, auguste roi ; et le grand singe, le meilleur de tous, chef-d’œuvre de Visvakarman, 2,570.

Poussa un cri immense et rugit d’une manière épouvantable. Ton armée trembla, aussitôt qu’elle eut entendu voix du singe. 2,571.

Saisie d’une profonde épouvante, elle resta sans mouvement. Ces divisions, demeurées immobiles, sire, elles resplendirent, comme la forêt Tchaitraratha, pleine de fleurs variées ! Dès que les combattants eurent recouvré la connaissance, ô le plus excellent des Kourouides, 2,572-2,573.

Ils submergèrent Arjouna sous leurs flèches, de même que les nuages inondait une montagne. Tous, ils environnèrent le grand char du Pândouide ; ils réprimèrent ce héros, et, le frappant de traits acérés, jetèrent des acclamations. Pénétrés de colère, ils se mirent de tous les côtés, respectable monarque, à arrêter ses roues, le timon de son char et ses coursiers. Quand les combattants ont par milliers retenu son chariot, 2,574-2,575-2,576.

Maîtres de ses mouvements, ils poussent avec vigueur un cri de guerre : les uns saisissent Kéçava lui-même par ses deux bras ; 2,577.

Les autres, transportés de joie, prennent Arjouna, monté sur le char. Mais, secouant ses deux bras à la tête du combat, Kéçava les fit tomber tous, comme un éléphant rétif couche à terre ses cornacs. Irrité dans le combat, le Prithide, environné de ces grands héros, 2,578-2,579.

Ayant vu son chariot arrêté et Kéçava lui-même assailli par l’ennemi, renversa les fantassins innombrables, montés déjà sur son char. 2,580.

Il couvrit de ses flèches à bout portant les guerriers placés près de lui, et tint ce langage à Kéçava dans la bataille : 2,581.

« Vois, Krishna aux longs bras, ces troupes nombreuses de conjurés, qui accomplissent un exploit épouvantable et qui frappent à milliers ! 2,582.

» Il n’existe pas un autre homme que moi dans ce monde sur la terre, éminent Yadouide, qui puisse supporter ce corps épouvantable de chars. » 2,583.

Il dit ; et Bîbhatsou, ayant parlé de cette manière, anima de son souffle Dévadatta ; Krishna, de son côté, remplit, pour ainsi dire, le ciel et la terre du son de Pântchadjanya.

À peine eut-elle entendu le bruit de ces conques, l’armée des conjurés vacilla, grand roi, et s’enfuit au loin toute tremblante. 2,584-2,585.

Ensuite le Pândouide, meurtrier des héros ennemis, exécuta l’enchaînement des pieds et répandit mainte et mainte fois, puissant roi, l’astra des Nâgas. 2,586.

Ces hommes, que le magnanime Prithide avait liés par l’attache de leurs pieds, demeurèrent sans mouvement, sire, et semblaient sculptés même dans la substance des pierres. 2,587.

Puis, le rejeton de Pândou tua ces guerriers immobiles, comme Indra jadis immola les Daîtyas dans la mort de Târaka. 2,588.

Ceux-ci, frappés dans le combat, d’abandonner le plus excellent des chars, et de commencer à mettre bas toutes leurs armes. 2,589.

Enchaînés par ce lien de leurs pieds, ils ne pouvaient point marcher, sire ; et le Prithide les extermina de ses flèches aux nœuds inclinés. 2,590.

Tous ces combattants, sur qui le Prithide, les prenant pour son but, exerça l’enchaînement des pieds dans le combat, avaient les jambes entourées par des serpents repliés.

Aussitôt que le grand héros Souçarman vit ses bataillons garrottés, il se hâta, Indra des rois, de manifester l’astra de Garouda. 2,591-2,592.

Alors des Souparnas s’abattirent, dévorant les serpents, et ces reptiles, sire, à la vue de ces hôtes de l’air, s’enfuirent au plus vite. 2,593.

Délivrée des entraves de ses pieds, cette armée ne resplendit pas moins que le soleil brille, échauffant les créatures, quand il est débarrassé enfin du troupeau des nuages. 2,594.

Ces combattants, affranchis de leurs fers animés, respectable roi, déchargèrent sur le char de Phâlgouna des multitudes de flèches et des multitudes de traits. 2,595.

Tous entièrement, ils décochèrent sur lui différents projectiles ; mais, lorsqu’il eut coupé avec ses averses de dards cette pluie, composée de grandes flèches, 2,596.

Le meurtrier des héros ennemis, ce fils d’Indra d’immoler ces combattants. Ensuite Souçarman, sire, d’un trait aux nœuds inclinés, 2,597.

Ayant frappé Arjouna au cœur, le blessa de trois autres dards. Profondément atteint, jeté dans le trouble, il s’affaissa sur le banc de son char. 2,598.

Alors, tous de s’écrier : « Le Prithide est mort ! » On tira des sons de la conque ; on fit résonner les excellents tambours ; 2,599.

Et, avec les bruits variés des instruments de musique, éclatèrent les cris de guerre. Mais, aussitôt qu’il eut recouvré sa connaissance, le guerrier aux blancs coursiers, qui avait Krishna pour son cocher, 2,600.

Le héros à l’âme incommensurable de manifester, accompagné de hâte, l’astra d’Indra, noble roi ; et soudain naquirent des milliers de flèches. 2,601.

On les voyait dans tous les points de l’espace ; elles anéantissaient ton armée, les chevaux et les chars dans le combat sous des traits, qui tombaient par centaines et par milliers.

Taillée en pièces, l’armée fut saisie d’une terreur immense ; et il n’était pas là un seul homme, ni parmi les conjurés, ni parmi les souverains, qui osât rendre à Phâlgouna un coup en échange du sien. Ton armée fut tuée là sous les regards des héros. 2,602-2,603-2,604.

Ils la virent immolée, immobile dans son courage. Quand le fils de Pândou eut exterminé dans cette bataille-là une myriade de combattants, 2,605.

Il brilla, grand roi, flamboyant comme un feu sans fumée. On l'avait ru anéantir, Bharatide, quatorze milliers d'hommes, dix mille chars et trois milliers d’éléphants. Les conjurés de nouveau environnèrent Dhanandjaya. 2,606-2,607.

« Il faut mourir, avaient-ils résolu, ou mériter sans retour la victoire. » Alors, il s’éleva, souverain des hommes, un grand combat des tiens avec le robuste héros, Kirlti, le Pândouide. 2,608-2,609.

Kritavarman, Kripa, Açvatthâman et le fils du cocher, Ouloûka, le Soubalide et le roi Douryodhana avec ses frères germains, 2,610.

Voyant s’affaisser l’armée tourmentée par la crainte du fils de Pândou, se redressent promptement sur le champ de bataille, comme un navire brisé dans la mer. 2,611.

Un instant, ce combat fut au plus haut degré produisant la crainte des gens timides, accroissant la joie des braves. Kripa dans la guerre décocha des multitudes de traits, qui submergèrent les Srindjayas, de même que des nuées de sauterelles. 2,612-2,613.

Çikhandî irrité s’avança avec empressement vers le Gotamide et fit pleuvoir de tous les côtés des averses de flèches sur le plus excellent des brahmes. 2,614.

Mais Kripa, instruit dans les grands astras, de briser cette pluie de traits et de blesser, plein décoléré, Çikhandî dans le combat avec dix dards. 2,615.

Celui-ci courroucé perça, dans la bataille, Kripa irrité de sept flèches, aux ailes de héron, au vol droit. 2,616.

Le brahme Kripa, le grand héros, profondément blessé de ces projectiles violents, réduisit Çikhandî sans chevaux, sans cocher et sans char. 2,617

Ce vaillant guerrier aux coursiers immolés, étant sauté à bas de son chariot, et saisissant un bouclier avec un cimeterre, s’avança à la hâte vers le brahme. 2,618.

Soudain, dans l’instant qu’il accourait, celui-ci le couvrit dans le combat de traits aux nœuds inclinés : ce fut tel qu’une chose merveilleuse. 2,619.

Nous vîmes alors un événement admirable, comme un déluge de pierres ; et Çikhandi resta, sire, sans mouvement dans le combat. 2,620.

Aussitôt qu’il vit, ô le plus grand des rois, Çikhandi enseveli sous les traits de Kripa, le vaillant Dhrishtadyoumna s’avança précipitamment pour combattre le Gotamide.

Le fameux héros Kritavarman accueillit avec vitesse le guerrier, qui accourait vers le char du Çaradvatide.

Le fils de Drona arrêta Youdhishthira, qui s’approchait, avec son fils, avec son armée, du char de Kripa. Ton fils reçut lestement, avec une pluie de flèches, Nakoula et Sahadéva, ces deux grands héros, qui s’empressaient. 2,621-2,622-2,623-2,624.

Karna le Découpeur arrêta au milieu du combat, Bharatide, Bhîmaséna, accompagné des Karoûshas, des Kaîkayains et des Srindjayas. 2,625.

Enfin, Kripa le Çaradvatide, secondé par la hâte, envoya ses traits dans la bataille à Çikhandi, comme s’il désirait, vénérable, le mettre tout en flammes. 2,626.

Il coupa ces flèches, ornementées d’or, envoyées par lui de tous les côtés, en les frappant de son cimeterre, qu’il fit tournoyer mainte et mainte fois. 2,627.

Le Gotamide dissipa en morceaux rapidement de ses dards le bouclier du héros, orné de cent lunes ; et les peuples à cette vue de pousser des cris. 2,628.

Le guerrier sans bouclier, son cimeterre à la main, grand roi, courait, impuissant, tombé sous le pouvoir de Kripa, comme dans la bouche de la Mort. 2,629.

Le vigoureux Soukétou, sire, le iilsdeTchitrakétou, s’avança à la hâte vers ce héros, jeté dans l’infortune et comme dévoré par les flèches du Çaradvatide. 2,630.

Inondant le brahme dans le combat de nombreuses flèches acérées, le guerrier à l’âme incommensurable s’élança sur le char du Gotamide. 2,631.

Dès que Çikhandî vit que ce héros avait joint le brahme, environné d’ennemis dans la bataille, il s’esquiva au plus vite, ô le meilleur des rois[78]. 2,632.

Soukétou alors, ayant percé le Gotamide de neuf flèches, le blessa de nouveau avec soixante-treize de ses dards. 2,633.

Il trancha ensuite son arc et son trait, vénérable, et frappa dangereusement d’un dard son cocher dans les organes de la vie. 2,634.

Le Gotamide irrité, saisissant un arc neuf et solide, atteignit dans tous les membres Soukétou avec trente projectiles. 2,635.

Tout son corps agité, il chancela sur le haut de son char ; tel, dans un tremblement de terre, un arbre violemment ébranlé sur la cime d’une montagne. 2,636.

Il enleva d’un kshourapra la tête au corps du guerrier vacillant avec ses pendeloques flamboyantes, avec son diadème et son casque. 2,637.

Sa tête tomba sur la terre, comme un morceau de chair, enlevé par un faucon ; et son auguste corps suivit cette chûte infortunée, 2,638.

À sa mort, ceux, qui marchaient sous ses ordres, grand roi, abandonnèrent, effrayés, le Gotamide dans le combat et s’enfuirent aux dix points de l’espace. 2,639.

Le vaillant Kritavarman, dès qu’il eut environné Dhrishtadyoumna dans la bataille, lui dit transporté : « Halte-là ! arrête ! » 2,640.

Ce duel de Vrishni et du Prishatide fut tumultueux ; il ressemblait au combat de deux faucons, qui se disputent irrités, sire, un morceau de chair. 2,641.

Accablant le fils de Hridika, Dhrishtadyoumna de frapper avec colère en pleine poitrine Hârddikya de neuf flèches dans cette bataille. 2,642.

Kritavarman, gravement blessé, le couvrit de traits, lui, son char et ses chevaux. 2,643.

Couvert de flèches, ou ne voyait plus, sire, le héros Dhrishtadyoumna : tel le soleil, quand il est masqué par des nuages, chargés de pluies. 2,644.

Aussitôt qu’il eut dissipé avec ses dards, empennés d’or, cette multitude de traits, Dhrishtadyoumna, couvert de blessures, resplendit au milieu du combat. 2,645.

Ensuite le Prishatide en colère, le généralissime des armées, déchargea sur Kritavarman une pluie de flèches, inspirant une profonde épouvante. 2,646.

Hârddikya soudain dispersa dans sa chûte cette effrayante averse de traits avec ses dards en plusieurs milliers. Quand il vit arrêtée dans le combat son épouvantable grêle de flèches, le Prishatide s’approcha de Kritavarman et le retint à son tour. 2,647-2,648.

Il envoya lestement au palais d’Yama son cocher, qui, frappé d’un bhalla au tranchant aigu, tomba du char.

Dès que le robuste Dhrishtadyoumna eut vaincu son ennemi à la grande vigueur, il arrêta rapidement de ses flèches les Kouraviens dans le combat 2,649-2,650.

Puis, tes combattants coururent sur Dhrishtadyoumna ; et, lorsqu’ils eurent poussé leurs cris de guerre, la bataille fut engagée. 2,651.

À peine Açwatthâman eut-il vu qu’Youdhishthira était défendu par Çaînéya et les héroïques Draâupadéyains, il s’approcha d’eux, plein d’ardeur, 2,652.

Disséminant des multitudes de flèches épouvantables, empennées d’or, aiguisées sur la pierre, et montrant, tel qu’un homme à la main légère, différents modes de l’escrime et diverses leçons. 2,653.

Il remplit les airs de traits charmés par des astras divins ; et quand, instruit dans ces grandes magies, il eut arrêté Youdhishthira dans le combat, 2,654.

On ne distinguait rien, couvert des traits d’Açwatthâman ; la grande tête de la bataille était devenue toute flèche. 2,655.

Cette multitude de projectiles, ornée d’une grande quantité d’or, brûlait dans le ciel, qui en était voilé, éminent Bharatide, tel qu’un conopée, suspendu sur les têtes.

Sous la voûte des cieux, assiégée de flèches, le ciel était couvert, sire, par cette masse lumineuse de traits, comme par l’ombre d’un nuage. 2,656-2,657.

Nous vîmes alors une merveille : nulle créature, habitante de l’atmosphère, ne volait alors dans le ciel, devenu de cette manière et qui n’était plus que flèches. 2,658.

Sâtvaki, déployant ses efforts, et Dharmarâdja le Pândouide, et personne dans les autres armées n’exéGuta plus d’actions de courage. 2,659.

Tous les monarques, vaillants héros, voyant la légèreté du fils de Drona dans cette bataille, s’en étonnèrent, grand roi, et ne purent fixer les yeux sur lui, comme sur le soleil dans sa chaleur brûlante. Ensuite, dans l’armée taillée en pièces, les grands héros Draâupadéyains, Sâtyaki, Dharmarâdja et les Pântchâlains réunis, abandonnant la crainte terrible de la mort, fondirent sur Açvatthâman. 2,660-2,661-2,062.

Quand Sâtyaki eut percé le Dronide de vingt-sept dards, il le perça de nouveau avec sept nârâtchas, ornés d’or ;

Youdhishthira de soixante-treize, Prativindya de sept Çroutakarman de trois et Çroutakirtti de sept traits ; 2,663-2,664.

Soutasoma de neuf et Çatânîka de sept ; d’autres héros en grand nombre le blessèrent de tous les côtés. 2,665.

Mais lui, courroucé, soufflant comme un serpent, sire, il frappa en retour Sâtyaki de vingt-cinq flèches ; 2,666.

Çroutakirtti de neuf, Soutasoma de cinq, Çroutakarman de huit et Prativindya de trois projectiles ; 2,667.

Çatânîka de neuf, le fils de Dharma de cinq ; puis, il blessa d’autres héros avec deux traits individuellement.

Il trancha de ses flèches acérées l’arc de Çroutakirtti. Ce vaillant guerrier saisit une autre arme ; 2,608-2,609.

Et, quand il eut percé de trois dards le Dronide, il le perça de nouveau avec d’autres dards aigus. Mais celui-ci, grand roi, illustre Bharatide, ensevelit de toutes parts l’armée sous une pluie de flèches ; et ce héros à l’âme incommensurable coupa de rechef, en riant, l’arc de Dharmarâdja et le blessa lui-même de trois dards. Ensuite, le fils de Dharma, sire, s’arma d’un nouvel arc, 2,670-2,671-2,672.

Frappa le Dronide et lui décocha soixante-dix traits entre les deux bras dans sa vaste poitrine. De son côté, Sâtyaki irrité coupa dans le combat, d’une demi-lune acérée, l’arc d’Açvatthâman combattant et jeta une clameur immense. Le meilleur de ceux, qui portent la pique, le Dronide à l’arc coupé abattit rapidement avec sa lance de fer le cocher de Çalnéya. Dès qu’il eut pris un nouvel arc, l’auguste fils de Drona 2,673-2,674-2,675.

Ensevelit ce héros, Bharatide, dans une pluie de flèches. On voyait, courant çà et là dans la bataille, ses chevaux en fuite, son cocher tombé du char. Lançant des traits acérés, les guerriers, sous la conduite d’Youdhishthira, s’avancèrent avec vitesse vers le Dronide, le plus excellent des hommes, qui manient les flèches. Aussitôt que le fléau des ennemis les vit s’approcher avec des formes cruelles, 2,676-2,677-2,678.

Le fils de Drona les accueillit en riant au milieu de ce grand combat. Ensuite, le valeureux Dronide avec le feu d’une centaine de traits, incendia la forêt de cette armée, comme le feu consume un bois. Le fils de Drona, ô le plus excellent des Bharatides, agita cette armée du fils de Pândou, tel qu’un cétacée aurait agité l’embouchure d’un fleuve. Aussitôt qu’ils virent le courage du fils de Drona, puissant roi, 2,679-2,680-2,681.

Ils regardèrent tous les Pândouides comme immolés déjà par ses coups. Mais l’héroïque Youdhishthira, le disciple de Drona, s’empressant, 2,682.

Dit, plein de colère et de fureur, au fils de Drona : «Tu n’as, certes ! ni amitié, ni reconnaissance, 2,683.

» Toi, de qui les efforts, tigre des hommes, ont pour but de me donner la mort aujourd’hui même. Un brahme doit cultiver la pénitence, l’aumône et la lecture. 2,684.

» Il appartient au kshatrya de courber l’arc ; que ta sainteté parle en brahme. Je vaincrai les Kourouides dans la guerre, héros aux longs bras, malgré toi. 2,685.

» Accomplis ce qui est ton œuvre dans le combat ; on ne peut nier que tu ne sois le parent des brahmes. » À ces mots, grand roi, le fils de Drona, en souriant, 2,686.

Ne trouvant dans sa pensée rien d’utile et de conforme à la vérité, n’objecta aucune réponse. Irrité, sans rien dire, il couvrit dans ce combat le Pândouide avec une grêle de flèches, comme la mort, qui anéantit les créatures. Alors, submergé par le fils de Drona, le Prithide abandonna la grande armée, noble roi, et se retira légèrement. Ce rejeton de Dharma, Youdhishthira s’étant esquivé, le fils de Drona au grand cœur s’avança dans la bataille ; et, joint à une œuvre cruelle, le Pândouide, renonçant à Açwatthâman, se porta dès-lors contre ton armée. 2,687-2,688-2,689-2,690-2,691.

Les ayant enfermé lui-même de ses flèches, le fils du Soleil, arrêta le Pântchâlain et Bhîmaséna, environné des Kaikéyains et des Tchédiens. 2,692.

Karna de frapper dans le combat, sous les regards de Bhîmaséna, les Tchédiens, les Kâroûshas et les vaillants Srindjayas. 2,693.

Dès qu’il eut abandonné Karna, le plus excellent des héros, Bhîmaséna de s’avancer vers l’armée des Kourouides, comme la flamme du feu s’approche d’une forêt.

Le fils du cocher frappa dans le combat, par milliers, les Pântchâlains, les Kaîkayains et les Srindjayas au grand arc. 2,694-2,695.

Le Prithide Vrikaudara et Karna, ces grands héros exécutèrent un vaste carnage avec les conjurés, les Kourouides et les Pântchâlains. 2,696.

Consumés par trois guerriers, pareils au feu, ainsi, les kshatryas étaient entraînés à leur perte par tes mauvais conseils. 2,697.

Ensuite, Douryodhana irrité de blesser avec neuf traits Nakoula et ses quatre chevaux, ô le meilleur des Bharatides. 2,698.

Ces choses faites, ton fils à l’âme incommensurable coupa d’un kshourapra le drapeau en or de Sahadéva.

Nakoula irrité perça de sept et Sahadéva de cinq flèches ton fils, sire, dans le combat. 2,699-2,700.

Celui-ci blessa avec colère en pleine poitrine de cinq traits chacun de ces deux éminents Bharatides, les plus excellents de tous les archers. 2,701.

Avec deux autres bhallas, il trancha leurs deux arcs et frappa soudain les jumeaux, sire, de vingt-et-un dards.

Ils prirent deux arcs les meilleurs, éclatants, semblables à l’arc de Çakra, et ces héros de briller dans le combat, pareils à des enfants des Dieux. 2,702-2,703.

Rapidement ces deux frères, dans le combat, inondèrent leur cousin de flèches épouvantables, comme deux nuages qui se déversent sur une montagne. 2,704.

Le vaillant héros, ton fils, s’en irrita, puissant roi ; mais les fils de Pândou au grand arc l’arrêtèrent de leurs flèches.

On voyait sans cesse son arc formant un cercle au milieu du combat, et l’on voyait voler de tous les côtés ses traits, qui masquaient toutes les plages, comme les rayons du soleil. Sous cette voûte du ciel voilée et qui n’était que flèches, 2,705-2,706-2,707.

On voyait les formes des jumeaux comme celles de la Mort, du Trépas et d’Yama. Quand les grands héros virent le courage de ton fils, 2,708.

Ils crurent les fils de Mâdrî arrivés déjà vers les formes de la Mort. Ensuite, le vaillant général des Pândouides, sire, le Prishatide s’approcha du lieu où était le monarque Douryodhana ; et, dès qu’il eut dépassé les deux fils de Madri, ces valeureux héros, 2,709-2,710.

Dhrishtadyoumna de ses traits fit obstacle à ton fils. Le plus excellent des hommes à l’âme incommensurable, ton fils, plein de colère, blessa de vingt-cinq dards ce Pântchâlain en riant. De nouveau, s’enflammant de colère, ton vaillant rejeton 2,711-2,712.

Frappa de soixante-cinq traits cet hôte du Pantchala et poussa un cri. Le roi coupa dans la guerre, vénérable, avec un kshourapra bien acéré, son arc avec sa flèche et le bracelet de sa main. Le traîneur d’ennemis, le Pântchâlain, rejetant son arc tranché, 2,713-2,714.

Saisit rapidement un autre arc neuf et capable de supporter une charge. Soudain, humide de sang et comme flamboyant de colère, 2,715.

Dhrishtadyoumna au grand arc resplendit des blessures, dont il était couvert. Désirant tuer le plus illustre des Bharatides, ce héros lui envoya quinze nârâtchas, sifflant tels que des serpents. Dès qu’elles eurent fendu là cuirasse du roi, faite d’or, ces flèches, aiguisées sur la pierre, revêtues des plumes du paon ou du héron, se plongèrent légèrement au sein de la terre. Profondément blessé, grand roi, ton fils brilla du plus vif éclat, 2,716-2,717-2,718.

Comme un vaste kinçouka en fleurs dans la saison du printemps. Sa cuirasse était fendue sous les coups des nârâtchas ; et, dans sa colère, il fendit l’arc de Dhrishtadyoumna. Le souverain de la terre lança sur lui, en se hâtant, huit flèches, sire, au milieu des sourcils. Ces traits, fourbis par l’art de l’ouvrier, enflammèrent son visage, 2,719-2,720-2,721.

De même qu’un lotus en fleurs, sur lequel sont posées des abeilles, désireuses d’en sucer le miel. Dhrishtadyoumna au grand cœur, ayant rejeté cet arc coupé,

S’arma promptement d’un nouvel arc et de seize bhallas. Puis, quand il eut tué de cinq flèches les chevaux de Douryodhana et son cocher, 2,722-2,723.

Il trancha d’un bhalla son arc, ornementé d’or. Le Prishatide coupa, de dix bhallas, le char de ton fils avec son appareil de guerre, son ombrelle, sa lance de fer, son cimeterre, sa massue et son drapeau. Tous les princes virent tranché le drapeau du souverain des Kourouides, son éléphant éblouissant, varié, fait de pierreries et paré de bracelets d’or. Ses frères germains défendirent dans le combat, taureau des Bharatides, Douryodhana sans char, de qui les armes et la cuirasse étaient brisées. Dandadhara, le monarque des peuples, sire, le fit monter sur son char, 2,724-2,725-2,726-2,727.

Et, sans crainte, l’enleva sous les yeux de Dhrishtadyoumna. Lorsqu’il eut vaincu Sâtyaki à la flèche terrible, homicide de Drona, le bien vigoureux Karna, qui partageait les désirs de son roi, s’avança, tournant le front au combat. Çaînéya s’approcha de lui par-derrière et le blessa de ses traits. 2,728 - 2,729.

Il le frappa, Comme un éléphant frappe de près un pachyderme de ses défenses. Cette bataille de Karna et du Prishatide fut grande et terrible au milieu de tes magnanimes combattants. Ni entre les Pândouides, ni parmi les nôtres, on ne vit personne tourner le Visage. Karna, d’un pied rapide, marcha contre les Pântchâlains. Dans cet instant, ô le plus excellent des hommes, un vaste carnage des guerriers, des chevaux et des éléphants 2,730-2,731-2,732.

Se manifesta de l’un et de l’autre côté, sire, à l’heure où le jour est arrivé au milieu de sa carrière. Les Pântchâlains à la hâte, pleins du désir de la victoire, puissant roi,

De courir tous sur Karna, comme des oiseaux sur un arbre. L’intelligent Adhirathide irrité, déployant ses efforts, perça des multitudes de ses flèches, en attachant sur eux sa pensée, ceux, qui marchaient à la tête : Vyâghrakétou, Souçarman, Tchitra, Agrâyoudha, Djaya, Çoukla, Rotchamâna, Sinhaséna, difficile à vaincre. Ces héros environnèrent, avec une route de chars, le plus grand des hommes, 2,733-2,734-2,735-2,736.

Ce Karna irrité, qui avait la beauté des batailles et qui jetait çà et là ses flèches. Râdhéya, l’auguste Indra des hommes, fatigua de huit traits acérés ces huit valeureux combattants. Et le noble fils du cocher frappa encore plusieurs milliers, puissant roi, d’autres guerriers, habiles dans les batailles. Bouillant de colère, il immola dans le combat Djishnou, Djishnoukama, Dévâpi et Bhadra lui-même, Danda, Tchitra, Tchitrâyoudha, Hari, Sinhakétou, Rotchamana et le grand héros Çalabha, et les plus braves des Tchédiens. Tandis quel’Adhirathide ravissait les existences à ces guerriers, son corps était 2,737-2,738-2,739-2,740-2,741.

Grand, robuste, comme celui de Roudra, dont les membres dégouttent de sang. Là, Bharatide, Karna de frapper les éléphants avec ses flèches. 2,742.

Ils fuyaient, effrayés de tous les côtés, portant avec eux une grande confusion. Blessés dans la bataille par les flèches de Karna, comme des montagnes frappées du tonnerre, ils tombaient sur la terre, poussant différents cris. Le sol était couvert d’hommes, de coursiers et d’éléphants, renversés de toutes parts, et de chars abattus dans la route de l’Adhirathide. Ni Bhîshma, ni Drona, ni aucun des tiens dans le combat 2,743-2,744-2,746.

N’accomplit une prouesse égale à celle, que fit dans la bataille ce fils du cocher. Un grand carnage fut exécuté, puissant roi, sur les éléphants, et les coursiers, et les chars, et les guerriers. De même que l’on voit un lion marcher sans crainte au milieu des gazelles ; 2,746-2,747.

Ainsi, Karna sans peur s’avançait au milieu des Pântchâlains. Tel qu’un lion met en fuite à tous les points de l’espace les troupeaux effrayés des antilopes ; 2,748.

Tel Râdhéya dispersa en déroute les troupes de chars des Pântchâlains. Comme des antilopes, quelque part que ce soit, perdent la vie, sitôt qu’elles sont arrivées près de la gueule d’un lion ; 2,749.

De même, à peine abordés près de Karna, les grands héros cessent de vivre. Telle que les créatures brûlent, quand elles sont arrivées dans le feu ; 2,760.

Ainsi la forêt des Srindjayas, Bharatide, est consumée par le feu de Karna. Ayant proclamé leurs noms, un grand nombre, estimé des héros, Bharatide, fut immolé par Karna entre les Tchédiens, les Kaîkayains et les Pântchâlains. Voilà quel fut mon sentiment, sire, dès que j’eus vu le courage de Râdhéya : 2,751-2,752.

« Le Pântchâlain vivant ne se tirera pas seul dans la guerre des mains de l’Adhirathide. Le fils du cocher dissipa mainte et mainte fois les Pântchâlâins dans le combat. » 2,753.

Dès que Youdhishthira-Dharmarâdja vit Karna immoler les Pântchâlains dans ce grand combat, il accourut, bouillant de la plus vive colère. 2,754.

Dhrishtadyoumna, les Draâupadéyains et d’autres personnages par centaines d’environner Râdhéya, l’homicide des ennemis. 2,755.

Çikhandi, Sahadéva, Nakoula et son fils, Djanamédjaya, le petit-fils de Çini, et d’autres éminentes personnes,

À la force sans mesure, décochant des javelots et des flèches, de s’avancer, sous la conduite de Dhrishtadyoumna, contre Karna dans la guerre. 2,756-2,757.

Seul, l’Adhirathide s’élança dans cette bataille sur de nombreux Tchédiens, Pântchâlains et Pândouides, comme Garouda sur des serpents. 2,758.

Ce[79] combat de Karna avec eux fut portant des formes horribles et tel que jadis, souverain des hommes, se développa celui des Dieux avec les Asouras. 2,759.

Quoique seul, il fut sans trouble devant ces héros rassemblés, qui versaient une multitude de pluies de flèches, comme le soleil répand ses rayons devant les ténèbres.

Tandis que Râdhéya était engagé avec les Pândouides, Bhîmaséna irrité le frappa de tous les côtés avec ses flèches semblables au bâton d’Yama. 2,760-2,761.

Seul, ce héros au grand arc, livrant une bataille aux Vâhlikas, aux Kaîkayains, aux Matsyas, aux Vâsâtiens et aux Madrakains du Sindhou, répandait une vive lumière. Bhîma de frapper les éléphants de ses nârâtchas dans les principes vitaux ; et ceux, qui les montaient, immolés, ébranlaient la terre en tombant. 2,762-2,763.

Les chevaux avec leurs cavaliers tués et les fantassins, la vie exhalée, gisaient dans le combat, déchirés et vomissant des ruisseaux de sang. 2,764.

On voyait, blessés par milliers, les maîtres de chars, épouvantés de Bhîma, renversés, leurs armes tombées, leur âme expirée. 2,765.

La terre était couverte des maîtres de chars, des cavaliers, des cochers, des fantassins, des coursiers, des éléphants, entassés par les flèches de Bhîmaséna. 2,766.

Saisie par la crainte de Vrikaudara, toute l’armée de Douryodhana se tint immobile, sans énergie, chargée de blessures. 2,767.

Consternée, sans mouvement, l’armée dans ce grand combat, semblait comme la mer au temps où son onde est paisible. 2,768.

Ainsi, l’armée inerte, sans action, douée cependant de force, d’énergie et de colère, était privée d’orgueil. Cette armée de ton fils n’avait alors aucune splendeur, dans cette armée, ô le plus excellent des Bharatides, les uns et les autres étaient exterminés. 2,769-2,770.

Elle était humide de sang, arrosée par des flots de sang. Ils allaient, éminent fils de Bharata, se donner la mort l’un à l’autre. 2,771.

Ces deux héros brillaient dans le combat, jetant la déroute, le fils irrité du cocher dans l’armée des Pândouides et Bhîmaséna entre les Kourouides eux-mêmes. 2,772.

Tandis que s’agitait cette guerre terrible et d’un aspect merveilleux, après qu’il eut tué au milieu de l’armée des compagnies nombreuses de conjurés, 2,773.

Arjouna, le plus excellent des vainqueurs, tint ce langage au Vasoudévide : « Voilà rompue, Djanârddana, cette armée d’hommes, qui voulaient combattre. 2,774.

» Ces grands héros de conjurés se dispersent, entraînant leurs armées, sans arrêter mes flèches, comme des gazelles fuient au rugissement d’un lion. 2,775.

» La grande armée des Srindjayas est brisée dans ce vaste combat. Voici la ceinture d’éléphant, Krishna, qui est le drapeau du sage Karna. 2,776.

» On le voit, plein de joie, se promener au milieu de l’armée du roi. Nul autre grand héros n’est capable de vaincre Karna dans une bataille. 2,777.

» Ta majesté n’ignore pas que Râdbéya est rempli de force dans l’attaque. Va donc à l’endroit où est Karna. Il met en fuite notre armée. 2,778.

» Abstiens-toi d’attaquer les autres dans le combat, et marche vers l’héroïque Karna ! Il m’est aussi agréable, Krishna, qu’il peut l’être à toi-même. » 2,779.

À ces mots, Govinda répondit en riant à Arjouna : « Dépêche-toi d’immoler, Pândouide, les enfants de Kourou ! » 2,780.

Aiguillonnés par lui, ces chevaux, couleur des cygnes, qui voituraient le Pândouide et Krishna, pénétrèrent dans ton armée. 2,781.

Elle fut divisée aux quatre plages du ciel par les chevaux blancs, aux ornements d’or, que poussait Kéçava et qui entrèrent dans ton armée. Ce char aux étendards flottants, qui avait le bruit du tonnerre des nuages et le singe pour son drapeau, entra dans ton armée comme un char céleste entre dans le ciel. 2,783.

Irrités, les yeux rouges de colère, ayant déchiré ta grande armée, Arjouna et Kéçava, dès leur entrée, y resplendirent, enflammés d’une vive lumière. 2,784.

Provoqués, ivres de combats, ils étaient venus au sacrifice de la bataille, comme les Dieux Açwins, à qui les sacrificateurs ont offert une sainte oblation suivant la règle.

Courroucés, ces deux tigres des hommes étaient en possession de leurs moyens, tels que, dans une forêt, deux éléphants irrités par le bruit des mains. 2,785-2,786.

S’étant plongé dans l’armée des chars et les escadrons des chevaux, Phâlgouna s’y promenait au milieu de l’armée, comme la Mort, son lacet & la main. 2,787.

Quand il l’eut vu marcher dans la bataille, au milieu de ton armée, Rharatide, ton fils excita de nouveau les troupes des conjurés. 2,788.

Dans ce vaste combat, au nombre d’un millier de chars, de trois centaines d’éléphants et de quatorze mille chevaux, 2,789.

Unis à deux cent mille archers et fantassins, tous héros, capables de toucher le but et connus de tous les côtés,

Ces vaillants guerriers s’approchèrent du fils de Kountî et de Pândou, le couvrant de toutes parts avec des pluies de flèches. 2,790-2,791.

Enseveli sous les traits dans ce combat, l’oppresseur de l’armée des ennemis se montra aussi terrible que la Mort, son lacet à la main. 2,792.

Tandis qu’il immolait les conjurés, le Prithide fut très-admirable à voir. Il couvrit sans intervalle, pour ainsi dire, l’atmosphère de ses flèches ornementées d’or et luisantes comme l’éclair. Tout semblait couvert comme de serpents, auguste sire, par les grandes flèches tombantes, lancées par le bras de Kirîti. Le Pândouide à l’âme sans mesure décocha dans tous les points de l’espace des traits aux nœuds inclinés, empennés d’or, à la pointe étincelante. « La terre, l’air, toutes les plages du ciel, la mer et les montagnes elles-mêmes, 2,793-2,794-2,795-2,796.

» Tout se brise ! » dirent les peuples au bruit des mains du Prithide. Après que l’héroïque Kountîde eut tué dix milliers de princes, il s’avança à la hâte vers l’armée présente des conjurés ; et, quand il se fut approché de ces guerriers, défendus par les Kâmbodjains, il les broya violemment de ses flèches, comme Indra anéantit les Dânavas. Il trancha rapidement d’un bhalla la main, armée de sa flèche, et le bras, et les têtes de ces traîtres, malgré leurs efforts rivaux. Les membres principaux et inférieurs coupés, ces Angas tombèrent sans armes sur la terre, 2,797-2,798-2,799-2,800.

Tels que des arbres, cassés par les vents d’alentour, avec leur branchage épais. Le frère mineur de Soudakshina inonda d’une pluie de flèches Arjouna, qui détruisait les masses des fantassins, des chars, des chevaux et des éléphants. Mais dans l’instant même où il décochait, celui-ci avec deux demi-lunes abattit ses bras, semblables à des massues, et, d’un trait en rasoir, il enleva sa têteau visage pareil à une pléoménie. Couvert d’un déluge de sang, l’ennemi tomba de son char, 2,801-2,802-2,803.

Comme la cîme d’une montagne d’arsenic rouge, déchirée par la foudre. On vit, étendu mort, le Kâmbodjain, frère mineur de Soudakshina, 2,804.


Grand, les yeux en forme de pétales du lotus, la vue extrêmement agréable, tel qu’une colonne d’or et semblable à une montagne d’or brisée. 2,805.

Ce combat fut de nouveau épouvantable, infiniment merveilleux ; et diverses étaient les conditions des guerriers, qui combattaient. 2,806.

Tout devint alors de couleur rouge, maître de la terre, par les chevaux Çakas, Yavanas et Kâmbodjains, oints de sang, immolés d’une seule flèche, 2,807.

Par des chars, dont les cochers et les chevaux avaient péri, par des coursiers, dont les cavaliers avaient mordu la poussière, par des proboscidiens veufs des guerriers, qui les montaient, par des éléphants à la haute taille expirés. 2,808.

Ils firent les uns et les autres, grand roi, un effrayant carnage des gens. Tandis que l’Ambidextre exterminait les ailes et le bout des ailes, 2,809.

Le Dronide s’avança d’un pied hâté vers Arjouna, le plus grand des victorieux. Agitant un arc immense, ornementé d’or, 2,810.

S’armant de flèches terribles, comme le soleil se revêt de ses rayons, le vigoureux brillait, avec ses yeux rouges et sa bouche tournée par la colère et la fureur. 2,811.

De même que la Mort irritée, portant son bâton, qui obéit à sa volonté au temps du trépas, il lança en masses les pluies violentes de ses flèches ; 2,812.

Et l’armée Pândouide s’enfuit, grand roi, devant ces traits décochés. À l’aspect du Dâçârhain, qui se tenait sur le banc du char, souverain des hommes, 2,813.

Il envoya de nouveau, vénérable, ses violentes pluies de traits. Ces deux héros, placés sur le char, Krishna et Dhanandjaya, étaient couverts par la chûte de ces flèches, grand roi, lancées de tous les côtés par le Dronide. L’auguste Açwatthâman, avec cent dards acérés,

Rendit sans mouvement dans la bataille ces deux héroïques, Mâdhava et le Pândouide. L’univers des êtres immobiles et mobiles fut rempli des cris de : « Hélas ! hélas ! » 2,814-2,815-2,816.

Dès qu’ils virent ces deux gardiens des choses stables et instables ensevelis sous les flèches, les compagnies des Siddhas et des Tchâranas se rassemblèrent de tous les côtés. 2,817.

Ils formaient cette pensée : « Ainsi puisse être le salut sur les mondes ! » Jamais, sire, je ne vis avant ce jour une valeur égale 2,818.

À ce combat du Dronide sur le point d’ensevelir ces deux Krishnas. J’entendis nombre de fois, sire, tel que le rugissement d’un lion, le son de l’arc d’Açwatthâman, qui faisait trembler les ennemis dans le combat. Sa corde, tandis qu’il se promenait dans la bataille et qu’il envoyait ses traits à droite et à gauche, 2,819-2,820.

Était comme l’éclair, qui luit au milieu du ciel. Lorsque le Pândouide à la main prompte, expéditif en ses actions, eut vu le fils de Drona tombé dans le plus profond évanouissement, ce guerriër à la haute renommée pensa que la valeur du brahme avait elle-même succombé. Son visage, sire, son corps étaient d’une splendeur impossible à soutenir. Tandis que ce grand combat se déployait ainsi entre le Dronide et le fils de Pândou, 2,823.

Que le vigoureux enfant de Drona s’accroissait, Indra des rois, et que le fils de Kountî s’affaissait, la colère envahit Krishna. 2,821-2,822-2,824.

Soupirant de colère, brûlant de ses yeux, pour ainsi dire, il jetait mainte et mainte fois ses regards, dans le combat, sur le Dronide et Phâlgouna. 2,825.

Irrité, Krishna dit alors avec bienveillance au fils de Prithâ : « Je vois dans la guerre, Prithide, cette chose, qui m’étonne beaucoup de ta part. 2,826.

» C’est que le fils de Drona l’emporte sur toi, Rharatide. Est-ce que ton énergie ou la force de tes deux bras n’est plus ce qu’elle était auparavant ? 2,827.

» Ta main tient-elle encore le Gândîva dans ton char ? Tes bras n’auraient-ils point perdu la vigueur, Arjouna ? Ou la vieillesse n’aurait-elle pas engourdi ton poing ?

» Je vois Açwatthâman s’élever dans le combat, et son courage me donne à penser, éminent Bharatide, qu’il est le fils de Drona. 2,828-2,829.

» Ne fais pas de négligence, Prithide, et veille bien sur ce moment ! » À ces mots de Krishna, il prit quatorze bhallas, 2,830.

Et se hâtant dans cet instant, où il fallut se hâter, il trancha l’arc du Dronide, son drapeau, son ombrelle, ses banderolles, sa lance de fer, sa massue et son char.

Il atteignit son ennemi bien profondément de ses vatsadantas, à l’endroit de la clavicule ; et celui-ci, tombant dans le plus grand évanouissement, s’appuya sur la hampe de son drapeau. 2,831-2,832.

Sans connaissance et grièvement accablé par son rival, il fut emmené hors du combat[80] par son cocher, qui le sauva de Dhanandjaya. 2,833.

Dans cet instant même, Vidjaya, le fléau des ennemis, mutila ton armée par centaines et par milliers, Bharatide, sous les yeux de ton vigoureux fils. C’est ainsi que se déploya ce carnage des tiens avec leurs adversaires, 2,884-2,885.

Épouvantable, inhumain, destructeur, sire, grâce & ta mauvaise politique. Dans un instant, Vasoushéna dissipa les Pântchâlains au milieu du combat ; et Vrikaudara, fils de Kountî, les conjurés et les Kourouides. Tandis que s’agitait cette bataille horrible et causant la perte des plus vaillans héros, 2,880-2,837.

Des débris de cadavres incalculables se dressaient de tous les côtés. Youdhishthira, cachant au milieu du combat la douleur, qu’il ressentait des blessures, se tenait écarté, ô le plus grand des Bharatides, à la distance d’un kroça ou d’une lieue. 2,838-2,839.

Douryodhana, s’étant approché de Karna, tint ce langage au souverain de Madra, ainsi qu’aux autres monarques : h Heureux les kshatryas, qui obtiennent une telle bataille, Karna ; ils trouvent librement ouverte devant eux la porte du Swarga ! 2,840-2,841.

» De tels héroïques kshatryas célèbrent le sacrifice, Râdhéya, des héros, qui soutiennent le combat ; ils en acquièrent le prix. 2,842.

» Ou, victorieux des Pândouides dans la bataille, vous obtiendrez la terre féconde ; ou, succombant sous les ennemis dans le combat, vous aurez le monde des héros pour récompense ! » 2,843.

À peine eurent-ils entendu les paroles de Douryodhana, les excellents kshatryas poussèrent des cris d’allégresse, et les instruments de musique résonnèrent de tous les côtés.

Après que ce discours eut excité la joie dans l’armée de Douryodhana, le Dronide, soulevant les transports de tes guerriers, leur tint cejangage : 2,844-2,845.

« En présence de tous les combattants et sous les regards de vos excellences, mon père a déposé ses armes et fut couché mort par Dhrishtadyoumna. 2,846.

» Moi donc, saisi de colère et plein d’amour filial, princes, je vous promets la vérité : écoutez ces paroles de ma bouche. 2,847.

» Je ne déposerai pas mon armure, que je n’aie tué Dhrishtadyoumna. Que je n’obtienne point le Swarga, si je dis une chose, qui n’est pas vraie ! 2,848.

» J’immolerai de mes flèches Arjouna, et Bhîmaséna, et tout guerrier, qui sera le défenseur de Dhrishtadyoumna dans la bataille. » 2,849.

Quand il eut parlé ainsi, toute l’armée Bharatienne réunie courut sur les Kountîdes, et les fils de Pândou fondirent sur les enfants de Kourou. 2,850.

Le mélange des généraux de troupes de chars, sire, avait des formes plus qu’épouvantables. Ce carnage des hommes, semblable à la mort d’un youga à la fin des temps, se déroulait en face des Kourouides et des Srindjayas.

Tandis que ce combat s’agitait dans la guerre, tous les Bhoûtas s’étaient réunis avec les Dieux et les Apsaras, désirant voir les plus illustres des hommes. 2,851-2,852.

Ces demi-Déesses transportées inondaient les plus éminents des mortels et les plus grands héros, élevés par leurs exploits dans les combats, de bouquets divins, de parfums célestes et des différentes pierreries du ciel. 2,853.

Ayant honoré tous ces chefs des combattants, Maroute les arrosait de senteurs exquises, et ces guerriers, caressés par le vent, se détruisant les uns les autres, tombaient sur la terre. 2,854.

Jonchée de guirlandes célestes et de flèches variées à l’empennure d’or, elle brillait, couverte des combattants les plus distingués, comme le ciel émaillé de la foule des constellations. 2,855.

Cette bataille était confuse, diversifiée par le fracas des roues, le retentissement des cordes de l’arc, les accords des instruments de musique, et les cris de : « Bien ! Courage ! » envoyés dans l’atmosphère. 2,856.

Ainsi, elle était grande, cette guerre des monarques de la terre dans la colère d’Arjouna, et de Karna, et du Pândouide Bhîmaséna. 2,857.

Dès qu’il eut abandonné le fils de Drona et vaincu les autres fameux héros, sire, Arjouna tint ce langage au Vasoudévide : 2,858.

« Vois, Krishna aux longs bras, l’armée Pândouide en fuite ! Vois le grand héros Karna, qui s’avance dans la guerre, tel que la mort. 2,859.

» Je ne vois pas, Dâçârhain, Youdhishthira-Dharmarâdja : on ne voit pas même le drapeau de ce héros, qui est le plus excellent dans les batailles. 2,860.

» Il nous reste encore cette troisième partie du jour, Djanârddana, et qui que ce soit parmi les Dhritarâsbtrides n’ose me combattre. 2,861.

» Fais donc une chose, qui m’est agréable : marche au lieu où est Youdhishthira. Quand je l’aurai vu en sûreté, lui et ses suivants, 2,862.

» Je reviendrai, fils de Vrishni, combattre avec les ennemis. À ces mots de Bîbhatsou, Hari de s’avancer lestement sur le char. 2,863.

Le monarque Youdhishthira et les grands héros Srindjayas, après avoir fait revenir la mort sur ses pas, ne combattaient pas "alors" avec les tiens. 2,864.

Tandis que le carnage des hommes sévissait, Govinda, jetant ses regards sur le champ de bataille, dit à l’Ambidextre : 2,865.

« Voici, Bharatide, une extermination de kshatryas grande, d’une vaste épouvante et dont l’auteur est Douryodhana, qui sévit sur la terre. 2,866.

» Vois, Bharatide, ces arcs au dos en or, que les archers morts ont rejetés "de leurs mains", et ces parures d’une grande richesse. 2,867.

» Vois ces flèches aux nœuds inclinés, aux empennures faites d’or, et ces nârâtchas, imbus d’huile de sésame, semblables à des serpents déchaînés, 2,868.

» Et les cimeterres, ornementés d’or, à la poignée d’ivoire, et les boucliers rejetés, Bharatide, à l’ombilic d’or,

» Et les traits barbelés, faits d’or, à la poignée d’ivoire, et les lances de fer décorées d’or, et les grandes massues, où sont attachés des rubans tissus d’or, 2,869-2,870.

» Et ces glaives travaillés en or, et ces pattiças ornés d’or, et ces haches aux manches variés d’or, qui ont sauté "des mains". 2,871.

» Vois ces javelots de fer, munis d’un harpon, étendus sur la terre, et ces lourds pilons, et ces çataghnîs variés, et ces grands assommoirs, 2,872.

» Et ces disques de guerre, et ces leviers de fer, rejetés dans ce grand combat, et ces flèches de mainte espèce, dont s’étaient armés des guerriers, qui désiraient avidement la victoire. 2,873.

» On voit, comme s’ils étaient encore vivants, d’agiles combattants, l’âme exhalée. Vois par milliers ces guerriers avec des chars, des chevaux et des éléphants broyés, la tête fendue par les pilons et les membres écrasés par les massues. Les champs du combat sont couverts des pattiças, des sabres, des lances, des flèches[81], des massues de fer épouvantables, des javelots harponnés, travaillés en fer, des haches, des corps nombreux, mutilés, inondés par des flots de sang, des chevaux, des éléphants et des guerriers, la vie exhalée dans l’action de tuer leurs ennemis. La terre est jonchée, Bharatide, de bras oints de sandal, d’armilles parées d’or, de bracelets et de maniques, de mains ornées, qu’on a fait sauter avec les défenses de leurs doigts, de cuisses pareilles à des trompes d’éléphants, coupées sur des guerriers agiles. Le sol resplendit de têtes des guerriers aux yeux de taureaux, tombées avec les pendeloques, les aigrettes et les plus riches joyaux encore attachés. La terre brille, comme de feux aux flammes éteintes, ô le plus vertueux des Bharatides, de troncs mutilés, oints de sang, et de membres aux cous tranchés. Vois les chars éclatants avec leurs clochettes d’or, rompus en mille fragments, et les chevaux immolés, victimes des flèches, les entrailles répandues ; et ces caisses de chars, et ces carquois, et ces drapeaux, accompagnés de banderolles diverses ; et ces conques grandes, blanches, éparses, des maîtres de chars ; et ces éléphants, couchés morts, la langue pendante, semblables à des montagnes ; (De la stance 2,874 à la stance 2,884.)

» Et ces étendards admirables, et ces coursiers avec ces proboscidiens immolés, et ces caparaçons des éléphants, et ces couvertures des coursiers ; 2,884.

» Et ces crocs variés d’argent, merveilleux, arrachés aux chars, et ces clochettes rompues en cent morceaux dans la chûte des éléphants ; 2,885.

» Et ces crocs étincelants au manche de lapis-lazuli tombés sur la terre ; et ces fouets, faits d’or, que les cavaliers ont liés au bout de leurs bras ; 2,886.

» Et çà et là, épars sur la plaine, ces couvertures de chevaux et ces caparaçons en poil de rankou, décorés d’or, émaillés de gemmes diverses ; 2,887.

» Et ces aigrettes en pierreries des généraux, et ces bouquets d’or admirables, et ces ombrelles rejetées, ces chasse-mouches et ces éventails ! 2,888.

» Vois la terre, qui n’est qu’un bourbier de sang, couverte de visages ornés des héros, semblables à des constellations de la lune, avec des pendeloques magnifiques et des barbes artistement faites. Vois ces autres, qui vivent encore, soupirants de tous les côtés, 2,889-2,890.

» Accompagnés de leurs parents en grand nombre, souverain des hommes, qui ont déposé leurs flèches et qui, assis autour d’eux, versent maintes et maintes larmes.

» Voici des guerriers agiles, qui, ayant couvert d’autres héros morts, qu’ils abandonnent, retournent avec colère au combat, ambitieux de la victoire. 2,891-2,892.

» D’autres hommes, à qui de braves parents tombés ont demandé de l’eau avec prière, courent à la ronde çà et là.

» Plusieurs guerriers quelconques, Arjouna, qui allaient chercher de l’eau, tombent sans vie : d’autres héros de retour, voyant leurs parents expirés, 2,893-2,894.

» Abandonnent ! l’eau et courent, criant les uns après les autres. Vois ceux-ci mourir, après qu’ils ont bu, auguste roi, et ceux-là expirer en buvant. 2,805.

» Plusieurs, amis et parents, délaissent leurs parents et leurs amis. On en voit abandonnés çà et là dans cette grande bataille. 2,896.

» On voit encore de tous côtés les ennemis, qui se mordent la coupe des lèvres et qui regardent, tordant la bouche, avec des sourcils contractés. » 2,897.

Parlant ainsi, Krishna s’avançait alors vers le lieu où était Youdhishthira ; et, désirant voir dans ce grand combat le monarque des hommes, Arjouna 2,898.

Excitait Govinda à chaque instant : « Marche ! lui disait-il ; marche ! » Mâghava, faisant voir au Prithide la terre du combat, 2,899.

Se hâta de lui dire ces paroles avec lenteur : « Vois, Pândouide, le roi et les princes, qui s’approchent ! 2,900.

» Vois Karna sur ce grand théâtre, comme un feu flamboyant ! Vois Bhîma au grand arc, qui est revenu au combat ! 2,901.

» Sous la conduite de Dhrishtadyoumna, ils sont revenus à la tête des Pântchâlains, des Srindjayas et des Pândouides. 2,902.

» Cette grande armée des ennemis est rompue par ces Prithides, revenus sur leurs pas. Voici Karna, qui ordonne, Arjouna, de renfermer dans les rangs" ces Kourouides, qui fuient. 2,903.

» D’une valeur égale à celle de Çatakratou et semblable à la mort en vitesse, voici le Dronide, qui s’avance, fils de Kourou ; c’est le plus excellent de ceux, qui portent la flèche. 2,904.

» Le grand héros Dhrishtadyoumna vient à la rencontre du guerrier, qui accourt au combat. Vois les Srindjayas immolés dans la bataille ! » 2,905.

L’inaffrontable Vasoudévide dit à Kirîti toutes ces choses : ensuite ce grand combat, sire, devint grandement épouvantable. 2,906.

Les bruits des cris de guerre, sire, éclatèrent dans la rencontre de ces deux armées, qui forcèrent la mort à revenir sur ses pas. 2,907.

Alors eut lieu sur la terre, monarque de la terre, ce carnage des tiens et des ennemis, grâce à ta mauvaise politique. 2,908.

À la suite de ces choses, les Kourouides et les Srindjayas s’avancèrent sans crainte, les Prithides ayant à leur tête Youdhishthira et nous commandés par le fils du cocher.

En ce moment s’éleva le combat terrible, épouvantable de Karna et des Pândouides pour l’accroissement du royaume d’Yama. 2,909-2,910.

Tandis que cette bataille confuse s’agitait sur un bourbier de sang, et qu’il restait à peine, Bharatide, quelques héros conjurés, 2,911.

Dhrishtadyoumna, accompagné de tous les rois, fondit, puissant monarque, sur Karna lui-même ; et seul, l’Adhirathide soutint, dans la bataille, comme une montagne soutient la masse des eaux, les efforts de tous ces grands héros Pândouides, qui accouraient au combat transportés, pleins du désir de la victoire. 2,912-2,913.

Mais ces illustres braves se rompirent contre l’obstacle de Karna ; tel un tourbillon de vents, arrivé de tous les points de l’horizon, se divise à la rencontre d’une montagne. 2,914.

Le combat de ces deux guerriers, Mahârâdja, était épouvantable. Dhrishtadyoumna de blesser Karna daps la bataille avec une flèche aux nœuds inclinés et de lui crier : « Halte-là ! arrête ! » Le grand héros, agitant son arc Vindjaya, le meilleur des arcs, 2,915-2,916.

Trancha l’arc du Prishatide, ses traits, semblables à des serpents, et le blessa lui-même de neuf dards. 2,917.

Quand ils eurent brisé l’arc, travaillé en or, de ce magnanime, ces dards, oints de sang, prince sans péché, brillèrent comme des coccinelles. 2,918.

Ayant rejeté son arc coupé et pris une arme nouvelle, avec des flèches, pareilles à des serpents, le grand héros Dhrishtadyoumna 2,919.

Perça dans le combat l’Adhirathide de soixante-dix traits aux nœuds inclinés, et Karna couvrit le fils de Prishat, le fléau des ennemis, de ses dards pareils à des reptiles. Le guerrier au grand arc, ennemi de Drona, le blessa de flèches acérées. 2,920-2,921.

Karna irrité lui envoya un trait aux ornements d’or, Mar hârâdja, comme un autre bâton de la Mort. 2,922.

Soudain Çaînéya en homme à la main prompte coupa, souverain des mortels, ce dard bien épouvantable, qui accourait avec rapidité. 2,923.

Dès qu’il vit son trait paralysé par les dards, Karna de tous les côtés arrêta Sâtyaki avec une pluie de flèches. Il le blessa dans le combat de septnârâtchas, et, Çatnéya le blessa en retour de ses traits aux ornements d’or. 2,924-2,925.

Ensuite, cette bataille fut terrible, variée, admirable à voir de tous les côtés, Mahârâdja, causant l’effroi de l’oreille et des yeux. 2,926.

Alors naquit l’épouvante de tous les êtres ; et, quand il vit dans le combat, sire, les prouesses de l’Adhirathide et de Çalnéya, 2,927.

Le Dronide dans cet intervalle s’approcha de l’immense armée ; et, vainqueur des cités ennemies, il dit avec colère au Prishatide, le dompteur des ennemis, le prompt destructeur de l’énergie des ennemis : « Halte-là ! arrête, homicide d’un brahme ! Tu n’échapperas point vivant de mes mains. » 2,928-2,929.

À ces mots, le grand héros à l’action expéditive, s’efforçant de tout son pouvoir, ensevelit bien profondément le vaillant ennemi, fils de Prishat, qui s’efforçait de toutes ses facultés, sous des flèches acérées, très-étincelantes et d’une forme épouvantable. L’immolateur des héros ennemis, Dhrishtadyoumna vit dans ce combat le Dronide avec les mêmes yeux que Drona jadis, auguste roi, vit dans la bataille le Prishatide lui-même. Son âme devint non infiniment joyeuse, et il pensa à sa propre mort. 2,930-2,931-2,932.

Sachant qu’une flèche ne devait pas mettre fin à sa vie dans le combat, il s’avança légèrement vers le Dronide, comme la Mort s’approche du Temps à l’heure de sa perte. Quand Açwatthâman vit, Indra des rois, Dhrishtadyoumna le pied ferme devant lui, ce héros, soupirant de colère, fondit sur le Prishatide. 2,933 -2,934.

Lorsqu’ils eurent jeté les yeux l’un sur l’autre, ils s’élevèrent à la plus haute colère ; et l’auguste fils de Drona tint ce langage en se hâtant, grand roi, à Dhrishtadyoumna, placé tout près[82] de lui : « Maintenant que me voici arrivé au front des Pântchâlains, je vais t’envoyer à la mort.

» Tu vas obtenir la récompense de l’œuvre criminelle, que tu fis en tuant Naguère Drona ; car ce ne fut point une chose, dont tu aies à te louer. 2,935-2,936-2,937.

» Tu ne sortiras point du combat, insensé, si tu y restes, sans être défendu par le fils de Prithâ : je te dis là une vérité. » 2,938.

À ces mots, l’auguste Dhrishtadyoumna lui répondit : « Mon épée seule te donnera la réponse, qu’elle fit à ton père, quand il déployait ses efforts dans la bataille. Si naguère j’ai tué Drona, infidèle aux devoirs du brahme, 2,939-2,940.

» Comment ne te ferais-je pas mordre maintenant la poussière du combat sous ma valeur ? » À ces mots, grand roi, le généralissime irrité des armées, 2,941.

Le Prishatide blessa le Dronide d’une flèche acérée, supérieure ; et celui-ci, bouillant de colère, sire, couvrit dans ce combat les plages de Dhrishtadyoumna avec des flèches aux nœuds inclinés. On ne voyait nulle part, ni l’atmosphère, ni les plages, ni les combattants, couverts, grand roi, de ses flèches par milliers. Et le Prishatide ensevelit sous ses traits, sire, aux yeux du fils de cocher ; le Dronide, qui brillait de la beauté des batailles. Râdhéya admirable à voir, arrêta seul de tous côtés les Pântchâlains, les Pândouides, les Draâupadéyains et le grand héros Youdhâmanyou-Sâtyaki. 2,942-2,943-2,944-2,945-2,946.

Dhrishtadyoumna dans la bataille coupa l’arc du Dronide ; et celui-ci, rejetant son arme, saisit un nouvel arc.

Leste, dans un clin-d’œil, il dissipa avec ses traits, au milieu de ce combat[83], les dards horribles, pareils à des serpents, l’arc du Prishatide, sa lance de fer, Indra des rois, sa massue, son drapeau, ses chevaux, son cocher et son char lui-même. Le guerrier à l’arc coupé, sans cocher, sans chevaux, sans char, 2,947-2,948-2,949.

Prit un large cimeterre et un bouclier[84] resplendissant. Mais le grand héros Açwatthâman, ce brave à la main prompte, aux armes solides, le trancha rapidement dans le combat de ses bhallas, avant que l’ennemi ne fût même descendu du char : ce fut une chose quasi merveilleuse. 2,950-2,951.

En dépit de ses efforts, ce grand héros ne put blesser de ses flèches, ni mettre en morceaux avec ses astras Dhrishtadyoumna sans char, avec des chevaux tués, avec un arc coupé. Lorsque le Dronide eut reconnu qu’il ne pouvait, avec des traits, arriver à sa mort, 2,952-2,953.

Le brave de renoncer à l’arc et de suivre à la hâte le Prishatide. La vitesse de ce magnanime, sire, qui nageait dans l’air, ressemblait à celle de Garouda, qui, excité par le désir d’une proie, abat son vol sur le plus grand des serpents. Dans cet intervalle même, Mâghavattint ce langage à Arjouna : 2,954-2,955.

« Vois, fils de Prithâ, ces vastes efforts, où se consume le Dronide pour la mort de Dhrishtadyoumna. Il le tuera, sans aucun doute. 2,956.

» Sauve-le, Prishatide, traineur aux longs bras des cadavres ennemis, engagé dans la bouche d’Açwatthâman, comme tombé dans la gueule de la mort. » 2,957.

Quand il eut parlé ainsi, l’auguste Vasoudévide poussa, grand roi, les chevaux vers le lieu, où se tenait le Dronide. Semblables à la lune, ces coursiers, aiguillonnés par Kéçava et dévorant, pour ainsi dire, l’atmosphère, arrivèrent auprès du char d’Açwatthâman. 2,958-2,959.

Dès qu’il vit ces deux guerriers à la grande énergie, Krishna et Dhanandjaya, venir à lui, ce héros aux vastes forces redoubla ses efforts pour la mort de Dhrishtadyoumna. 2,960.

À l’aspect du Prishatide entraîné, souverain des hommes, le vigoureux fils de Prithâ décocha ses traits sur le Dronide. 2,961.

Envoyés par l’arc Gândîva, ces dards, faits d’or, fondant sur le guerrier, entrèrent dans la terre, comme des serpents dans une fourmilière. 2,962.

Blessés par ces masses de flèches, l’auguste fils de Drona, sire, abandonna le combat avec le Pântchâlain à la force sans mesure. 2,963.

En but aux traits de Dhanandjaya, ce brave de remonter sur son char ; il s’arma du plus excellent des arcs et perça de ses dards le fils de Prithâ. 2,964.

Dans cet instant, monarque des hommes, le héros Sahadéva emmena sur son char, à travers le champ de bataille, le Prishatide, fléau des ennemis. 2,965.

Arjouna lui-même perça de ses flèches le fils de Drona ; et celui-ci, plein de colère, puissant roi, de lui décocher ses traits dans la poitrine, entre les deux bras. 2,966.

Le Prithide irrité lança dans la bataille au fils de Drona un nârâtcha, semblable au trépas et tel qu’un second bâton de la Mort. 2,967.

Ce trait à la grande splendeur tomba sur la bouche de Dhrishtadyoumna ; troublé dans la guerre par la fougue du dard, il s’affaissa sur le banc de son char, et se plongea dans la plus profonde agitation de l’esprit. En ce moment, Karna de lancer çà et là les flèches de son arc la Victoire.

Il jetait dans le combat, à chaque instant, les regards de ses yeux irrités sur Arjouna, et désirait engager dans cette grande bataille un duel en chars avec le Prithide. 2,970.

Aussitôt que son cocher vit le fils de Drona jeté dans le trouble, il se hâta de l’emmener hors du champ de bataille dans son char à travers le combat. 2,968-2,969-2,971.

Les Pântchâlains victorieux, grand roi, poussèrent alors des cris, à la vue du Prishatide délivré et du fils de Drona plongé dans l’accablement. 2,972.

Ils firent parler à milliers les célestes instruments de musique ; ils se déchaînèrent en cris de guerre, à la vue de cette chose admirable dans la bataille. 2,973.

Quand il eut exécuté cette prouesse, le Prithide Dhanandjaya dit au Vasoudévide : « Marche contre les conjurés, Krishna ! c’est ma plus grande affaire. » 2,974.

À ce langage du Pândouide, le Dâçârhain s’avança dans son char, couvert de magnifiques étendards et rapide comme le vent ou la pensée. 2,975.

Krishna dans cet instant adressa ces paroles au Prithide, en lui montrant Youdhishthira-Dharmarâdja, le fils de Kountî : 2,976.

« Ce rejeton de Pândou et de Prithâ, ton frère, est poursuivi d’un pied léger par les grands héros Dhritarâshtrides aux vastes forces, qui désirent sa mort. 2,977.

» Irrités, ivres de la furie des combats, ces vigoureux Pântchâlains suivent le magnanime Youdhishthira pour le sauver. 2,978.

» Voilà, revêtu de sa cuirasse, à la tête d’une armée de chars, Prithide, le roi Douryodhana, qui fond sur ce monarque de l’univers entier. 2,979[85] 2,980.

» Vigoureux, avec le désir de tuer, il est accompagné de ses frères, habiles dans toutes les armes et qui ont un toucher égal à celui des serpents. 2,981.

» Ces Dhritarâshtrides, éléphants, chevaux, chars et fantassins, se précipitent sur Youdhishthira, avec l’envie de l’immoler, comme des pauvres sur une riche pierrerie.

» Vois ! Ils sont retenus, oppressés de nouveau mainte fois, par le Sâtwattide et Bhîmaséna, comme les Daîtyas le furent par Agni et Çakra, quand ils voulaient enlever l’ambroisie. 2,982-2,983.

» Ces fameux héros, ils reviennent à la hâte en grand nombre sur le fils de Pândou, de même que des masses d’eau s’écoulent vers la mer dans la saison des pluies.

» Ces héros vigoureux jettent leurs cris de guerre, emplissent de vent leurs conques et brandissent leurs arcs.

» Je pense qu’Youdhishthira, le fils de Kountî, est tombé dans la bouche de la mort, et qu’il est arrivé sous la puissance de Douryodhana, comme une oblation est au pouvoir du feu. 2,98&-2,985-2,986.

» Telle est la nature de l’armée du Dhritarâshtride, fils de Pândou, que Çakra lui-même, s’il était arrivé à la portée de ses flèches, n’en serait pas délivré. 2,987.

» Qui pourrait supporter, dans le combat, la fougue de l’héroïque Douryodhana, lançant d’une main prompte la multitude de ses flèches, celui-là soutiendrait la rapidité même de la mort irritée ! 2,988.

» L’impétuosité des traits du brave Douryodhana, du Dronide, du Çaradvatide et de Karna renverserait les montagnes elles-mêmes. 2,989.

» Râdhéya fit tourner le dos au monarque, fléau des ennemis, quoiqu’il en eût, qu’il fût consommé dans les armes, qu’il eût la main légère et qu’il fût habile dans les combats. 2,990.

» Karna est capable d’accabler dans un combat le plus excellent des Pândouides : il est accompagné des héros à la grande vigueur, fils de Dhritarâshtra. 2,991.

» Ces autres fameux héros exécutent l’affaire de ce Prithide à l’àme censurée, quand il combat. 2,992.

» Ce monarque, le plus excellent des Bharatides, est profondément versé dans le jeûne ; il est ferme dans la force brahmique, mais il ne l’est pas dans la force kshatryenne. 2,993.

» Karna, en croisant les armes avec le maître de la terre, fléau des ennemis, avec Youdhishthira, le fils de Pândou, l’a jeté dans un grand péril. 2,994.

» Youdhishthira est mort, à mon avis, fils de Prithâ ; c’est pour cela que Bhîmaséna irrité supporte ces véhéments cris de guerre, que poussent mainte et mainte fois les Dhritarâshtrides, qui remplissent de vent leurs grandes conques, dompteur des ennemis, pour saluer leur victoire dans la bataille sur Youdhishthira le Pândouide. Karna excite ces héros à la grande force : « Il est mort ! » te dis-je, taureau des Bharatides. 2,995-2,996-2,997.

» Ces fameux héros, Prithide, couvrent le monarque de magie, de sthoûnâkarnas[86], de pâçoupatas[86] et d’une multitude de flèches. 2,998.

» Le roi s’affaisse, Bharatide ; il est tombé dans l’agonie, et voilà pourquoi les Pântchâlains et les Pândouides s’attachait à ses pas. 2,099.

» Ces vigoureux guerriers, les meilleurs de tous ceux, qui portent les armes, s’empressent dans ce moment de la hâte, désirant l’arracher au Pâtâla, où il est déjà presque enseveli. 8,000.

» On ne voit plus, fils de Prithâ, le drapeau du roi, frappé des flèches de Karna, sous les regards des jumeaux, de Sâtyaki, de Çikhandi, 3,001.

» De Dhrishtadyoumna, de Bhîma ou de Çatânika, seigneur, de tous les Tchédiens et des Pântchâlains. 3,002.

» Voici Karna, Prithide, qui détruit sous ses flèches l’armée Pândouide[87], comme un éléphant, qui foule aux pieds un champ de lotus. 3,003.

» Ces maîtres de chars, qui fuient, rejeton de Pândou, sont les tiens ! Vois, vois, Prithide, comme ces grands héros hâtent leur course ! 3,004.

» Ces éléphants, qui courent aux dix points de l’espace, jetant des cris de détresse, sont en but aux traits de Karna.

» Cette multitude de chars se disperse de tous les côtés, Prithide, mise en déroute dans le combat par l’Adhirathide, le tralneur des cadavres ennemis. 3,005-3,006.

» Vois la ceinture d’éléphant, qui se promène çà et là dans la bataille ; c’est l’enseigne, que le fils du cocher arbore sur son char : c’est le plus excellent des étendards.

» Voici Râdhéya, qui fond sur le chariot de Bhîmaséna ; il disperse des centaines mêmes de flèches, exterminant ton armée. 3,007-3,008.

» Vois ces grands héros Pântchâlains, qui fuient, comme les Dattyas, que Çakra battit dans un grand combat.

» Ce Karna, après qu’il a vaincu dans la bataille les Srindjayas, les Pândouides et les Pântchâlains, promène ses regards et te cherche dans toutes les plages du ciel : c’est mon sentiment. 3,009-3,010.

» Vainqueur des ennemis et tirant le meilleur des arcs, il répand la plus vive lumière, de même que Çakra, environné par les choeurs des Dieux. 3,011.

» Voici les Ka&uraviens, qui, à l’aspect du courage de Karna, poussent des cris, semant la terreur de tous les côtés dans le combat au cœur des Srindjayas et des Pândouides. 3,012.

» Ayant effrayé de toute son âme les Pândouides dans ce grand conflit, Râdhéya dit à tous ses guerriers, ô toi, qui donnes l’honneur : 3,013.

« Courez, Kourouides ; la félicité descende sur vous ! Courez lestement, de manière que nul être vivant ne puisse arracher de vos mains les Srindjayas dans ce combat !

» Faites ainsi, et nous, favorisés de la fortune, suivons-les par-derrière. » Il dit, et, disséminant ses flèches, il marche sur leurs pas. 3,014-3,015.

» Vois Karna, qui brille sous cette ombrelle blanche, comme le mont Oudaya, qui resplendit sous les rayons de la lune. 3,016.

» Fortuné par une ombrelle à cent bords, Bharatide, portée sur sa tête dans la bataille et semblable à une pleine lune, 3,017.

» Voici Karna, qui te regarde, souverain des hommes, toi, qui jettes des regards obliques[88] ; déployant la plus grande vitesse, il ira dans la guerre à l’immortalité.

» Vois-le agiter un arc immense, guerrier aux longs bras, et lancer dans ce vaste combat des flèches aux formes de serpent. 3,018-3,019.

» À peine a-t-il vu ton étendard du singe, Râdhéya, le fléau des ennemis, revenant sur ses pas, s’avance vers toi pour ta mort, dans son combat avec ta personne, fils de Prithâ, comme une sauterelle se jette dans la gueule d’un flambeau. Quand il a vu Karna seul et sans aide, le Dhritarâshtride bien équipé, qui désire le sauver, revient au combat avec une armée de chars. Afflige avec étude cet homme à l’âme inique avec tous ces gens, 3,020-3,021-3,022.

» Toi, qui désires la renommée, un royaume et le bonheur le plus grand. Sur le point de combattre, montrez-vous pleins de joie, célèbres, jeunes, comme un Dânava et un Dieu, dans la guerre des Asouras et des Immortels. À l’aspect, et de toi, bouillant de colère, et de Karna, éminent Bharatide, 3,023- 3,024.

» Douryodhana, malgré sa colère, ne fera rien au-delà. Ayant considéré que tu es dans une condition d’innocence et que Râdhéya est dans un état de péché à l’égard d’Youdhishthira à l’âme juste, exécute immédiatement cette affaire, qui est opportune. 3,025-3,026.

» Ayant pris une noble résolution pour la guerre, marche contre ce généralissime des chars. Voilà cinq principales centaines de héros vigoureux, à la splendeur brûlante, ô le plus excellent des héros, qui s’avancent dans le combat. Ils sont accompagnés, fils de Kountî, par cinq milliers d’éléphants, par deux fois autant de coursiers et par des myriades de fantassins. Cette armée de braves, qui se protègent les uns les autres, s’approche de toi. 3,027-3,028-3,029.

» Te montrant toi-même par toi-même, et déployant la plus grande vitesse, éminent Bharatide, marche contre le fils du cocher au grand arc. 3,030.

» Voici Karna, qui, bouillant de colère, fond sur les Pântchâlains ! Je vois son étendard, qui déjà flotte sur le char de Dhrishtadyoumna. 3,031.

» Il atteindra les Pântchâlains : c’est mon opinion, fléau des ennemis. Mais je t’annonce une nouvelle, qui t’est agréable, éminent Bharatide : 3,032.

» Voici Youdhishthira, le fils de Dharma, le roi heureux et fortuné ; voici Bhîma aux longs bras, qui, environné de Çalnéya et de l’armée Srindjaya, est revenu à la tête de l’armée. Voici les Kaâuraviens, qui expirent, tués dans le combat sous des flèches acérées. 3,033-3,034.

» Certes, fils de Kountî ! l’armée du Dhritarâshtride, tournant le dos dans la bataille, fuit devant Bhîmaséna et les magnanimes Pântchâlains. 3,035.

» Elle court avec vitesse, atteinte par les flèches de Bhîma. La terre est arrosée de sang, comme de fruits écrasés. 3,036.

» L’armée Bharatienne, ô le plus grand des Bharatides, présente un aspect déplorable. Vois Bhîmaséna revenu, le souverain des combats, irrité de même qu’un serpent et dispersant l’armée en déroute. Ces ombrelles, Arjouna, et ces étendards, ornés du soleil, de la lune et des étoiles blanches, noires, rouges et jaunes, déploient leurs vastes plis. Voilà des drapeaux abattus d’argent, d’or et de couleurs distintes ; voilà des éléphants et des chevaux disséminés en fuite. Des maîtres de chars, la vie exhalée, sont tombés de leurs chars, 3,037-3,038-3,039-3,040.

» Frappés des flèches de plusieurs sortes des Pântchâlains, qui ne fuient pas. Les Pântchâlains et les impétueux Dhritarâshtrides mettent en déroute, privés d’hommes, les chevaux, Dhanandjaya, les éléphants et les chars. Difficiles à vaincre et renonçant à la vie, dompteur des ennemis, ces tigres des hommes broyent l’armée des adversaires, réfugiés sous la force de Bhîmaséna. Voici des Pântchâlains, qui poussent des cris et remplissent de vent leurs conques, filles des eaux. 3,041-4,042-3,043.

» Ils courent dans le combat, broyant les ennemis de leurs flèches. Admire la magnanimité de ces héros. Les Pântchâlains irrités immolent sous leur valeur les Dhritarâshtrides, comme des lions égorgent des éléphants. Des guerriers sans armes, ayant coupé la flèche des ennemis en armes, 3,044-3,045.

» Tranchent avec elle-même les astras jamais vains de ces héros, et jettent des cris. Tous ces guerriers illustres, montés sur des chevaux, des éléphants et des chars, abattent les têtes et les bras de ces guerriers. Cette grande armée Dhritarâshtride s’affaisse de tous les côtés 3,046-3,047.

» Sous les Pântchâlains, telle que le Gange sous des cygnes, dont le rapide essor vient du lac Mânasa. Kripa, Karna et les autres héros déploient la plus grande valeur pour arrêter les Pântchâlains : tels sont des taureaux, opposés à des taureaux. Voici des braves sous la conduite de Dhrishtadyoumna, qui tuent par milliers les grands héros Dhritarâshtrides, engloutis sous un astra épouvantable. Dans cette victoire des ennemis sur les Pântchâlains, l’intrépide fils de Maroute, jetant des cris, s’est élancé sur la multitude des ennemis et décoche ses traits. La grande armée Dhritarâshtride a péri pour la plus grande partie. 3,048-3,049-3,050-3,051.

» Voici des héros bien effrayés, qu’oppresse la crainte de Bhîmaséna. Vois ces éléphants, qui tombent, fendus par les nârâtchas, que lance ce héros, 3,052.

» Comme des cimes de montagnes, frappées de la foudre du Dieu, qui préside au tonnerre. Voici de grands éléphants, qui fuient, écrasant leurs armées, blessés par les traits de Bhîmaséna, aux nœuds inclinés. Reconnais en ce cri de guerre, difficile à soutenir, celui de Bhîma. 3,053-3,054.

» Ce héros pousse des cris dans la bataille, Arjouna ; c’est qu’il est victorieux. Voici le Nishâdide, qui s’approche, armé de leviers en fer, à la tête des principaux de ses éléphants, Pândouide, désirant tuer, irrité comme la mort, son bâton à la main. Mais Bhtma lui tranche d’une voie tonnante ses deux bras, portant des leviers de fer. 3,055-3,050.

» Quand ce combattant, blessé lui-même de dix nârâchas violents, semblables au soleil ou au feu, l’a immolé, il marche de nouveau contre les autres éléphants.

» Voici Vrikaudara, qui massacre avec des multitudes de leviers et de lances en fer ces sept et sept éléphants, pareils à de sombres nuages et montés par des guerriers à la haute taille. Les bannières et les drapeaux sont tranchés par des flèches acérées sous la main du Prithide, ton frère aîné, qui les frappe de ses coups. 3,057-3,068-3,059.

» Un seul éléphant est tué par dix et dix nârâtchas. Maintenant que Bhîma irrité, égal à Pourandara, est revenu au combat, éminent Bharatide, on n’entend plus ces cris éclatants des Dhritarâshtrides. Vrikaudara en colère, ce lion des hommes, vient d’arrêter à la fois trois armées complètes et réunies du fils de Dhritarâshtra. 5,060-3,061-8,062.

» Dès qu’il a vu Bhîmaséna exécuter cette prouesse bien difficile, Arjouna dissipe le reste des ennemis avec ses flèches acérées. 3,063.

» Les troupes aux grandes forces des conjurés sont taillées en pièces dans le combat, seigneur ; et, brisées, pleines d’effroi, elles s’enfuient aux dix points de l’espace ; 3,064.

» Et alors quelles ont reçu l’hospitalité de Çakra, le chagrin s’éloigne d’elles. Le Prithide immola, tigre des hommes, avec ses flèches aux nœuds inclinés, l’armée du Dhritarâshtride, dont la force était composée de quatre divisions. » 3,065-3,066.

« Lorsque le Pândouide Youdhishthira et Bhîmaséna eurent fait leur retour, que l’armée Pândouide et Srindjaya eut été détruite avec la mienne, demanda le roi Dhritarâshtra ; 3,067.

» Et que la multitude des armées eut été mainte et mainte fois mise en déroute, que firent les Kourouides sans joie ? Raconte-moi cela, Sandjaya ! » 3,068.

Aussitôt que l’auguste fils du cocher, répondit Sandjaya, eut aperçu Bhîmaséna aux longs bras, il fondit sur lui, sire, les yeux rouges de colère. 3,060.

Dès qu’il vit ton armée tourner le dos devant Bhîmaséna, il raffermit ses pas avec un grand effort. 3,070.

À peine eut-il arrêté l’armée de ton fils, Karna aux longs bras marcha à la rencontre des Pândouides, ivres de la furie des batailles. 3,071.

Brandissant leurs arcs sur le champ de bataille et décochant leurs flèches, les grands héros des Pândouides s’avancèrent au-devant de l’Adhirathide. 3,072.

Bhîmaséna, le petit-fils de Çini, Çikhandî, Djanamédjaya, le vigoureux Dhrishtadyoumna et tous les Prabhadrakas eux-mêmes ; 3,073.

Ces tigres irrités des hommes, remplis de l’envie d’immoler, triomphants dans le combat, fondirent de toutes parts sur ton armée. 3,074.

Et, pleins d’un égal désir, les grands héros de ton parti, sire, coururent à la hâte sur l’armée des Pândouides. Impénétrable de chevaux, d’éléphants et de chars, encombrée de drapeaux et de fantassins, tigre des hommes, l’armée présentait alors un aspect admirable. 3,075-3,076.

Çikhandî s’avança vers Karna, Dhrishtadyoumna vers ton fils Douççâsana, environné d’une nombreuse armée. Nakoula, sire, s’approcha dans le combat de Vrishaséna, Youdhishthira de Tchitraséna et Sahadéva d’Ouloûka. 3,077-3,078.

Sâtyaki de Çakouni lui-même, les Draâupadéyains des Kaâuraviens, et le grand héros, fils de Drona, déploya ses efforts dans la bataille contre Arjouna. 3,070.

Le Gotamide s’élança dans le combat sur Youdhâmanyou au grand arc, etle vigoureux Kritavarman courut sur Outtamaâudjas. 3,080.

Bhîmaséna aux longs bras, quoiqu’il fût seul, auguste roi, arrêta tous les Kourouides et tes fils, accompagnés de l’armée. 3,081.

Le meurtrier de Bhîshma, Çikhandî arrêta de ses flèches, puissant monarque, Karna, qui marchait sans crainte. Ses lèvres tremblantes de colère, l’Adhirathide empêché blessa de trois dards Çikhandî au milieu des sourcils. 3,082-3,083.

Celui-ci de jeter une éclatante lumière sous les trois projectiles, qu’il portait à son front : telle resplendit une montagne d’argent, élevant trois pitons d’or. 3,084.

Profondément atteint dans la guerre par le fils du cocher, ce héros au grand are blessa en retour Râdhéya dans le combat de quatre-vingt-dix flèches aigûes. Mais dès qu’il eut abattu ses chevaux et qu’il eut de trois dards tué son cocher, le grand héros Karna jeta à terre son drapeau, avec un kshourapra bien acéré. 3,085-3,086.

Ce courageux fléau des ennemis, ayant sauté à bas de son char aux coursiers tués, envoya dans sa colère une lance de fer à l’Adhirathide. 3,087.

Karna de couper dans le combat cette arme avec trois flèches, Bharatide, et de blesser Çikhandî avec neuf traits aigus. 3,088.

Mais, abandonnant les dards tombés de l’arc du Découpeur, ô le plus grand des hommes, Çikhandî, vivement troublé, se retira précipitamment du combat. 3,089.

L’Adhirathide abattit alors, puissant roi, les guerriers Pândouides, comme un vent aux vastes forces enlève un amas de coton, qu’il rencontre à son passage. 3,090.

Accablé par ton fils, auguste sire, Dhrishtadyoumna le blessa, en revanche, de trois flèches au milieu des seins.

Douççâsana le frappa au bras gauche, vénérable roi, d’un bhalla, empenné d’or, aux nœuds inclinés.

Irrité, Dhrishtadyoumna blessé, Bharatide, envoya avec colère une flèche épouvantable à Douççâsana. 3,091-3,092-3,093.

Ton fils trancha dans son vol, avec trois dards, souverain des hommes, le trait à la grande impétuosité, lancé par Dhrishtadyoumna. 3,094.

Lorsqu’il se fut affronté avec le Prishatide, il déchargea sur lui quatorze autres bhallas de fer entre les deux bras, en pleine poitrine. 3,095.

Celui-ci trancha son arc avec colère d’une flèche très-mordante en fer à cheval, auguste roi ; et les armées de pousser des cris. 3,096.

S’armant d’un autre arc, ton fils en riant arrêta de tous les côtés Dhrishtadyoumna avec des multitudes de traits. Quand ils eurent vu le courage de ton bien magnanime fils, les Siddhas et les Apsaras de l’admirer dans la bataille. 3,097-3,098.

Nous ne vîmes pas marcher Dhrishtadyoumna à la grande force, irrité par Douççâsana, comme un énorme éléphant par un lion. 3,099.

Ensuite les Pântchâlains, accompagnés de chevaux, d’éléphants et de chars, frère aîné de Pândou, voulant sauver le généralissime de leurs armées, mirent le siège autour de ton fils. 3,100.

Puis eut lieu, guerrier destructeur, ce combat épouvantable aux formes terribles, des tiens avec les ennemis, pour la mort de ceux, qui portaient l’existence. 3,101.

Dès que Vrishaséna, qui se tenait auprès de son père, eut percé Nakoula de cinq flèches de fer, il le blessa après elles de trois autres. 3,102.

Mais le vaillant Nakoula, en riant, porta une profonde blessure au cœur de Vrishaséna avec un nârâtcha très-acéré. 3,103.

Grièvement blessé par son vigoureux ennemi[89], le traîneur des ennemis[89] frappa son ennemi[89] de vingt-cinq traits. 3,104.

Ces deux taureaux des hommes se couvrirent l’un l’hutre d’un millier de flèches, et l’armée fut rompue. 3,105.

Aussitôt que le fils du cocher vit l’armée du Dhritarâshtride en déroute, il la suivit, monarque des hommes, et la contraignit de s’arrêter. 3,106.

Dès que Râdhéya se fut abstenu de combattre, Nakoula de marcher contre les Kaâuraviens ; et le fils de Karna, renonçant à combattre Nakoula, défendit à la hâte, auguste roi, la roue de Râdhéya même. Ouloûka irrité fut arrêté dans le combat par Sahadéva. 3,107-3,108.

Après qu’il eut tué ses quatre chevaux, l’auguste fils de Mâdrî envoya son cocher dans le séjour d’Yama. 3,109.

Ouloûka, la joie de son père, étant sauté à bas de son char, souverain des hommes, se retira à la hâte dans l’armée des Trigarttains. 3,110.

Dès qu’il eut blessé Çakouni de vingt traits acérés, Sâtyaki trancha en riant d’un bhalla le drapeau de ce fils deSoubala. 3,111.

L’auguste roi, ayant fendu avec colère dans ce combat la cuirasse du Soubalide, trancha de plus son drapeau d’or.

Sâtyaki le blessa en retour de flèches acérées et lança même trois projectiles, puissant roi, sur son cocher. 3,112-3,113.

Il conduisit à la hâte, sous des traits, ses chevaux au séjour d’Yama. Sans retard, Çakouni sauta à bas de son char, éminent Bharatide, et monta précipitamment dans celui du magnanime Ouloûka, qui, habile dans les batailles, l’emporta rapidement loin de Çaînéya. 3,114-3,115.

Mais Sâtyaki dans le combat, sire, fondit avec légèreté sur l’armée des tiens ; et les divisions furent séparées.

Couverte par les flèches de Çaînéya, ton armée, souverain des hommes, se dispersa rapidement aux dix points de l’espace et tomba, comme un corps sans vie. 3,116-3,117.

Ton fils arrêta Bhîmaséna dans la guerre, et Bhîma réduisit dans un instant ce maître du monde sans drapeau, sans chevaux, sans cocher ni char ; et les armées furent charmées de cette prouesse. Le prince alors se mit hors de la portée de Bhîmaséna. 3,118-3,119.

Toute l’armée de Kourou fondit sur Vrikaudara ; puis, s’éleva un grand bruit de guerriers, qui désiraient lui donner la mort. 3,120.

Après qu’il eut blessé Kripa, Youdhâmanyou trancha lestement son arc ; et le meilleur de ceux, qui manient la flèche, Kripa, de s’armer d’une nouvelle arme. 3,121.

Il abattit sur la terre le drapeau, l’ombrelle et le cocher d’Youdhâmanyou ; et ce grand héros se retira de la bataille. 3,122.

Outtamaâudjas couvrit légèrement de ses traits le terrible Hârddikya au courage épouvantable, comme un nuage couvre une montagne de ses pluies. 3,123.

Ce fut une bataille bien grande, aux formes effrayantes, terrible monarque, et telle que jamais avant je n’en vis une semblable. 3,124.

Kritavarman frappa au cœur, sire, d’un coup rapide, Outtamaâudjas dans ce combat ; et le blessé s’affaissa sur le banc de son char. 3,125.

À l’instant le cocher emmena sur son chariot ce plus excellent des maîtres de chars. Ensuite l’armée entière de Kourou s’élança sur Bhîmaséna. 3,126.

Le Soubalide et Douççâsana, l’ayant environné d’une nombreuse armée, le percèrent à coups de kshoudrakas.

Alors, quand Bhîma eut fait tourner le dos, avec des centaines de flèches, à Douryodhana irrité, il fondit vîtement sur l’armée des proboscidiens. 3,127-3,128.

Aussitôt que Vrikaudara vit, bouillant d’une ardente colère, accourir d’un pas accéléré cette armée d’éléphants, il envoya sur elle un astra céleste. 3,129.

Il détruisit les pachydermes de ses traits, comme Indra battit les Asouras de sa foudre. Vrikaudara, exterminant les éléphants, couvrit dans ce combat l’atmosphère des multitudes de ses flèches, comme des sauterelles se répandent sur le feu. Il dispersa par milliers les compagnies rassemblées d’éléphants, aussi vite que le vent dissipe les masses de nuages. Couverts par des filets d’or et des multitudes de pierres fines, les proboscidiens 3,130-3,131-3,132.

Brillaient au plus haut point dans la guerre, tels que des nuages, accompagnés des éclairs. Taillés en pièces par Bhîma, les éléphants, sire, s’enfuyaient. 3,133.

Les uns, le cœur brisé, succombaient sur la terre, qui brillait alors de pachydermes aux ornements d’or, tombés et tombants, comme des montagnes écroulées. Le sol reluisait de guerriers et d’éléphants étendus, parés de pierreries aux splendeurs enflammées, comme de planètes, dont les saints ont vu finir la récompense de leurs bonnes œuvres. Des éléphants aux tempes fendues, aux trompes, aux bosses frontales déchirées, 3,134-3,135-3,136.

Fuyaient par centaines dans la bataille, frappés des flèches de Bhîmaséna. Semblables à des montagnes, mais talonnés par la crainte, les uns vomissaient le sang, Et couraient, les membres blessés par les dards, comme des montagnes variées par les métaux. Je vis, agitant son arc, les deux bras de Bhîmaséna, ornés d’aloës et de sandal, pareils à deux grands serpents. Dès qu’ils l’eurent entendu faisant éclater à la surface de sa corde un son, égal au bruit du tonnerre, les éléphants s’enfuirent au plus vite, laissant échapper les excréments et l’urine. Cette prouesse de Bhîmaséna unique et prudent, sire, elle brillait à l’égal du courage de Roudra, exterminant toutes les créatures. 3,137-3,138-2,139-3,140-3,141.

Ensuite le fortuné Arjouna parut, monté sur le plus excellent des chars, attelé de blancs coursiers, que modérait Nârâyana. 3,142.

Vidjaya, au milieu de la bataille, jeta l’agitation dans ton armée aux chevaux superbes, roi le plus excellent des princes, comme le vent agite le grand bassin des ondes. Environné d’une demi-armée, Douryodhana, ton fils, s’approcha avec colère, au galop de ses blancs coursiers enivrés. 3,143-3,144.

Il arrêta Youdhishthira, qui s’avançait, irrité, et blessa le Pândouide de soixante-treize flèches en fer à cheval. Le fils de Kountî en fut encore plus courroucé ; il fit entrer légèrement cinquante bhallas dans ton fils. 3,145-3,146.

Les Kourouides accoururent, désirant faire Youdhishthira prisonnier. Rassemblés aussitôt qu’ils connurent les sentiments iniques des ennemis, les grands héros, Nakoula, Sahadéva et Dhrishtadyoumna le Prishatide arrivèrent, voulant sauver Youdhishthira, le fils de Kountî.

Entourés d’une armée complète, ils accoururent vers Dharmarâdja. Broyant tes grands héros dans le combat, Bhîmaséna lui-même 3,147-3,148-3,149.

De se précipiter, désirant arracher le roi aux ennemis, qui l’environnaient. Mais le monarque, fils du soleil, Karna d’arrêter avec une vaste pluie de flèches tous ces grands héros arrivés. Ceux-ci, décochant des multitudes de traits et lançant des leviers de fer, 3,150-3,151.

Ne purent fixer leurs yeux sur Râdhéya, en dépit de leurs efforts. L’Adhirathide, avec une grande pluie de flèches, arrêta tous ces puissants héros, parvenus à la rive ultérieure des astras et de tous les projectiles. Envoyant un rapide astra, l’auguste Sahadéva, s’étant approché rapidement, de blesser Douryodhana avec vingt flèches. Atteint par Sahadéva, inondé de sang, comme un pachyderme en rut est ruisselant de mada, le Dhritarâshtride brilla, semblable à une montagne. Quand il vit ton fils gravement blessé de ces traits éblouissants, 3,152-3,158-3,154-3,155.

Fortement irrité, Râdhéya, le plus excellent des maîtres de chars, courut vers lui. Lorsqu’il eut vu Douryodhana et qu’il eut lancé un astra léger, 3,156.

Il porta la mort dans l’armée d’Youdhishthira et du Prishatide. Ces divisions, titillées en pièces par le magnanime, 3,157.

S’enfuirent d’une course rapide, sire, tourmentées par les flèches de l’Adhirathide. Différents dards tombèrent d’un côté et d’un autre. 3,158.

Les dards, échappés à l’arc de l’Adhirathide, brisaient de leurs pointes les parties empennées de la flèche. Les multitudes de traits, grand roi, qui s’abattaient par troupes les uns sur les autres, enfantaient le feu au milieu des airs. Karna légèrement frappa les dix points de l’espace avec ses flèches, qui traversaient le corps des ennemis et volaient comme des sauterelles. Saupoudrés de sandal rouge, ornés de pierreries et d’or, 3,159-3,160-3,161.

Il abattait les bras, déployant aux yeux son courage. Jetant le trouble dans tous les points de l’espace, sire,

Il accabla profondément Youdhishthira-Dharmarâdja. Irrité, celui-ci de lancer sur Karna cinquante flèches acérées. Cette bataille, où les dards répandaient l’obscurité, avait un aspect effrayant. 3,162-3,163-3,164.

Une grande lamentation de « Hélas ! hélas ! » éclata parmi les tiens, auguste souverain des hommes. Tandis que l’armée était battue par le fils d’Yama avec diverses flèches, violentes, revêtues des plumes du héron, aiguisées sur la pierre, avec des bhallas de plusieurs espèces, des lances de fer, des sabres, des pilons mêmes, 3,165-3,166.

Les tiens, éminent Bharatide, succombaient partout où cet homme juste laissait tomber la vue de ses yeux courroucés. 3,167.

Karna à l’âme incommensurable, profondément en colère, irrité, furieux, ses lèvres tremblantes de dépit, fondit dans la guerre sur Youdhishthira-Dharmarâdja avec des nârâtchas, des flèches, des demi-lunes et des vatsadantas. 3,168-3,169.

Youdhishthira de frapper le fils du cocher avec des traits acérés, empennés d’or ; et Karna, en riant, blessa le royal Pândouide en pleine poitrine de trois bhallas, aiguisés sur la pierre et revêtus des plumes du héron. Accablé par lui profondément, Youdhishthira-Dharmarâdja 3,170-3,171.

S’affaissa sur le banc de son char, excitant avec ce mot son cocher : « Marche ! » Alors, tous les Dhritarâshtrides et la réunion des rois firent éclater ces cris : 3,172.

« Prenez-le ! » et se précipitèrent de tous les côtés sur le roi. Accompagnés des Pântchâlains, sire, dix-sept cents des guerriers Kaikéyains arrêtèrent les Dhritarâshtrides. Tandis que se déroulait ce combat, rempli de confusion, destructeur des peuples, 3,173-3,174.

Douryodhana et Bhîma, ces deux héros aux vastes forces en vinrent aux mains. 3,175.

Râdhéya lui-même, avec la multitude de ses flèches, dissipa les grands héros des Kaîkayains, placés en ordre devant lui avec leurs arcs supérieurs. 3,176.

Il plongea dans les demeures-d’Yama cinq cents de ces guerriers, qui s’efforçaient d’arrêter Râdhéya. 3,177.

À peine eurent-ils vu qu’il était impossible d’arrêter le fils de Râdhâ dans la bataille, les combattants, accablés de ses traits, se réfugièrent auprès de Bhîmaséna. 3,178.

Quand il eut brisé en plusieurs fragments l’armée des chars avec les multitudes de ses flèches, Karna fondit avec son chariot seul sur Youdhishthira. 3,179.

Excité par l’envie d’être utile à Douryodhana, dès qu’il se fut rencontré avec lui, le fils du cocher blessa de trois flèches supérieures, violentes, cet héroïque monarque, évanoui, accablé par les blessures des traits, placé entre les deux jumeaux, qui s’avançait avec lenteur et marchait vers les quartiers de son armée. 3,180-3,181.

Et le roi Youdhishithira de frapper en échange au milieu des seins Râdhèya et son cocher de trois flèches, et de quatre autres ses quatre coursiers. 3,182.

Mais les fils de Mâdrî, ces deux vaillants gardes des roues du Prithide, accoururent : « Ne tue pas le monarque ! » crièrent-ils à Karna. 3,183.

Nakoula et Sahadéva, déployant le plus grand effort, firent pleuvoir, chacun en particulier, deux averses de traits sur le fils de Râdhâ. 3,183.

L’auguste Adhirathide blessa en retour, avec deux bhallas au tranchant aigu, ces deux magnanimes dompteurs des ennemis. 3,185.

Râdhéya frappa les magnifiques chevaux, couleur d’ivoire, à la queue noire, rapides comme la pensée, qui voituraient Youdhishthira dans la bataille. 3,186.

Le fils héroïque du cocher fit tomber en riant, avec un autre bhalla, le casque du fils de Kountî ; 3,187.

Et, quand il eut tué les coursiers de Nakoula, l’auguste coupa le joug et l’arc du sage fils de Mâdrî. 3,188.

Grièvement blessés, ces deux frères Pândouides aux chevaux immolés, aux chars brisés, montèrent alors sur le chariot de Sahadéva[90]. 3,189.

Lorsque le meurtrier des héros ennemis, le souverain de Madra, leur oncle maternel, les vit privés de chars, il dit, touché de compassion, à Râdhéya : 3,190.

« C’est au Prithide Phâlgouna de combattre avec toi ! Pourquoi combats-tu, enflammé de colère, avec Youdhishthira ? 3,191.

» Dès que tu auras joint le Prithide, ton arc, tes dards, ta cuirasse brisés, sans aucun souci des traits des autres, quand tu auras perdu les tiens, tes chevaux et ton cocher fatigués, enseveli sous les flèches, environné d’ennemis, tu deviendras alors, Râdhéya, le but des moqueries. » Tel fut ce langage, que le souverain de Madra tint à Karna. 3,192-3,193.

Et celui-ci irrité de blesser Youdhishthira ; il perça de traits acérés les deux Pândouides, fils de Mâdrî. 3,194.

Il fit en riant tourner le dos, avec ses flèches, à l’alné des Prithides ; et Çalya de lui adresser encore ces mots en riant, à lui, debout sur son char, enflammé d’une extrême colère pour la mort d’Youdhishthira : « Tue ce fils de Prithâ, pour le trépas duquel ta majesté fut toujours en estime auprès, du Dhritar&shtride. Que te feront leurs menaces, une fois que tu auras immolé Youdhishthira ? Ce bruit immense est celui des deux Krishnas, qui remplissent de vent leurs conques. 3,195-3,196-3,197.

» Ce son, qui se fait entendre et qui ressemble à celui des nuages dans la saison des pluies, est le bruit de leurs arcs ! Voici Arjouna, qui détruit les grands chars sous les pluies de ses flèches. 3,198.

» Il dévore notre armée entière : regarde-le, Karna, dans la bataille ! Youdamânyou et Outtamaâudjas sont les deux gardes des roues de ce vaillant héros. 3,199.

» Le brave Sâtyaki défend la roue tournée vers le septentrion : et Dhrishtadyoumna protège sa roue méridionale. 3,200.

» Bhîmaséna fait la guerre au monarque Dhritarâshtride : agis de manière, Râdhéya, qu’il ne l’immole point aujourd’hui, sous les regards de nous tous ; fais en sorte que notre roi soit délivré. Vois déjà Bhîmaséna dévorer ce roi, qui brille de la beauté des batailles. 3,201-3,202.

» Si, joint par toi, il était sauvé, ce serait un bien vaste sujet d’étonnement. Approche et défends-le, tombé dans le plus profond danger. 3,203.

» Ne te sera-t-il pas facile de vaincre les deux fils de Mâdrî, une fois que tu auras immolé ce roi Youdhishthira ?

» À peine Râdhéya eut-il ouï, souverain de la terre, ce discours de Çalya, 3,204.

Que, voyant Bhîmaséna dévorer Douryodhana dans un grand combat, ardent ami du roi et fortement aiguillonné par ces paroles de son cocher, 3,205.

Le vigoureux courut, abandonnant Adjâtaçatrou et les Pândouides, fils de Mâdri, défendre ton auguste fils.

Dès que Karna se fut retiré sur ses chevaux, poussés comme des oiseaux par le souverain de Madra, Youdhishthira, le fils de Pândou et de Kountî, s’éloigna avec Sahadéva sur ses chevaux rapides. Accompagné de l’un et l’autre frère, le monarque des hommes s’avança, plongé, pour ainsi dire, dans la confusion et couvert de blessures par les flèches, vers le quartier de son armée, où, descendu précipitamment de son char, il entra dans sa magnifique chambre à coucher. 3,206-3,207-3,208-3,209.

Quand il eut déposé ses flèches, profondément tourmenté par le trait du cœur, le roi tint ce langage aux deux héroïques frères, les fils de Mâdrî : 3,210.

« Allez sans tarder, fils de Pândou, à l’armée de Bhîmaséna ; car Vrikaudara combat, rugissant, comme le nuage. » 3,211.

Alors, ayant pris un autre char, Nakoula, le plus grand des héros, et l’impétueux Sahadéva, ces deux frères, qui traînaient les cadavres des ennemis, 3,212.

Ces deux robustes frères, s’étant approchés de Bhîma avec leurs chevaux, rapides comme le vent, affermirent leurs pieds là, accompagnés d’armées et promenant les yeux sur divers combattants, renversés par la violence du combat. 3,213-3,214.

Environné d’une grande multitude de chars, le Dronide s’élança tout à coup, sire, vers l’endroit, où se tenait le fils dePrithâ. 3,215.

Le héros, fils de Kountî, qui avait Çaâuri pour compagnon, arrêta rapidement, comme un rivage retient la mer, séjour des makaras, ce guerrier, qui accourait légèrement.

L’auguste fils de Drona ensevelit avec colère, grand roi, sous ses flèches, Arjouna et le Vasoudévide. 3,216-3,217.

Les fameux héros des Kourouides, ayant vu alors les deux Krishnas sous ce linceul de traits, cet aspect les jeta dans le plus profond étonnement. 3,218.

Arjouna en riant, Bharatide, manifesta un astra céleste, que le brahme arrêta dans la guerre. 3,219.

À chaque astra, que l’envie d’immoler fit lancer au Pândouide, le fils de Drona au grand arc anéantit cet astra. Tandis que ce combat se développait avec un vaste effroi, sire, le Dronide parut à nos yeux dans cette bataille comme la Mort, sa gueule ouverte. 3,220-3,221.

Dès qu’il eut masqué de ses flèches les plages et les points intermédiaires, il blessa de ses traits le Vasoudévide au bras droit. 3,222.

Quand Arjouna eut abattu tous les chevaux de ce magnanime, il inonda la terre dans le combat d’une rivière aux ondes de sang ; fleuve terrible, entraînant tous les guerriers, emportant au monde supérieur. On vit tous les héros et tous les maîtres de chars, renversés par les dards, envoyés par l’arc du Dronide et du fils de Prithâ. ' Açwaithâman fit aussi couler cette rivière d’une grande épouvante et qui entraînait les ennemis. 3,223-3,224-3,225.

Dans cette bataille formidable et confuse de ces deux guerriers, le Prithide et le fils de Drona, les combattants erraient sans bornes tout à l’entour dans la bataille derrière eux. 3,226.

Le Prithide exécuta dans ce combat, sire, un épouvantable carnage des hommes, en immolant les coursiers et les chars, en tuant les cavaliers, que portaient les chevaux, en détruisant les guerriers, qui montaient les pachydermes, en abattant même les éléphants à la haute taille. Les maîtres de chars tombaient, immolés sous les dards lancés par l’arc du Prithide. 3,227-3,228.

Les coursiers erraient çà et là, affranchis du lien des jougs. Aussitôt que le Dronide vit cet exploit du Prithide, qui brillait de la beauté des batailles, 3,229.

Le vigoureux, brandissant son arc immense, ornementé d’or, s’approcha à la hâte d’Arjouna, le plus grand des victorieux. 3,230.

Le Dronide de tous les côtés inonda le Prithide de traits acérés ; et, de rechef, il banda son arc, grand roi, et blessa profondément et sans pitié Arjouna à l’endroit de la poitrine. Grièvement atteint dans le combat par le fils de Drona, l’archer du Gândîva à la haute intelligence ensevelit violemment le Dronide dans le combat sous les pluies de ses flèches et trancha l’arc de son rival.

Le fils de Drona à l’arc coupé, ayant saisi une massue au toucher semblable à la foudre, l’envoya alors sur Kirîti. 3,231-3,232-3,233-3,234.

Mais soudain, sire, le Pândouide en riant trancha dans son vol cette massue, ornementée d’or. 3,235.

Elle tomba, déchirée sur la terre sous les traits du Prithide ; telle une montagne s’écroule, sire, sous un coup de la foudre. 3,236.

Ensuite, le grand héros irrité, fils de Drona, répandit, puissant roi, sur le terrible Bîbhatsou, l’impétuosité de ses astras. 3,237.

Dès que le Prithide l’eut vu étendre le filet d’Indra, il saisit l’arc Gândîva, sire ; et, quand l’impétueux eut choisi le plus excellent des astras, créé par Mahéndra, il repoussa les réts Indiens. 3,238.

Aussitôt que le Prithide eut déchiré ce filet, qui portait le nom du roi des Dieux[91], le fils de Drona couvrit son char au même instant, et, a’étant approché, il fut vaincu par les flèches d’Arjouna, 3,239.

Quand il se fut plongé dans la pluie de ses dards. À la suite de ces choses, il resplendit de ses blessures ; puis, tout à coup, il frappa Krishna de cent dards, et Arjouna de trois cents kshoudrakas. 3,240.

Ensuite, Arjouna perça dans les membres avec une centaine de traits le fils de son maître spirituel ; il coupa, sous les regards des tiens, sa corde, son arc, ses chevaux et son cocher. 3,241.

Lorsque le meurtrier des héros ennemis, le Pândouide eut frappé le fils de Drona dans les organes vitaux, il abattit d’un bhalla son cocher du siège de son char.

Açwatthâman alors gouverna lui-même ses coursiers et couvrit de ses dards les deux Krishnas. Nous vîmes en ce moment la valeur prompte et admirable du Dronide. 3,242-3,243.

Il réprima ses chevaux ; et tous les combattants applaudirent qu’il eut osé attaquer, sire, Phâlgouna dans la bataille. 3,244.

Soudain Bibhatsou-la-Victoire coupa en riant les rênes des chevaux, qui traînaient dans le combat le fils de Drona. Accablés par l’impétuosité de ses flèches, les chevaux se mirent à courir. Puis, il éclata dans ton armée, Bharatide, un bruit épouvantable. 3,245-3,240.

Dès qu’ils eurent obtenu la victoire, les Pândouides fondirent sur ton armée, brûlants du désir de vaincre et décochant de tous côtés leurs flèches acérées. 3,247.

La grande armée des Dhritarâshtrides fut mainte et mainte fois agitée dans la guerre par les héros Pândouides victorieux. 3,248.

Sous les regards, puissant roi, de tes héroïques fils, de Çakouni le Soubalide et de Karna, le souverain des hommes, 3,249.

La grande armée, malgré qu’elle fût arrêtée par tes fils, monarque des peuples, accablée de tous les côtés, ne tint pas dans la guerre. 3,250.

Effrayée, confuse : « Arrête ! arrête ! » lui criait le fils du cocher. 3,251.

Mais ton armée, battue par ces magnanimes Pândouides triomphants, ne restait pas le pied ferme ; et Karna continuait ses cris. 3,252.

Quand Douryodhana vit l’armée des Dhristarâshtrides en déroute de tous les côtés, il dit à Karna sur le ton de l’affection : 3,253.

« Vois, Karna, ma grande armée, profondément vexée par les Pântchâlains ; la peur a tourné sa pensée vers la fuite ; et tu vis encore ! 3,254.

» Sache que ce moment est opportun, vigoureux dompteur des ennemis ; car des milliers de combattants, mis en fuite par les Pândouides, héros, le plus grand des hommes, élèvent maintenant leurs cris vers toi ! » Dès que Râdhéya eut entendu cette grande parole de Douryodhana, 3,255-3,256.

Il dit en riant ces mots au monarque de Madra : « Vois, souverain des peuples, la vigueur de mes bras et la force de mes astras ! 3,257.

» Aujourd’hui j’immolerai tous les Pântchâlains avec les Pândouides ; il n’y a nul doute ! Conduis mes chevaux, tigre des hommes, avec le sourire même de la fort]une. » 3,258.

Aussitôt qu’il eut parlé ainsi, grand roi, l’auguste et l’héroïque fils du cocher prit son antique, son excellent arc Vidjaya ; 3,259.

Il le munit de sa corde, le banda mainte et mainte fois, et se mit à arrêter les combattants, conformément à la vérité et à son serment. 3,260.

Le héros à la grande force, à l’âme incommensurable, de susciter l’astra de Bhrigou : alors, sire, des milliers, des myriades, des millions, des centaines de millions de flèches mordantes sortirent de son arc dans ce grand combat. L’armée Pândouide fut ensevelie sous des multitudes de traits enflammés, aux ailes du paon et du héron ; et l’on ne distinguait plus rien. Une grande clameur de : « Hélas ! hélas ! » fut jetée, souverain des hommes, par les Pântchâlains, 3,261-3,262-3,263.

Accablés dans la bataille par ce vigoureux astra de Bhrigou. La terre était ébranlée, terrible roi, sous les éléphants et les chevaux, tombants par milliers, sous les chars et les hommes, abattus de tous les côtés, sous les cadavres entassés de toutes parts. 3,264-3,265.

Le trouble régnait dans la grande armée entière des Pândouides : seul, Karna, le plus excellent des guerriers, tel qu’un feu sans fumée, 3,266.

Resplendissait, fléau des ennemis et tigre des hommes, consumant les ennemis. Battus par Karna, les Pântchâlains avec les Tchédiens, 3,267.

Erraient, la tête perdue, çà et là, comme des éléphants dans l’incendie d’une forêt. Les plus grands des hommes, tigre des mortels, criaient tels que des tigres. 3,268.

Ces hommes criant, effrayés, courant, tremblants, de tous côtés, faisaient éclater, sire, à la tête du combat, une vaste plainte de détresse, comme dans le déluge des créatures. Quand ils les virent battus, vénérable, par le fils du cocher, 3,269-3,270.

Tous les êtres nés en des matrices d’animaux tremblèrent. Taillés en pièces dans le combat par l’Adhirathide, les Srindjayas 3,271.

Éperdus élevèrent mainte et mainte fois des cris vers Arjouna et le Vasoudévide : tels, dans la ville des Mânes, on implore le monarque des morts. 3,272.

Dès qu’il entendit le bruit de ses guerriers, battus par les traits de Karna, Dhanandjaya, le fils de Kountî, dit au Vasoudévide : 3,273.

« Tu as vu décocher ici l’astra bien épouvantable de Bhrigou : vois, Krishna aux longs bras, la force de cet astra ! 3,274.

» il est impossible de paralyser d’aucune manière cet astra dans la bataille. Vois, Krishna, dans ce grand combat l’Adhirathide irrité, qui accomplit un exploit terrible, semblable en vigueur à ce que fait la Mort. Excitant à tout moment ses chevaux, il jette mainte et mainte fois sur moi les regards de ses yeux. 3,275-3,276.

» Je ne pourrai pas me défendre de Karna dans une bataille. L’homme obtient pendant sa vie la victoire ou la défaite dans le combat. 3,277.

» Mais est-il mort, sa vie même est brisée, d’où lui viendrait la victoire ? » À ces mots, Krishna fit cette réponse opportune, dompteur des ennemis, à Dhanandjaya, le meilleur des hommes intelligents : « Le roi, fils de Kountî, fut grièvement blessé par Karna. 3,278-3,279.

» Après que tu l’auras vu, fils de Prithâ, et que tu lui auras fait reprendre son courage, tu donneras la mort à Karna. » Lorsqu’il eut parlé ainsi, il s’avança de nouveau, désirant voir Youdhis hthira, afin de s’emparer dans la guerre, souverain des hommes, de Karna par la fatigue. Dhanandjaya de marcher promptement hors du combat dans son char, sur l’avis de Kéçava, pour voir le monarque, qui était accablé par les flèches. Le fils de Kountî s’avançait avec le désir de voir Youdhishthira ; 3,280-3,281-3,282.

Mais, promenant ses regards sur l’armée, il ne put apercevoir nulle part son frère ainé. Il avait livré combat, Bharatide, au fils de Drona, et il abandonna ce fils du révérend, intolérable même dans une bataille au Dieu, qui porte la foudre. 3.283-3,284.

Lorsqu’il eut quitté le Dronide et accompli un exploit, grand, héroïque, ardu, l’inaifrontable aux ennemis, Dhanandjaya à l’arc sublime parcourait des yeux son armée. L’héroïque et magnanime Ambidextre, réjouissant par sa présence les héros en grand nombre, placés sur leur char à la tête de l’armée, et les louant des profondes blessures, qu’ils avaient reçues dans le combat précédent,

Le guerrier à la tiare ornée d’une guirlande, ne voyant pas son frère Youdhishthira-Adjamitha, s’approcha rapidement de Bhîma et s’enquit des nouvelles du roi : « Où le monarque est-il ici ? » 3,285-3,286-3,287.

« Le fils de Dharma, le roi Youdhishthira, s’est retiré d’ici ! répondit Bhlma. Son corps est consumé par les flèches de Karna, si par hasard il vit encore ! 3,288.

» Que ton altesse s’en aille donc au plus vite chercher des nouvelles du roi, le plus excellent des Kourouides ! Sans doute, bien profondément blessé par les traits de Karna, ce monarque s’est retiré dans son camp ! 3,289.

» Très-grièvement atteint par le Dronide en des combats aux dards acérés, l’impétueux est resté ici, et le Dronide lui-même s’y est tenu, attendant la victoire, tant qu’il ne l’eut pas mis hors du combat. 3,290.

» Ce plus grand des Pândouides à la haute dignité fut jeté aujourd’hui, par Karna, au milieu du péril dans la bataille. » - « Va donc au plus vite, Bhîma, répondit Arjouna, savoir ce qu’il est devenu : moi, en attendant, je resterai ici, comprimant les ennemis. » 3,291.

« Va toi-même apprendre ces nouvelles du roi, éminent Bharatide à la haute dignité, reprit Bhîmaséna ; car si j’y vais moi-même, Arjouna, les plus grands héros des ennemis diraient de moi : « C’est un homme, qui se retire effrayé. » 3,292.

« Les conjurés se posent comme mes adversaires ; moi, lui répondit Aijouna, je ne puis donc m’éloigner d’ici, de ce parc des troupes ennemies, sans les avoir immolés aujourd’hui. » 3,293.

« Embrassant la valeur, d le plus brave des Kourouides, reprit Bhîmaséna, je livrerai bataille à tous les conjurés : va toi-même, Dhanandjaya, où est Youdhishthira. »

À Phâlgouna, qui avait ouï ces mots presque inexécutables de son frère Bhîmaséna au milieu des ennemis :

« Seul, dit encore ce Prithide, je supporterai l’armée intolérable, invincible des conjurés. » 3,294-3,295.

Lorsque le magnanime à l’âme ferme, à l’enseigne du singe, eut entendu le discours de son frère au courage infaillible, il tint alors dans le combat à l’incomparable Nârâyana, au meilleur des Vrishrifdes, ce langage de vérité, qui avait pour objet de voir le plus éminent des Kourouides : 3,296-3,297.

« Pousse tes coursiers, Hrishîkéça ; abandonne cet océan d’armées ; j’ai envie devoir, Kéçava, le roi Adjâtaçatrou. » Aiguillonnant ses chevaux, le chef de tous les Dàçârhains adressa ces mots à Bhîmaséna : * Cette chose n’a rien, qui surprenne en toi, Bhîma : je vais aller maintenant au camp d’Youdhishthira ; immole, toi, les compagnies d’ennemis des Prithides. » 3,298-3,299.

Ensuite, Hrishikéça avec ses chevaux, semblables à Garouda, s’avança, plus vite que la vitesse elle-même, vers l’endroit où était le monarque Youdhishthira. 3,300.

Quand ils eurent affermi dans l’armée ennemie le pied de Bhîma, le dompteur des ennemis, et lui eurent donné ces ordres, ils partirent, confiant ce combat à Ventre-deloup. 3,301.

Puis, les deux éminentes personnes arrivées s’approchent du roi, qu’elles trouvent seul et couché ; elles descendent de leur char et saluent, le corps incliné, les pieds de Dharmarâdja. 3,302.

Dès qu’ils virent le taureau, le tigre des hommes dans une heureuse condition, les deux Krishnas furent alors inondés de joie, comme les deux Açwins à la vue d’Indra.

Le monarque les salua, de même que le soleil salue les deux Açwins, de même que le révérend Vrihaspati félicita Çakra et Vishnou, après qu’ils eurent fait mordre la poussière au grand Asoura Djambha. 3,303-3,304.

Pensant que Karna était mort, le fléau des ennemis, Youdhishthira-Dharmarâdja leur dit, charmé et d’une voix, que la joie rendait balbutiante ; 3,305.

Lorsqu’il eut vu ces deux plus fameux héros des guerriers d’avant-garde venus auprès de lui avec leurs grands yeux sanglants, leurs membres couverts de sang, oints de sang, Youdhishthira adressa ces mots à ces deux nobles êtres réunis, Arjouna et Kéçava : « Je pense que l’Adhirathide est tombé mort dans le combat, sous l’archer du Gândîva. » 3,306-3,307.

Le fils de Kountî les félicita avec une louange belle, de la plus grande délicatesse, précédée d’un sourire, applaudissant, éminent Bharatide, à celui, qu’il croyait le meurtrier de l’ennemi : 3,308.

« La bien-venue te soit donnée, à toi, qui eut pour mère Dévakî ! La bien-venue à toi, Dhanandjaya ! Votre vue à tous deux, Impérissable et Arjouna, m’est profondément agréable ! 3,309.

» Sains et saufs, et sans blessure, Arjouna, vous avez donc tué le grand héros ! Il était habile en toutes les armes et semblable à un serpent dans le combat. 3,310.

» Marchant à la tête de tous les Dhritarâshtrides, il était leur voie et leur félicité : il était défendu par Vrishaséna et par l’archer Sousbéna. 3,311.

» Râma lui avait accordé une puissance dans l’astra, grande, invincible, sublime : il était célèbre dans l’univers, comme le maître de chars du monde entier. 3,312.

» Il était le sauveur des Dhritarâshtrides, celui, qui marchait à la tête de leur armée : il était le meurtrier des guerriers ennemis, le broyeur des bataillons ennemis.

» Il était dévoué au bien de Douryodhana et l’instigateur pour lui du plaisir : il était inaffrontable dans un grand combat aux Dieux mêmes, commandés par Indra. 3,313-3,314.

» Il était égal en splendeur et en force au feu et au vent, profond comme le Pâtâla ; il augmentait la joie de ses amis.

» Par bonheur, vous êtes arrivés à mes yeux, après que vous avez immolé dans une grande bataille Karna, la mort de mes amis, et que vous l’avez vaincu, tels que deux Immortels triomphent d’un Asoura. 3,315-3,316.

» J’ai soutenu sans trouble, Impérissable et Arjouna, un combat horrible avec lui, comme avec la Mort, qui veut dévorer toutes les créatures. 3,317.

» De-là, mon drapeau fut tranché, les deux écuyers, préposés à la conduite des premiers de mes quatre coursiers, furent immolés, et mes chevaux furent tués à la vue d’Youyoudhâna, de Dhristadyoumna, des jumeaux et du vaillant Çikhandî, sous les regards jetés de tous les côtés par les Draâupadéyains et les Pântchâlains. 3,318-3,319.

» Après que Karna à la grande énergie eut vaincu ces nombreuses troupes de ses ennemis, et que, déployant ses efforts dans un vaste combat, il m’eut vaincu moi-même, guerrier aux longs bras, 3,320.

» il m’abandonna[92] dans la bataille ; il m’adressa des paroles fâcheuses ; il étendit certainement çà et là son mépris sur un grand nombre de combattants, ô le plus vaillant des guerriers. 3,321.

» Si je vis, Dhanandjaya, je le dois à la puissance de Bhîmaséna. Qu’est-il besoin de parler davantage ? Car je ne puis supporter cette pensée ! 3,322.

» Que la crainte m’ait empêché, Dhanandjaya, de trouver le sommeil une seule nuit, ou de goûter le plaisir un seul jour, nulle part, durant quatorze années. 3,323.

» Objet de sa haine, Dhanandjaya, je suis consumé comme l’oiseau vâdhrînasa[93], arrivé à l’instant de sa mort. 3,324.

» Un long temps s’est écoulé, tandis que je pense à lui de cette manière : comment sera-t-il possible que je détruise Karna dans une bataille ? 3,325.

» Éveillé ou endormi, fils de Kountî, je ne vois jamais que Karna çà et là : ce monde entier est devenu Karna !

» En chaque lieu, où je vais, effrayé par la crainte de Karna, je vois partout ce guerrier, Dhanandjaya, se dresser devant moi. 3,326-3,327.

» Moi, que ce héros, qui ne fuit jamais dans les batailles, après qu’il m’eut vaincu, Prithide, abandonna vivant, avec mon char, avec mes coursiers, 3,328.

» Quel besoin ai-je de la vie, quel besoin ai-je encore d’un royaume, quand j’ai été couvert de blessures par Karna, qui a la beauté des batailles ? 3,329.

» Ce que je n’avais jamais éprouvé avant de Bhîshma, de Kripa et de Drona dans la guerre, m’est arrivé aujourd’hui dans mon combat avec ce grand héros, fils du cocher.

» Je te demande, fils de Kountî, comment est arrivé aujourd’hui cet événement heureux : raconte-moi entièrement de quelle manière Karna a succombé sous tes coups.

» Comment a-t-il été tué dans un combat, cet homme, qui égalait Râma dans la science des astras, qui était semblable à Yama pour la valeur, et de qui la force équipollait à celle de Çakra ; 3,330-3,331-3,332.

» Cet homme unique parmi tous, cet archer le plus éminent, habile en tous les combats, estimé un grand héros ?

» Comment a-t-il succombé sous ton bras, ce Râdhéya, honoré à cause de toi, souverain des hommes, par Dhritarâshtra et son fils ? 3,333-3,334.

» En effet, le Dhritarâshtride estima toujours, Arjouna[94], parmi tous les guerriers, Karna seul, le plus grand des mortels, comme ta mort dans le combat. 3,335.

» Comment as-tu pu le tuer dans la bataille, tigre des hommes ? Raconte-moi cela, fils de Kountî, comment il a, ce Karna, succombé sous tes coups ! 3,336.

» Comment aux yeux de ses amis, as-tu enlevé la tête de ce guerrier combattant, tigre des hommes, de même qu’un lion enlève la tête d’un chevreuil ? 3,337.

» Ce fils du cocher, qui, désirant te livrer un assaut, parcourait les régions du ciel et les plages intermédiaires, ce Karna, qui voulait donner un attelage de six bœufs pour un combat avec toi, comment-a-t-il succombé maintenant dans la bataille sous tes flèches bien acérées ? Est-ce que cet inique fils du cocher git sur le sol de la terre ? Cette nouvelle, que tu as tué l’Adhirathide dans un combat, me devient extrêmement agréable. 3,338-3,339.

» Ce fils du cocher superbe, toujours honoré, qui avait l’orgueil des héros et qui portait ses pas de tous les côtés à cause de toi, en étant venu aux mains, a donc succombé sous tes coups dans la guerre ? 3,340.

» Ce guerrier, qui voulait donner aux ennemis, à cause de toi, le plus excellent char d’or, attelé de chevaux, de bœufs et d’éléphants ; ce méchant, qui toujours rivalisait avec toi dans les combats, il a donc succombé, mon ami, sous tes coups dans la guerre ? 3,341.

» Ce général, excessivement agréable à Souyodhana, et qui, toujours enivré du vin des héros, se glorifiait dans l’assemblée des Kourouides, ce méchant, il a donc succombé aujourd’hui sous tes coups ? 3,342.

» Ayant associé son arc avec des flèches, oiseaux aux membres rouges, envoyés et lancés par lui, est-ce qu’il gît, ce méchant, ses membres bien séparés ? Ces deux bras du Dhritarâshtride ont donc été brisés ? 3,343.

» Cet homme, plein d’orgueil, qui toujours, se glorifiant au milieu des rois, portait la joie par sa jactance au cœur de Douryodhana : « Je serai le meurtrier de Phâlgouna ! » disait-il dans sa démence. N’est-ce point ainsi qu’était sa parole ? 3,344.

» Jamais je ne laverai mes deux pieds tant que ce Prithide sera debout ! » Tel fut le vœu de cet homme à l’étroit intelligence. Tu as donc, fils de Çakrâ, immolé ce Karna aujourd’hui ? 3,445.

» Ce Karna au cœur méchant, qui osa dire à Krishnâ dans l’assemblée, au milieu des héros Kourouides : «  Pourquoi n’abandonnes-tu pas, Krishnâ, les Pândouides, ces êtres déchus, si faibles, au courage sans vigueur ? »

» Karna, qui avait juré cette promesse : « Je ne m’en irai pas d’ici, que je n’aie tué ce Prithide avec Krishna ! » cet homme à l’&me criminelle, il est donc couché mort, les membres fendus par tes flèches ! 3,346-3,347.

» La nouvelle de ton combat a-t-elle pénétré au milieu de la mêlée des Kourouides et des Srindjayas, où je suis tombé dans une telle condition ? Cet homme à l’âme méchante, tu l’as donc immolé aujourd’hui ? 3,348.

» Est-ce que sa tête éclatante, ornée de ses pendeloques, fut enlevée par toi dans le combat, Ambidextre, au corps de cet homme à la bien faible intelligence avec tes dards flamboyants, émanés du Gândîva ? 3,349.

» Est-ce que la pensée, que j’avais conçue, en décochant des traits pour la mort de Karna, tu l’as réalisée, héros, en immolant aujourd’hui l’Adhirathide ? 3,360.

» Réfugié sous l’abri de Karna, Souyodhana jetait sur nous des regards, pleins d’orgueil, est-ce que ta valeur a brisé maintenant cet appui de Souyodhana ? 3,361.

» Est-ce que ce fils du cocher, rempli de folie et de colère, qui nous appelait jadis, en pleine assemblée, devant les Kourouides : « Une huile, qui a servi pour des eunuques !

» fut immolé par toi, qui l’as affronté dans la bataille ? 3,362.

» Est-ce que tu l’as tué aujourd’hui, ce fils du cocher à l’âme méchante, qui jadis a dit en riant : « Amène ici toi-même, malgré elle, Yadjnaséni, qui fut conquise au jeu par le Soubalide ? » 3,363.

» Est-ce qu’il fut immolé par toi, magnanime, cet Adhirathide à l’âme étroite, qui jeta son mépris sur notre ayeul, le plus vaillant des hommes, qui portent les traits sur la terre, ce Karna, qui fut estimé par lui pour un demi-char ?

» Éteins maintenant ma flamme allumée par la colère, excitée par le vent de savilainie, et qui est toujours vivante dans mon cœur, en me disant, Phâlgouna, ces bonnes paroles : « J’ai affronté Karna aujourd’hui et je l’ai tué. »

» Raconte-moi cette prouesse difficile à consommer : comment l’Adhirathide a-t-il succombé sous tes coups ? Ma pensée est continuellement dirigée vers toi, ô le plus grand des héros, comme celle du bienheureux Indra, avant qu’il eut tué Vritra. » 3,354-3,355-3,356.

Dès qu’il eut entendu ce discours du monarque irrité, mais adonné au devoir, le magnanime Djishnou à la vigueur infinie, et qui combattait sur un char, répondit à l’inaffrontable Youdhishthira à l’âme sans trouble : 3,357.

« Dans le moment que je combattais avec les conjurés, le Dronide, lançant des flèches semblables à des serpents, parut tout à coup devant moi, sire, marchant à la tête de l’armée, parmi les guerriers Kourouides. 3,358.

» Aussitôt qu’il vit mon char, qui avait le bruit des nuages, il se tint près de moi, arrêtant l’armée entière ; lorsque j’eus tué cinq cents d’eux, j’allai au Dronide, qui était en avant des princes. 3,359.

» Quand je me fus approché, il fondit sur moi, redoublant ses efforts, comme un roi des éléphants, Indra des hommes, fond sur un lion. Il retira, puissant roi, les Kourouides, maîtres de chars, des flots, où ils périssaient. 3,360.

» Ensuite, le fils de l’Atchârya, le meilleur des Kourouides, lourd ébranlement au milieu du combat, me harcela, moi et Djanârddana, de flèches acérées, qui causaient l’émotion du feu ou du poison. 3,361.

» Huit bœufs portent les huit centaines de traits, que je dois lancer dans ce combat. Je détruisis avec mes dards les dards envoyés par lui, comme le vent dissipe la masse des nuages. 3,362.

» Je déchaînai, tel qu’un sombre nuage dans la saison des pluies, d’autres multitudes de flèches, longues, pleines, tirées jusqu’à l’oreille et lancées de tous les efforts de ma vigueur et de ma science dans les astras. 3,363.

» Nous ne voyions Açvatthâman, ni prendre son trait au carquois, ni l’encocher. « De quelle manière, disions-nous, le fils de Drona décoche-t-il ses dards ? Est-ce à droite ? Est-ce à gauche ? » Il se promenait dans le combat.

» Muni de sa corde, toujours son arc paraissait tendu en cercle. Le Dronide me blessa de cinq flèches acérées, et le Vasoudévide d’un égal nombre. 3,364-3,365.

» Dans l’intervalle d’un clin-d’œil, je le harcelai de trente dards ; et sa forme dans un instant devint, grâce aux traits,’que je lui envoyai, semblable à celle d’un porcépic. 3,366.

» Il entra dans l’armée des chars du fils de cocher, laquelle versait le sang de tous ses membres ; il vit, oints de sang, les chefs des guerriers, surmontés par moi. 3,367.

» Dès qu’il vit l’armée vaincue dans le combat, ses guerriers tremblants, ses éléphants et ses chevaux en fuite, Karna, ayant croisé le fer et agitant l’armée, s’avança vers moi à la hâte avec cinquante principaux chars. 3,368.

» Après que je les eus tués et que j’eus lancé mes flèches sur l’Adhirathide, je m’avançai avec empressement pour voir ta majesté. Tous les Pântchâlains étaient troublés par la crainte de Karna, tels que des taureaux, à la vue d’un lion. 3,369.

» Étant venus à Karna, sire, les Prabbadrakas s’en approchèrent, comme de la Mort, sa gueule ouverte.

» L’Adhirathide alors de plonger dans les demeures de la moitiés cent sept héros, submergés dans ses flots.

» Tant qu’il nous eut sous les yeux, sire, ce cruel Karna, le fils du cocher, ne montra pas un cœur fatigué. Mais, ayant appris que tu l’avais vu, qu’il en était venu aux mains avec toi et que tu avais été blessé antérieurement par Açvatthâman, 3,370-3,371.

» Je ne crus pas que ton œuvre, à mon avis, fut d’éloigner la mort de ce cruel Karna. Je vis devant moi, dans la guerre cet astra aux formes variées, qu’avait manifesté l’Adhirathide. 3,372.

» Il n’existe pas à cette heure un autre grand héros parmi les Srindjayas, qui puisse maintenant supporter Karna, si ce n’est Sâtyaki-Çaînéya[95] et Dhrishtadyoumna, les gardes des roues de mon char, 3,373.

» Et ces deux héros, fils de roi, à la haute dignité, Youdhâmanyou et Outtamaâudjas, qui protègent mes derrières. J’en viendrai aux mains dans un combat avec l’Adhirathide, qui est l’invincible héros de l’armée ennemie : tel, ô le plus grand des Indras des hommes, le Dieu du tonnerre croisa les mains avec le démon Vritra ; je combattrai, Bharatide, le fils du cocher dans cette bataille, s’il se montre aujourd’hui devant mes yeux. 3,374-3,375.

» Allons ! Vois que je désire maintenant livrer un combat pour la victoire à l’Adhirathide. Six mille fils de rois, s’étant élancés sur Karna, ont cherché dans la bataille le monde du Swarga, comme des prabhadrakas[96] tombés dans la bouche d’un grand taureau. Si je ne tue pas violemment aujourd’hui Karna combattant et toute sa parenté, 3,376-3,377.

» Que j’aille, loin des rois, dans la voie mauvaise des gens, qui ne font pas ce qu’ils ont promis. Je te dis adieu : souhaite-moi la victoire dans les combats, avant que les Dhritarâshtrides n’aient dévoré Bhlmaséna. 3,378.

» Je tuerai, lion des Indras des hommes, l’armée du cocher et toutes les troupes des ennemis. » 3,379.

Quand le fils de Prithâ à la force sans mesure eut appris avec colère de Phâlgouna, que tel[97] était Karna à la grande vigueur, Youdhishthira, consumé par ses flèches, adressa ce discours à Dhanandjaya : 3,380.

« Tu as commis un vol de filiation, Dhanandjaya, lorsque tu t’es introduit au giron de Prithâ, d’une manière, qui n’est pas heureuse : car tu viens ici, ayant abandonné Bhîma dans le combat, parce que tu n’es point capable d’immoler Karna. 3,381.

» Ton armée est en déroute, mon ami ; elle est vaincue maintenant d’une manière, qui n’est pas heureuse : tu as, dans ton épouvante, abandonné Bhîma dans le combat, et tu es venu ici, parce que tu n’es point capable d’immoler le fils du cocher. 3,382.

» Cette parole, que tu as avancée dans le Dwaltavana : « Je serai le meurtrier de Karna avec mon seul char ! » comment oseras-tu dire que c’est une vérité, maintenant que tu es venu ici, effrayé de Karna, après que tu as laissé Bhîma sans défense ? 3,383.

» Si tu avais dit cette parole dans le Dwaîtavana : « Sire, je ne pourrai pas combattre Kama ! » nous tous, attendant le moment opportun, fils de Prithâ, nous aurions différé ainsi les affaires. 3,384.

» Après que tu m’as promis sa mort, héros, tu n’as pas accompli cet exploit. Lorsque tu nous as conduits au milieu de l’ennemi et que tu as relevé nos courages, pourquoi nous as-tu broyés, comme dans un sacrifice ? 3,385.

» Nous t’avons comblé de bénédictions, Arjouna, quand nous désirions atteindre en toi les vœux réalisés de plusieurs choses heureuses. Toutes ces prières, fils du roi, lurent stériles pour nous ; car, surchargé de fleurs, tu n’arrivas point aux fruits, qui étaient les objets de nos désirs. 3,386.

» À moi, qui désirais un royaume, tu as montré la mort sous la forme d’un royaume, l’infortune comme un hameçon caché sous un appât, comme un poison déguisé dans un morceau de chair. 3,387.

» Mettant notre domicile en Dhanandjaya pendant ces treize années, notre vie a toujours suivi la tienne ; mais tu nous plonges tous dans le Naraka, comme le Dieu Varsha jette dans la mort une graine semée au sein dé la terre.

» Voici les mots, qu’une voix, dans l’atmosphère, fit entendre à Kountî[98], sept jours après ta naissance, homme à l’intelligence étroite : « Cet enfant, qui vient de naître et de qui la valeur égalera celle d’Indra, doit triompher de tous les héros ennemis. 3,388-3,389.

» Cet enfaut à la force supérieure sera, dans le Khândava, le vainqueur de toutes les créatures et des chœurs des Dieux ; il sera le vainqueur des Kaîkayaias, des Kalingas et des Madrakains ; il immolera les Kourouides au milieu des rois. 3,390.

» Il n’y aura personne, qui soit plus grand que lui parmi nous ; aucun archer ne pourra jamais vaincre cet être d’aucune manière : maître de lui-même, il mettra sous sa puissance toutes les créatures, qu’il voudra soumettre ; il acquerra toutes les sciences. 3,391.

» Ce magnanime fils, qui vient detenaître, Kounti, sera l’égal de Lunus en beauté, du vent en rapidité, du Mérou en stabilité, de la terre en puissance de porter, du soleil en splendeur, du Dieu, qui dispense les richesses, en fortune, de Çakra en courage, de Vishnou en vigueur ; il fera mordre la poussière à tous les ennemis, comme Vishnou extermina les enfants de Diti. Propagateur de famille, il sera estimé d’une force sans mesure pour la victoire et la mort de ses ennemis. » 3,392-3,393.

» Ainsi parla dans l’atmosphère la voix mystérieuse sur la tête à cent splendeurs[99] des ascètes, qui l’entendirent. La chose n’est pas arrivée de cette manière : ainsi, les Dieux eux-mêmes ne disent pas la vérité. 3,394.

» Quand j’ai entendu les paroles des autres, les plus vertueux des rishis[100], qui t’honorent sans cesse, je ne descends pas encore au respect de Souyodhana, mais je ne te reconnais plus, tourmenté par la crainte de l’Adhirathide. 3,395.

» Monté sur ton char, œuvre éclatante de Twashtri aux roues, qui ont des sons articulés, à l’étendard du singe, ayant pris à la main ta conque d’or aux étoiles de soie et cet arc Gândîva à la taille d’un palmier ; 3,396.

» Conduit sur ton char par Kéçava, comment es-tu venu ici, fils de Prithâ, épouvanté de Karna ? Cède ton arc à Kéçava, tu seras son cocher dans le combat ! 3,897.

» Kéçava tuerait alors ce terrible Karna, comme le sou verain du vent, tenant sa foudre, put immoler Vritra. S’il n’est point capable d’arrêter[101] maintenant dans sa marche ce formidable Râdhéya, 3,398.

» Qu’il donne aujourd’hui ce Gândîva au roi, qui t’est supérieur en astras ! Ainsi, le monde nous verra, fils de Pândou, privés d’épouses et de fils, déchus du bonheur et dépouillés une seconde fois du royaume, précipités dans le profond Nârâka, séjour des vices ! Si tu succombes dans ce cinquième mois, ou si tu dois vivre sur le sein très-infortuné de Prithâ, 3,399-3,400.

» Le bonheur ne te suivra pas, criminel fils de roi, si tu fuis de ce combat ! Honte à l’arc Gândîva ! Honte à la force de tes bras ! Honte à tes multitudes de flèches incalculables ! 3,401.

» Honte à ton drapeau du fils de Késari ! Honte à ton char, présent du Feu ! » 3,402.

À ces mots d’Youdhishthira, le fils de Kountî aux blancs coursiers, éminent Bharatide, bouillant de colère et plein du désir de tuer, saisit son épée. 3,403. Kéçava alors, ayant vu son courroux et-connaissant sa pensée, lui dit : « Pourquoi, fils de Prithâ, as-tu pris ton cimeterre ? 3,404.

» Certes ! Je ne vois pas, Dhanandjaya, qu’il te faille combattre le moins du monde ! car le prudent Bhîmaséna dévore les Dhritarâshtrides. 3,405.

» Tu t’es retiré, fils de Kountî, disant : « Il faut que je voie mon roi ! » Et ton altesse a vu sa majesté Youdhishthira saine et sauve. 3,406.

» Après que tu as vu ce tigre des rois, qui a le courage d’un tigre, que veut dire cette action de folie dans un momoment où tu as obtenu la joie. 3,407.

» Je ne vois pas, fils de Kountî, que ce Dharmarâdja ait mérité la mort de toi. Pour quelle raison veux-tu le tuer ? Ou d’où vient cette émotion de ton esprit ? 3,408.

» Pourquoi ton altesse a-t-elle saisi à la hâte un grand cimeterre ? Voilà, fils de Kountî, sur quoi je t’interroge : quel est ce dessein, qui t’a fait prendre irrité un cimeterre, à toi, de qui le courage est merveilleux ? » À ces paroles de Krishna, et les yeux fixés sur Youdhishthira, 3,400-3,410.

» Arjouna, soufflant comme un serpent, répondit avec colère à Govinda : « Donne le Gândîva à un autre ! » m’a-t-il dit. « Je fendrai la tête à celui, qui me dictera cet ordre. » Tel est le vœu, que j’ai prononcé en mon particulier. Voilà, ce qui me fut dit par ce roi, en ta présence, Govinda. Je ne puis supporter cela. Armé de ce glaive, je tuerai ce roi, timide en face du devoir.

» J’observerai ma promesse en immolant ce plus grand des hommes. C’est pour cela, rejeton d’Yadou, que j’ai pris ce glaive. 3,411-3,412-3,413-3,414.

» Quand j’aurai tué Youdhishthira, je me serai affranchi de ma dette envers la vérité ; je serai sans chagrin, Djanârddana, sans nul souci. 3,415.

» Que penses-tu qui doive être fait en ce moment, que voici arrivé ? Tu connais, mon père, tout le passé et l’avenir de ce monde. 3,416.

» J’agirai de la manière que ta majesté dira. » 3,417.

« Fi ! fi ! » dit Govinda au Prithide : et il ajouta ces nouvelles paroles : 3,418.

« Je sais maintenant, fils de Prithâ, que les plus vieux ne sont pas honorés par toi ; car ton altesse, tigre des hommes, est allée à la colère jusqu’à désirer sa mort.

» Un homme, qui connaît la distinction des devoirs, ne ferait point ainsi, Dhanandjaya ; tu n’es pas instruit encore sur ce point, fils de Pândou, et tu crains le devoir. 3,419-3,420.

» Quiconque mêle ensemble les choses, qui ne sont pas à faire, et les choses qu’il fait, Prithide, celles qu’il fait, et celles qui ne sont pas à faire, est le dernier des hommes.

» Tu ne sais pas la pensée de ces gourous[102], qui connaissent le nombre et la réunion des devoirs, dont ils sont venus exposer[102] les règles à leurs disciples[102].

» L’homme, qui ne sait pas les décisions, est malgré lui dans le délire pour le choix des choses, qui sont à faire ou non, comme ton esprit même est égaré, fils de Prithâ.

» Il est facile de connaître en quelque sorte ce que l’on a ou n’a point à faire ; tout cela s’apprend par la science, mais tu ne le sais pas. 3,421-3,422-3,423-3,424.

» Si, vertueuse, ton altesse observe le devoir, c’est par ignorance : tu ne connais pas suivant la vertu ce qu’est la mort des êtres animés. 3,425.

» J’estime comme ce qu’il y a de plus excellent, mon ami, de ne pas donner la mort aux animaux. On peut dire une chose fausse ; mais on ne peut jamais manquer à sa parole. 3,426.

» Comment ton altesse, tel que si tu étais un autre homme sans noblesse, pourrait-elle tuer un roi, ton frère aîné, versé dans tous les devoirs et le plus excellent des mortels. 3,427.

» La mort ne doit pas être donnée à un ennemi, qui ne combat point, qui fuit, tournant le dos au combat, qui implore merci, 3,428.

» Qui fait avec soumission l’andjali, qui n’apporte aucune attention à la bataille. Les gens de bien n’applaudissent point à cette mort, et tout ce qui la défend se trouve dans l’homme, que tu dois respecter. 3,429.

» Jadis, Prithide, tu as prononcé un vœu presque dans l’enfance ; tu as donc résolu dans ton ignorance une chose, qui est jointe à l’injuste. 3,430.

» Pourquoi sans observer la route subtile, immortelle des devoirs, te précipites-tu, Prithide, avec le désir de tuer sur l’homme, que tu dois respecter ? 4,431.

» Je vais t’exposer, fils de Pândou, ce mystère du devoir, comme pourrait te le dire le Pândouide Bhîshma ou même Youdhishthira, 3,432.

» Ou Vidoura, le fils de la femme esclave, ou l’illustre Kountî ; je vais te l’exposer, selon sa vraie nature : écoute-le, Dhanandjaya, 3,433.

» Dire la vérité est une chose excellente ; il n’est rien de supérieur à la vérité. Vois que le mortel, qui obéit à la vérité, est certainement invincible. 3,434.

» Il faut dire la vérité, on peut dire une chose fausse : là où la vérité sera le mensonge, le mensonge sera la vérité. 3,435.

» Que l’on dise une chose, qui n’est pas vraie à l’occasion d’un mariage, pour atteindre à la volupté, pour défendre sa vie, pour empêcher l’enlèvement de toutes ses richesses ou dans l’intérêt du brahme : ces cinq mensonges sont, dit-on, affranchis du Pâtâla. 3,436.

» Celui, qui eut dès l’enfance une telle pensée, observe la vérité. Quiconque a fait de bonne heure la distinction entre la vérité et le mensonge, devient un homme vertueux. 3,437.

» Qu’y a t-il d’étonnant à ce qu’un individu, qui a mérité la science, tout cruel qu’il soit, obtienne une éminente pureté, comme il est arrivé à Valâka pour l’aveugle mort elle-même. 3,438.

» Qu’y a-t-il encore d’étonnant qu’un insensé, qui désire la vertu, mais qui n’est pas instruit, encourre une bien grande faute, comme il est survenu à Kaaûçika au confluent des fleuves ? » 3,439.

« Raconte-moi, Bhagavat, interrompit Arjouna, de manière que je le sache, quels rapports il y a entre Vakâla, les fleuves et Kaâuçika. » 3,440.

« Jadis était un certain chasseur, nommé Valâka, répondit le Vasoudévide ; il tuait contre sa volonté des gazelles, Bharathide, pour la nourriture d’une épouse et d’un fils. 3,441.

» Il soutenait deux vieillards, son père et sa mère, avec d’autres gens, dont il était l’appui. Il trouvait toujours son plaisir dans ses devoirs ; il était véridique, exempt de médisance. 3,442.

» Un jour, sorti pour trouver une gazelle, qu’il n’apercevait nulle part, il vit un carnassier boire de l’eau : c’était un monstre, qui avait remplacé chez lui sa vue absente par le sens des narines. 3,443.

» Alors, il abattit cet animal, qu’il n’avait pas encore vu. À peine l’aveugle bête fut-elle étendue morte, qu’une pluie de fleurs tomba du ciel. 3,444.

» Le son ravissant des instruments de musique et le chant des Apsaras font résonner les échos ; un char descend du ciel pour y conduire l’heureux chasseur. 3,445.

» Cet être était né évidemment pour la destruction de toutes les créatures. Il avait pratiqué une austère pénitence et obtenu une grâce de Swayambhou, qui l’avait rendu aveugle[103]. 3,446.

» Après que la bête fut tuée, le Destin prit une autre décision touchant la mort de toutes les créatures ; Valâka fut reçu dans le ciel, et le prix du devoir fut donné ainsi à un homme d’une stupide ignorance. 3,447.

» Kaâuçika était un brahme, adonné à la pénitence et très-connu de nous ; il habitait, le fait est certain, non loin d’un village, au confluent d’une rivière et d’un fleuve.

« Que ma parole soit toujours la vérité ! » disait-il ; ce fut là son vœu, Dhanandjaya, d’où lui vint alors le surnom de Satyavâdi[104]. 3,448-3,449.

Certains hommes, tourmentés par la crainte des voleurs, entrèrent dans cette fôret, où il demeurait ; et ceux-ci, pleins de colère, se mirent à leur recherche avec ardeur. 3,460.

» Puis ayant rencontré Kaânçika, ils dirent à cet homme véridique : « Par quelle route, révérend, sont allés ces nombreux voyageurs ? 3,461.

» Réponds à notre demande avec vérité : dis-nous si tu sais où ils sont. » À cette question, Kaâuçika leur répondit cette parole sincère : 3,462.

« Il sont allés par ce bois, qui a de nombreux arbres, arbrisseaux et lianes ! » L’anachorète avança ces mots et, parlant ainsi, il disait la vérité. 3,453.

» Ensuite, ces bandits, ayant joint les voyageurs, leur donnèrent la mort, suivant la renommée. Kaâuçika, en prononçant cette mauvaise parole, commit une grande faute ; 3,454.

» Et non instruit dans les devoirs les plus délicats, il tomba dans l’infortuné Nâraka, comme un insensé, d’une science étroite et qui ne connaît point la distinction des devoirs. 3,455.

» Il n’avait pas interrogé les vieillards, et il méritait, pour ainsi dire, la grande fosse, où le doute vient aboutir. Mais ce personnage doit aussi te servir ici d’un certain exemple. 3,456.

« Des hommes en grand nombre disent unanimement que le caractère de la science est d’établir par la pensée, en suivant les principes et les conséquences, une connaissance difficile et supérieure. 3,457.

» Je ne t’adresse pas d’injure, mais tout n’est pas constitué pour toi : le mot dharma, devoir, a été fait pour marquer la puissance des créatures. 3,458.

» Parce qu’il est joint à l’innocuité, c’est la raison du mot dharma, le devoir. Il a été fait pour forcer les êtres méchants à ne pas nuire aux créatures. 3,459.

» Dharma vient de dhârana, le support : le devoir supporte la création. Comme il est joint à l’action de supporter : voilà l’étymologie du mot dharma. 3,460.

» Ceux qui veulent enlever le devoir avec convenance, le désirent une fois. Ou le salut s’acquiert sans réciter les Védas, alors qu’on ne les récite jamais ! 3,461.

Ou il faut nécessairement les réciter, qu’on soupçonne alors ceux qui ne les récitent pas. Il vaut mieux dire une chose fausse, qu’une vérité sans réflexion. 3,462.

» Quiconque, engagé par un vœu à des choses, qu’il doit faire, ne l’accomplit pas, en les exécutant, n’en recueille point le fruit : ainsi ont dit les sages. 3,463.

» Dans l’extinction des souffles de sa vie, ou dans le mariage, ou dans le décès et le trépas de tous ses parents, il ne faut pas qu’une parole soit dite en vain. 3,464.

» Ceux, qui tiennent leurs regards fixés sur l’intérêt, la vraie nature et le devoir, ne voient là rien d’injuste. Celui, qui sauve des voleurs avec la vertu de ses serments,

» Se dit : « Il vaut mieux énoncer une chose fausse qu’une vérité sans réflexion. » On ne doit jamais répandre sur ces hommes les richesses, en eût-on les moyens. 3,465-3,466.

» Les dons, accordés aux méchants, affligent le donateur lui-même. Quiconque a dit pour le devoir une chose fausse, ne doit pas être pour cela un diseur de mensonges.

» Je t’ai montré, moi, qui désire ton bien, de quelle marque le devoir est illustré, suivant l’espèce, suivant la vertu, suivant mon intelligence. 3,467-3,468.

» Maintenant que tu as entendu cela, dis, Prithide, si Youdhishthira te semble mériter la mort. » 3,469.

« Le discours, que tu viens de prononcer, répondit Arjouna, est excellent pour nous ; il est tel que le dirait un homme à la grande science, ainsi que le dirait un brahme à la haute sagesse. 3,470.

» Ta majesté est pour nous semblable à une mère ; elle est égale à un père : tu es, Krishna, la voie suprême ; tu es la route de l’autre monde. 3,471.

» Il n’existe nulle part une chose dans les trois mondes, qui te soit inconnue : ta majesté connaît donc, suivant la vérité, le devoir entièrement dans l’ordre le plus élevé.

» Je pense que le Pândouide Youdhishthira-Dharmarâdja ne mérite point la mort. Réponds quelque chose de favorable à cette pensée de moi. 3,472-3,473.

» Mais écoute cette autre chose, qui est dans mon cœur et que je désire exposer. 3,474.

» Tu connais mon vœu, Dâçârhain : je tuerais avec violence, quiconque parmi les hommes, Kéçava, oserait me dire : « Donne-le Gândîva à cet autre, car il t’est supérieur, soit en vaillance, soit en astras. » Bhîma lui-même l’immolerait en disant : « C’est un eunuque ! » Eh bien ! le roi m’a dit plus d’une fois en ta présence, ô le plus grand héros des Vrishnides : « Donne ton arc ! » 3,475-3,476.

» Si je le tue, Kéçava, l’âme perdue et la vigueur éteinte, après avoir pensé en pécheur et donné la mort au roi, je ne resterai pas un temps, sa durée filt-elle courte[105], dans le monde des vivants. 3,477.

» Daigne mettre ta pensée, ô le plus excellent des hommes, qui soutiennent le devoir, de manière que ma promesse soit vraie dans la pensée du monde, et que l’aîné des Pândouides et moi nous conservions la vie. » 3,478.

« Ce roi, qui fut toujours profondément blessé dans son combat, héros, par les flèches de l’Adhirathide, reprit le Vasoudévide, est fatigué, percé, accablé de douleur par les multitudes de traits, que Karna fit voler dans la bataille. 3,479.

» De-là vient qu’il t’a parlé avec colère en ces paroles disjointes : « S’il eût été enflammé de courroux, a-t-il dit, il aurait tué Karna dans le combat. » 3,480.

» Il te connaît, Pândouide, ainsi que Râdhéya, l’intolérable à d’autres, le scélérat dans le monde, et c’est pour cela que ce roi, extrêmement irrité, Prithide, t’a jeté, en ma présence ces paroles blessantes. 3,481.

» Le jeu est engagé maintenant dans la bataille avec Karna, toujours excité, continuellement intolérable. Une fois couché mort, les Kourouides seront vaincus : telle est l’opinion du prince, fils d’Yama. 3,482.

» Youdhishthira ne mérite point que tu lui donnes la mort. Il faut conserver ta promesse, Arjouna. Écoute de ma bouche cette chose digne de toi, par qui ce guerrier vivant sera étendu mort. 3,483.

» S’il obtient de l’honneur, cet homme, qui ne mérite pas d’honneur, alors il vit dans le monde des vivants. Mais, s’il est le jouet d’un grand mépris, alors, quoique vivant, il est appelé mort. 3,484.

» Ce Pândouide, il fut honoré dans le monde par les vieillards et les vaillants hommes, par les deux jumeaux, par Bhîmaséna et par toi-même, couvre-le donc, avec ton mépris, la courte durée d’un seul instant. 3,485.

» Dis ici : « Toi ! » Prithide, à sa majesté Youdhishthira. Sur ce mot : « Toi ! » Bharatide, l’homme, que tu dois respecter, tombera mort. 3,486.

» Observe cette conduite, fils de Kountî, à l’égard d’Youdhishthira-Dharmarâdja. Rends-le, propagateur de la race des Kourouides, uni, attaché au vice. 3,487.

» Cette doctrine, la plus haute des sciences, est celle d’Atharvan et d’Angiras, celle, que doivent toujours suivre, sans réflexion même, les hommes désireux de renommée.

« Ce qui est appelé mort sera changé en la vie, parce que tu es l’aîné ; » ainsi parle le révérend. Instruit dans la vertu, dis à Dharmarâdja ce qui fut dit par moi. 3,488-3,489.

» Il saura ainsi que tu lui préparais la mort, fils de Pândou. Ensuite, inclinant ton corps, salue ses pieds ; parlelui avec calme et flatte cet autre fils de Prithâ. 3,490.

» Ayant jeté un regard sur le devoir en lui-même, le roi, ton docte frère, ne concevra jamais de colère contre toi. Affranchi de la mort injuste de ton frère, fais donc mordre maintenant, avec joie, la poussière à Kama, le fils du cocher. » 3,491.

À ces mots de Djanârddana, le Prithide Arjouna, quand il eut loué ce discours ami, tint ce langage à Dharmarâdja, en s’efforçant de ne pas lui adresser d’abord une parole fâcheuse : 3,492.

« Ne parle pas, sire, ne parle pas, toi, qui restes loin du champ de bataille à la distance d’un kroça ; car c’est à Bhîmaséna, qu’il appartient de me blâmer, à lui, qui combat avec les plus grands héros de l’univers entier. 3,493.

» Lorsqu’il eut, au temps nécessaire, accablé les ennemis et qu’il eut tué dans le combat les héros, maîtres de la terre, les principaux éléphants, les plus grands des chefs de chars, et les vaillants ennemis, capitaines des cavaliers ; 3,494.

» Lui, qui, jetant son cri de guerre tumultueux, abattit sur le champ du combat, un millier et plus d’éléphants et une myriade des montagnards du Kambodje, comme un lion fait un carnage de gazelles ; 3,495.

» Héros, il a fait une œuvre bien difficile et telle que jamais tu ne pourrais l’exécuter toi-même. Sautant à bas de son char, il saisit une massue, avec laquelle il tua les ennemis, chars et cavaliers. 3,496.

» Avec la meilleure des épées, il moissonna les éléphants, les chevaux, les chars et les rapides coursiers ; avec son arc et ses demi-chars[106], il consuma les ennemis. Lui, qui a le courage de Çatâmanyou, il prenait ses adversaires par les pieds, ensuite par les bras, et leur donnait la mort. 3,497.

» Guerrier à la grande force, égal à la Mort ou à Kouvéra, il massacre avec violence l’armée des ennemis. Bhîma peut me blâmer et non toi, qui es continuellement défendu par tes amis ! 3,498.

» Ce dompteur des ennemis, après qu’il a broyé les principaux des fantassins, et les chevaux, et les meilleurs des éléphants, et les fameux héros, Bhîma seul, qui s’est plongé au milieu des Dhritarâshtrides, peut faire ma censure. 3,499.

» Ce dompteur des ennemis, qui immole en grand nombre les troupes de ses adversaires, les Kalingas, les Vangas, les Angas, les Nishâdas et les Mâgadhains, toujours ivres et semblables à de sombres nuages, il peut faire de moi la critique. 3,500.

» Monté sur un char attelé, agitant son arc au moment du combat, la main pleine de flèches, ce héros lance des averses de traits, comme un nuage des gouttes d’eau.

» Huit centaines d’éléphants avec des globes frontaux, des trompes et des cimes de trompes, ont succombé dans la bataille sous les dards, jetés çà et là, de Bhîmaséna ; ce meurtrier des ennemis, il peut donc certainement m’adresser une parole blessante. 3,501-3,502.

» Les sages disent que la force des plus excellents brahmes est dans la parole, et que le kshatrya possède la force des bras. Tu es fort en paroles, tu es même injurieux, Bharatide ; mais tu sais quelle est ma force. 3,503.

» Parce que tu me déchires avec les flèches de ta parole, nous ne savons pas le moins du monde faire ce qui t’est agréable, comme désirent le faire ton épouse, tes fils et toi-même pendant la vie. 3,504.

» Ne fais pas mépris de moi, ô toi, qui partages lacouche de Draâupadî ; c’est pour toi que je repousse les grands héros ; que cette pensée, Bharatide, étouffe en toi le soupçon ; tu es dur, et je ne sais pas le moins du monde ce qui t’est agréable. 3,505.

» La mort de lui-même dans le combat fut prédite, roi des hommes, par Bhîshma, comme une chose, qui devait t’être agréable. Çikhandî, le fils de Droupada, est un héros magnanime ; il immola, défendu par moi, Satyasandha, le véridique. 3,506.

» Je ne reconnais pas ton empire, à cause duquel tu es attaché au mal par les yeux. Tu as commis une faute, aimée des hommes vils, et tu désires vaincre par nous les ennemis. 3,507.

» On est tombé sous tes yeux en de nombreux péchés ; tu as prêté l’oreille à des gens sans vertus. Aimés, bien qu’ils fussent déshonnêtes, tu n’eus pas le désir de les abandonner : et nous sommes descendus tous, à cause de cette faute, dans le Niraya. 3,508.

» Nous ne connaissons rien, qui soit ton plaisir, d’où vient que tu es arrivé[107] à t’en plaindre par les larmes de tes yeux. Tu as fait toi-même notre malheur, Pândouide ; et tu nous donnes à entendre maintenant des paroles mordantes. 3,509.

» Immolée par nous, l’armée ennemie, poussant des cris, gît sur le sol de la terre, avec ses éléphants mutilés. Tu as accompli toi-même cette œuvre coupable : à cause de quoi, la mort des Kourouides est une faute. 3,510.

» Les septentrionaux furent tués, les occidentaux ont péri, les orientaux et les peuples du midi ont succombé : cette action incomparable fut exécutée dans les combats par les plus grands de leurs combattants et des nôtres.

» Gémis ! tu es cause de la perte du royaume, et tu es l’origine de nos malheurs, Indra des hommes ! Cesse de nous blesser par les cruels aiguillons de tes paroles, et n’excite plus notre colère, homme de petite vertu. »

Quand l’Ambidextre à la science solide eut fait entendre ces mots âpres et mordants, le docte roi, timide en face du devoir, reconnaissant ainsi qu’il avait commis un certain nombre de péchés, fut aussitôt abandonné de son âme.

Ensuite, le fils du roi des Dieux fut en proie à la douleur ; il soupira et tira son épée. Krishna alors de lui adresser ces mots : « Que veut dire encore ceci ? Ta majesté met hors du fourreau son épée, semblable à l’azur du firmament. 3,511-3,512-3,513-3,514.

» Dis-moi encore cette dernière parole, et je te donnerai mes conseils pour le succès de tes affaires. » À ce langage du plus grand des hommes, Arjouna, accablé d’une vive douleur, répondit à Kéçava : 3,515.

« Je veux donner une mort violente à ce corps, avec lequel j’ai mené et je mène ici une conduite ennemie ! » Lorsqu’il eut entendu ces paroles du Prithide, le plus excellent des hommes vertueux dit ces mots à Dhanandjaya :

« Après que tu as tenu à ce monarque un tel langage, pourquoi es-tu tombé, Prithide, dans cet horrible abattement d’esprit ? Tu veux te porter la mort à toi-même, dompteur des ennemis ; mais ce n’est pas, Kirîti, cette action, que pratiquent les gens de bien. 3,016-3,517.

» Si tu immoles maintenant de ton cimeterre ce juste, ton frère ainé, comment, héros des hommes, trouveras-tu un mortel, qui ait pour cela peur du devoir, ou que feras-tu même ensuite ? 3,518.

» Le devoir est subtil ; il est surtout difficile à connaître ; écoute, Prithide, ce qui fut dit avant ce jour par des ignorants. Quand tu te seras donné la mort à toi-même, tu obtiendras, comme pour la mort de ton frère, le très-épouvantable séjour du Nâraka. 3,519.

» Commence par dire maintenant ici tes vertus, Prithide, et tu seras homicide de toi-même. » - « Qu’il en soit ainsi, Krishna ! » et, disant ces mots, Dhanandjaya le salua et inclina son arc. 3,520.

Le fils de Çakra dit à Youdhishthira, le plus excellent des hommes vertueux : « Écoute, sire. Il n’existe pas un autre archer, roi des hommes, supérieur à moi, excepté le Dieu, armé de l’arc Pinâka. 3,521.

» En effet, approuvé par lui, moi, j’immolerais, dans un instant, de mes coups magnanimes, ce monde avec ses créatures immobiles et mobiles ; en effet, vaincu entièrement par moi, sire, cette plage secondaire avec la plage principale fut mise sous le pouvoir de ta majesté. 3,522.

» Un râdjasoûya fut célébré par les contrées du midi ; et, grâce à ma vigueur, ta majesté put tenir une assemblée céleste : ma main lança des traits acérés, après que j’eus bandé mon arc avec sa corde et ses flèches. 3,523.

» Mes deux pieds sont accompagnés d’un char, abrité sous un drapeau. On ne vainc pas un homme tel que moi, venu dans les combats. Les septentrionaux sont immolés, les occidentaux sont terrassés, les orientaux sont couchés morts, les guerriers du midi sont abattus. 3,524.

» Il ne reste même rien des conjurés ; j’ai fait mordre la poussière à la moitié de toute l’armée. Semblable à l’armée des Dieux, sire, l’armée des Bharatiens git, exterminée sous mon bras. 3,526.

» Je tue les braves, à qui les astras sont connus ; et les miens réduisent ainsi les mondes en cendre. Montés sur l’horrible char le Victorieux, nous allons, Krishna, immoler bientôt le fils du cocher. 3,526.

» Que notre monarque soit maintenant bien tranquille : je ferai mordre la poussière à Karna dans la bataille sous mes flèches. » Dès qu’il eut dit ces mots, le Prithide adressa de nouveau ces paroles à Youdhishthira, le plus excellent des hommes vertueux : 3,527.

« Kountî, la mère d’un cocher, perdra son fils aujourd’hui ; ou elle sera brisée par ma violente mort. Je te dis ici la vérité : je ne délierai pas ma cuirasse sur le champ de bataille, que je n’aie tué Karna ! » 3,528.

À peine eut-il prononcé ces paroles, le Prithide, rejetant ses flèches, déposant son arc, et repoussant rapidement son épée dans le fourreau, ajouta ces mots à Youdhishthira, le plus vertueux des hommes ; 3,529.

Inclinant sa tête avec confusion, et joignant les paumes de ses mains, Kirîti dit à son frère : « Rends-moi ta faveur, sire, et pardonne ce que j’ai dit. Ta majesté verra cela dans le temps. Je te fais adoration. » 3,530.

S’étant approché du roi, le plus grand des héros, placé devant lui, dit encore : « Cela ne tardera pas long-temps ; mais sera accompli bientôt : il vient à moi, et je marche à lui. 3,531.

» Je cours de toute mon âme délivrer Bhîma du combat, et tuer le fils du cocher pour faire dans ma vie une chose, qui te soit agréable. Je te dis-là, sire, une vérité. »

Il dit ; et, s’étant redressé, Kirîti à la splendeur enflammée, allongea le pied afin de partir ; et, dès qu’il eut entendu cet âpre discours de son frère Phâlgouna, le Pândouide Dharmarâdja, 3,532-3,533.

S’étant levé de cette couche, dit, l’âme enveloppée de douleur, ces mots au Prithide : « Je suis la cause, fils de Prithâ, que vous avez obtenu une chose, qui ne fut pas heureuse pour vous, une infortune bien épouvantable.

» Voici ma tête ! Coupe-la donc à l’instant même, à moi, le dernier des hommes et la mort de ma famille, criminel, paresseux, lâche, à l’âme insensée, que suivent les malheurs et les vices ! 3,534-3,535.

» Homme injurieux, contempteur des vieillards, pourquoi ai-je recherché ce qui était odieux pour toi, mais qui m’était agréable ? Coupable, je pars à l’insUint pour la forêt : toi cependant, abandonné par moi, jouis du bonheurl

Le magnanime Bhîmaséna est un roi convenable. Quel besoin d’un sceptre pour mon bras débile ? Je ne suis plus capable de supporter encore une fois ces paroles blessantes de ta personne, enflammée de colère. 3,536-3,537.

» Le roi Bhîma n’a rien à faire de ma vie, héros, objet maintenant du mépris. » À ces mots, ayant abandonné cette couche, le roi s’élança d’un pied rapide ; 3,538.

Et il sortit pour s’en aller dans les bois ; mais le Vasoudévide s’inclinant lui dit : 3,539.

« Il est su de toi, sire, que l’archer du Gândîva, fidèle à la vérité, a fait une promesse célèbre, qui est relative au Gândîva. 3,540.

» Si un homme te dit ces mots dans le monde : « Donne à un autre l’arc Gândîva ! » tu devras le mettre à mort. » Tels étaient les paroles, qui lui furent dites. 3,541.

» D’après mon désir, ce fils de Prithâ, qui veut sauver la vérité[108] de sa promesse, t’accabla de son mépris, souverain de la terre. 3,542.

» Le dédain pour ceux, que l’on doit respecter, est nommé la mort. Tu eus donc, sire aux,longs bras, à supporter cette faute de moi et du Prithide, ou de tous les deux. L’un et l’autre, puissant roi, nous nous tournâmes vers ton aide, pour la conservation de la vérité. 3,543-3,544.

» Veuille me pardonner, sire, à moi, qui implore incliné ma grâce. La terre boira aujourd’hui le sang du criminel Râdhéya. 3,545.

» Je te promets ici la vérité : sache que ce fils du cocher, dont tu désires la mort, sera tué aujourd’hui : sa vie même est arrivée à sa fin. » 3,546.

Il dit ; et, quand il eut entendu ce discours de Krishna, Youdhishthira-Dharmarâdja fit relever alors Hrishîkéça incliné, enveloppé de trouble ; 3,547.

Et, joignant ses mains au front, il tint ce langage, qui suivit immédiatement les paroles du Vasoudévide : « Comme tu l’as dit toi-même, cette faute est ainsi la mienne. 3,548.

» Je suis apaisé, Govinda ; je suis sauvé, Mâdhava. Tu nous as délivré aujourd’hui, Impérissable, d’une horrible infortune. 3,549.

» Sous l’abri de notre divin protecteur, tous deux, égarés par l’ignorance, nous avons été arrachés à cet épouvantable océan de malheurs. 3,550.

» Montés sur ton esprit, comme sur une barque, nous avons été sauvés par toi, Impérissable, avec nos conseillers, avec nos protecteurs mêmes, de cette mer de chagrin et de douleur. » 3,551.

Dès qu’il eut ouï ces paroles accompagnées de plaisir, énoncées par Dharmarâdja, le vertueux rejeton d’Yadou, Govinda, adressa ces mots au rejeton de Prithâ, qui avait parlé de cette manière à Youdhishthira, suivant ce qu’avait dit Krishna. Il était consterné, comme s’il eût commis quelque péché ; 3,552-3,553.

Et le Vasoudévide lui dit en riant : « Comment cela pourrait-il être assurément, Prithide, si de ton glaive au tranchant acéré, tu immoles ce fils de Dharma, à l’âme résolue dans le devoir. Après que tu eus adressé au monarque ce mot : « Toi !» tu es tombé dans l’abattement de l’esprit. 3,554-3,555.

» Quand tu auras tué le souverain des hommes, Prithide, que feras-tu ensuite ? C’est ainsi que le devoir est difficile à connaître, surtout par des gens à l’intelligence étroite. 3,556.

» La mort de ton frère aîné conduirait, sans aucun doute, dans l’épouvantable séjour du Naraka ton altesse très-élevée par la crainte de manquer au devoir. 3,557.

» Concilie-toi[109] le plus grand des Kourouides, ce roi, accompagné du devoir et le plus excellent des hommes vertueux : voilà quel est ici mon sentiment. 3,558.

» Lorsque tu auras apaisé le roi par ta piété, et qu’Youdhishthira sera revenu à la joie, marchons à la hâte engager le combat avec le char du fils de cocher. 3,559.

» Aujourd’hui, quand tu auras tué Karna dans la bataille sous tes flèches aiguës, procure, ô toi, qui donnes l’honneur, une vaste joie au fils d’Yama. 3,560.

» J’estime que ce moment-ci, guerrier aux longs bras, est opportun : une fois que tu auras agi de cette manière, ce que tu dois faire sera complètement fait. » 3,561.

Ensuite Arjouna, accompagné de pudeur, grand roi, inclina sa tête aux pieds de Dharmarâdja, 3,562.

Et dit mainte et mainte fois au plus excellent des Bharatides : « Rends-moi tes bonnes grâces, sire, et pardonne ce qui fut dit par moi, homme timoré et désireux du devoir. » 3,563.

Dès qu’Youdhishthira-Dharmarâdja le vit tombé à ses pieds, il fit relever son frère Dhanandjaya, baigné de larmes ; et, l’ayant embrassé avec amour, éminent Bharathide, le souverain de la terre se répandit en pleurs. 3,564-3,565.

Puis, quand ils eurent pleuré un temps bien long, Maharâdja, ces deux héros à l’immense splendeur, s’étant essuyé les yeux, se montrèrent pleins de joie. 3,566.

Après qu’il l’eut embrassé avec amour et baisé sur la tête, le fils de Pândou, comblé d’une joie suprême et souriant mainte et mainte fois, 3,567.

Dharmarâdja dit à Dhanandjaya au grand arc : « Malgré mes efforts dans la guerre et sous les yeux de toute l’armée, héros aux longs bras, Karna de ses flèches a tranché ma cuirasse, mon drapeau, mon arc, ma lance de fer, mes chevaux et mes traits. 3,568-3,569.

» Lorsque je vis et que je connus sa prouesse dans la bataille, Phàlgouna, la douleur me conduisit à la mort, et la vie n’eut plus aucun agrément pour moi. 3,570.

» Si tu ne l’immoles pas aujourd’hui dans la guerre, héros, j’abandonnerai les souffles de l’existence : qu’ai-je donc à faire de la vie ? » 3,571.

À ces mots, Vidjaya lui répondit, éminent Bharatide : « Je le jure sur la vérité, sire, et sur ta faveur ! 3,572.

» Accompagné de Bhîma et des jumeaux, roi, le plus excellent des hommes, je tuerai aujourd’hui Karna dansla bataille ; ou je tomberai mort sur le sol de la terre. Je touche mes armes en garantie de cette vérité. » Quand il eut parlé ainsi au monarque, il tint ce langage à Mâghavat : 3,573-3,574.

» Je tuerai aujourd’hui Karna dans la bataille, Krishna : il n’y a aucun doute. La mort de ce guerrier vicieux arrivera, s’il te plaît, grâce à ta pensée ! » 2,575.

À peine eut-il parlé ainsi, ô le plus excellent des rois, Kéçava dit au Prithide : « Tu es capable, ô le plus éminent des Bharatides, d’immoler Karna à la grande vigeur.

» Ce fut toujours là mon désir, illustre héros : comment, disais-je, ô le plus grand des hommes, ton altesse pourra-t-elle donner la mort à Karna dans un combat ? » 3,576-3,577.

Le sage Mâghavat adressa encore ces paroles au fils d’Yama : « Youdhishthira, veuille faire entendre quelque chose de flatteur à ce Bîbhatsou, en lui accordant la permission de tuer aujourd’hui le vicieux Karna. J’ai ouï dire que l’Adhirathide t’avait accablé de ses flèches.

» Il m’est arrivé de connaître, fils de Pândou, que tu étais venu à ce sacrifice[110] de la guerre. Heureusement, sire, tu n’as pas été tué ; heureusement, il n’a point réussi à te faire prisonnier. 3,578.-3,579-3,580.

» Flatte Bîbhatsou, irréprochable monarque, et commande-lui de remporter la victoire. » 3,581.

« Viens ! viens ! Bîbhatsou, fils de Prithâ, répondit Youdhishthira ; embrasse-moi, fils de Pândou. Tu m’as dit les paroles utiles, que je devais entendre ; et moi j’aurais dû les supporter. 3,582.

» Je t’accorde ce congé, Dhanandjaya : triomphe de Karna. Ne conçois aucun souci, Prithide, des choses blessantes, que j’ai pu dire. » 3,583.

Ensuite Dhanandjaya, inclinant sa tête, vénérable monarque, prit en ses deux mains les pieds de son frère aîné. Quand le souverain l’eut fait relever, embrassé, serré dans ses bras et baisé sur la tête, Phâlgouna lui répondit en ces termes : 3,584-3,585.

« Dharmarâdja aux longs bras, tu m’as honoré parfaitement : obtiens une plus grande majesté et la victoire éternelle. 3,586.

» Je m’approcherai de Râdhéya, orgueilleux de sa force, et je conduirai aujourd’hui avec mes flèches dans le combat à la mort ce guerrier aux actions criminelles, accompagné de ses parents. 3,587.

» Karna aujourd’hui recueillera l’horrible fruit de l’action de cet arc solide, qui, levé dans ses mains, t’accabla de traits. 3,588.

» Vainqueur de Karna, souverain de la terre, je te reverrai aujourd’hui pour te saluer après les gémissements et les pleurs : je te dis la vérité. 3,589.

» Je ne m’éloignerai pas aujourd’hui du champ de bataille, que je n’aie tué Râdhéya : et je touche tes pieds, maître de la terre, en garantie de cette vérité. » 3,590.

À Kirîti, qui parlait ainsi, Youdhishthira charmé adressa ces paroles plus élevées : « Que les Dieux te donnent la renommée[111], la vie désirée, la victoire, une vigueur infatigable et la destruction présente des ennemis ! 3,591.

» Marche ! puissent les Immortels t’accorder l’intelligence de manière que cette chose ait le dénouement, que je désire ! Marche ! Immole promptement Karna dans le combat, comme Pourandara fit mordre la poussière à Vritra pour l’accroissement de lui-même. » 3,592.

Dès qu’il se fut concilié Dharmarâdja, le fils de Prithâ, se hâtant à la mort de l’Adhirathide, dit ces mots d’une âme joyeuse à Govinda : 3,593.

« Que mon char soit préparé ! Que mes superbes coursiers soient attelés de nouveau ! Que toutes mes armes soient prêtes dans mon grand char. 3,594.

» Que les chevaux, avec des cavaliers aux montures bien dressées, revenant au combat, s’avancent, accompagnés de hâte, disposés avec les moyens auxiliaires des chars.

» Marche promptement, Govinda, avec le désir dépoiler la mort au fils du cocher. » À ces mots, grand roi, du magnanime Phâlgouna, 3,595-3,596.

Krishna dit à Dârouka : « Fais tout comme le dit Arjouna, le meilleur des Bharatides et le plus excellent de ceux, qui manient l’arc. » 3,597.

À cet ordre de Krishna, Dârouka, ô le plus grand des rois, attela ce char, couvert d’une peau de tigre et le fléau des ennemis ; puis, il annonça au magnanime Pândouide que tout était préparé. Dès qu’il vit son char attelé par le diligent Dârouka, 3,598-3,599.

Le Prithide de saluer Dharmarâdja, de faire prononcer la félicité aux brahmes, et de monter dans ce char suprême, comblé des plus fortunées bénédictions. 3,600.

Son roi à la grande science, Youdhishthira-Dharmarâdja lui-même s’en alla, privé des bénédictions d’usage, contre le chariot de Karna. 3,601.

Dès que les créatures virent ce héros s’avancer, elles regardèrent Karna comme immolé déjà par le magnanime Pândouide. 3,602.

Toutes les plages du ciel furent de tous les côtés sans tache ; et les geais bleus, les paons et les ardées, souverain des hommes, 3,603.

Décrivirent alors un pradakshina autour du rejeton de Pândou ; et de nombreux oiseaux fortunés, resplendissants, nommés purs, excitant Arjouna dans le combat, gazouillèrent autour de lui avec des formes joyeuses. Les ardées, les vautours, les grues, les faucons et les corneilles, souverain des hommes, 3,604-3,605.

S’avancèrent formidables devant lui, dans l’espérance d’une chair. Des prodiges annoncèrent des choses heureuses au Pândouide. 3,606.

Une grande sueur naquit au fils de Prithâ, tandis qu’il marchait à l’extermination des guerriers ennemis et à la mort de Karna. 3,607.

Une profonde pensée lui vint : « Comment cela sera-t-il ? » Ensuite, le meurtrier de Madhou tint ce langage à l’archer du Gândîva, quand il vit s’avancer le Prithide, plongé dans ses réflexions : 3,608-3,609.

« Il n’existe pas un autre mortel ici que toi, archer du Gândîva, pour être le vainqueur de ces hommes, qui furent vaincus dans le combat par ton arc. 3,610.

» En effet, ces nombreux héros, qui égalaient Çatakratou par le courage, qui sont venus à la bataille, et qui ont osé jeter les yeux sur toi, sont tous passés dans la voie suprême. 3,611.

» Qui, en effet, s’étant avancé à la rencontre de Drona, de Bhishma, de Bhagadatta, de l’un et l’autre Avantien, Vinda et Anouvinda, vénérable monarque, du Kambodjain Soudakshina, de Çroutâyoush à la grande vigueur et d’Atchyoutâyoush, serait aussi heureux que toi, seigneur ?

» Divins sont tes astras, ta légèreté, ta force, ton calme dans les combats, ta soumission à la science, la sûreté de tes blessures, ton infaillibilité à toucher le but, ton absorption en Dieu ! Ton altesse, Arjouna, pourrait tuer les Dieux avec les Gandharvas et les êtres immobiles ou mobiles. 3,612-3,613-3,614-3,615.

» Il n’existe pas sur la terre, Prithide, un combattant, qui soit égal à toi dans la bataille : les kshatrvas, quels qu’ils soient, armés d’un arc, sont ivres de la furie des combats ; mais je ne sais pas, ni par les yeux, ni par l’oreille, qu’un d’eux, à partir des Dieux, soit égal à toi. Les êtres créés par Brahma, et ce grand arc Gândîva,

» Avec lequel tu combats, Prithide, ne sont donc pas équipollents à toi. C’est mon devoir, nécessairement, de te dire ce qui t’est convenable, fils de Pândou. 3,616-3,617-3,618.

» Ne méprise pas, guerrier aux longs bras, Karna, qui a la beauté des batailles. Karna est, en effet, un grand héros, plein de vigueur, orgueilleux, consommé dans les armes.

» C’est un soldat vaillant, habile, instruit dans les temps et les lieux. Qu’est-il besoin ici de longs discours ? Écoute avec abrégé, Pândouide. 3,619-3,620.

» Je pense que Karna est un grand héros, égal ou même supérieur à toi. Déployant le plus sublime effort, tu dois lui porter la mort dans ce vaste combat. 3,621.

» Il est semblable au feu en splendeur, égal pour la rapidité à la fougue du vent, comparable à la Mort pour la colère, vigoureux, au corps de lion. 3,622.

» Sa taille est de huit brasses ; il a de longs bras, une large poitrine ; il est bien difficile à vaincre ; il est fier ; c’est un brave, le plus grand des héros ; il est agréable à voir. 3,623.

» Associé à toutes les qualités du combattant, éloignant la crainte de ses amis, il fut toujours plein de haine pour les Pândouides, trouvant son plaisir dans le bien du Dhritarâshtride. 3,624.

» Râdhéya ne peut être mis à mort par tous les Dieux mêmes, commandés par Indra, si ce n’est par toi : voilà mon sentiment. Immole donc le fils du cocher. 3,625.

» Il est impossible à tous les Immortels, déployant leurs efforts, animés par le désir du combat, qui boivent le sang et mangent la chair, de vaincre ce héros à l’âme inique, cruel, qui vit au milieu des vices et qui est toujours rempli d’une science méchante à l’égard des Pândouides. Quand tu auras tué Karna, de qui les affaires sont marquées au coin de l’injustice pour la destruction des Pândouides, goûte alors l’accomplissement de ton entreprise. 3,626-3,627-3,628.

» Conduis aujourd’hui sous le pouvoir de la mort ce fils du cocher, le meilleur des maîtres de chars, et de qui le front est orné d’un nishka. Verse la joie au cœur de Dharmarâdja, en immolant ce fils du cocher, le plus excellent des maîtres de chars. 3,629.

» Je connais véritablement ta vigueur, que ne sauraient arrêter, Prithide, les Asouras et les Dieux mêmes. Cet Adhirathide à l’âme inique méprise toujours dans son orgueil les fils de Pândou. 3,630.

» C’est grâce à lui que ce vicieux Douryodhana se croit un héros lui-même. Arrache aujourd’hui, Dhanandjaya, cette racine de tous les vices, ce fils du cocher. 3,631.

» Immole, Dhanandjaya, cet impétueux, cet orgueilleux Karna, le tigre des hommes, de qui le cimeterre est la langue, l’arc est sa gueule et les flèches ses dents aiguës.

» Je t’en donne la permission, à cause de ta force et de ton courage ; immole cet héroïque Karna dans la bataille, comme un lion extermine un éléphant. 3,632-3,633.

» Anéantis aujourd’hui ce Karna le Découpeur, de qui la valeur fait que la tienne, Prithide, est méprisée duDhritarâshtride. » 3,634.

Ensuite Kéçava à l’âme incommensurable de parler une seconde fois à Phâlgouna : « Fais approcher ton projet conçu, Bharatide, vers la mort de Karna. 3,635.

» Il y a aujourd’hui dix-sept jours écoulés depuis la mort très-épouvantable des chevaux, des éléphants et des guerriers. 3,636.

» La grande armée des tiens se joignit avec les ennemis ; reste, échappé avec peine, ils obtinrent le combat des uns avec les autres, souverain des hommes. 3,637.

» Ayant rassemblé des chevaux et des éléphants en bon nombre, les Kaâura viens, s’étant avancés vers toi, leur ennemi, ces maîtres de la terre, en étant venus aux mains avec les Srindjayas, ont péri sur le front du combat ; mais, s’étant mis sous ton abri inaffrontable, les Pândouides restèrent le pied ferme : 3,638.

» Les Pântchâlains et les Pândouides avec les Matsyas, les Kâroushas et les Tchédiens, ces meurtriers des ennemis, défendus par toi, étendirent alors le carnage des troupes hostiles. 3,639.

» Qui est capable, mon ami, de vaincre dans la guerre les Kaâuraviens puissamment défendus, si ce n’est toi, le grand héros des Pândouides ? 3,640.

» Tu peux vaincre dans un combat les hommes, joints aux Asouras et aux Dieux, les trois mondes enfin réunis ; à plus forte raison l’armée Kourouide. 3,641.

» Quel autre que toi, tigre des hommes, ressemblât-il même au Dieu Indra, aurait pu vaincre le roi Bhagadatta ?

3,642.

» Tous les princes ne pouvaient fixer leurs yeux mêmes sur cette vaste armée, défendue par toi, irréprochable fils dePrithâ. 3,743.

» C’est parce que tu les défendais toujours dans le combat que Dhrishtadyoumna et Çikhandi abattirent sous leurs coups Bhîshma et Drona ! 3,644.

» Qui était capable de triompher dans une bataille de ces deux grands héros des Bharatides, au courage semblable à celui de Çakra dans la guerre ? 3,645.

» Quel mortel, si ce n’est toi, tigre des hommes, pouvait triompher ici de Bhîshma le Çântanouide, de Drona, du Découpeur, de Kripa, d’Açwatthâman, du Somadattide et de Rritavarman, du Sindhien, du souverain de Madra et du roi Souyodhana, ces héros, consommés dans les astras, et qui tous ne savaient pas reculer dans un combat, ces maîtres d’armées complètes, terribles, agissant de concert, ivres de la furie des batailles ? 3,646-3,647-3,648.

» De nombreuses lignes détruites aux éléphants et aux chars anéantis, formidables, venues de contrées différentes, et composées de kshatryas irrités, 3,649.

» Une armée aux magnifiques éléphants, aux chevaux superbes, formée de tous les kshatryas, des Dâsamîyas,’ qui s’enveloppent de la dépouille des taureaux, des Vaçâtiens, des fiers Orientaux, qui font leur nourriture des fruits du figuier religieux ou de grains frits, s’étant approchés de toi et de Bhîma, Bharatide, y ont rencontré la mort. 3,650-3,651.

» Les Toushâras formidables aux actions effrayantes, les Yavanas, les Khaças, les Darvas, les Abhisâras, les Daradas, les Çakas, les Râmathas et les Kaâunkas, 3,652.

» Les Andrakas, les Poulindas et les Kirâtas au courage terrible, les Mlétchhas, les montagnards et les peuples, qui habitent les bords marécageux de la mer, 3,653.

» Ces populations fières, ivres de batailles, vigoureuses, armées de bâtons, soulevées avec les Kourouides dans l’intérêt de Souyodhana, 3,654.

» Ne peuvent être vaincues dans le combat par un autre que toi, fléau des ennemis. Quel homme, voyant que le Dhritarâshtride est superbe, à la taille élevée, à la grande force, oserait s avancer en ennemi vers ces lieux, où tu ne portes pas des armes protectrices ? Admirable comme l’océan et couverte de poussière, après que son armée 3,655-3,656.

» Eut été rompue, seigneur, immolée par les Pândouides irrités, que défendait ta valeur, le souverain des Mâghadhains, le vigoureux Djayatséna 3,657.

» Gît, depuis sept jours maintenant, abattu dans le combat par Abhimanyou. Ensuite Bhîma assomma de sa massue dix mille éléphants aux faits épouvantables, cortège de ce roi. Puis, il terrassa par sa force les autres proboscidiens et les chars à centaines. 3,658-3,659.

» Tandis que ce combat effroyable se déroulait, fils de Pândou et de Prithâ, les Kourouides s’avancèrent vers toi et vers Bhîmaséna, 3,660.

» Et s’en allèrent d’ici au monde de la mort avec leurs chevaux, leurs chars et leurs éléphants. À la tête de cette armée terrassée ici pour les Pândouides, fils de Prithâ,

» Bhîshma de lancer, noble roi, les terribles averses de ses flèches. Il couvrit de traits les Kaîkayains, les Matsyas et les Karoûshains, les Tchédiens, les habitants de Kàçi et les Pântchâlains. Versé dans les astras supérieurs, il les conduisit à la mort avec les dards épouvantables, qui, partis de son arc, traversaient le corps des ennemis. 3,661-3,662-3,663.

» L’atmosphère était remplie de ses flèches à l’empennure d’or. Il aurait abattu des milliers de chars, l’un après l’autre, sous la force de son poing ! 3,664.

» Quand il eut tué les vigoureux éléphants et les guerriers à la force puissante, rassemblés pour son but, ses traits volèrent par la dixième route au milieu des éléphants, des chars et des coursiers. 2,665.

» Ayant abandonné les routes mauvaises des hommes, il jeta çà et là ses flèches. Dix jours s’écoulèrent pendant que Bhîshma coucha morte ton armée. 3,666.

» Il vida les bancs des chars, il abattit les chevaux et les éléphants : ses formes à lui-même se montrèrent dans le combat semblables à celles de Roudra et d’Oupéndra.

» Se plongeant dans les armées des Pândouides, il leur fit mordre la poussière, immolant les maîtres de la terre, les Tchédiens, les Pântchâlains et les Kaîkayains. 3,667-3,668.

» Il consuma l’armée Pândouide, remplie d’éléphants, de chevaux et de chars ; il désirait enlever le lâche Souyodhana de cette mer sans nacelle. 3,669.

» Des milliers de myriades de fantassins, portant à la main les meilleures des armes, ne purent fixer les yeux sur lui, marchant au milieu du combat, comme sur le soleil au plus fort de sa lumière. 3,670.

» Les Srindjayas et les autres souverains de la terre ne purent arrêter leurs regards sur le héros victorieux, promenant ses pas dans la bataille. 3,671.

» Il fondit sur les fils de Pândou, de tous ses grands efforts ; et, quand il eut mis en déroute dans ce combat les Pândouides et les Srindjayas eux-mêmes, 3,672.

» Bhîshma, quoique seul, en vint dans cette bataille à paraître un chef à la tête de ses guerriers. Défendu par toi, Çikhandî s’approcha de l’homme au grand vœu. 3,673.

» Il tua de ses traits aux nœuds inclinés ce tigre des mortels ; et votre aïeul, tombé mourant, est étendu maintenant sur un lit de flèches. 3,674.

» Drona de s’avancer vers toi, courageux combattant, tel que Vritra vers le roi des Dieux ; et, terrible, il mit en déroute cinq jours durant l’armée des ennemis. 3,675.

» Lorsque ce grand héros eut fait un ordre de bataille imbrisable, renversé les premiers des guerriers, et défendu Djayadratha dans le combat, 3,676.

» Formidable, pareil à la Mort, il brûla les créatures dans un combat de nuit ; et, quand l’auguste héros, le Bharadwâdjide eut incendié de ses flèches les guerriers, 3,677.

» Ayant rencontré Dhrishtadyoumna, il est passé dans la voie supérieure ou, si ton altesse ne doit pas arrêter aujourd’hui dans la guerre le principal héros, fils de cocher, Drona n’est pas mort dans la bataille. Mais toute l’armée du Dhritarâshtride fut arrêtée par ton excellence. 3,678-3,679.

» Ensuite Drona fut tué dans le combat par le Prishatide. Est-il un autre kshatrya que toi, Dhanandjaya, pour exécuter dans la guerre une prouesse telle que ton action, Prithide, à l’égard de Djayadratha ? Après que tu eus arrêté la grande armée et tué ses héroïques princes, 3,680-3,681.

» Tu abattis le souverain du Sindhou sous la force de tes puissants astras. Les princes savent que sa mort fut une chose merveilleuse. 3,682.

» Ce qui n’est pas une merveille, Prithide, c’est en vérité que tu es un grand héros ! Je dois penser, Bharatide, que le kshatrya bien doué, arrivé dans le combat sous tes yeux, périt dans l’espace d’un seul jour : c’est mon sentiment ! Cette armée du Dhritarâshtride, épouvantable dans la guerre, 3,683-3,084.

» Et de qui les plus grands héros ont succombé dans la chûte de Bhîshma et de Drona, qui a ses chevaux, ses chars, ses éléphants immolés, et de qui les plus valeureux des combattants sont déchirés maintenant, 3,685.

» Ces phalanges Bharatiennes, elles sont obscurcies comme un ciel, vide de son soleil, de sa lune et de ses constellations ! Cette armée, Prithide au courage épouvantable, elle est tombée dans le combat, 3,686.

» Comme jadis l’armée Asourique sous la valeur de Çakra. Cinq grands héros survivent à ces braves immolés : Açwatthâman, Kritavarman, Karna, le souverain de Madra et Kripa. Quand tu auras fait mordre la poussière, tigre des hommes, à ces cinq fameux héros, 3,687-3,688.

» Environné d’ennemis gisants, donne au roi Youdhishthira la terre avec ses cités et ses îles, avec ses régions inférieures, ses eaux et son atmosphère, avec ses montagnes et ses vastes forêts. 3,689.

» Que ce fils de Prithâ, enveloppé d’une félicité et d’une vigueur infinie, obtienne ce globe, comme jadis Vishnou, après qu’il eut immolé les Daîtyas et les Dânavas. 3,690.

» Donne la terre au monarque, ainsi qu’elle fut donnée à Çakra par Hari lui-même : maintenant que tu as exterminé leurs ennemis, que les Pântchâlains se réjouissent, comme les Dieux, quand Vishnou eut terrassé les Dânavas. Ou si le respect, qu’ils portent à leur Atchârya, fait naître au cœur d’Açwatthâman et de Kripa la pitié pour toi, qui sus honorer le révérend Drona, le plus excellent des hommes, honore tes parents, les parents de ta mère, infiniment honorables. 3,691-3,692-3,693.

» Arrivé près de Kritavarman, tu ne le conduiras point au séjour des morts. Si, venu auprès de Çalya, le souverain des peuples du Madra, tu ne veux pas tuer, ému de compassion, guerrier aux yeux de lotus, ce frère de ta mère, hâte-toi d’immoler aujourd’hui sous tes flèches acérées, ô le plus excellent des hommes, ce Karna, à l’esprit criminel, à l’âme extrêmement cruelle envers les fils de Pândou. Cette action sera bien faite par toi ; il ne s’y mêle rien de coupable. 3,694-3,695-3,696.

» Nous t’en accordons le congé, il n’y a pas la moindre faute ici. Cette nuit où ta mère, irréprochable héros, faillit brûler avec ses fils, 3,697.

» Cette conduite, que Souyodhana tint à votre égard pour le jeu : c’est, dit-on, Karna à l’âme méchante, qui est l’origine de tout cela. 3,698.

» En effet, Souyodhana pense toujours que son salut vient de Karna. C’est de-là qu’irrité, il commença à t’apporter des obstacles. 3,699.

» La pensée du Dhritarâshtride, le roi des hommes, est inébranlable, guerrier, qui donnes l’honneur. Karna peut vaincre dans le combat tous les Prithides : il n’y a pas de doute. 3,700.

» La guerre, fils de Kountî, est avec le Dhritarâshtride réfugié sous le bras de Râdhéya. Élu avec son roi, à qui ta force est connue, 3,701.

» Karna répète sans cesse : « Je vaincrai les Prithides, « croisant l’épée avec moi, et le grand héros Dâçârhain le Vasoudévide. » 3,702.

» Il rugit dans le combat, excitant le Dhritarâshtride à l’âme injuste, à l’intelligence bien dépravée : immole-le aujourd’hui, Bharatide. 3,703.

» Karna à l’âme méchante, à l’esprit scélérat, est ici et partout la source de tout ce que le Dhritarâshtride a fait contre nous de criminel, et de ce qui fut exécuté par les six grands et cruels héros de Souyodhana. J’ai vu, couché mort, le vaillant Soubhadride aux yeux de taureau,

» Qui avait tourmenté les éminentes personnes, les braves Kripa, Açwatthâman et Drona, qui laissait les éléphants sans hommes et les grands héros sans chars ;

» Ce jeune guerrier aux épaules de taureau, qui accroissait la renommée de Vrishni et de Kourou, qui privait les chevaux de leurs cavaliers et les fantassins, auxquels il accordait la vie, de leurs armes ; 3,074-3,705-3,706-3,707.

» Qui dissipait les armées, qui jetait le trouble chez les grands héros, qui envoyait au séjour d’Yama les éléphants, les coursiers et les hommes ; 3,708.

» Ce Soubhadride brûlant de ses flèches l’ennemi, qui s’avançait, incendiant, pour ainsi dire, l’armée. Le souvenir consume, je te le jure sur la vérité, mes membres, mon auguste ami, à la pensée des actes nuisibles, que fit alors ce Karna à l’âme méchante. Il ne put tenir ferme en face d’Abhimanyou sur le champ de bataille. 3,709-3,710.

» Fendu par les traits du Soubhadride, sans connaissance [112], arrosé de sang, soupirant, enflammé de colère, il tourna le dos, en proie aux flèches. 3,711.

» Son énergie s’était enfuie[113] et, sans aucune espérance pour sa vie, il se tenait, plein de trouble, dans la guerre, et ses blessures avaient fait naître sa fatigue.

» Ensuite, à peine Karna eut-il ouï dans ce combat la parole de Drona, semblable à la mort, qu’il trancha son arc cruel. 3,712-3,713.

» Et cinq grands héros à la science déshonnête frappèrent dans la bataille, des pluies de leurs flèches, ce jeune héros, de qui l’Adhirathide avait coupé l’arc. 3,714.

» Dès que ce vaillant guerrier eut succombé, la douleur entra dans le cœur de tous, mais le rire dans celui de Karna à l’âme scélérate et de Souyodhana. 3,715.

» Ces amères paroles, que Karna en pleine assemblée adressa méchamment à Krishna, en face des Pândouides et des fils de Kourou : 3,716.

« Les Pândouides sont morts, Krishnâ ; ils sont descendus au Naraka éternel. Choisis un autre époux, charmante dame au doux parler. 3,717.

» Entre dans son palais, toi, qui es devenue l’esclave du Dhritarâshtride. Tes époux ne sont plus, femme aux paupières sans tache. » 3,718.

» Ces paroles scélérates, le vicieux, le criminel, le très-insensé Karna les a prononcées, Bharatide, à tes oreilles mêmes. 3,719.

» Que des traits, éclaircis sur la pierre, lancés par toi, faits d’or et qui déchirent la vie, éteignent maintenant les paroles de ce criminel. 3,720.

» Que tes flèches éteignent maintenant ces actions iniques et d’autres, que cet homme à l’âme méchante a commises envers toi. 3,721.

» Que, touchant ces dards épouvantables, lancés maintenant par l’arc Gândiva dans ses membres, Karnaà l’âme vicieuse se rappelle cette parole de Bhîshma et de Drona :

« Lancés par toi, empennés d’or avec la splendeur de la foudre, ces nârâtchas, homicides de l’ennemi, ayant rompu sa cuirasse, boiront le sang de Râdhéya. » 3,722-3,723.

» Que ces flèches grandes, terribles, au rapide essor, décochées par ton bras, ayant fendu ses articulations, plongent maintenant Karna dans le séjour d’Yama. 3,724.

» Que les souverains de la terre, réduits aux hélas ! hélas ! affligés, troublés, tourmentés par tes flèches, voient aujourd’hui Karna précipité de son char ! 3,725.

» Que ses parents contristés le voient aujourd’hui, ses armes éparses, tombé sur la terre, étendu mort et plongé dans le sang. 3,726.

» Que l’on voie son drapeau, cette grande ceinture d’éléphant, tomber sur la terre, tremblant et tranché par ton bhalla. 3,727.

» Qu’ayant abandonné son char, ornementé d’or et couvert de tes centaines de flèches, Çalya s’enfuie, épouvanté, à la vue de ses combattants immolés. 3,728.

» Que, voyant l’Adhirathide succombant sous tes coups, Douryodhana, ton ennemi, perde toute espérance pour sa vie et même pour le royaume, 3,729.

» Voici les Pântchâlains, qui, ayant désiré d’arracher les Pândouides au danger, ô le plus grand des Bharatides, courent, taillés en pièces sous les flèches aiguës, lancées par Râdhéya. 3,730.

» Les Pântchâlains, les Draâupadéyains, Dhrishtadyounma, Çîkhandî, les fils de Dhrishtadyoumna et Çatânîka le Nakoulide, 3,731.

» Nakoula et Sahadéva, Dourmoukha, Djanamédjarya et le bien vertueux fils de Satyaki, sache qu’ils sont tous au pouvoir de Karna. 3,732.

» Ce bruit épouvantable, que l’on entend, sont les cris de tes parents, fléau des ennemis, ces Pântchâlains, que Karna immole dans la bataille. 3,733.

» Cependant les Pântchâlains effrayés n’ont pas tourné le dos devant Bhîshma ; car ces héros ne comptent pas la mort parmi les malheurs d’un grand combat. 3,734.

» Les Pântchâlains n’ont jamais pris la fuite devant Bhîshma, dont ils s’étaient approchés et qui, malgré qu’il fût seul, couvrit l’armée Pândouide avec les multitudes de ses flèches. 3,735.

» Ainsi, ils agirent à l’égard de l’inaffrontable Drona, le précepteur de tous ceux, qui portent l’arc, le feu flamboyant des astras, l’homme, de qui la force consumait dans un combat. 3,736.

» Toujours le courage tenu en haleine pour vaincre l’ennemi dans la bataille, dompteur des ennemis, les Pântchâlains n’ont jamais fui avec terreur devant Karna.

» L’héroïque guerrier d’enlever de ses dards, comme le feu ravit les existences aux sauterelles, la vie à tous ces impétueux Pântchâlains, qui accouraient. 3,737-3,738.

» Râdhéya conduisit à leur perte dans ce combat par centaines les braves Pântchâlains, qui abandonnaient la vie pour leur allié et qui marchaient, le front tourné vers lui. 3,739.

» Daigne sauver de Karna, Bharatide, étant devenu leur nacelle, ces Pântchâlains aux grands arcs, plongés dans cet océan profond et sans barque. 3,740.

» Karna a reçu un astra de Râma, le fils de Bhrigou, le plus excellent des rishis : aussi l’horreur de sa forme très-épouvantable en est-elle augmentée. 3,741.

» Incendiant tous les guerriers, très-effrayante, bien horrible, elle brûle de sa splendeur la grande armée, qu’elle en a couverte ! 3,742.

» Envoyées par l’arc de Karna, ces flèches parcourent le champ de bataille, incendiant tes multitudes, comme des frélons noirs. 3,743.

» Ces Pântchâlains courent dans tous les points de l’espace, Bharatide, arrivés dans le combat sous l’astra de l’Adhirathide, que ne peuvent arrêter les hommes, qui n’ont pas vaincu leur âme. 3,744.

» Voici Bhîma, rempli d’une colère puissante, Prithide, et que des guerriers environnent de tous les côtés : combattant à la tête des Srindjayas, il accable Karna de ses flèches acérées. 3,745.

» Tel que la maladie, qui s’est glissée dans un corps, Karna, objet du mépris, tuerait, Bharatide, les Pântchâlains, les Srindjayas et les Pândouides eux-mêmes. 3,746.

» Je ne vois pas dans l’armée d’Youdhishthira un autre combattant que toi, qui pourrait s’en retourner heureusement au sein de son palais, s’il en venait aux mains avec l’Adhirathide. 3,747.

» L'ayant tué aujourd’hui de tes flèches acérées, Prithide, ô le plus excellent des hommes, obtiens la renommée, après que tu auras mis tes actions en harmonie avec les termes de ta promesse. 3,748.

» Car tu es capable, et non un autre, de vaincre dans une bataille les Kourouides avec Karna : je te dis une vérité, ô le plus digne des combattants. 3,749.

» Lorsque tu auras accompli cette belle œuvre et tué le fameux héros Karna, recueilles-en le fruit de la science des armes, et jouis de ton bonheur, Prithide, ô le plus grand des hommes. » 3,750.

À peine eut-il entendu ce discours de Kéçava, Bîbhatsou devint dans un instant, Bharatide, joyeux et sans chagrin. 3,751.

Il étendit sa corde, banda son arc Gàndiva, le tint pour la mort de Karna et dit ces mots à Kéçava : 3,752.

« Grâce à ta protection, ma victoire viendra pour sûr du Gândîva ; sois-moi favorable, toi, qui es l’auteur de ce qui fut et qui sera dans le monde. 3,753.

» Quand tu es mon compagnon, Krishna, je plongerais dans la mort les trois mondes réunis : à plus forte raison, enverrai-je à l’autre monde Karna dans ce grand combat !

» Je vois l’armée des Pântchâlains, qui fuit, Djanârddana : je vois Karna, qui se promène sans crainte dans la bataille. 3,755-3,755.

» Je vois flamboyer de tous les côtés, Krishna, rejeton de Vrishni, l’astra de Bhrigou, lancé par l’Adhirathide, comme la foudre déchaînée par Indra. 3,756.

» Tant que la terre portera des créatures, elles raconteront, certes ! ce combat, où Karna va tomber aujourd’hui sous mes coups ! 3,757.

» Aujourd’hui, les traits homicides, lancés par ma main et sortis du Gândîva, conduiront l’Adhirathide à la mort.

» Aujourd’hui, le roi Dhritarâshtra méprisera la pensée éclose en lui-même, qui lui fit sacrer sur le trône Douryodhana, indigne de posséder un royaume ! 3,768-3,759.

» Aujourd’hui, Dhritarâshtra déposera pour ses fils l’agréable perspective de la ville, du royaume, du plaisir et de la puissance[114]. 3,760.

» Aujourd’hui, quand j’aurai immolé Karna, Douryodhana sera sans espérance pour le royaume et pour sa vie : je te dis là une vérité, Krishna, 3,761.

» Aujourd’hui, l’on verra, blessé par mes flèches, Karna, qui alors, souverain des hommes, se rappellera tes paroles sur la paix. 3,762.

» Aujourd’hui, que le Soubalide connaisse que mes dards sont des échecs, que le Gândîva est le joueur et que mon char est un échiquier ! 3,763.

» Aujourd’hui, quand j’aurai tué Karna sous mes traits acérés, j’écarterai fortement, Govinda, l’insomnie du monarque, fils de Kountî. 3,764.

» Aujourd’hui, lorsque le fils du cocher sera tombé sous mes coups, le roi fils de Kountî, joyeux et l’âme ravie, obtiendrais bonheur. 3,765.

» Aujourd’hui, la flèche inéluctable, que je vais lancer, Kéçava, fera tomber Karna hors de la vie ; 3,766.

» Ce méchant, qui, certes ! a juré ce vœu pour ma mort : « Je ne laverai pas ces deux pieds avant que je n’aie tué Phâlgouna ! » 3,767.

» Je ferai tomber du char, sous mes flèches aux nœuds inclinés, meurtrier de Madhou, le corps de ce criminel, qui s’est engagé par un vœu sans effet. 3,768.

» La terre boira aujourd’hui le sang de ce fils du cocher, qui ne peut supporter un autre homme que lui dans un combat sur la terre. 3,769.

» Elle boira son sang, parce que l’Adhirathide a dit : « Te voilà sans époux, Krishnâ. » Il se glorifie de ses qualités dans l’opinion de Dhritarâshtra ; 3,770.

» Mes flèches acérées, qui boiront, comme des serpents, le sang de cet homme irrité, feront de ce dire un mensonge. 3,771.

» Mes nârâtchas, qui ont l’éclat de la foudre, décochés par le Gândîva et lancés par mon adroite main, ouvriront à Karna la voie suprême. 3,772.

» C’est maintenant que Râdhéya va se repentir de ces mots cruels, qu’il adressa alors en pleine assemblée à la triste Yajnasénî, en jetant son mépris sur les Pândouides.

» Quand j’aurai tué Karna, le Découpeur, ce cruel fils du cocher, ceux, qui étaient jadis « une huile, qui avait servi pour des eunuques » deviendront alors d’éminents personnages. 3,773-3,774.

» Ce qu’a dit Karna, en vantant ses propres qualités et les fils de Dhritarâshtra : « Je vous sauverai des enfants de Pândou ; » 3,775.

» Mes traits acérés en feront un mensonge. Ce sera moi, qui immolerai aujourd’hui, en dépit de tous les archers, ce Karna, qui disait : « Je serai le meurtrier de tous les Pândouides, unis à leurs fils ! » Lui, sous la vigueur duquel, réfugié, le Dhritarâshtride au grand cœur, 3,776-3,777.

» Mais insensé, à l’intelligence dépravée, nous méprise toujours, que ces Dhritarâshtrides avec la réunion des rois, aujourd’hui que je vais tuer Karna, 3,778.

» Fuient, épouvantés, à tous les points de l’espace, comme des gazelles effrayées devant un lion ! Que le roi Douryodhana gémisse sur lui-même, 3,779.

» Quand j’aurai fait mordre la poussière de la bataille à Karna, accompagné de ses fils, accompagné de ses amis. Qu’aujourd’hui le Dhritarâshtride au comble de la colère, à l’aspect de Karna immolé par moi, 3,780.

» Reconnaisse, Krishna, que je suis le meilleur de tous les archers dans un combat. Aujourd’hui, je ferai sans asile, dans son royaume, Dbritarâsthra, le souverain des hommes, avec ses domestiques, ses ministres, ses petits-fils et ses fils. Les oies sauvages et les divers carnassiers promèneront aujourd’hui çà et là, Kéçava, les membres de Karna couverts de mes flèches. Aujourd’hui, je couperai la tête sur le champ de bataille, meurtrier de Madhou, à Karna l’Adhirathide, malgré tous les archers ; Aujourd’hui, je trancherai dans la bataille, Mâdhava, les membres de Karna à l’âme méchante avec mes flèches mordantes et mes traits aigus. Aujourd’hui, le monarque Youdhishthira sera tiré d’une extrême angoisse, 3,781-3,782-3,783-3,784-3,785.

» Douleur, que ce héros a long-temps nourrie dans son cœur. Aujourd’hui, quand j’aurai immolé, Kéçava, le fils de Râdhâ avec ses parents, 3,786.

» Je porterai la joie au cœur du monarque Youdhishthira-Dharmarâdja. Aujourd’hui, Krishna, je tuerai avec mes flèches, pareilles à la flamme et semblables à des serpents, les malheureux suivants de Karna dans la guerre. Je couvrirai la terre aujourd’hui, Govinda, des maîtres de la terre aux pendeloques attachées de pierreries, aux cuirasses d’or[115]. 3,787-3,788-3,789.

» Aujourd’hui, j’enlèverai sous mes traits acérés, meurtrier de Madhou, les membres et les têtes de tous les ennemis d’Abhimanyou. Aujourd’hui, je donnerai à mon frère toute la terre vide des Dhritarâshtrides ; 3,790.

» Ou tu parcourras la terre, Kéçava, veuve d’Arjouna. Aujourd’hui, j’acquitterai ma dette, Krishna, à l’égard de la colère, de ceux, qui manient l’arc, des Kourouides et des flèches du Gândîva. Aujourd’hui, quand j’aurai immolé Karna dans le combat, comme Maghavat, dès qu’il eut tué le Daitya Çambara[116], je me délivrerai de ma douleur, amoncelée par ces treize années d’exil. Aujourd’hui, les grands héros des Somakas, pensant que leur affaire est accomplie par la mort de Krishna dans la guerre, veulent obtenir le succès de leur ami dans le combat. Comment la joie, Mâdhava, et de moi, et de Çaînéya, 3,791-8,792-8,798-8,794.

» Ne serait-elle pas maintenant que Karna succomba et que je lui fus supérieur dans la victoire ? Maintenant que j’aurai tué Karna dans la bataille et le grand héros son fils,

» Je donnerai la satisfaction à Bhîma, aux jumeaux, au Satyakide, à Dhrishtadyoumna et Çikhandl, aux Pànchâlains, Mâdhava. 3,795-3,796.

» J’arriverai à la délivrance de ma dette, lorsque j’aurai immolé Karna dans un grand combat. Que l’on voie aujourd’hui Dhanandjaya, plein de colère, engager la bataille avec les Kourouides et renverser le fils du cocher. Je répéterai encore l’éloge de moi-même, en présence de ta majesté. 3,797-3,798.

» Il n’existe personne au monde semblable à moi en science de l’arc. Est-il un mortel égal à moi en courage ? Ou quel autre est pareil à moi en force de porter ? Et il n’y a pas un autre homme tel que moi en colère. 3,799.

» Avec l’arc, que je tiens, j’enverrais à la mort, sous la puissance de mon bras, tous les êtres rassemblés, les Asouras et les Dieux-mêmes. Mon énergie, sache-le, est plus grande que la force des autres. 3,800.

» Armé du Gândîva à la lumière de flèches, moi seul, j’incendierais, sous la violence de mes coups, les Vâblikas et fous les Kourouides, tel qu’au départ de la froide saison, le feu entré dans une forêt de bois sec. 3,801.

» Les flèches, gravées de mon nom, qui sont dans ma main, mon arc céleste, étendu par mes traits, et mes deux pieds avec mon char et mon drapeau n’ont jamais vaincu un guerrier égal à moi, venu dans les combat ! » 3,802.

Dès qu’il eut parlé ainsi, Arjouna, le héros unique, le meurtrier des ennemis, aux yeux semblables au sang, s’avança rapidement dans le combat, pour délivrer Bhîma et enlever la tête au corps de Karna. 3,803.

» Dans ce confluent très-épouvantable et sans fond des miens, s’enquit Dhritarâshtra, des Srindjayas et des Pândouides, lorsque Dhanandjaya fut arrivé, mon ami, à ce combat avec Karna, qui fut estimé ici égal à cette bataille ? » 3,804.

Leurs armées aux vastes drapeaux, complètes, rassemblées, la tête levée, répondit Sandjaya, rugissaient par les bruits divers et les roulements des tambours, telles que la masse des nuages à la fin de la saison chaude. 3,805.

Remplie d’énormes éléphants pour ses nuages et d’astras pour ses pluies, ayant pour éclairs des armes diverses d’or, cette armée tonnait par le bruit des mains et des roues ou par les instruments de musique, et portait de grands astras attachés à ses nârâtchas, ses glaives et ses flèches ; 3,806.

D’une impétuosité effrayante, roulant des flots de sang, pleine de cimeterres, détruisant les existences des kshatryas, terrible, ne connaissant pas de saison, versant une pluie détestable, cette armée enlevait les créatures. 3,807.

Plusieurs chars réunis, arrêtant un seul char, amènent avec eux la mort ; un char fait obstacle à un char ; des chariots-chefs à un maître de chars, et un seul char retient plusieurs chars. 3,808.

Certain maître du char conduit au pouvoir de la mort certain char avec son cocher, avec ses chevaux : monté sur un seul éléphant un quidam mène, sous la puissance de la mort, un grand nombre de chars et de chevaux. 3,809.

Le fils de Prithâ conduisit par les multitudes de ses flèches, dans l’empire de la Mort, les bataillons de fantassins, les chevaux avec leurs cavaliers, tous les éléphants ennemis, les chars avec les cochers, avec leurs coursiers. 3,810.

Kripa et Çikhandi en vinrent aux mains dans le combat ; le Satyakide s’avança vers Douryodhana : Çroutaçravas croisa le fer avec le fils de Drona, Youdhâmanyou avec Tchitraséna. 3,811.

Le Srindjaya, maître de chars, Outtamaâudjas attaqua Soushéna, le fils de Karna ; et Sahadéva fondit sur le roi du G&ndhâra, comme un lion affamé s’élance sur un grand taureau. 3,812.

Le jeune[117] Çatânika le Nakoulide lança ses multitudes de flèches sur le jeune[117] Vrishaséna, le fils de Karna ; et cet héroïque enfant[118]de l’Adhirathide inonda de plusieurs pluies de traits le fils de la Pântch&laine. 3,813.

Le fils de Mâdrî, le brave Nakoula, le plus grand des héros, affronta Kritavarman ; et le roi des Pântchâlains, Yajnaséni, le général des armées, fit face à Karna, accompagné de son armée. 3,814.

Douççâsana et[119] l’année complète Bharatienne des conjurés se portèrent dans le combat, Bharatide, au-devant de Bhîmaséna à la fougue épouvantable, le meilleur de ceux, qui manient l’arc. 3,815.

Et l’héroïque Outtamaâudjas, le mutilant avec violence, immola[120] le fils de Karna ; sa tête tomba sur la terre, et sa chûte fit retentir la terre et le ciel. 3,816.

Aussitôt qu’il vit la tête de Soushéna tombée sur la terre, Karna, les formes affligées, coupa de colère, avec ses flèches acérées au tranchant affilé, son drapeau, ses chevaux et son char. 3,817.

Mais Outtamaâudjas de blesser les ennemis avec ses traits acérés et son cimeterre éclatant ; puis, dès qu’il eut frappé les gardes, qui défendaient les derrières de Kripa, il monta sur le char de Çikhandi. 3,818.

Lorsque celui-ci, monté sur son chariot, vit Kripa sans voiture, il ne voulut pas le percer de ses flèches ; mais, le Dronide l’ayant arrêté, il détruisit le char de Kripa, comme une terre devenue poussière. 3,819.

Le fils du vent, Bhîma à la cuirasse d’or, abattit complètement de ses traits aigus l’armée de tes fils ; tel que le soleil, au temps de la saison chaude, quand il est arrivé au milieu de sa carrière. 3,820.

Dans ce carnage tumultueux, qui sévissait en ce moment, seul, environné de nombreux ennemis, Bhîma dit à son cocher dans ce grand combat : « Conduis-moi à l’armée [121] du Dhritarâshtride ! » 3,821.

» Va, cocher, rapidement avec tes chevaux ! Je vais mener vers Yama ces fils de Dhritarâshtra. » Excité par Bhîmaséna, le cocher s’avança vers l’armée de ton fils.

Ventre-de-Loup, redoublant de hâte, avec une terrible vitesse, désirait arriver où était cette armée. Ensuite, les autres Kourouides se portèrent à sa rencontre de tous les côtés avec des fantassins, des chevaux, des chars et des éléphants. 3,822-3,823.

Ils frappèrent de toutes parts avec les multitudes de leurs flèches la grande impétuosité de Bhîma, que ses chevaux rendaient supérieure : en ce moment, le magnanime trancha ces dards, à l’instant qu’ils arrivaient, avec ses principaux traits, ornementés d’or. 3,824.

Ces projectiles à l’empennure d’or tombèrent, coupés en deux et en trois par ceux de Bhîmaséna. Alors, au milieu des plus grands rois, sire, des jeunes guerriers, des chevaux, des chars et des éléphants, que ces flèches avaient frappés, 3,825.

Il s’éleva un bruit effroyable, Indra des rois, comme de montagnes, ravagées par la foudre. Taillés en pièces, ces plus excellents rois des hommes étaient fendus par l’extrême impétuosité des flèches de Bhîma. 3,826.

De toutes parts, ils se précipitèrent sur lui dans le combat, comme des oiseaux sur un arbre, que ses fleurs attirent. Quand ton armée fut arrivée, Bhîma à la vitesse infinie de faire éclater sa vitesse ; 3,827.

Tel, armé de son bâton destructeur, au temps, arrivé de la mort, le Trépas, qui désire incendier et qui apporte la fin à toutes les créatures. Les tiens ne purent supporter, dans ce combat, la fougue excessive de ce héros à l’extrême impétuosité. 3,828.

C’est ainsi qu’à l’heure de finir on ne peut endurer la Mort, qui ravit les créatures et qui s’avance, la gueule ouverte. Le magnanime dispersa épouvantée à tous les points de l’espace, Bharatide, l’armée Bharatienne, consumée de ses flammes dans le combat, dissipée devant lui, comme une masse de nuages s’évanouit au souffle d’un grand vent. Puis, le sage et vigoureux Bhîmaséna charmé adressa de nouveau ces mots à son cocher : 3,829-3,830.

« Sache que nos ennemis, cocher, ont rassemblé des chars et des drapeaux, qui accourent. Quand je combats, certes ! je ne connais plus rien : non ! je couvrirai de flèches leur armée. 3,831 :

» Aussitôt que j’eus vu de toutes parts les ennemis, Viçoka, mon char agita vivement les cimes de ses étendards : je suis tombé en de nombreuses angoisses, cocher, parce que Kirîti, malade d’inquiétude sur le sort du roi, n’est pas revenu encore. 3,832.

» Voilà la cause de ma douleur, cocher, c’est que Dharmarâdja, après qu’il m’eût abandonné, est entré au milieu des ennemis : voilà la source de ma profonde douleur, c’est que je ne sais pas si le roi vit, et si Bîbhatsou a cessé de vivre. 3,833.

» Comblé d’une joie suprême, je détruirai l’armée des ennemis, semblable à une armée complète ; et, quand j’aurai tué cette armée rassemblée au milieu du champ de bataille, j’arriverai aujourd’hui avec toi-même à la joie.

» Ayant observé que tous les carquois sont remplis de mes flèches, que restera-t-il de mes traits sur mon char ? Ou quelle sera leur espèce et quelle sera leur taille ? Lorsque tu auras pris une connaissance évidente de ces choses, réponds à ma question, cocher ! » 3,834-3,835.

» Nous possédons, répondit Viçoka, des myriades de flèches, héros ; les traits en fer à cheval et les bhallas sont énumérés également par myriades ; il y a deux mille nârâtchas et même, vaillant Prithide, trois mille pradarâs[122].

» Il reste une anne, sage fils de Pândou, que ne pourrait traîner un char, attelé de six bœufs : c’est la force de tes bras, armés de ton épée et de ta massue : déchaîne-la mille fois. 3,837.

» Ne crains pas la destruction de tes armes, les traits barbelés, les maillets de guerre, les lances et les leviers de fer. » 3,838.

« Vois, maintenant, cocher, reprit Bhîma, cette bataille aux formes épouvantables, pareille au monde de la mort et pour qui le soleil est perdu, couverte de flèches très-rapides, mutilant les princes et décochées par Bhîma.

» Tous les rois, depuis le prince héréditaire, cocher, connaîtront aujourd’hui cette vérité : ou Bhîma sera englouti dans la bataille, ou seul il vaincra dans le combat tous les Kourouides. 3,839-3,840.

» Que tous les Kourouides tombent dans cette bataille, ou que les mondes, depuis le jeune enfant, racontent ma gloire : seul, je les abattrai tous, ou que tous frappent Bhîmaséna ! 3,841.

» Que les Dieux, qui raconteront cette action sublime de moi, veuillent bien seulement l’accomplir ! qu’Arjouna vienne ici d’une course rapide, comme Çakra, invoqué dans un sacrifice. 3,842.

» Mais… vois cette armée Bharatienne enfoncée : pourquoi fuient-ils, ces Indra des hommes ? C’est évidemment que le sage Arjouna, le premier des mortels, a couvert l’armée de ses rapides flèches. 3,843.

» Vois ces drapeaux, ces chevaux, ces éléphants et ces bataillons de fantassins, Viçoka, qui fuient dans le combat ! Vois aussi, cocher, ces chars dispersés et ces maîtres de chars blessés par les lances de fer et les flèches ! 3,844.

» Battue complètement à chaque instant, cette armée Bharatienne, dévorée par les traits de Dhanandjaya, qui ont la rapidité de la foudre, est remplie de ses multitudes de flèches, à l’extérieur ornementé d’or. 3,845.

» Voici des chevaux, des éléphants, des chars, qui courent et font plus que broyer ces compagnies de fantassins ; tous les Kourouides eux-mêmes, jetés dans le délire, fuient, tels que des éléphants effrayés par l’incendie d’une forêt. 3,846.

» Tombés dans la détresse, Viçoka, ces rois des éléphants poussent de vastes clameurs dans le combat ! »

» Quoi, Bhîma ! lui répondit Viçoka ; n’entends-tu point ici le Gândîva, qui vibre avec un bruit plus qu’épouvantable, quand le Prithide en tire la corde d’une main irritée ? Est-ce que tes deux oreilles sont devenues sourdes ? 3,847-3848.

» Tous tes désirs sont comblés, fils de Pàndou : voici le singe, qu’on aperçoit au milieu de l’armée des éléphants. Entends vibrer la corde de cet arc, d’où provient un éclair, comme d’un sombre nuage ! 3,849.

» On voit de tous les côtés ce singe, qui est monté au sommet du drapeau de Dhanandjaya ! Il effraie les troupes des ennemis dans’ le combat, et sa vue m’inspire de la crainte[123] à moi-même. 3,850.

» Ce diadème admirable de Dhanandjaya, il jette la plus vive splendeur : ce joyau céleste, qui accompagne son diadème, il brille, semblable au soleil. 3,851.

» Vois à côté de lui cette conque effrayante au beau son, le Dévadatta, qui resplendit, tel qu’un nuage blanc ! Vois ce glaive, semblable au diamant et qui a l’éclat du soleil, placé au flanc de Djanârddana, qui, les rênes à sa main, se plonge dans l’armée des ennemis. Vois, héros, le tchakra, qui augmente la renommée de Kéçava et qui est toujours honoré par les Yadouides. 3,852-3,853.

» Ces trompes, semblables aux pins à longues feuilles, coupées à de grands éléphants, tombent sous les flèches en rasoir : ils succombent eux-mêmes avec les guerriers, qui les montent, déchirés par les traits de Kirîti, comme des montagnes sous les coups de la foudre. 3,854.

» Vois, fils de Kountî, ce Pântchadjanya de haut prix, couleur de Garouda, le roi des oiseaux, et ce Kaâustoubha, qui flamboyé sur la poitrine de Krishna, et sa guirlande victorieuse. 3,855.

» Pour sûr, ce plus excellent des maîtres de chars, le Prithide, chef de chars, s’avance, dispersant l’armée des ennemis, avec ses chevaux très-précieux, gouvernés par Krishna[124], et couleur des nuages blancs. 3,856.

» Vois les compagnies de fantassins, les chevaux et les chars fendus par les flèches ! Vois comme ils tombent, tels que de grands bois agités par le vent ou Garouda, sous les coups de ton frère mineur, qui a la vigueur du roi des Immortels. 3,857.

» Vois ces quatre cents chars, renversés dans le combat avec les chevaux, avec les cochers, par les longues flèches de Kirîti, ces sept cents éléphants, ces hommes de pied, ces cavaliers et ces chars en grand nombre. 3,858.

» Voici le vigoureux Arjouna, qui, semblable à une planète admirable, s’avance vers toi, immolant les Kourouides. Tes vœux sont comblés ; tes ennemis mordent la poussière. Puissent croître long-temps ta vigueur et ta vie. »

« Reçois, cocher, de mon âme très-satisfaite, reprit Bhîmaséna, pour les agréables nouvelles, que tu m’apprends, quatorze villages les plus riches, une centaine de servantes et trenté chars, Viçoka, parce que tu m’annonces l’arrivée d’Arjouna. » 3,859-3,860.

Dès qu’il entendit le bruit de son char et son cri de guerre sur le champ de bataille, Arjouna dit à Govinda : « Pousse rapidement les chevaux. » 3,861.

À peine eut-il ouï ces mots d’Arjouna, Govinda lui répondit : « Je vais d’une course accélérée au lieu où se tient Bhîmaséna ! » 3,862.

Les compagnies de fantassins, les éléphants, les chevaux et les chars, irrités et cruels, faisant résonner la terre et les plages du ciel avec le bruit de leurs sabots, des roues, et le sifflement des flèches, s’élancèrent, pour la victoire, au-devant du héros, qui s’approchait, traîné par les coursiers, couleur de la conque ou de la lune, revêtus de filets d’or, de perles et de pierreries, tel que le roi des Dieux, plein d’une colère terrible, s’avança pour le triomphe, sa foudre à la main, impatient de tuer Djambha.

Ce beau combat d’eux et du Prithide fut, auguste roi[125],portant la destruction des péchés, des existences et des corps, comme était celui du Dieu Vishnou, le plus excellent des vainqueurs, avec les Asouras pour la conquête des trois mondes. 3,863-3,864-3,865.

Le guerrier, qui ceint pour diadème un bouquet de fleurs, coupa seul en dix parties, avec ses traits en rasoir, ses demi-lunes et ses bhallas acérés, leurs armes hautes et basses, rejetées, leurs bras et leurs têtes, 3,866.

Les ombrelles, les éventails et les chasses-mouches, les drapeaux, les chevaux, les chars, les éléphants et les compagnies de fantassins. Tous, sans forme, ils tombaient sur la terre en grand nombre, de même que des forêts secouées par le vent. 3,867.

Couverts de filets d’or, munis d’étendards et de combattants, les grands éléphants avec leur bannière paraissaient, enveloppés de flèches aux empennures d’or, comme des montagnes flamboyantes. 3,868.

Dès que Dhanandjaya eut déchiré les éléphants, les chevaux et les chars sous des flèches puissantes, telles que la foudre d’Indra, il s’avança rapidement à la mort de Karna, de même que Çakra jadis pour briser Bala. 3,869.

Ensuite, ce dompteur aux longs bras des ennemis, ce tigre des hommes, entra dans ton armée, comme un makara entre dans la mer. 3,870.

Les tiens enchantés, sire, doués de fantassins et de chariots, appuyés sur de nombreux éléphants, chevaux et cavaliers, de courir sur le fils de Pândou. 3,871.

Les clameurs de ces guerriers, fondant sur le Prithide, éclataient bien retentissantes, comme le bruissement des flots, qui se déchargent dans la mer affamée. 3,872.

Tels que des tigres, ces grands héros couraient dans le combat sur le tigre des hommes, foulant aux pieds la crainte, que fait naître l’attachement à la vie. 3,873.

Arjouna dispersa l’armée de ces guerriers, qui fondaient alors, déchaînant des pluies de flèches, de même qu’un grand vent dissipe les nuages. 3.874.

Ces combattants aux grands arcs, accompagnés[126] de multitudes de chars, s’étant approchés d’Arjouna[126], le blessèrent de leurs flèches acérées. 3,875.

Arjouna, de ses traits, envoya des milliers de chevaux, d’éléphants et de chars au séjour d’Yama. 3,876.

Taillés en pièces dans le combat par les dards, tombés de l’arc du Prithide, ces grands héros s’affaissaient çà et là sous l’impression de la crainte. 3,877.

Arjouna, de ses flèches aiguës, conduisit dans l’habitation d’Yama quatre cents de ces héros fameux, déployant leurs efforts. 3,878.

Écrasés dans le combat par ces traits marqués de différents caractères, abandonnant Arjouna, ceux-ci couraient par les dix points de l’espace. 3,879.

Un grand bruit éclatait du milieu de ces guerriers courant à la tête de l’armée, tel que l’immense fracas des flots, quand ils ont rencontré l’obstacle d’une montagne. 3,880.

Lorsqu’il eut blessé gravement et jeté l’armée en déroute par ses flèches, le Prithide Arjouna, le front tourné à l’ennemi, respectable monarque, s’avança vers l’armée du cocher. 3,881.

Le tumulte de ce guerrier, la face dirigée vers les ennemis, imitait celui de Garouda, quand jadis il abattait son vol sur les serpents. 3,882.

À peine eut-il entendu ce bruit, le vigoureux Bhîmaséna fut comblé de joie, car il désirait voir le fils de Prithâ.

Dès qu’il eut entendu le Prithide arriver, l’auguste Bhîmaséna, renonçant au soin de conserver sa vie, grand roi, se mit à broyer ton armée. 3,883-3,884.

L’auguste fils du Vent, Bhîmaséna, de qui la vigueur était comparable au vent, et qui était égal pour la vitesse à la fougue du vent, se promenait dans la bataille, comme le vent. 3,885.

Tourmentée par lui, ton armée, puissant Indra des rois, s’abîmait, telle qu’un navire brisé dans la mer. 3,886.

Lui, montrant la légèreté de sa main, Bblmaséna de tailler en pièces avec ses terribles flèches l’armée, qu’il envoya dans l’habitation d’Yama. 3,887.

Lorsqu’ils virent sa force plus qu’humaine, Bharatide, les combattants flottèrent çà et là dans le combat, comme au temps, qui voit finir un youga expirant. 3,888.

Aussitôt qu’il vit ces guerrière àla vigueur épouvantable défaits par Bhîmaséna, le roi Douryodhana tint alors ce langage ; 3,889.

Il jeta cet ordre dans le combat à ses guerriers aux grands arcs et à tous les combattants : « Tuez ce Bhîmaséna. 3,890.

» S’il tombe mort, l’armée Pândouide, à mon avis, succombe jusqu’au dernier. » Dès qu’ils eurent reçu cet ordre de ton fils, les princes ensevelirent de tous les côtés Bhîma sous des pluies de flèches. De nombreux éléphants, sire, et des hommes désireux de la victoire,

Montés sur leur char, Indra des rois, environnent Vrikaudara. Au milieu de ces braves, le vaillant guerrier brillait de toutes parts, ô le plus excellent des Bharatides, comme la lune entourée de ses constellations. De même que son halo n’empêche pas de briller la lune complètement ; 3,891-3,892-3,893-3,894.

De même le plus grand des hommes resplendissait, admirable à voir dans la bataille. Tel que la victoire, puissant roi, il ne faisait aucune distinction. Les yeux teints par la colère, tous les héroïques princes, impatients de le tuer, déchaînèrent sur Vrikaudara la pluie de leurs traits. 3,895-3,896.

Quand il eut déchiré cette grande armée de ses traits aux nœuds inclinés, Bhîma sortit du combat, comme un poisson s’échappe d’un filet au milieu des eaux. 3,897.

Aussitôt qu’il eut tué quatorze mille éléphants, Bharatide, deux mille deux cents guerriers, qui ne savaient pas reculer, 3,898.

Cinq mille chevaux et cent chars, Bhîma fit couler des cadavres un fleuve, qui roulait des flots de sang, 3,899.

Qui avait du sang pour ses ondes, des chars pour tourbillons, qui était rempli d’éléphants en guise d’hippopotames, qui avait des hommes pour ses poissons, des coursiers au lieu de crocodiles, des chevelures pour ses vallisnéries et ses gazons récents ; 3,900.

Qui jétait répandu sur les Indras des éléphants aux trompes coupées, qui masquait les eaux sous de nombreuses pierreries, qui avait des cuisses[127] pour serpents aquatiques, de la moelle pour vase, et qui était couverte de têtes en guise de rochers ; 3,901.

Qui avait des arcs pour saccharas spontanées, des flèches pour fosses, creusées autour des arbres, qui avait des drapeaux, des pilons, des massues ; qui avait des étendards et des ombrelles au lieu de cygnes ; qui avait les plus riches turbans à la place d’écumes ; 3,902.

Qui avait des fils de perles pour ses multitudes de lotus, la poussière de la terre pour ses guirlandes de flots ; que les guerriers vaillants et respectables traversaient aisément, mais qui était difficile à traverser par les lâches ;

Dans un instant, ce tigre des hommes fit couler ce fleuve, qui avait des guerriers pour ses requins et son embouchure dans l’empire des morts ; 3,904.

Rivière horrible, effrayante, accroissant la terreur des gens timides, semblable à la Vattarani, difficile à traverser et dont les insensés ne peuvent aborder à la rive ultérieure. 3,905.

De quelque côté qu’il entrât dans cette armée, le Pândouide, le plus grand des héros, y tuait les guerriers par centaines de mille. 3,906.

Lorsqu’il vit, grand roi, une telle prouesse, que Bhîmaséna avait acccomplie dans la bataille, Douryodhana dit ces mots à Çakouni : 3,907.

« Fais mordre la poussière, mon oncle, au vigoureux Bhîmaséna. S’il tombe dans le combat, la grande armée Pândouide, à mon avis, expire avec lui ! » 3,908.

Ensuite, l’auguste Soubalide, empêché par ses frères, s’avança, équipé pour une grande bataille. 3,909.

Quand le héros se fut approché de Bhîma, il arrêta dans le combat ce guerrier au courage épouvantable, comme un rivage retient le séjour des makaras. 3,910.

Arrêté par ses traits aigus, Bhîma lui fit obstacle à son tour. Çakouni envoya sur lui au flanc gauche, à l’endroit du sein même, des nârâtchas empennés d’or, aiguisés sur la pierre. Ces traits épouvantables, revêtus des plumes du paon et du héron, ayant percé la cuirasse du magnanime Pândouide, se plongèrent dans son corps. Profondément blessé dans cette bataille, Bhîma d’une flèche ornementée d’or, 3,911-3,912-3,913.

Qu’il déchaîna avec colère, visa le fils de Soubala. Ce vigoureux fléau des ennemis à la main adroite coupa, sire, en sept parties ce trait formidable, au moment qu’il arrivait. Ce dard tombé sur la terre, souverain des hommes, Bhîma irrité 3,914-3,916.

Trancha d’un bhalla l’arc du Soubalide, en riant. L’auguste monarque, rejetant cette arme coupée, 3,916.

Saisit rapidement un autre arc et seize bhallas. De ces traits aux nœuds inclinés, grand roi, il décocha deux sur le cocher et sept sur Bhîma lui-même ; il trancha avec un dard son drapeau, avec deux son ombrelle ; et le fils de Soubala blessa avec quatre projectiles ses quatre coursiers. Puis, l’auguste Bhîmaséna irrité, grand roi, 3,917-3,918-3,919.

Détruisit dans le combat sa lance, faite de fer, au manche d’or. Déchargée par le bras de Bhîma, celle-ci, mobile comme une langue de serpent, 3,920.

Tomba d’un vol précipité dans le combat du magnanime Soubalide, qui rempauma cette lance aux ornements d’or ; 3,921.

Et, prenant des formes irritées, souverain des hommes, la renvoyai Bhîmaséna. Après qu’elle eut percé le bras gauche du Pândouide au grand cœur, 3,922.

Elle s’abattit alors sur la terre, comme un éclair, tombé du ciel ; et, de tous côtés, grand roi, les Dhritarâshtrides firent éclater des cris. 3,923.

Bhîma ne put supporter les clameurs de ces impétueux héros ; le vigoureux combattant saisit un autre arc, muni de sa corde, et, marchant, ayant fait l’abandon de sa vie, il couvrit un instant, Indra des rois, l’armée du Soubalide avec ses flèches dans le combat. 3,924-3,925.

Dès qu’il eut tué, souverain des hommes, ses quatre chevaux et son cocher, le valeureux se hâta de trancher avec un bhalla son drapeau. 3,926.

Le plus grand des hommes abandonne rapidement son char, dont les coursiers sont immolés, et se tient, soufflant, les yeux teints par la colère, et brandissant son arc. Nombre de fois et de tous les côtés, sire, il déchaîna sur l’auguste Bhîma ses flèches ; et celui-ci irrité, l’ayant frappé avec vitesse, le blessa de ses traits acérés ; le traîneur des cadavres ennemis fut donc profondément percé par le vigoureux ennemi. 3,927-3,928-3,929.

Les souffles de sa vie, monarque des hommes, s’inclinèrent alors un peu vers la terre ; et, quand ton fils le vit jeté dans le trouble, il l’emporta sur son char, à travers le champ de bataille, sous les yeux de Bhîmaséna. Tandis que ce tigre des hommes se tenait blessé dans la voiture de guerre, les Dhritarâshtrides se mettaient en fuite.

Effrayés, sous l’impression d’une grande terreur, née de Bhîmaséna, ils couraient à tous les points de l’espace. Lorsque l’archer Bhîma eut vaincu, sire, le Soubalide,

Pénétré d’une vaste crainte, ton fils Douryodhana, rempli de soins pour son oncle, se retira sur «es rapides chevaux. 3,930-3,931-3,932-3,933.

Aussitôt que les guerriers virent le monarque tourner le dos, Bharatide, ils se retirèrent de tous les côtés, abandonnant les combats singuliers en char. 3,934.

Dès qu’il vit tous les Dhritarâshtrides en déroute faire volte-face, Bhîma s’élança derrière eux avec vitesse, disséminant plusieurs centaines de flèches.

Taillées en pièces par lui, ces troupes en désordre se rassemblèrent de tous les côtés à l’entour de Karna.

Ce héros à la grande valeur, à la force immense, future lie pour eux, comme un navire brisé dans la mer, sire, est heureux de rencontrer une île. 3,935-3,936-3,937.

Tels que sont des nautonniers, tigre des hommes, dans les infortunes de la mer, tels étaient ces guerriers, qui s’étaient approchés de Karna. 3,938.

Joyeux, sire, ayant repris courage, ils en vinrent aux mains, les uns avec les autres, pour le combat, forçant la mort à retourner en arrière. 3,939.

« Après que les guerriers eurent été vaincus dans leur combat avec Bhîmaséna, qu’est-ce que dit, Sandjaya, ou Douryodhana, ou le Soubalide ? 3,940.

» Que dirent dans le combat, ou Karna, le plus grand des victorieux, ou mes combattants, ou Kripa et Kritavarman, ou le Dronide et Douççâsana ? 3,941.

» La valeur du Pândouide est plus que merveilleuse, à mon avis ; car seul il affronta dans la bataille tous les miens ! 3,942.

» En effet, le meurtrier des ennemis, Karna, le fils de Râdhâ, s’était engagé par une promesse aux guerriers et à tous les Kourouides. 3,943.

» Lorsque ces guerriers, qui avaient l’espérance, que peuvent inspirer la vie, la renommée, la félicité et les armures défensives, eurent vu cette armée enfoncée par le Pândouide à la force sans mesure, 3,944.

» Que fit dans cette bataille Karna, le fils de Râdhâ et du cocher ? Ou mes inaffrontables fils, ou les kshatryas aux grands chars ? » 3,945.

L’après-midi, puissant roi, répondit Sandjaya, l’auguste fils du cocher immola tous les Somakas, sous les yeux de Bhîmaséna.

Celui-ci broya l’armée Dhritarâshtride à la vigueur extrême, et Rama dit à Çalya : « Conduis-moi auprès des Pântchâlains. » 3,946-3,947.

Mais quand il vit l’armée jetée en déroute par le sage Bhîmaséna, Karna dit à son cocher : « Conduis-moi auprès des Pântchâlains mêmes[128]. » 3,948.

Alors, ce robuste monarque du Madra, Çalya, de pousser les chevaux blancs d’une rapidité sans pareille vers les Tchédiens, les Pântchâlains et les Kâroûshas. 3,949.

Entré dans la grande armée, Çalya, qui détruisait la force des ennemis, dirigea les chevaux partout où le généralissime désirait aller. 3,950.

À l’aspect de ce char, environné d’une peau de tigre et semblable au bruit des nuages, les Pântchâlains et les Pândouides, souverain des hommes, furent épouvantés.

Ensuite, le fracas du char se manifesta dans un grand combat, avec un bruit pareil à la nuée, ou tel qu’une montagne, qui se déchire. 3,951-3,952.

Il abattit par centaines et par milliers l’armée Pândouide avec les centaines de flèches mordantes, qui partaient de l’oreille du fils du cocher. 3,953.

Les grands héros aux vastes arcs des Pàndouides environnèrent ce héros invaincu, qui accomplissait dans la bataille un pareil exploit. 3,954.

Çikhandi, Bhîma, Dhrishtadyoumna le Prishatide, Nakoula, Sahadéva, les Draâupadéyains et le Satyakide

Enveloppèrent avec des pluies de flèches Râdhéya, brûlants du désir de le tuer. Le plus grand des hommes, l’héroïque Satyakide de blesser alors dans le combat, de vingt traits aigus, Karna dans la bataille, à l’endroit de la clavicule ; Çikhandl de vingt-cinq et Dhrishtadyoumna de sept ; 3,965-3,956-3,957.

Les Draâupadéyains de soixante-quatre et Sahadéva de sept également. Nakoula de frapper Karna sur le champ de bataille, avec une centaine de flèches 3,958.

Irrité, le vigoureux Bhîmaséna de percer dans le combat, à l’endroit de la clavicule, Râdhéya de quatre-vingt-dix traits aux nœuds inclinés. 3,959.

L’Adhirathide à la force immense prit ai riant le plus grand des arcs, et, accablant ses ennemis, lança des flèches acérées. 3,960.

En échange de leurs coups, Râdhéya les blessa de cinq traits individuellement ; et, quand il eut tranché l’arc du Satyakide et son drapeau, éminent Bharatide, 3,961.

Il le frappa lui-même de sept dards au milieu des seins ; il perça de trente flèches Bhîmaséna avec colère. 3,962.

Il coupa d’un bhalla, vénérable roi, l’arc de Sahadéva ; et, meurtrier des ennemis, il blessa de trois dards son cocher. 3,963.

Dans l’intervalle d’un clin-d’œil, éminent Bharatide, il réduisit les Draâupadéyains sans char : ce fut une chose quasi merveilleuse. 3,964.

Lorsqu’il eut fait tourner le dos à tous avec ses flèches aux nœuds inclinés, il tua les héros Pântchâlains et les plus braves des Tchédiens. 3,965.

Taillés en pièces dans ce combat, souverain des hommes, les Tchédiens et les Matsyas, tous, fondant sur Karna seul, décochèrent sur lui des multitudes de flèches. S,906.

Le vaillant héros, fils du cocher, leur fit mordre la poussière avec ses traits acérés : j’ai vu de mes yeux, Bharatide, cette prouesse plus que merveilleuse ; 3,967.

Car seul l’Adhirathide consuma dans la bataille ces héroïques archers, qui déployaient leurs efforts et combattaient par-delà ce qui est possible. 3,968.

Il arrêta dans le combat, grand roi, les Pândouides par ses flèches. Tous les Dieux, les Siddhas avec les Tchâranas se réjouirent alors de la légèreté, que montrait le magnanime Karna. Les Dhritarâshtrides aux vastes arcs honorèrent ce plus grand des hommes, 3,969-3,970.

Karna, le plus excellent parmi les meilleurs des maîtres de chars, le plus éminent entre tous ceux, qui manient l’arc. À la suite de ces chariots, puissant roi, il se mit à consumer l’armée des ennemis : 3,971.

Tel, au milieu de l’été, un grand feu, allumé dans une forêt de bois sec, s’élève en flamboyant[129]. Défaits par lui, les Pândouides fuyaient, effrayés çà et là dans le combat à l’aspect des exploits de ce vaillant héros Karna. Alors ce fut dans cette vaste bataille une immense lamentation des Pântchâlains, 3,972-3,973.

Taillés en pièces par les flèches aiguës, tombées de l’arc éminent de l’Adhirathide. La grande armée des Pândouides fut effrayée par ces sons plaintifs. 3,974.

Les ennemis regardèrent alors Karna comme le seul combattant en cette bataille : Râdhéva, le traîneur des cadavres ennemis, y fit une seconde fois des merveilles ;

Car aucun des Pândouides ne put fixer les yeux sur lui. Comme un fleuve se partage en face de la plus haute des montagnes ; 3,975-3,976.

Ainsi, l’armée Pândouide se rompit, quand elle se fut approchée de Karna. Flamboyant dans le combat, sire, comme un feu sans fumée, 3,977.

Le héros aux longs bras se tenait, incendiant la grande armée des Pândouides. Le brave, plein de légèreté, coupait avec ses traits les têtes des braves, leurs oreilles, parées même de pendeloques, et les bras. Karna, accomplissant le vœu du guerrier, tranchait en plusieurs morceaux les poignées d’ivoire, les cimeterres, les drapeaux, les lances, les chevaux, les éléphants, les divers chars, sire, les étendards, les éventails, les caisses de chars, les attaches du joug et les roues différentes. Immolés alors par Râdhéya, les éléphants et les coursiers 3,978-3,979-3,980-3,981.

Rendaient la terre impraticable par ses bourbiers de chair et de sang. Les endroits planes ou raboteux devenaient semblables sous les cadavres des chevauxt des fantassins, 3,982.

Des éléphants et les chars détruits. On ne distinguait plus rien ; et les combattants ne se discernaient pas les uns les autres, ni les ennemis, ni les leurs, dans cette horrible obscurité de traits, au milieu de ces flèches, que disséminait Karna. Les grands héros des Pândouides étaient couverts, grand roi, de ces dards aux ornements d’or, lancés par l’arc de Râdhéya. Les puissants héros Pândouides furent enfoncés mainte et mainte fois par l’Adhirathide, malgré tous leurs efforts. De même qu’un lion irrité met en fuite dans une forêt les troupeaux des gazelles, 3,983-3,984-3,985-3,986.

De même Karna à l’immense renommée jeta la déroute parmi ces ennemis, les plus excellents chars des Pântchâlains, et répandit la terreur dans le combat parmi ces guerriers. 3,987.

Il sema l’agitation dans cette armée, comme un loup parmi les troupeaux de bétail. Lorsque les Dhritarâshtrides virent l’armée Pândouide, qui tournait le dos, 3,988.

Ces héros aux grands arcs se portèrent là, poussant des cris horribles. Et Douryodhana, doué d’une joie suprême, Indra des rois, 3,989.

Fit parler, joyeux, de tous les côtés, les divers instruments de musique. Les Pântchâlains aux grands arcs, ces hommes sublimes, les dards rompus, 3,990.

Revinrent avec courage et contraignirent la Mort à reculer. Le taureau des hommes, Râdhéya, le fléau des ennemis, brisa par troupes, Mahârâdja, ces héros, revenus au combat, If détruisit avec colère, sous ses flèches, vingt chars des Pântchâlains et plus d’une centaine des Tchédiens. Quand il eut vidé les bancs des chars, Bharatide, et les plus excellents des coursiers, 3,991-3,992-3,993.

Quand il eut soulagé.de leurs hommes les épaules des éléphants et mis en déroute les fantassins, il fut impossible de fixer les yeux sur ce fléau des ennemis, comme sur le soleil au milieu du jour : 3,994.

Tant cet héroïque fils du cocher brillait, puissant roi, avec son corps semblable au Trépas et à la Mort ! Après que ce meurtrier des troupes ennemies, le vaillant Karna eut immolé les guerriers, les chevaux, les éléphants et les chars ; après qu’il eut seul fait mordre la poussière aux Somakas, ce grand héros se tint, comme la vigoureuse Mort se tiendrait elle-même, quand elle a tué les foules des créatures. Nous vîmes alors la valeur merveilleuse des Pântchâlains ; 3,995-3,996-3,997.

Car, tout mis en pièces qu’ils étaient ; ils ne se retirèrent point devant Karna, sur le front du combat. Le roi Douryodhana et Douççâsana même, et Kripa le Çaradvatide,

Açwatthâman, Kritavarman et le robuste Çakouni détruisirent l’armée Pândouide par centaines et par milliers.

Deux frères, fils de Karna, au courage, qui ne se dément jamais, Indra des rois, abattirent les divisions des Pândouides çà et là. 3,998- 3,999-4,000.

Alors eut lieu un vaste combat, un grand et horrible carnage ; et tous les vaillants Pândouides, Dhrishtadyoumna, Çikhandi et les Draâupadéyains irrités frappèrent ton armée. Ainsi sévissait çà et là le carnage des Pândouides et des tiens, quand on fut arrivé près de Bhîmaséna dans cette bataille. 4,001-4,002-4,003.

Dès qu’Arjouna eut immolé, grand roi, ’l’armée en ses quatre divisions, et qu’il eut aperçu dans un vaste combat le fils du cocher irrité ; 4,004.

Qu’il eut couvert la terre d’une eau de sang, qui avait pour vase des os, de la moëlle et de la chair, pour ses rochers des têtes humaines, et un rivage fait avec des cadavres de chevaux et d’éléphants ; 4,005.

Qui avait des tas d’os de braves, qui retentissait du cri des vautours et des corbeaux, qui était douée d’ombrelles pour cygnes et pour barques, et qui entraînait des braves en guise d’arbres déracinés ; 4,006.

Qui avait des fils de perles à la place des massifs de lotus, et les plus riches turbans pour son écume ; qui était pourvue de drapeaux, de fléchés et d’arcs ; qui épargnait les gens lâches ; 4,007.

Richement munie de cuirasses et de boucliers pour ses tourbillons, remplie de chars pour embarcations, facile à traverser pour les hommes, qui désirent la victoire, mais difficile à passer pour les gens craintifs ; 4,008.

Dès que le destructeur des héros ennemis, Bîbhatsou, le taureau des hommes, eut fait couler cette rivière, il dit ces mots au Vasoudévide : 4,000.

« Voici l’étendard de l’Adhirathide, qu’on aperçoit, Krishna ; ces guerriers et ceux, à la tête desquels est Bhîmaséna, combattent ce grand héros ! 4,010.

» Voici les Pântchâlains, qui fuient, Djanârddana, effrayés de Karna ! Voici le roi Douryodhana, qui resplendit sous une ombrelle blanche ! 4,011.

» Il jette un vif éclat, quand il met en déroute les Pântchâlains, enfoncés par Karna. Kripa, Kritavarman et le grand héros Açwatthâman défendent le roi, défendus à leur tour par l’Adhirathide. Si nous ne les couchons morts sur la terre, ils feront mordre la poussière aux Somakas. 4,012-4,013.

» Placé sur le banc du char, voici Çalya, habile à diriger les rênes ; il conduit le char du fils de cocher, et projette, Krishna, une immense lumière. 4,014.

» Cette pensée me vient à l’esprit : conduis là mon grand char. Je ne m’en irai pas que je n’aie tué Karna de quelque manière sur le champ de bataille. 4,015.

» Car, autrement, Râdhéya immolerait jusqu’au dernier, sous nos regards mêmes, Djanârddana, les grands héros Prithides et Srindjayas. » 4,016.

À ces mots, Kéçava de s’avancer rapidement vers ton armée. Hari aux longs bras, à cet ordre de l’Ambidextre, s’approcha avec son char de Karna, au milieu de ces combats singuliers, rappelant au courage de tous côtés les guerriers de Pândou. 4,017-4,018.

Le bruit du char du Pândouide éclate dans la bataille, vénérable roi, comme celui d’un grand nuage, dont le fracas ressemble à celui du tonnerre de Çakra. 4,019.

Le Pândouide à l’âme incommensurable, au courage, qui jamais ne se dément, s’approcha au vaste bruit de son char, assurant sa victoire sur ton armée. 4,020.

Dès qu’il vit s’avancer le héros aux blancs coursiers, qui avait Krishna pour cocher, le souverain de Madra dit à Karna, quand il aperçut le drapeau du magnanime :

« Le voici, qui s’avance, détruisant les ennemis dans le combat, ce héros aux chevaux blancs, qui a Krishna pour son cocher ; celui même, de qui tu t’informes, Karna ! 4,021-4,022.

» Ce fils de Kountî se tient, touchant son arc Gândiva. Si tu peux le tuer aujourd’hui, notre salut est assuré.

» C’est toi, qu’il désire atteindre, Karna, lorsqu’il s’approche, immolant les plus vaillants héros. Marche à lui, fils de Râdhâ, déployant une force impossible à soutenir. 4,023-4,024.

» Cette armée Dhritarâshtrienne est déchirée de tous les côtés par la crainte d’Arjouna, de qui les rapides coups détruisent de nombreux ennemis. 4,025.

» S’abstenant de tous les ennemis, Dhanandjaya Be hâte : c’est à toi, qu’il en veut, je pense, attendu qu’il porte droit son corps. 4,026.

» Enflammé de colère, le Prithide ne s’arrêtera point à combattre avec qui que ce soit, quand Vrikaudara est accablé, si ce n’est avec toi, 4,027.

» Lorsqu’il a vu Dharmarâdja sans char et bien profondément blessé, lorsqu’il a vu défaits Çikhandi, le Satyakide, Dhrishtadyoumna le Prishatide, les Draâupadéyains, Youdhâmanyou, Outtamaâudjas et ces vaillants frères, Nakoula et Sahadéva, 4,028-4,029.

» Le fléau des ennemis, désirant immoler tous les princes, les yeux teints par la colère, le Prithide irrité s’avance rapidement vers toi avec son char. 4,030.

» C’est vers nous, sans doute, qu’il s’avance à la hâte, abandonnant à cause de nous tous les guerriers. Marche à sa rencontre, Karna ! Il n’existe pas un autre archer que toi. 4,031.

» Je ne vois pas dans ce monde un autre archer, si ce n’est toi, qui puisse retenir, comme un rivage, Arjouna courroucé dans le combat ! 4,032.

» Je ne vois pas qu’il ait une garde sur les côtés, ni qu’il en ait une par-derrière : il s’avance tout seul. Considère que tu es la totalité de lui-même. 4,033.

» Tu es capable de tuer les deux Krishnas dans une bataille : c’est une charge, qui t’appartient dans le combat, fils de Râdbâ ; marche donc au-devant de Dhanandjaya. 4,034.

» En effet, tu es égal à Bhîshma, à Drona, à son fils, à Kripa : arrête dans un grand combat l’Ambidextre, qui s’avance. 4,035.

» Immole Dhanandjaya, tel qu’un taureau, qui mugit, Karna, tel qu’un serpent, qui mord, tel qu’un tigre, qui est tapi dans une forêt. 4,036.

» Voici les grands héros Dhritarâshtrides, les maîtres de la terre, qui, sans rien considérer, s’enfuient précipitamment du combat par la crainte d’Arjouna. 4,037.

» Je ne vois pas un autre vaillant homme dans la guerre, si ce n’est toi, fils du cocher, qui puisse étouffer la crainte de ces guerriers, qui fuient. 4,038.

» Tous ces Kourouides, vaincus dans la guerre, qui désirent trouver en toi leur appui, se sont approchés de toi comme d’une île. 4,039.

» Tu as vaincu et dépouillé les rois des Vaîdéyainsetdes Vashthakas : ta fermeté a soumis dans la bataille les Gândhâras, difficiles à vaincre. 4,040.

» Fais provision de fermeté, Râdhéya, et marche à la rencontre du Pândouide : placé dans une haute valeur, guerrier aux longs bras, marche au-devant du rejeton de Vrishni, ce Vasoudévide, très-aimé de Kirîti. » 4,041-4,042.

« Tu tiens maintenant pour moi, Çalya, la place d’une mère, lui répondit Karna ; et tu brilles, guerrier aux longs bras, estimé à sa ressemblance. Que Dhanandjaya ne t’inspire aucune crainte. 4,043.

» Vois maintenant la force de mes bras ! Vois quelle est mon instruction ! Seul, j’immolerai aujourd’hui la grande armée des Pândouides. 4,044.

» D’aucune manière, je ne me retirerai du champ de bataille, je te dis là unewérité, sans avoir tué ces deux héroïques Krishnas, ces tigres des hommes ! 4,045.

» Ou ils me laisseront mort, car la victoire est inconstante dans les combats ! Aujourd’hui, ou les ayant tués, je jouirai de ma victoire ; sinon, je périrai ! » 4,046.

« Les plus braves disent que ce héros des héros est invincible dans unebataille, reprit Çalya : à plus forte raison, quand il n’a devant lui qu’un adversaire ! Qui pourrait le vaincre ici, où il est défendu par Krishna ? » 4,047.

« Le plus grand des héros ne fut jamais ainsi dans monde, repartit Karna, en tant que nous l’avons ouï dire. Mais, supposé qu’il soit tel, je n’en combattrai pas moins le Prithide dans un grand combat. Vois quel est mon courage ! 4,048.

» Voici ce fils du roi des Kourouides, le plus grand des héros, qui s’avance dans la bataille sur ses blancs coursiers. Il me plongera aujourd’hui dans l’infortune. Que cette destinée soit dans mon trépas ! Oui ! que telle soit la mort de Karna ! Ces mains tremblantes du fils de roi sont toutes grandes, couvertes de callosités, exemptes de sueur ! Il n’existe pas un guerrier aux solides armes, actif, à la main agile, qui soit égal à ce Pândouide.

» Il saisit plusieurs flèches et les décoche rapidement, comme une seule ; elles tombent, le coup assuré, à la distance d’un kroça. Quel combattant est égal sur la terre à celui 4,049-4,050.-4,051.

» Qui, impétueux, monté sur un char, ayant Krishna pour second, a rassasié le Feu dans le Khândava ? Dans le moment où le magnanime Krishna s’est armé de son disque de guerre, il a pris son arc Gàndiva et son char terrible, très-sonore, attelé de chevaux blancs, ce Pândouide ambidextre, aux longs bras, à l’âme fière*aux grands carquois, qui, revêtu d’une forme céleste et impérissable, ravit au Feu ses flèches divines. 4,052-4,053.

» Il a pris sa conque Dévadatta, celui, qui, dans le monde d’Indra, immola des Daityas innombrables et tous les Kâlakéyas ! Qu’y a-t-il, certes ! ici d’égal à lui sur la terre ? 4,054.

Ce guerrier à la haute dignité satisfit par les astras de son noble combat Mahâ-Déva, le grand Dieu, duquel il reçut le Pâçoupata, astra puissant, bien épouvantable, qui peut faire la destruction des trois mondes. 3,055.

» Les gardiens du monde lui donnèrent, chacun en son particulier, de grands astras, sans aucune mesure dans les combats, avec lesquels ce héros cruel eut bientôt fait mordre la poussière dans une bataille à tous les Asouras Kéyânas de l’aurore. 5,056.

» Après qu’il eut vaincu avec son seul char, dans la cité de Vidoura, le rassemblement de nous tous, il reprit le troupeau des vaches au milieu du combat et enleva les vêtements aux fameux héros. 5,057.

» Quand je provoquai Outtama, plein d’agilité, je reconnus pour tel, doué des qualités du brave et le plus excellent des rois de l’univers entier, ce héros même, Çalya, qui a Krishna comme second. 5,058.

» Défendu par l’incomparable Kéçava-Nârâyana à la vigueur infinie, il est impossible à tous les mondes réunis de raconter, durant des myriades même d’années, les qualités 5,059.

» Du magnanime Vishnou le Victorieux, le fils de Vasoudéva, qui tient à ses mains une épée, un disque acéré et une conque ! La crainte et l’effroi naquirent dans mon cœur, à l’aspect de ces deux Krishnas réunis sur un même char. 5,060.

» Le Prithide est infiniment pourvu d’arcs dans la bataille, et Nârâyana est incomparable dans le combat. Puisque le Vasoudévide et le fils de Pândou sont de telle espèce, l’Himâlaya pourrait abandonner sa place, mais non les deux Krishnas ! 5,061.

» Lorsque tels sont Phâlgouna et le Vasoudévide, ces deux grands et vaillants héros, vigoureux, aux armes solides, et doués d’un corps robuste, quel autre, si ce n’est le moi, Çalya, s’avancerait au-devant d’eux. 4,062.

» Cette forme incomparable, admirable, plus que merveilleuse, ne sera point ainsi long-temps ; elle me sera bientôt ravie, à moi, de qui la joie ne peut venir, souverain de Madra, que d’un combat avec le Pândouide. 4,063.

» J’immolerai ces deux Krishnas et je les coucherai morts dans le combat ; ou c’est moi-même, qu’ils tueront aujourd’hui ! » Dès qu’il eut parlé de cette manière à Çalya, Karna, le meurtrier des ennemis, poussa un cri d’une voix tonnante dans la bataille, comme un nuage.

Salué par ton fils, qui s’approcha et se réunit à lui, il dit à cet éminent Kourouide,àKripa, à Bhodja d’une haute dignité, au souverain du Gândhâra et à son frère mineur,

Au fils de l’Atchârya, au frère putné de lui-même, aux hommes de pied et aux guerriers, montés sur les éléphants : « Arrêtez-les ! Fondez sur l’impérissable et sur Arjouna ! Lancez rapidement sur eux de tous côtés vos flèches, sans craindre la fatigue ! 4,064-4,065-4,066.

» Car il me sera facile, souverains de la terre, d’immoler aujourd’hui ces héros, quand vous les aurez profondément percés de vos traits. » - « Oui ! » répondirent ces plus vaillants des héros, qui se portèrent à la hâte sur Arjouna, impatients de le tuer. 4,067.

Obéissant à l’ordre de Karna, ces vaillants héros de frapper Dhanandjaya de leurs flèches. Mais Arjouna les eut bientôt dévorés dans le combat, comme la grande mer engloutit des rivières et des fleuves aux ondes abondantes.

Les ennemis ne le virent ni encocher, ni tirer ses traits puissants ; les éléphants, les coursiers et les hommes tombaient, déchirés ou tués par les flèches et par les astras de Dhanandjaya. 4,068-4,069.

Les guerriers Kourouides ne purent fixer leur œil ébloui sur Djaya, ce soleil à l’orbe magnifique du Gândîva, enflammé par les flèches, et qui avait une splendeur égale à celle de l’astre radieux à la fin d’un youga. 4,070.

Il coupa en riant, avec les multitudes de ses traits, les plus grands de ces dards, lancés par ces vaillants héros ; et la circonférence bien remplie, vaste, de son arc Gândîva détruisit en outre les foules d’autres flèches. 4,071.

De même qu’arrivé au milieu de Çoukra, le régent de la planète Çoutchi[130], le soleil aux rayons terribles enlève facilement des masses d’eau : ainsi Arjouna, décochant ses multitudes de flèches, Indra des princes, consuma ton armée. 4,072.

Kripa, déchaînant ses flèches, et Bhodja lui-même, et ton fils, coururent sur lui ; et le grand héros, fils de Drona, répandit sur lui ses traits, comme un nuage inonde une montagne. 4,073.

De ses flèches, animées par le désir de tuer, le Pândouide, d’une main habile, trancha avec effort dans ce grand combat les sublimes traits décochés, et le fendit lui-même de trois flèches au milieu de la poitrine. 4,074.

Le disque vaste, bien rempli du Gândîva, soleil d’Arjouna, qui brûlait ses ennemis, resplendissait, tel que la circonférence du soleil aux rayons terribles, parvenu au milieu de Çoukra, le régent de la planète Çoutchi. 4,075.

Le fils de Drona fendit l’impérissable de trois dards, et Dhanandjaya de dix traitsépouvantables ; il répandit quatre flèches sur ses quatre chevaux, et les plus excellents nârâtchas sur le singe. 4,076.

Dhanandjaya fit trembler de trois dards son arc dans sa main ; il enleva d’un kshoura la tête de son cocher ; il tua de quatre flèches ses coursiers, et fit tomber encore du char de Drona son drapeau. 4,077.

Rempli de colère, celui-ci prit un autre arc de haut prix, orné d’or, de diamants et de perles, splendide comme le corps de Takshaka ; tel on prend le plus distingué des grands serpents au sommet d’une montagne. 4,078.

Ayant jeté son arme sur le sol de la terre et mis la corde à son arc, le Dronide, qui l’emportait par ses vertus, harcela de ses flèches puissantes ces deux hommes supérieurs, invaincus, et les blessa de face. 4,079.

Kripa, et Bhodja, et ton fils, ces grands héros, placés à la tête du combat, accablèrent de mille traits dans la bataille cet éminent Pândouide, comme des gouttes d’eau, qui tombent sur le feu. 4,080.

Le Prithide submergea de ses dards[131] l’arc, les chevaux, les drapeaux, le cocher même de Kripa, armé de sa flèche, tel que jadis le Dieu, qui tient la foudre et qui a la vigueur de mille bras, écrasa Bali. 4,081.

Kripa, son âme abattue sous les traits du Prithide en cette vaste bataille, où fut détruit son drapeau, se vit arrêté par les milliers de flèches, lancées par Kirîti, comme le fut jadis le fils de la sainte rivière. 4,082.

L’auguste coupa de ses traits le drapeau de ton fils ; il trancha son arc au moment qu’il jetait son cri ; il immola les brillants coursiers de Kritavarman et mit en pièces son drapeau. 4,083.

Précipitant ses coups, il frappa les chevaux, les éléphants et les chars avec les drapeaux, les sonipèdes, les arcs et les cochers ; il dispersa ton immense armée, rompue comme un pont brisé par les eaux. 4,084.

Ensuite, Kéçava mit bientôt avec le char d’Arjouna les ennemis défaits à sa droite. Puis, les adversaires, qui voulaient combattre, accoururent à la hâte, avec leurs drapeaux arborés et leurs chars bien attelés, derrière Dhanandjaya, qui s’avançait avec l’ardeur de Çatakratou, qui désirait immoler Vritra. Çikhandi, Çatnéya, les jumeaux, ces grands héros, s’étant approchés, arrêtèrent ces braves, et, le front tourné vers Dhanandjaya, poussèrent des cris bien épouvantables, les déchirant de leurs flèches aiguës. Courroucés, les grands héros des Kourouides avec les Srindjayas se frappèrent mutuellement de leurs traits au vol rapide, enflammés de splendeur : tels, jadis les Asouras dans le combat avec les chœurs des Dieux. On voit tomber, fléau des ennemis, les chars, les éléphants, les chevaux, ceux, qui désirent la victoire et que brûle l’envie d’aller au Swarga. 4,085-4,086-4,087-4,088.

Ils criaient fortement d’une voix éclatante ; chacun était troublé par la crainte des flèches bien décochées çà et là. Au milieu de cette obscurité de traits, produite en ce grand combat par les magnanimes princes des combattants, les quatre plages du ciel, seigneur, les régions intermédiaires et la lumière du soleil étaient enveloppées de ténèbres. 4,080-4,000.

Désirant marcher au péril, où il était comme plongé, sire, ce fils de Kounti, Bhîma, sur lequel couraient ces vigoureux et vaillants héros des Kourouides, après qu’il eut broyé de ses flèches l’armée de l’Adhirathide, envoya au monde de la mort les héros des ennemis. 4,001-4,002.

On voyait revenir en morceaux les multitudes de traits lancés au ciel ; d’autres allaient frapper ton armée. 4,093.

Remplissant peu à peu l’atmosphère sillonnée par ses foules de flèches, Dhanandjaya aux longs bras était la mort des Kourouides. 4,094.

Le Prithide coupait les membres et tranchait les têtes avec ses bhallas, ses kshourapas et ses nârâtchas sans tache. La terre du combat était, de toutes parts, couverte de combattants tombés et tombants, les membres mutilés, sans cuirasses et même sans têtes, 4,095-4,096.

De chars, de chevaux, d’éléphants, de voitures légères, de traits lancés par Dhanandjaya, d’articulations, de membres sans corps, tombés, fendus, coupés. Elle était impraticable, très-inégale, extrêmement effrayante, et ressemblait à la grande Vaîtaranî. 4,097-4,098.

La terre était jonchée de chars des combattants avec leurs cavaliers immolés ou vivants, avec des chevaux ou sans chevaux, de bhallas, de roues, de cycles et de jougs, de guerriers aux parures d’or ou revêtus de cuirasses à la couleur d’or. 4,099-4,100.

Les éléphants, toujours dans l’ivresse, irrités, rangés par Kritavarman, excités à coups de talon et de pouce, montés par des hommes cruels et d’une haute stature, étaient couchés morts, brisés par les flèches puissantes de Kirîti, Comme les cimes élevées d’une grande montagne renversée. La terre était couverte des plus superbes éléphants, abattus sous les traits de Dhanandjaya. 4,101-4,102.

Tel que l’astre radieux, qui fend les nuées, le char d’Arjouna s’approcha des éléphants, semblables aux nuages et qui versaient de tous côtés des pluies de mada. 4,103.

Phâlgouna avait jonché sa route d’armes rejetées, d’hommes enivrés de batailles et privés de la vie, sans traits, ni machines, ni cuirasses, de chars brisés en morceaux, de chevaux, de guerriers, d’éléphants immolés. Il brandit son immense Gândîva au bruit épouvantable, 4,104-4,106.

De même que, dans le ciel, retentit le son du tonnerre et de la foudre effrayante. La grande armée se fendit, immolée par les flèches de Dhanandjaya : 4,106.

Tel se brise dans la mer un vaste navire au souffle d’un vent impétueux. Les traits décochés par le Gândîva, ravissant les existences sous diverses formes, 4,107.

Consumaient ton armée, semblables à une torche, à un météore igné, à la foudre même. Tel que, durant la nuit, brûle une forêt de bambous sur une haute montagne, Ainsi resplendissait ta grande armée, accablée par les flèches. Tes divisions battues, consumées, broyées par Kirîti, 4,108-4,109.

Terriblement percées des traits décochés, fuyaient à tous les points de l’espace. De même que, dans un grand bois, se dispersent des troupeaux de gazelles, effrayées à l’incendie de la forêt ; 4,110.

Ainsi erraient à la ronde les Kourouides, consumés par l’Ambidextre ; et, abandonnant le combat avec Bhîmaséna aux longs bras, 4,111.

Toute l’armée des Kourouides, tournant le dos, était agitée par la terreur. Au milieu des Kourouides rompus, Bîbhatsou invaincu porta ses pas vers Bhîma, s’approcha de lui un instant ; «t, quand il se fut abouché avec son frère, Phâlgouna de lui parler. 4,112-4,113.

« Youdhishthira, dit-il, n’avait pas été touché par les flèches ; il était sans aucune maladie. » Puis, avec la permission de Bhîmaséna, il s’avança vers l’ennemi, faisant résonner le ciel et la terre du bruit de son char. Dhanandjaya fut environné par dix héros, tes fils, les plus grands des combattants, inférieurs seulement par la naissance à Douççâsana. Ceux-ci le harcelèrent de leurs flèches, comme un éléphant avec des torches. 4,114-4,116-4,116.

Leurs arcs étendus, ces héros dansaient, pour ainsi dire, Bharatide ; mais le meurtrier de Madhou les mit à la droite de.son char. 4,117.

Il pensa que Kiriti leur avait donné l’ordre de se rendre au plutôt chez Yama. Ces héros s’enfuirent devant le char d’Arjouna, qu’ils voyaient par-derrière. 4,118.

Le Prithide abattit promptement de ses nârâtchas et de ses demi-lunes les drapeaux, les coursiers, les arcs et les flèches des guerriers accourants. 4,119.

Avec dix autres bhallas, il fit tomber sur le sol de la terre les têtes de ces héros, qui se mordaient les lèvres, et de qui la colère avait rougi les yeux. 4,120.

Ces visages brillaient comme des lotus en grand nombre. Avec dix autres bhallas d’une légère impétuosité, il donna la mort à dix Kouraviens ; 4,121.

Et, dès qu’il eut immolé de ses flèches à l’empennure d’or ces guerriers aux pendeloques en or, le meurtrier des ennemis marcha en avant. 4,122.

Les héros des Kourouides, au nombre de quatre-vingt-dix chars, fondirent pour le combat sur le guerrier, qui s’avançait avec ses chevaux à la course rapide, à l’enseigne du plus excellent des singes. 4,123.

Les conjurés, ces tigres des hommes, qui avaient juré le terrible serment de passer au rivage ultérieur des choses humaines, environnèrent dans le combat Arjouna, le tigre des hommes. 4,124.

Krishna de pousser contre le char de Karna les chevaux blancs à la grande légèreté, aux ornements d’or, couverts par des multitudes de perles. 4,126.

Les chars des conjurés, qui immolaient sous des pluies de flèches, s’approchèrent de Dhanandjaya, qui tuait les ennemis et s’avançait vers le char de Karna. 4,126.

Mais, se hâtant, celui-ci de ses traits acérés coucha morts tous les quatre-vingt-dix héros avec leurs étendards, leurs arcs et leurs cochers. 4,127.

Ces guerriers tombèrent, immolés par les dards aux formes diverses de Kirîti, comme des Siddhas, la récompense due à leurs vertus étant épuisée, sont précipités avec leurs chars célestes hors du Swarga. 4,128.

Ensuite, les Kourouides, accompagnés de leurs chevaux, de leurs éléphants et de leurs chars, s’avancèrent sans crainte vers Phâlgouna, le plus éminent des Bharatides.

Alors, cette grande armée de tes fils, avec ses éléphants superbes, ses chevaux, pleins de feu, et ses guerriers, déployant leurs efforts, d’arrêter Dhanandjaya.

Les Kourouides aux grands arcs couvrirent ce rejeton de Kourou avec leurs flèches, leurs cimeterres, leurs massues, leurs traits barbelés, des sabres, des lances et des leviers de fer. 4,129-4,130-4,131.

Dès qu’il eut étendu partout la pluie de ses flèches, le Pândouide les dispersa de ses traits, comme le soleil dissipe l’obscurité avec ses rayons. 4,132.

Placés d’après les ordres de ton fils avec treize cents éléphants enivrés, les Mlétchhas frappèrent de côté le Prithide. 4,133.

Ils le harcelèrent, monté sur son char, avec des karnis, des nâlikas, des nârâtchas, des traits barbelés, des lances et desleviers de fer, des pilons et des bhindipâlas. 4,134.

Phâlgouna avec ses bhallas aigus et ses demi-lunes coupa cette pluie incomparable de flèches, entourée par les trompes des éléphants. 4,135.

Il frappa de ses traits puissants, marqués de différents caractères, comme des montagnes atteintes de la foudre, tous ces pachydermes, avec les enseignes, les étendards et les cavaliers. 4,136.

Ces grands proboscidiens aux guirlandes d’or, tels que des montagnes, enveloppés de la flamme du feu, tombaient percés, immolés par ces flèches, empennées d’or. 4,137.

Ensuite, ce fut, souverain de la terre, un vaste bruit du Gândîva, des coursiers, des pachydermes et des guerriers tonnants, répandus en gémissements et en menaces ; les éléphants frappés couraient de tous les côtés ; les cavaliers blessés et les chevaux fuyaient à la ronde, sire, aux dix points de l’espace. 4,138-4,139.

On voit par milliers, grand roi, des chars, semblables à la ville des Gandharvas, veufs de leurs maîtres ou privés de chevaux. 4,140.

On voit çà et là, blessés par les traits du Prithide, des cavaliers, qui fuient d’un côté et d’un autre. 4,141.

Dans ce moment, on vit la force des bras du fils de Prithâ, qui, seul, vainquit dans la bataille les proboscidiens, les chars et les cavaliers. 4,142.

Puis, Bhîmaséna, ayant vu Kirîti environné, éminent Bharatide, d’une puissante armée en trois corps, 4,143.

Abandonna quelques héros des tiens, survivants à leurs compagnons immolés, et courut avec rapidité vers le char de Dhanandjaya. 4,144.

Alors qu’il vit cette armée en déroute, malade et qui avait perdu la plus grande partie des tiens, Bhîma de s’avancer vers son frère Arjouna. 4,145.

La massue à la main, Vrikaudara, dans cette vaste bataille, dissipa sans fatigue les coursiers à la grande force, reste de ceux, qu’ Arjouna avait immolés. 4,146.

Il lança rapidement sur les hommes, les éléphants et les chevaux sa très-épouvantable massue Dârani, semblable à la porte de la ville Prâkârâdri ou pareille à la bien terrible Kâlârâtri, qui fait sa nourriture des coursiers, des éléphants et des hommes. Il immola, vénérable roi, de nombreux chevaux et cavaliers. 4,147-4,146.

Le Pândouide[132] broya de sa massue les chevaux et les hommes à la cuirasse de fer ; immolés, ils tombaient, en poussant des cris. 4,149.

Mordant la terre avec les dents, ils gisent, baignés de sang, les pieds, les os et la tête rompus, offrant un festin aux troupes de carnassiers. 4,150.

La massue se tint, arrivée à la satiété par la chair, le sang et la graisse, telle que Kâlarâtri, hideuse à voir, lorsqu’elle ronge des os. 4,151.

Quand il eut tué dix mille chevaux et encore plus de fantassins, Bhîma, impatient de colère, courut çà et là, sa massue à la main. 4,162.

Aussitôt que Ventre-de-Loup fut vupar les tiens armé de son pilon, ils pensèrent que c’était Yama lui-même, qui venait à eux d’un pied hâté ; levant le bâton de la mort.

Semblable à un éléphant enivré, le rejeton de Pândou entra dans l’armée des proboscidiens, comme un makara dans la mer. 4,153-4,154.

Ayant pris sa grande massue et s’étant plongé dans cette armée des éléphants, Bhîma irrité la conduisit dans un instant aux demeures d’Yama. 4,155.

Nous vtmes alors tomber ces proboscidiens enivrés avec leurs cuirasses, avec leurs drapeaux, avec les cavaliers, qui les montaient, de même que des montagnes, munies encore de leurs ailes. 4,156.

Dès qu’il eut tué cette armée des éléphants, Bhîma à la grande force remonta sur son char, et s’approcha d’Arjouna par-derrière. 4,157.

L’armée ennemie immolée ou en déroute pour la grande partie hésitait, enveloppée de flèches, puissant roi, sans aucune énergie pour la plupart. 4,158.

Lorsqu’il vit cette armée, qui balançait, rangée sans courage, Arjouna de la couvrir avec ses traits, qui ravissaient les existences. 4,159.

Ensevelis sous les foules de ces dards, lancés par l’archer du Gândîva, les éléphants, les chars, les chevaux et les guerriers brillaient dans la guerre comme des kadambas sous leurs filaments. 4,160.

Alors ce fut un cri de détresse, poussé par les Kourouides, grand roi, battus par les flèches d’Arjouna, qui enlevaient les souffles de la vie aux éléphants, aux coursiers, aux combattants. 4,161.

Ton armée, jetant des cris de « Hélas ! hélas ! » tremblante, cherchant l’un sur autre un appui, s’en allait à la ronde, comme une torche attachée à une roue. 4,162.

Les forces des Kourouides rendaient ce combat immense. Il n’y avait point là un char, qui ne fût pas brisé, un cheval, qui eût conservé son cavalier, ni un éléphant ses guerriers. L’armée, de qui les cuirasses étaient déchirées par les flèches, paraissait comme enflammée : elle était arrosée de sang, telle qu’une forêt d’açokas en fleurs. 4,163-4,164.

Aussitôt que les Kourouides eurent vu le valeureux Ambidextre, l’espérance touchant la vie de Karna les abandonna tous. 4,165.

Pensant qu’on ne pouvait supporter dans le combat la chûte des flèches du Prithide, les Kourouides, vaincus par l’archer du Gândîva, se retirèrent alors du champ de bataille. 4,166.

Consumés par les traits, ceux-ci, délaissant Karna dans le combat, s’enfuirent épouvantés à tous les points de l’espace, appelant de leurs cris l’appui de l’Adhirathide.

Le Prithide les poursuivait, disséminant les nombreuses centaines de ses flèches, et réjouissait les combattants Pândouides, commandés par Blümaséna. 4,167-4,168.

Tes fils, grand roi, se rendirent auprès du char de Karna, qui fut alors une ile pour ces hommes, plongés dans une mer profonde. 4,169.

Les Kourouides en effet ressemblaient à des serpents sans venin ; ils s’attachèrent à Karna par la crainte de l’archer du Gândîva. 4,170.

De même qu’effrayées de la mort, vénérable roi, toutes les créatures, qui sont adonnées aux œuvres, s’appuient seulement sur le devoir ; 4,171.

Ainsi tes fils, souverain des hommes, se groupaient autour de Karna au grand arc à cause de la terreur, qu’inspirait le magnanime Pândouide. 4,172.

« Ne craignez pas ! dit Karna à ces guerriers tout arrosés de sang, malades, placés dans nn lieu inégal, ne craignez pas ! venez près de moi ! » 4,173.

Quand il vit ton armée rompue sous la force du Prithide, Karna, brandissant son arc, se tint, impatient de tuer l’ennemi. 4,174.

Le meilleur de ceux, qui portent les armes, l’Adhirathide, ayant vu les Kourouides en fuite, réfléchit, soupira et tourna sa pensée à la mort du fils de Prithâ. 4,175.

Puis, lorsqu’il eut fait son arc immense, Vrisha — l’Adhirathide courut de nouveau sur les Pântchâlains sous les yeux de l’Ambidextre. 4,176.

Dans cet instant, les rois de la terre, de qui les yeux ressemblaient au sang, entourèrent Karna des multitudes de leurs traits, comme une montagne est environnée des nuages. 4,177.

Ensuite, ô le meilleur de ceux, qui ont reçu l’existence, des milliers de flèches, lancées par l’Adhirathide, vénérable roi, privèrent les Pântchâlains de l’existence. 4,178.

Alors, ce furent de vastes clameurs,que poussaient les Pântchâlains, frappés de mort par le fils du cocher, qui désirait trouver des amis pour le bien de ses amis. 4,179.

Au milieu des Kourouides nus en fuite par le char aux chevaux blancs, Karnar-l’Adhirathide dispersa les fils des Pântchâlains, comme le vent dissipe une masse de nuages.

Il abattit du char avec ses andjalikas le cocher de Djanamédjaya et tua ses chevaux : il répandit ses bhallas sur Çatânîka et Soutasoma ; il coupa même leurs deux arcs. 4,180-4,181,

Il déchira de six traits Dhrishtadyoumna, et, d’un coup rapide, il coucha mort ses coursiers dans la bataille : et, cette victoire obtenue aur le fils du Satyakide, l’Adhirathide perça Viçoka, le fils de Kaîkéya. 4,182.

Après la mort de ce jeune prince, le général des années de Kaikéya aux œuvres terribles courut sur lui, et, l’agitant de ses flèches 4 la fougue bien rapide, il frappa Praséna, le fils de Karna. 4,188.

De trois demi-lunes, Karna de couper en riant ses deux bras et sa tête. Il tomba du char sur la terre, la vie exhalée, comme un shorée abattu par la hache. 4,184.

Praséna de ses flèches acérées au vol rapide atteignit le grand héros de Çini aux chevaux tués. Après que ce fils de Karna l’eut Gouvert, comme en dansant, il tomba lui-même, frappé des flèches de Çainéya. 4,185.

Son fils tué, Karna, l’âme enveloppée de colère, et désirant immoler ce taureau des Çinides : « Tu es mort, Çainéya ! » lui cria-t-il, en décochant un trait, capable de vaincre un ennemi. 4,186.

Çikhandî trancha son dard, et blessa de trois et trois autres l’Adhirathide. Quand celui-ci eut coupé avec deux flèches en rasoir le drapeau et l’arc de Çikhandi, le bien resplendissant étendard tomba. 4,187.

Terrible, il blessa de six traits Çikhandi et trancha la tête du fils de Dhrishtadyoumna. Le magnanime Adhirathide fendit Soutasoma d’une flèche bien acérée. 4,188.

Une clameur tumultueuse s’éleva aussitôt quele Dhrishtadyoumnide fut tombé mort, et Krishna dit alors, lion des rois : « On massacre tous les Pântchâlains ; marche, Prithide, et immole Karna ! » 4,189.

Ensuite, le vaillant héros des hommes, ce guerrier aux longs bras, s’avança, monté sur son char, en riant, vers le chariot de l’Adhirathide, désirant délivrer de la peur ces mortels taillés en pièces par ce pasteur des troupeaux de chars. 4,190.

Ayant fait vibrer avec la corde son Gândîva au bruit terrible, après qu’il l’eut appuyé fortement sur le sol du char, il répandit aussitôt une obscurité de flèches et se mit à frapper les drapeaux, les chars, les chevaux et les éléphants. 4,191.

Les échos résonnèrent dans les cieux, les oiseaux s’envolèrent dans les cavernes des montagnes, en ce moment terrible, où Kiriti s’approcha, développant la corde de son arc arrondi. 4,192.

Bhîmaséna, le héros unique des Pândouides, le suivit sur son char, défendant Arjouna par derrière. Ces deux fils de roi, dont les ennemis suspendaient les pas, s’avancèrent à la hâte sur leurs deux chariots vers l’Adhirathide.

En ce moment-là, le sublime fils du roi s’attacha aux Somakas et livra une bataille à ces guerriers ; il brisa les chars, il tua les éléphants et les chevaux, il couvrit de flèches les plages du ciel. 4,193-4,194.

Outtamaâudjas et Djanamédjaya, Youdhâmanyou et Çikhandi courroucés percent de compagnie Karna de traits et le broyent, accompagnés du Prishatide. 4,195.

Courant sur Karna le Découpeur, ces cinq vaillants héros du Pantchâla ne purent le renverser de son char, comme les objets des sens ne peuvent faire tomber du ciel un homme, qui a vaincu son âme. 4,196.

Il coupa rapidement de ses flèches les guidons de ces guerriers ; il blessa leurs cochers et leurs chevaux ; il en trancha les drapeaux et les arcs ; il les frappa eux-mêmes de cinq traits, et rugit comme un lion. 4,197.

Tandis qu’il décochait des traits et qu’il immolait ces guerriers, tenant à la main ses dards et la corde de son arc : « C’est la terre, qui se fend, disait-on, avec ses montagnes et ses arbres ! » 4,198.

L’Adhirathide, lançant ses flèches avec un arc immense et semblable à celui de Çakra, jetait dans le combat une vive lumière de son arc arrondi aux rayons enflammés ; tel que le disque du soleil avec sa guirlande de rayons. 4,199.

Il frappa Çikhandl de quatorze dards acérés, et Outtamaâudjas de six ; il blessa Youdhâmanyou de trois flèches au vol rapide, et les fils de Somaka et de Prishat de trois autres individuellement. 4,200.

Ces cinq vaillants héros, vénérable monarque, furent vaincus dans un grand combat par le fils du cocher : les fils des ennemis se montrèrent sans persévérance, comme les objets des sens vaincus par un homme, maître de son âme. 4,201.

Avec leurs chars bien équipés, comme des navires dans l’océan, les fils de Draâupadî arrachèrent leurs oncles à la mer de Karna, où ils étaient plongés, comme des marchands, dont les vaisseaux ont péri dans la mer ! 4,202.

Le plus éminent des Çinides coupa de ses traits aigus les nombreuses flèches envoyées par Karna ; et, quand il eut percé ce héros, il blessa de huit dards acérés, ouvrage de fer, ton fils aîné. 4,203.

Kripa, et Bhodja, et ton fils, et Karna lui-même le frappèrent de traits acérés ; mais le plus grand des Yadouides continua le combat avec ces quatre héros, comme le roi des Daltyas avec les souverains de l’espace éthéré. 4,204.

On ne pouvait affronter, à cause de sa pluie de flèches très-longues, sans mesure, murmurantes, sifflantes, torrentielles[133], le Satyakide, de qui la main brisait, comme le soleil parvenu au milieu du ciel. 4,205.

Remontés sur leurs chars, les grands héros des Pântchâlains, ces fléaux des ennemis, en étant venus aux mains, défendirent le plus vaillant guerrier des Çinides, de même que la troupe des vents garde Çakra dans la répression des ennemis. 4,206.

Ce combat de tes guerriers avec tes ennemis était extrêmement épouvantable, destructeur des éléphants, des chevaux et des chars, tel que fut jadis celui des Dieux avec les Asouras. 4,207.

Les éléphants et les chars, les fantassins et les cavaliers sont environnés d’armes de plusieurs espèces : frappés les uns par les autres, ils chancelaient, poussaient des cris de détresâe et tombaient, la vie exhalée. 4,208.

Ton fils, le frère mineur du roi, s’approcha sans crainte, décochant ses traits, sur Bhîma, qui marchait ainsi : et Vrikaudara de fondre sur lui d’un pied hâté, comme un lion s’élance sur un grand daim. 4,209.

Le combat de ces deux hommes, pénétrés d’une mutuelle colère et qui jouaient à ce jeu d’échecs, qui avait pour enjeu les existences, fut extrêmement épouvantable et ressemblait à celui de Çakra et de Çambara. 4,210.

Ils se frappèrent l’on l’autre fortement de traits bien éclatants et causant la souffrance des corps, tels que deux grands éléphants, une fois enivrés, de qui l’amoura blessé les âmes, au temps où le mada répand ses odeurs exquises.

Vrikaudara, en se hâtant, coupa de ses flèches en rasoir l’arc et le drapeau de ton fils : il fendit son front même avec un trait, et enleva du corps la tête de son cocher. 4,211-4,212.

Le fils du roi prit un autre arc et blessa de douze flèches Ventre-de-Loup ; il en arrêta les coursiers mêmes et fit pleuvoir sur Bhîma ses traits au vol droit. 4,213.

Il lança une flèche, propre à déchirer les membres de Bhîmaséna, ornée des perles les plus riches, de diamants et d’or, brillante d’un éclat égal aux rayons du soleil, et non moins difficile à supporter que la chûte de la foudre adamantine de Mahéndra. 4,214.

Le corps blessé par lui, semblable à un homme, que les souffles de la vie ont abandonné, le corps renversé, tombé, étendant les bras, se confiant à la marche de son char, il reprit enfin sa connaissance et poussa un cri. 4,215.

Le fils du roi, Douççâsana, livrant un combat tumultueux, accomplit alors un difficile exploit : il trancha d’une flèche l’arc de Bhîma, et blessa de soixante traits son cocher lui-même. 4,216.

Cette prouesse exécutée, l’impétueux guerrier frappa Bhîmaséna de neuf flèches ; puis, ce magnanime le perça bientôt avec des projectiles nombreux et les plus excellents. 4,217.

Alors, l’agile Vrikaudara courroucé envoya à ton fils une formidable lance de fer : et, quand celui-ci vit arriver tout à coup cette arme épouvantable, comme une torche enflammée, 4,218.

Ton magnanime fils la trancha avec dix flèches tirées jusqu’à l’oreille. Dès qu’ils virent accomplir cette œuvre bien difficile, tous les combattants de lui applaudir avec allégresse. 4,219.

Lestement ton fils blessa fortement une seconde’ fois Bhîma d’un trait. Celui-ci de s’en irriter ; il s’enflamma rapidement, et jeta sur lui un regard de colère : 4,220.

« Je suis gravement blessé par toi, héros ! cria-t-il soudain. Supporte maintenant le coup de mon pilon ! » À ces mots prononcés à haute voix, Bhîma irrité saisit pour sa mort l’effrayante massue. 4,221.

« Moi, dit-il, moi, homme méchant, je le boirai aujourd’hui, ton sang, au milieu du champ de bataille !» À ces mots, adressés à ton fils, celui-ci de lui envoyer rapidement une lance de fer terrible, qui avait les formes de la mort. 4,222.

Bhîmaséna, qu’il avait blessé, l’extérieur enveloppé de colère, lança sur lui sa massue très-épouvantable. Ayant brisé rapidement sa lance, elle frappa ton fils au front sur le champ de bataille. 4,223.

Répandant le sang, enivré comme un éléphant, Bhîmaséna, qui avait envoyé sur lui sa massue dans cette bataille confuse, vainquit avec elle Douççâsana, effaçant les différences de dix arcs. 4,224.

Sous la chûte de cette massue impétueuse, Douççâsana tomba, les membres tremblants : ses chevaux furent tués, Indra des hommes, son cocher immolé et son char mis en pièces. 4,225.

Sa cuirasse, ses parures, sa guirlande céleste se dispersèrent sur la terre ; il palpitait, malade d’une profonde douleur. À cette vue de Douççâsana, les Prithides et tous les Pântchâlains joyeux de pousser des rugissements de guerre. 4,226.

Après qu’il l’eut abattu, Vrikaudara de jeter une clameur de joie, faisant résonner les points de l’espace : à ce cri, les hommes, qui se tenaient de tous les côtés, tombèrent, ami d’Adja, pleins d’égarement d’esprit. 4,227.

Bhîma descendit précipitamment de son char, et fondit impétueusement sur Douççâsana. Ensuite, ce guerrier agile se rappela toutes les actions de tes fils, commises avec une intention ennemie. 4,228.

Ce héros aux longs bras, aux œuvres inconcevables, vit alors Douççâsana au milieu de ce combat épouvantable, qui sévissait de tous les côtés entre les plus grands des chefs ; 4,229.

Il se souvint de la reine, que Douççâsana avait saisie par les cheveux, de ses vêtements, qu’il avait arrachés, cette noble femme se trouvant dans son mois ; il pensa à tous ces chagrins, que l’innocente avait eus à subir, détournant ses regards loin de ses époux. 4,230.

Il flamboya de colère, tel que le feu, dans lequel on verse le beurre clarifié, et dit alors à Karna, à Souyodhana, à Kripa, au Dronide et à Kritavarman lui-même : 4,231.

« Je tuerai aujourd’hui Douççâsana le scélérat, fût-il défendu maintenant par tous vos guerriers ![134] » À peine eût-il parlé ainsi, soudain le guerrier agile, aux forces immenses, courut sur Douççâsana, impatient de le tuer. Marchant avec audace dans ce combat, comme un lion sur un grand éléphant, Vrikaudara, ce héros unique, arrêta Douççâsana, sous les yeux de l’Adhirathide et de Souyodhana. 4,232-4,233.

Il sauta à bas de son char, il marcha sur la terre avec ardeur, il fixa sur lui ses regards ; et, le foulant aux pieds, il éleva sur son cou une épée aiguë et très-épouvantable. Il renversa ton fils, sire, enleva sa tête avec cette épée, et, déchirant la poitrine du prince abattu sur la terre, il en but le sang tiède. 4,234-4,235.

Bhîma en but le sang tout chaud, parce qu’il voulait rendre sa promesse vraie. Dès qu’il eut bu avec colère et bu à satiété, regardé par tous, il tint ce langage : 4,236.

« Le goût du sang de cet ennemi est en cet instant, pour moi, supérieur à tous les autres breuvages, qui régnent dans le monde, 4 la saveur exquise du nectar et de l’ambroisie, au lait d’une mère, au miel, au beurre clarifié, aux liqueurs spiritueuses, à la coupe de l’hospitalité, à l’eau céleste et à l’extrait incomparable de l’une et de l’autre mer de lait. » 4,237-4,238.

Bhîma aux œuvres terribles, l’âme enveloppée de colère, ayant vu Douççâsana privé de la vie, reprit la parole en riant, avec un accent joyeux : « Que ferai-je ? Te voilà gardé par la mort ! » 4,239.

Ceux, qui virent Bhîmaséna parlant ainsi, courant de nouveau, enivré du sang, qu’il avait bu, et plein d’une joie suprême, tombèrent alors, frappés de crainte. 4,240.

Des hommes, qui n’étaient pas troublés par la terreur, laissèrent échapper même les armes de leurs mains ; ils crièrent de peur sans voix, et regardèrent de tous côtés, les yeux fermés. 4,241.

Ceux, qui virent alors de toutes parts Bhîmaséna buvant le sang de Douççâsana, tombés tous dans l’épouvante, fuyaient, en disant ; « Ce n’est pas uq homjpe ! » 4,242.

Les peuples, témoins de cette ressemblance, dont il était revêtu, et voyant Bhîma boire le sang[135], couraient, talonnés par l’elfroi, disant avec Tchitraséna que Bhîmaséna était un Rakshasa. 4,243.

Youdhâmanyou, le fils du roi, s’approcha à la hâte d’une armée de Tchitraséna courant, et le blessa sans crainte de sept flèches acérées, au vol rapide. 4,244.

Tel qu’un serpent, qui mord et qui est passé dans une autre peau, désirant faire son venin de la colère, celui-ci couvrit de ses traits le fils du Pântchâlain, le perça de trois et son cocher de six. 4,245.

L’héroïque Youdhâmanyou, d’une flèche bien acérée, bien liée au fer, bien empennée, bien visée, lancée d’un arc tiré jusqu’à l’oreille, lui enleva la tête. 4,246.

Après la mort de ce Tchitraséna, son frère, Karna irrité étala son courage ; et, s’élevant contre Nakoula à la force sans mesure, il mit en fuite l’armée des Pândouides. Quand il eut tué là Douççâsana courroucé, Bhîma, poussant un cri terrible, remplit encore le creux de ses mains avec le sang de son ennemi ; 4,247-4,248.

Et tint ce langage aux oreilles de tous les héros du monde : « Voici que je bois, ô le dernier des hommes, le sang, qui jaillit de ton cou. 4,249.

» Dis maintenant avec joie : « C’est encore la terre ! c’est la terre ! » Ceux, qui dansaient autour de nous, en chantant : « C’est encore la terre ! c’est la terre ! » voilà que nous dansons autour d’eux : « C’est encore la terre 1 chantons-nous. C’est la terre ! » Nous avons dormi dans Pramâna-Koushti, nous avons mangé des tas de poisons. 4,250-4,251.

» Nous avons subi la morsure des serpents noirs, l’incendie, le séjour dans la maison de laque, l’enlèvement du Toyaume par le jeu, et l’habitation au milieu d’une forêt.

» Nous avons vu Draâupadî très-épouvantablement saisie aux cheveux ; nous avons éprouvé tes astras et tes flèches, ces tristes demeures au sein des combats, 4,252-4,253.

» Ces soucis divers, qui nous rongeaient dans le palais de Virâta. Tu es enfin la cause de ces chagrins, qui nous ont abreuvés d’après les conseils de Çakouni, du Dhritarâshtride et de Râdhéya. Nous avons connu ces douleurs, jamais les plaisirs. 4,254-4,255.

» Toujours, nous fûmes les victimes de la méchanceté de Dhritarâshtra et de ses fils. » Dès qu’il eut dit ces mots, Vrikaudara, ayant obtenu cette victoire, 4,256.

L’impétueux Bhîmaséna, oint de sang, au comble de la colère, la bouche rougie de ces ondes coulantes, ajouta ces nouvelles paroles en souriant à Kéçava et Arjouna : « Ce combat avec Douççâsana, que vous avez ouï ma bouche vous promettre, est devenu ici une chose vraie ! 4,257-4,258.

» Je donnerai ici un second exemple, un autre témoignage ; j’immolerai Douryodhana comme une victime expiatoire ; je broierai sa tête sous mes pieds, et j’obtiendrai enfin la paix en présence des Kourouides. »

À peine eut-il parlé de cette manière, le magnanime à la force immense, joyeux et les membres humides de sang, poussa un cri d’une voix tonnante et rugit comme le Dieu aux mille regards, quand il eut tué Vritra. 4,259-4,260.

Lorsque Douççâsana eut péri, les grands héros, tes dix courageux fils, pénétrés du puissant poison de la colère, s’enfuirent sur le champ de bataille, et couvrirent de traits, sire, Bhîmaséna à la grande vigueur. C’étaient Nishangi, Kavatchi, Pâçi, Dandadhara, Dhanourgraha, Aloulaupa[136] Saha, 4,261-4,262,

Vâtavéga et Souvartchas. Ceux-ci, rassemblés de compagnie et déchirés par l’infortune de leur frère, Enfermèrent dans un cercle de flèches Bhîmaséna aux longs bras. Lui, emprisonné de toutes parts dans les traits de ces grands héros, 4,263-4,264.

Bhîma courroucé, les yeux rougis par le feu de la colère, brillait comme la mort. Ce fils de Prithâ conduisit aux demeures d’Yama les dix Bharatides aux pendeloques d’or avec dix bhallas, empennés d’or, à la grande vitesse. Ces héros tués, il fondit sur ton armée,4,266-4,266.

Tourmentée par la crainte du fils de Pândou, sous les regards de l’Adhirathide. Karna, alors, grand roi, tomba dans une profonde terreur, 4,267.

Dès qu’il vit la valeur de Bhîma, semblable à la mort au milieu des créatures. Çalya, qui avait la beauté des batailles et connaissait l’existence et ses formes, 4,268.

Adressa ces paroles à Bhîma, le dompteur des ennemis et qui était arrivé à l’heure, marquée par le Destin : « Ne te trouble point, Râdhéya, cela ne sied pas à un homme de ta sorte. 4,269.

» Voici des rois, qui fuient, tourmentés par la crainte de Bhîmaséna, et Douryodhana, qui, déchiré par l’infortune de son frère, a perdu la tête. 4,270.

» Après que le magnanime a bu le sang de Douççâsana, ses frères germains, restes de ceux, qui ont échappé à la mort, et ces autres, à la tête de qui est Kripa, environnent Douryodhana de tous côtés et le servent, l’âme frappée de chagrin, l’âme tombée dans le malheur. 4,271-4,272.

» Parvenus à leur but, les héroïques Pândouides, sous la conduite de Dhanandjaya, s’avancent pour le combat, tournant le front vers toi. 4,273.

» Déployant ton courage, tigre des hommes, et mettant au premier rang de toutes choses le devoir du kshatrya, marche à la rencontre de Dhanandjaya. 4,274.

» Toute cette charge fut déposée sur tes épaules par le Dhritarâshtride : porte-la, guerrier aux longs bras, suivant ta force, suivant ton pouvoir. 4,275.

» Vainqueur, tu obtiendras une ample renommée ; vaincu, le Swarga pour sûr t’est réservé. Bouillant de colère, Râdhéya, ton fils Vrishaséna, t’ayant vu tomber dans le délire, fond sur les Pândouides. » Dès qu’il eut entendu ces paroles de Çalya à la splendeur sans mesure,

L’Adhirathide mit dans son cœur un caractère bien ferme, indispensable pour la victoire.

Alors Vrishaséna fondit avec colère sur le Pândouide, qui se tenait de pied ferme en face de lui, sur Vrikaudara, combattant avec les tiens, sa massue à la main, comme la Mort, son bâton levé. 4,276-4,277-4,278-4,279.

Le héros Nakoula, courant avec colère, blessa de ses flèches cet ennemi, plein d’ardeur au combat, ce fils de Karna, tel que jadis Maghavat, désirant immoler Djambha.

Le brave Nakoula, d’un trait en rasoir coupa le drapeau du fils de Karna, et trancha d’un bhalla son arc merveilleux et revêtu d’un or admirable. 4,280-A,281.

Celui-ci, qui avait la connaissance des armes et qui désirait venger les mânes de Douççâsana, saisit promptement un nouvel arc et blessa le Pândouide Nakoula avec de puissants astras célestes. 4,282.

Ce magnanime irrité le perça de traits semblables à de grandes torches ; et le fils de Karna consommé dans les armes fit pleuvoir sur lui des astras divins. 4,983.

Le fils de L’Adhirathide brillait de colère, sire, jusqu’à la lumière elle-même, sous le coup des flèches et del’astra du vent, comme le feu dusacrifice, qui s’enflammeàl’excès parle beurre clarifié. 4,284.

Il coupa de ses traits puissants tous les chevaux de Nakoula, nés sur les rives de la Vanâyoû, superbes, à la course rapide, et revêtus de filets d’or. 4,285.

Le Pândouide sauta à bas de son char aux chevaux tués ; il s’arma d’un bouclier paré d’une lune d’or sans tache ; il prit une épée semblable au firmament, et, violemment agité, il marcha sur lui, comme un oiseau. 4,286.

L’héroïque Nakoula de trancher rapidement au sein de l’atmosphère les coursiers, les chars et les éléphants. Ces quadrupèdes aux membres noirs tombèrent sans armes, tels que, dans un açva-médha, des bestiaux sous le couteau du sacrificateur. 4,287.

Deux mille guerriers, bien nourris, venus de différents lieux, fidèles à la vérité, ivres de bataille, et dont les membres étaient oints du plus riche sandal, tombèrent mutilés dans le combat par Nakoula seul, qui désirait la victoire. 4,288.

Le fils de Karna fondit sur Nakoula, qui accourait ; il échangea les blessures de ses flèches, lancées de tous côtés. Atteint par lui, Nakoula de frapper le héros de ses traits, et, blessé, il s’irrita vivement. 4,289.

Défendu par son frère Bhîma dans cette grande alarme, le magnanime répandit la terreur ; et le fils de Karna, occupé à se défendre contre son attaque, dispersa du même coup de nombreux chars, éléphants, chevaux et guerriers. Il perça avec colère de dix-huit flèches l’héroïque Nakoula, qui se jouait ; et, gravement blessé par ce Vrishaséna irrité dans ce grand combat, sire, l’impétueux fils de Pândou, ce brave entre les hommes, courut sur le champ de bataille, brûlant de tuer le fils de Karna : tel un faucon, qui abat du ciel son vol rapide, les ailes étendues, par le désir d’un morceau de chair. 4,290-4,291-4,292.

Vrishaséna dispersa de flèches aiguës Nakoula à la grande vigueur, qui rendit vaine la multitude de ses traits et tenta des routes aux formes admirables. 4,293.

Décochant ses dards puissants, le fils de Karna dissipa en morceaux dans ce grand combat le bouclier merveilleux à mille étoiles de Nakoula, qui marchait précipitamment, le cimeterre à sa main. 4,294.

De six flèches aiguës, très-légères, cet ennemi, capable de supporter les ennemis, coupa rapidement le cimeterre, agité à son poing, arme de fer, acérée, au tranchant affilé, sans fourreau, terrible, faite pour soutenir un fardeau, causant la mort des corps, bien épouvantable, aux formes effrayantes, comme un serpent. Il le blessa de rechef entre les seins, gravement, de traits aigus, enflammés.

Lorsque le magnanime eut accompli cette difficile prouesse, aimée des personnes vénérables et des hommes, qui ne le sont pas, Nakoula, consumé par les flèches, s’avança à la hâte, sire, vers le char de Bhîmaséna.

En proie aux traits de Karna, le fils de Mâdrî aux coursiers immolés monta, aux yeux de Dhanandjaya même , sur le char de Bhlmaséna, comme un lion au sommet d’une montagne. 4,295-4,296-4,297-4,298.

Alors ce brave en courroux, le magnanime Vrishaséna, les fendant, pour ainsi dire, de ses traits, fit tomber la pluie de ses multitudes de flèches sur ces deux grands héros Pândouides, réunis sur le même char. 4,299.

Lorsqu’on eut arrêté le chariot du Pândouide et que les dards eurent bientôt coupé le cimeterre, tous les autres héros des Kourouides, s’étant rassemblés, accoururent et le frappèrent avec la grêle de leurs flèches. 4,300.

Tout à l’entour, les deux Pândouides, Bhîma et Arjouna, semblables à deux feux, auxquels on sacrifie, déversaient de tous côtés avec colère leur bien épouvantable pluie de flèches sur Vrishaséna. 4,301.

Ensuite, le fils du Vent dit à Phâlgouna : « Vois ce Nakoula, qui est accablé. Voici le fils de Karna, qui nous tourmente. Que ton altesse aille donc vers ce Karnide ! » Parvenu auprès du char de Vrikaudara, Kirîti entendit cette parole ; et Nakoula, ayant vu ce héros arrivé, lui dit : « Tue promptement cet homme ! » 4,302-4,303.

À ces mots de Nakoula, son frère, énoncés dans le combat en sa présence, le terrible Kirîti lança promptement contre Vrishaséna[137] son char à l’enseigne du singe, conduit par Kéçava. 4,304.

Les plus excellents des guerriers aux chevaux bondissants et résonnants du bruit des étendard» agités par le vent, ayant su que Nakoula était sans char, que son épée et son arc étaient brisés, qu’il était en proie à l’ennemi et plongé au milieu des astras de Karna, s’approchèrent à la hâte, montés sur leurs chars. 4,305.

Cinq des plus vaillants fils de Droupada, un sixième, de qui Çaînéya tenait la place, et cinq rejetons de la fille de Droupada, avaient pris leurs armes et massacraient tes guerriers, tes chevaux, tes éléphants et tes chars avec des flèches semblables au monarque des serpents. 4,306.

Les principaux de tes chars, les deux fils de Kripa et de Hridika, avec le Dronide et Douryodhana, avec le fils de Çakouni, et Vrika avec Krâtha et Dévavridha, s’avancèrent contre eux à la hâte, munis d’arcs, montés sur des éléphants, qui avaient le bruit des nuages, et sur des voitures légères. 4,307.

Les héros Koulindas, les plus vaillants de tes maîtres de chars, blessant le onzième après dix autres guerriers[138], l’enfermèrent dans les pointes des plus excellentes flèches, lancées par les plus grands des hommes, et s’élevèrent contre lui avec des éléphants d’une effrayante vitesse, semblables aux cimes des montagnes et pareilles à la couleur des nuages nouveaux. 4,308.

Les éléphants nés dans l’Inde, proprement dite, bien équipés, pleins d’ivresse, montés par des guerriers adroits et désireux de combats, étaient revêtus de filets d’or, tels que des nuages, environnés d’éclairs. 4,309.

Entouré par dix héros à la haute renommée, le fils de Koulinda accabla profondément Kripa avec ses chevaux, avec son cocher. Mais, immolé par les flèches du rejeton de Çaravat, il tomba sur le sol de la terre, accompagné de son éléphant. 4,310.

Le frère mineur du fils de Koulinda renversa son char avec des leviers travaillés en fer, semblables aux rayons du soleil ; et le roi de Gândâra, poussant un cri, enleva sa tête, au moment qu’il criait lui-même. 4,311.

Ces Koulindas immolés, tes grands héros aux formes exaltées, qui tenaient des arcs à leurs mains, s’approchèrent des ennemis, nés sur les rives des eaux salées, et les mirent complètement en déroute. 4,312,

Ce nouveau combat des Kourouides avec les Pândouides et les Srindjayas était infiniment épouvantable, très-confus, enlevant les existences des éléphants, des chevaux et des guerriers avec des haches, des massues, des sabres, des lances de fer, des épées et des flèches. 4,313.

Se meurtrissant mutuellement par des fantassins, des éléphants, des chevaux et des chars, ils tombaient sur la terre, comme des nuées, pleines d’éclairs et de tonnerres, tombent du ciel, frappées par des venta orageux. 4,314.

Bhodja de tuer les chevaux nombreux, les compagnies de fantassins, les chars et les grands éléphants, estimés de Çatânika : dans un instant, ils tombaient, les cuirasses détruites par les flèches. 4,315.

Immolés par le Dronide, trois autres énormes proboscidiens, avec leurs étendards, leurs guerriers et toutes leurs armes, tombèrent, abattus, sans vie, sur la terre, tels que de grandes montagnes, frappées par la foudre. 4,316.

Le plus proche immédiatement[139] après le frère mineur du roi des Kalingains blessa ton fils au milieu des seins ; et ton fils perça de flèches acérées son corps et son éléphant. 4,317.

Le roi des éléphants avec le fils du roi des hommes tomba, versant de tous côtés le sang par torrents : telle, à l’arrivée des nuages, l’eau est versée par une montagne d’or, que Mahéndra frappe de sa foudre. 4,318.

Un autre éléphant, lancé par le fils de Koulinda, put broyer Krâtha avec son cocher, ses chevaux et son char ; ensuite cet énorme pachyderme tomba, immolé sous les flèches de Krâtha, comme une montagne sous un coup du tonnerre. 4,319.

Placé sur un char, le roi Krâtha, difficile à vaincre, fut tué par le fils de la montagne, monté sur un éléphant. Il tomba avec son cocher, ses chevaux, son arc et son drapeau, de même qu’un grand arbre, déraciné par un vent orageux. 4,320.

Vrika fendit profondément de douze traits Dwipastha, l’habitant du roi des montagnes ; et le gigantesque éléphant de celui-ci écrasa sous ses quatre pieds avec le char et les chevaux Vrika fuyant. 4,321.

Frappé des dards, le colossal probosddien fut abattu raide mort[140] avec son cornac sous les flèches du fils de Babhrou. Le rejeton de Dévâvrida tomba expirant, repoussé par les traits du fils de Sahadéva. 4,322.

Celui de Koulinda s’élança rapidement avec son éléphant, le souverain des combattants, aux membres, à la trompe solides, pour tuer Çakouni ; mais, le tourmentant àl’excès, le monarque du Gândhâra lui enleva la tête. 4,323.

Ces Koulindas immolés, tes grands héros aux formes exaltées, qui tenaient des arcs à leurs mains, s’approchèrent des ennemis, nés sur les rives des eaux salées, et les mirent complètement en déroute[141]. 4,324.

Ce nouveau combat des Kourouides avec les Pândouides et les Srindjayas était infiniment épouvantable, très-confus, enlevant les existences des éléphants, des chevaux et des chars avec des haches, des massues, des sabres, des lances de fer, des épées et des flèches[141]. 4,325.

Se meurtrissant mutuellement, les fantassins, les éléphants, les chevaux et les chars tombaient sur la terre, comme des nuées, pleines d’éclairs et de tonnerres, tombent du ciel, frappées par des vents orageux[142]. 4,326.

Ensuite, tes grands éléphants, tes coursiers, tes chars et tes compagnies de fantassins, tués par Çatânîka, s’affaissèrent sur la terre, sans puissance[143] réduits en pièces, tels que des reptiles, battus par le vent des ailes de Garouda.

Puis, le fils de Koulinda blessa en souriant le fils de Nakoula avec de nombreuses flèches acérées ; et leNakoulide enleva du corps avec un trait en rasoir sa tête au visage pareil à un lotus. 4,327-4,328.

Après cette action, le fils de l’Adhirathide perça Çatânîka de trois dards acérés de fer, Arjouna de trois, Bhîma d’un égal nombre, Nakoula de sept et Djanârddana de douze. 4,329.

À la vue de sa prouesse, qui l’emportait sur tous les faits de l’homme, les Kourouides joyeux de lui applaudir ; mais ceux, à qui la valeur d’Arjouna était connue, pensèrent : « C’est une victime offerte en holocauste dans le feu. » 4,330.

Dès que l’immolateur des héros ennemis, Kirîti, le seigneur des hommes, eut vu au milieu du monde le fils de Mâdrî, Nakoula privé de chevaux, et Krishna couvert de blessures, 4,331.

Il courut alors, plein de résolution, dans le combat, sur Vrishaséna, sous les yeux de l’Adhirathide. Lorsqu’il vit accourir dans cette grande bataille le terrible héros des hommes, portant un millier de flèches. 4,332.

Le fils de Karna fondit sur le guerrier au grand char, tel que jadis Namoutchi sur le grand Indra ; et, quand il eut percé dans le combat en courant le Prithide avec plusieurs traits acérés, 4,333.

Guerrier à la haute dignité, il poussa un cri comme le vaillant Namoutchi, lorsqu’il eut blessé Indra ; et ce Vrishaséna de nouveau frappa de flèches terribles le Prithide à la racine du bras gauche. 4,334.

Il harcela Krishna de neuf flèches et blessa une seconde fois le Prithide avec dix. Mais, avant que le héros aux blancs coursiers n’eut été atteint des traits lancés par Vrishaséna, 4,335.

Kiriti, se laissant aller un peu À la colère, tourna son esprit à la mort du fils de l’Adhirathide. Puis, à la tête de la bataille, ayant contracté de courroux ses sourcils en trois branches sur le front, 4,336.

Le magnanime décocha rapidement ses flèches, résolu à porter la mort en ce combat au fils de Karna. L’homicide des ennemis, ses yeux rouges comme la mort, dit alors à Karna, avec un amer sourire : 4,337.

« Je vais conduire en ce combat aujourd’hui même dans l’autre inonde sous mes flèches acérées, Karna, et devant tes yeux, Douryodhana, tous les principaux, à la tête de qui est le Dronide, et ce terrible Vrishaséna. 4,338.

» Voici ce que le monde dit aujourd’hui : « Vous avez tué mon fils ! Son char était isolé ; et, impétueux guerrier, il manquait de mon secours. » Eh bien ! je les tuerai sous vos yeux ! 4,339.

» Veillez avec soin autour du char de ce fils ! car je tuerai, moi, ce terrible Vrishaséna ! Ensuite, je te donnerai la mort, à toi, insensé ; oui ! moi, Arjouna, je t’immolerai au milieu du champ de bataille ! 4,340.

» Je serai aujourd’hui ton meurtrier dans le combat : je te tuerai avec violence, toi, au cœur de qui l’orgueil est né ; toi, qui es l’asile de ce Douryodhana, dont Bhîmaséna lui-même sera bientôt l’immolateur dans le combat ;

» Douryodhana, ce plus vil des hommes, et celui, de qui le défaut de politique fit naître ici ce vaste carnage ! » Quand il eut dit ces mots, il essuya son arc et prit Vrishaséna pour but sur le champ de bataille. 4,341-4,342.

Le magnanime Kirîti lança des traits aigus pour la mort du fils de Karna dans la bataille, et le blessa lui-même sans balancer en riant dans les articulations avec dix flèches !

Il trancha de quatre kshouras acérés son are, ses deux bras et sa tête ; frappé des traits du Prithide, le héros tomba du char sur la terre sans bras et sans tête : 4,343-4,844.

Tel croule, déraciné par le vent, de la cime d’une montagne, un çâla au grand corps, chargé de fleurs et le plus beau des arbres. Dès que l’Adhirathide aux actions agiles eut vu son fils tomber du char sous le coup des flèches, 4,346.

Consumé de chagrin par la mort de ce héros, il approcha rapidement avec colère son chariot du char de Kirîti. Et, quand le magnanime Karna eut vu son fils tué devant ses yeux dans la bataille par le guerrier aux blancs coursiers, il s’éleva à la plus haute colère et fondit lestement sur Arjouna et Krishna même. 4,346-4,347.

Aussitôt qu’il le vit s’avancer avec sa taille immense, la menace à la bouche, difficile à arrêter par les Dieux mêmes et tel qu’une mer enflée jusqu’au rivage, 4,348.

Le taureau des hommes, le Dâçârhain dit en riant à Phâlgouna : « Voici que s’approche ce guerrier, qui a des chevaux blancs et Çalya pour cocher, 4,349.

» Celui, avec lequel tu dois combattre. Sois ferme, Dhanandjaya ! Vois ce char de Karna bien accompagné, Pândouide, attelé de chevaux blancs et monté par le fils de Râdhâ, impénétrable par ses drapeaux variés, enguirlandé de filets et de clochettes ; 4,350-4,351.

» Traîné par de blancs coursiers, comme un char des Dieux, au sein des airs. Vois cette ceinture d’éléphant, qui est l’étendard du magnanime Karna, semblable au drapeau d’Akhandala[144] et rasant le ciel, pour ainsi dire. Vois s’avancer Karna, plein du désir d’être agréable auDhritarâshtnde, 4,352 4,353.

» Et vomissant des pluies de flèches, comme un nuage, qui a pour essence des tranchants d’acier. Voici le roi souverain du Madra, qui se tient sur le devant du char,

» Et gouverne les chevaux de ce Râdhéya à la force sans mesure. Écoute ce bruit des tambours et cet épouvantable son de la conque. 4,354-4,355.

» Écoute de tous les côtés, Pândouide, ces différents cris de guerre ! Écoute le bruit de cet arc, qui couvre tous les autres vastes sons et qui est violemment agité dans la main de Karna à la vigueur sans mesure. Ces grands héros des Pântchâlains sont enfoncés avec leurs troupes :

» Telles dans un grand bois des gazelles, effrayées à la vue d’un lion irrité. Veuille employer tous tes efforts, fils de Kountî, à tuer le fils du cocher. 4,356-4,357-4,358.

» Car un autre homme que toi ne peut supporter les flèches de Karna. En effet, je sais que tu es capable de vaincre dans une bataille les trois mondes avec ses êtres immobiles et mobiles, les Gandharvas, les Asouras et les Dieux. Ils sont incapables de iixer leurs regards sur le magnanime Içâna-Sarva-Kaparddi aux trois yeux, terrible, épouvantable : à plus forte raison ne sauraient-ils combattre avec cet auguste. Mais toi, visiblement, tu as gagné par un combat la faveur de Sthânou-Çiva, le Grand-Dieu, la béatitude éternelle de tous les êtres. Les Dieux ont répandu sur toi des grâces. Par la protection de ce Grand-Dieu armé du trident, fils de Prithâ, 4,359-4,360-4,361-4,362.

d Immole Karna, guerrier aux longs bras, comme le meurtrier de Vritra fit mordre la poussière à Namoutchi. Puisse le salut t’environner toujours ! Obtiens, fils de Prithâ, la victoire dans le combat. » 4,363.

« La victoire m’est assurée, Krishna, répondit Arjouna ; il n’y a là aucun doute ; car tu es satisfait, meurtrier de Madhou, toi, qui es le précepteur du monde entier. 4,364.

» Pousse mes chevaux, Hrishlkéça ; lance mon char, grand héros ; je ne m’en irai pas du combat, moi Phâlgouna, sans avoir tué Karna. 4,365.

» Contemple Karna immolé, mis en pièces par mes flèches ; ou tu me verras, Govinda, privé de la vie par ses traits. 4,366.

» Elle est arrivée l'heure de ce terrible combat, la stupeur des trois mondes, que les peuples raconteront tant que durera la terre. » 4,367.

Tandis qu’il adressait ces paroles à Krishna aux œuvres infatigables, il s’avançait rapidement sur son char comme un éléphant rival contre un autre pachyderme. 4,368. Le Prithide dit encore à Krishna, le dompteur des ennemis : « Presse les chevaux, Hrishlkéça : voici que le temps se passe. » 4,369.

Tels sont les mots, que lui adressa le magnanime Pândouide. 4,370.

Après qu’il l’eut honoré pour la victoire, il poussa les chevaux rapides comme la pensée, et dans un instant le char du Pândouide, entraîné avec une telle vitesse, fut arrivé en face du chariot de l’Adhirathide. 4,371.

À peine eut-il vu étendu mort Vrishaséna, que, pénétré de colère et de chagrin, il répandit l’eau, dont la perte de son fils avait rempli ses yeux. 4,372.

L’impétueux Karna de s’avancer sur son char, la face tournée à l’ennemi, et de provoquer, les yeux rouges de colère, Dhanandjaya au combat. 4,373.

Semblables à deux soleils, on vit, environnés d’une peau de tigre, ces deux chariots engager le combat, tels que deux soleils, qui se livrent une bataille. 4,376.

Ces deux héros aux chevaux blancs, dompteurs des ennemis, artisans d’œuvres célestes, magnanimes, resplendirent, comme le soleil et la lune au milieu du ciel 4,375.

Tous les guerriers, noble roi, s’élevèrent au comble de l’étonnement, quand ils virent ces deux hommes tels que le Virotchanide et Indra, déployant leurs efforts dans le combat pour la conquête des trois mondes. 4,376.

Entre le bruit de la corde des arcs et le fracas de la roue des chars, entre le sifflement des flèches et l’éclat du cri de guerre des souverains, ces deux héros fondirent l’un sur l’autre, dès qu’ils s’aperçurent. 4,377.

L’étonnement naquit, dès que l’on vit ces deux drapeaux attachés l’un à l’autre, la ceinture d’éléphant, enseigne de Karna, et le gigantesque singe, étendard de Kirîti.

Aussitôt qu’ils virent ces deux drapeaux mutuellement engagés, les princes de jeter, Bharatide, les plus excellents cris de guerre et les plus éminentes clameurs de bon augure. 4,378-4,379.

Lorsqu’ils virent le duel se poser entre ces deux guerriers, les combattants par milliers firent éclater des tremblements et des battements de bras. 4,380.

De tous côtés, les Kourouides battirent les instruments de musique ; de toutes parts, ils soufflèrent dans les conques, pour exciter l’ardeur de l’Adhirathide. 4,381.

Et tous les Pândouides pour animer Dhanandjaya firent résonner les dix points de l’espace avec les accords, des conques et des instruments musicaux. 4,382.

C’était, à la rencontre d’Arjouna et de Karna, un bruit confus de cris, de claques, de rugissements, de battements des bras, exécuté par les héros. 4,383.

Quand ils virent ces deux tigres des hommes, les plus excellents des maîtres de chars, montés sur leurs chariots, armés de leurs grands arcs, munis de flèches, de lances et de drapeaux, 4,384.

Couverts de cuirasses, ceints de cimeterres, conduits par des chevaux blancs, embellis de conques, doués des plus riches carquois, bien admirables à voir, 4,386.

Les membres oints de sandal rouge, pleins d’ivresse, comme deux taureaux, munis d’arcs, de flèches pour éclairs et de drapeaux[145], couple de combattants[145], favorisés par le succès des armes, 4,386.

Enrichis de chasses-mouches et d’éventails, parés de blanches ombrelles, maîtres de chars conduits par Krishna et Çalya, grands héros, doués de formes semblable », 4,387.

Aux épaules de lions, aux longs bras, aux yeux rouges, aux guirlandes d’or, pareils aux forces léonines[146], à la grande vigueur, à la vaste poitrine ; 4,388.

Courant l’un sur l’autre, comme deux taureaux au milieu d’un troupeau, se désirant la mort l’un à l’autre, se souhaitant l’un sur l’autre la victoire ; 4,389.

Tels que deux éléphants enivrés, de même que deux montagnes pleines de colère, comme deux petits d’éléphants, ou semblables au Trépas, à la Mort, à Yama ;

Courroucés à l’égal de Vritra et d’Indra, pareils à la lune et au soleil, irrités comme les deux grandes planètes, qui se lèvent à la fin d’un youga ; 4,390-4,391.

Tous deux fils des Dieux, d’une force équipollente à celle des Dieux, semblables aux Dieux pour la forme, s’avançant, tels que le soleil et la lune, l’un vers l’autre de leur volonté libre ; 4,392.

Quand ils virent dans le combat ces deux tigres des hommes, résolus dans la guerre, comme deux tigres mêmes, vigoureux, fiers, armés de traits divers, 4,393.

Une joie extrême naquit parmi les tiens, seigneur des hommes, et le doute s’éleva parmi tous les êtres sur la victoire. 4,894.

Dès qu’ils virent ces deux éminents hommes, Arjouna et Karna, croiser leurs mains, tous deux portant des armes excellentes, habitués aux fatigues de la guerre ; 4,395.

Tous deux faisant retentir du bruit de leurs bras les plaines éthérées, tous deux aux œuvres renommées par le courage et la force, 4,396.

Tous deux égaux dans la guerre à Çambara et au roi des Immortels, tous deux pareils à Kârttavîrya et semblables & Râma, le Daçaratide, 4,397.

Tous deux équipollents en valeur à Vishnou, tous deux identiques à Bhava dans le combat, tous deux pourvus de chevaux blancs, qui traînaient les plus excellents des chars, 4,398.

Dès qu’ils virent, grand roi, briller ces deux fameux héros, qui avaient dans ce vaste combat les deux meilleurs cochers, 4,399.

L’étonnement naquit aux chœurs des Siddhas et des Tchâranas. Tes füs environnèrent au plus vite, éminent Bharatide, le magnanime Karna, qui avait la beauté des batailles ; et les Pândouides joyeux sous la conduite de Dhrishtadyoumna, 4,400-4,401.

Entourèrent le Prithide au grand cœur, incomparable dans la guerre. Karna était pour les tiens un jeu de dés dans la bataille, souverain des hommes ; 4,402.

Et le Prithide était alors pour les fils de Pândou un autre jeu de dés. Il y avait là des gardiens de maisons de jeu, et les spectateurs n’y manquaient pas. 4,403.

Là, pour ces joueurs, l’enjeu certain était la victoire ou la défaite de nous ou des Pândouides. Engagée entre ces deux joueurs placés sur le front du combat, la partie était ou pour la victoire ou pour l’autre chance. Ces deux posés dans le combat, grand roi, et brillants des batailles passées, 4,404-4,405.

Irrités l’un contre l’autre, désirant se donner la mort l’un à l’autre, souhaitant de remporter l’un sur l’autre la victoire, seigneur, comme jadis Indra et Vritra, 4,406.

Ils portaient des formes épouvantables, tels que deux planètes, environnés d’une épaisse fumée. Ensuite, jeter des flèches dans l’atmosphère, éminent Bharatide, fut le commencement de ce procès. 4,407.

De mutuelles divisions existaient entre les créatures au sujet d’Arjouna et de Karna ; on disait, vénérable roi, que tous les mondes étaient réciproquement divisés. 4,408.

Les Rakshasas, les Ouragas, les Piçatchas, les Gandharvas, les Dânavas et les Dieux se partagèrent en des sentiments opposés dans cette rencontre d’Arjouna et de Karna. 4,409.

Le ciel resta, l’ayant embrassé comme une mère, dans le parti de l’Adhirathide ; mais la terre désira, telle qu’une autre mère, la victoire de Dhanandjaya. 4,410.

Les montagnes et les mers, les rivières et les nuages, les plantes annuelles et les arbres se retinrent dans les mêmes sentiments. 4,411.

Les Gouyakas, les Yâtoudhânas et les Asouras, fléau des ennemis, se rassemblèrent de tous côtés, avec des formes joyeuses autour de l’Adhirathide. 4,412.

Les Mounis, les Tchâranas, les Siddbas, les fils de Vînatâ et les oiseaux, les perles, les Nidhas ou Trésors, tous les Védas et les cinq Légendes, 4,413.

Les Védas inférieurs et les Oupanishads, les mystères et les abrégés, Vâsouki, Tchitraséna, Takshaka et Manika, 4,414.

Tous les serpents eux-mêmes et les rejetons de Kadrou, et les reptiles, armés de poisons se mirent du côté d’Arjouna. 4,415.

La postérité d’Airâvata, celle de Sourabhî et les serpents Vatçaléyas furent du parti d’Arjouna ; mais les petits serpents se rangèrent dans la cause de Karna. 4,416.

Les loups, les lièvres[147], les gazelles et les oiseaux de bon augure se tournèrent eux-mêmes, sire, tous vers la victoire du fils de Prithâ. 4,417.

Les Vasous, les Maroutes, les Sâdhyas, les Roudras, les Viçvadévas et les Açwins, Agni, Indra, Lunus, le Vent et les plages de l’espace, 4,418.

Ceux-ci embrassèrent le parti de Dhanandjaya, et les Adityas celui de Karna. Les vaiçyas, les çoûdras et ceux, qui tirent leur naissance d’une race mêlée, 4,419.

Furent de tous les côtés, grand roi, les partisans de Râdhéya. Mais les Dieux avec les Mânes, accompagnés des Ganas et des Demi-Dieux, attachés à leurs pas, 4,420.

Yama, Kouvéra et Varouna se mirent où était Arjouna. L’ordre des brahmes et la caste des kshatryas, les sacrifices et les dons honorifiques suivirent Arjouna. 4,421.

Les morts, les Piçâtchas, les carnassiers, les quadrupèdes, les oiseaux, les Rakshasas avec les monstres aquatiques, les chiens êt les chacals se déclarèrent pour l’Adhirathide. 4,422.

Les troupes des Dieux, des brahmes, des souverains et des rishis furent pour le fils de Pândou ; et les Gandharvas, sous la conduite de Tombourou, se mirent du côté d’Arjouna. 4,423.

Les rejetons de Prâdhâ, les Maâunéyas, les chœurs des Gandharvas et des Apsaras, les loups, les oiseaux, les éléphants, les hommes, portés sur des chars et sur leurs pieds, se rassemblèrent avec le désir de voir cette rencontre d’Arjouna et de l’Adhirathide. 4,424-4,425.

Les ancêtres déifiés, les Mânes, les brahmes versés dans les Védas, les grands Rishis, les Oiseaux, les Yakshas, les Nâgas, les Gandharvas, les Dânavas et les Dieux, 4,426.

La pénitence, les sciences et les simples efficaces et sous des formes variées, puissant roi, Brahma, accompagné des brahmarshis et des Pradjâpatis mêmes, se tinrent dans les airs, confondant leurs cris. Bhava, monté sur un char, se rendit à ce lieu céleste. 4,427-4,428.

Quand il vit en venir aux mains ces deux magnanimes, Karna et Dhanandjaya : « Qu’Arjouna triomphe de Karna ! » dit alors Çakra. 4,429.

« Puisse Karna vaincre Arjouna ! s’écria le Soleil. Que mon fils Karna triomphe et tue Arjouna dans la guerre ! »

« Que Dhanandjaya, mon fils, obtienne la victoire par la mort de Karna ! » Telle était la contestation entre le Soleil et le roi des Dieux. 4,430-4,431.

Tandis que ces deux éminents Immortels étaient alors en des partis opposés, deux opinions partageaient également, Bharatide, les Asouras et les Dânavas. 4,432.

Quand ils virent en venir aux mains ces deux magnanimes, Karna et Dhanandjaya, un tremblement saisit les trois mondes avec les Tchâranas, les Rishis et les Dieux.

Il s’empara de tous les chœurs des Immortels et de tous les êtres existants. Où était le Prithide, se tenaient rangés les Dieux ; où était Karna, s’étaient mis les Asouras. 4,433-4,434.

Ayant vu les deux partis de ces héros de Kourou et de Pândou, chefs des escadrons de chars, les Dieux exhortèrent l’Être-existant-par-lui-même, le souverain des créatures : 4,435.

« Qui sera le vainqueur entre ces deux guerriers de Kourou et de Pândou ? Que la palme de la victoire. Dieu, se tienne égale entre ces deux lions des hommes ! 4,436.

» Tout le monde est divisé par cette lutte de Karna et d’Arjouna. Dis, auguste Swayambhou ; la victoire de ces deux guerriers sera-t-elle vraie pour nous ? 4,437.

» Prononce cette parole, Être-existant-par-toi-même : que la palme de la victoire se tienne égale entre ces deux guerriers ! » À peine eut-il entendu ce langage, Maghavat, s’étant incliné devant l’ayeul de tous les êtres :

« Que ton immortalité donne cet ordre, dit-il à ce roi des Dieux, le plus intelligent des êtres doués de l’intelligence. Jadis, il fut dit par Bhagavat : « La victoire est assurée aux deux Krishnas ! » 4,438-4,439.

» Que cela soit ainsi ! adoration te soit rendue, Bhagavat ! répands sur moi ta faveur. » Içâna et Brahma tinrent ce langage aux maîtres des trois mondes : 4,440.

« La victoire est assurée, certainement, à cet Ambidextre-le-Victorieux, par qui le feu jadis lut rassasié dans la forêt de Khândava. 4,441.

» Parvenu au Swarga, il fit amitié avec toi, Çakra. Mais Karna est dans son parti un Dânava : donc, c’est de son côté que doit être la défaite. 4,442.

» La chose étant ainsi, que l’affaire des Dieux soit résolue : la plus importante des affaires, souverain des trois mondes, n’est-elle pas celle, qui est propre à nous tous.

» Le magnanime Phâlgouna se complaît toujours dans le devoir de la vérité ; c’est pour lui que doit naître nécessairement la victoire ; il n’y a là aucun doute. 4,443-4,444.

» Il a charmé le magnanime Bhagavat, qui a pour enseigne un taureau : comment la victoire pourrait-elle, Dieu aux cent yeux, ne pas naître pour lui ? 4,445.

» Car Vishnou lui-même, le seigneur du monde, remplit les fonctions de son cocher ; il est intelligent, vigoureux, vaillant, consommé dans les armes et riche en pénitences. 4,446.

» D’une grande force, il soutient la science de l’arc toute entière ; ce fils de Prithâ est doué de toutes les qualités : et c’est pour cela que cette affaire des Dieux lui fut confiée. 4,447.

» Ces enfants de Pândou furent toujours accablés de profondes souffrances par cette habitation au sein des forêts et par d’autres mauvais traitements ; mais cet homme éminent est devenu par sa pénitence convenable à cette affaire. 4,448.

» Une grande victoire doit marcher autour de la destinée de quelque chose : Arjouna vaincu entraînerait nécessairement la perte des mondes. 4,449.

» Rien ne peut exister nulle part dans la colère de l’un et l’autre Krishna : ces deux éminents hommes sont pour l’éternité les créateurs du monde. 4,450.

» Ces deux héros sont deux antiques et excellents rishis ; ce sont Nara et Nârâyana ; ils compriment tout et ne peuvent être comprimés eux-mêmes ! ce sont par conséquent deux fléaux des ennemis. 4,451.

» Il n’est personne, qui soit égal à eux, ou dans le ciel, ou parmi les hommes : les trois mondes avec les Tchâranas et les Dévarshis, tous les Dieux et les Ganas, tous les êtres existants ont suivi leurs pas. C’est par la puissance de ces deux personnes que le monde entier subsiste. 4,452-4,453.

» Que Karna, ce taureau des hommes, obtienne les mondes supérieurs ; que l’héroïque Karna le Découpeur soit la victoire des deux Krishnas ! 4,454.

» Qu’il obtienne de partager le monde des Vasous ou des Maroutes ! qu’il obtienne, dans la compagnie de Bhîshma et de Drona, le monde du ciel. » 4,455. ,

À ces mots de ces deux grands Immortels, le Dieu aux mille yeux salua toutes les créatures et dit ces paroles : « Déposez vos soucis et placez ainsi, non autrement, cette pensée, qui fut émise par ces deux adorables pour le bien du monde, et que vos divinités ont entendue jadis de la bouche de Brahma et d’Içâna. » 4,456-4,457.

À peine toutes les créatures eurent-elles entendu, vénérable roi, ces paroles d’Indra, qu’elles furent plongées dans l’étonnement, sire, et le couvrirent d’applaudissements. 4,458.

Les Dieux, pleins de joie, versèrent des pluies de fleurs bien odorantes et firent parler les instruments de musique célestes et de formes variées. 4,459.

Tous les Gandharvas, les Dânavas et les Dieux se tendent ainsi, désirant voir le duel en chars incomparable de ces deux lions des hommes, ces magnanimes héros, Karna et Arjouna, qui se tenaient le pied ferme, sire, pleins d’ardeur et d’attention, traînés par des chevaux blancs et descendants d’une origine céleste. 4,460-4,461.

Ces deux héros du monde, en étant venus aux mains, le Vasoudévide et Arjouna d’une part, Karna et Çalya de l’autre, emplirent de vent leurs conques, chacun de son côté. 4,462.

Alors eut lieu un combat terrible, causant un tremblement épouvantable, entre ces deux guerriers, déployant une mutuelle rivalité, comme entre Çambara et le roi des Dieux. 4,463.

Montés sur leurs chars, ils brillaient avec des drapeaux sans tache, tels que Râhou et Kétou [148] qui s’élèveraient ensemble au milieu du ciel pour la conquête du monde. 4,464.

Semblable à un serpent noir, faite de l’essence des pierreries, la ceinture d’éléphant resplendissait, solide, pareillé à l’arc de Pourandara. 4,465.

L’enseigne du Prithide, le plus excellent des singes, aux dents horribles, tel que la mort, sa bouche ouverte, répandait la terreur, comme le soleil, sur lequel ses rayons empêchent de fixer les yeux. 4,466.

Désireux d’un combat, le drapeau de l’archer du Gândîva, le singe, quittant sa place avec rapidité, s’avança vers l’étendard de Karna. 4,467.

Il prit son essor avec vitesse et déchira la ceinture d’élèphant avec ses ongles, avec ses dents, tel que Garduda met en pièces ün serpent. 4,468.

La ceinture, ornée de clochettes, semblable au lacet dé fer du Trépas, courut alors elle-même, ardente dè colère, sur le singe. 4,469.

Dans le combat très-effrayant de ces deux guerriers les drapeaux se livrèrent Une première bataille, qui Contenait un jeu et précédait toutes les autres. 4,470.

Enflammés d’une rivalité mutuelle, les chevaux de hennir contre les chevaux, et Poundarkâksha de blesser Çalya avec les flèches de ses regards. 4,471.

Çalya de regarder ainsi le Dieu aux yeux de lotus ; mais le Vasoudévide vainquit alors dans ce geste Çalya, avec les traits de son regard. 4,472.

Dhanandjaya, le fils de Kountî, regarda même et vainquit Karna ; et l’Adhirathide, adressant la parole avec un sourire à Çalya, lui dit : 4,473.

« Si par hasard le fils de Prithâ venait à me vaincre ici dans le combat aujourd’hui, que ferais-tu dans la bataille ; Çalya ? Dis-moi la vérité. » 4,474.

« Si le héros aux blancs coursiers te tuait aujourd’hui dans cette bataille, Karna, lui répondit Çalya, je tuerais moi, avec mon seul char, Mâdhava et le Pândouide. »

Arjouna de parler en la même manière à Govinda, et Krishna répartit en souriant au Prithide en ces paroles vraies : 4,475-4,476.

« Karna ne pourrait t’arracher la vie, Dhanandjaya, comme le soleil ne pourrait s’écarter de sa ligne habituelle, ou l’océan même se tarir, ou le soleil passer à la froideur. 4,477.

» Et, si cela était de quelque manière, il y aurait un ordre de choses interverti dans le monde ; je ferais mordre la poussière dans le combat sous mon bras même à Karna et à Çalya. » 4,478.

Dès qu’il eut entendu ces mots de Krishna, Arjouna, le héros à l’étendard du singe, répondit en souriant au Vasoudévide aux œuvres infatigables : 4,479.

« Karna et Çalya ne sont point à cette heure suffisants pour ma force, Djanârddana. Je verrai aujourd’hui dans le combat, fendu par mes traits en grand nombre, Karna avec sa bannière et son drapeau, avec ses coursiers, avec son char, et Çalya, avec son ombrelle et sa cuirasse, avec son arc, ses flèches et sa lance de fer. 4,480-4,481. » Aujourd’hui même, je le verrai broyé avec son char et ses chevaux, avec sa cuirasse, sa lance et ses armes, tel qu’un arbre mis en pièces dans une forêt par un éléphant 4,482.

» Aujourd’hui, les épouses de Râdhéya entreront dans le veuvage : elles verront certainement, Mâdhava, des images funestes dans leurs songes. 4,483.

» Tu verras, pour sûr, aujourd’hui même ces veuves, déchirées par les regrets donnés à Karna ! Certes, mon souci de ce qu’il fit jadis est toujours éveillé ! 4,484.

» Je vois encore Krishnâ amenée dans l’assemblée par cet insensé à la vue étroite, qui nous couvrit de ses moqueries et qui nous promenait çà et là. 4,485.

» Aujourd’hui, Govinda, tu verras l’Adhirathide immolé par moi, comme un arbre fleuri de la terre, brisé par un éléphant enivré. 4,486.

» Aujourd’hui, après la chûte de Karna, tu entendras, meurtrier de Madhou, ces douces paroles : « Oh ! bonheur ! rejeton de Vrishni, la victoire est à toi ! » 4,487.

» Aujourd’hui, joyeux, tu consoleras la mère d’Abhimanyou ; aujourd’hui la joie dans le cœur, Djanârddana, tu consoleras Kountî, et la sœur de son père, et Krishnâ, la face baignée de larmes : tu consoleras Dharmarâdja le Pândouide par des paroles aussi douces que l’ambroisie. »

La forme admirable de l’atmosphère brillait, hantée[149] par des Garoudas, les râdjarshis et les brahmarshis, les chœurs des Apsaras, des Rakshasas, des Gandharvas, des Yakshas, des Siddhas, des Asouras, des Nagas et des Dieux. 4,488-4,489-4,490.

Il résonnait beaucoup des bruits ravissants d’instruments musicaux, de chants, de louanges, de danses et de rires. Tous les hommes en santé désiraient voir alors ce ciel, qui avait une forme si merveilleuse. 4,491.

Remplis d’ardeur, les combattants de Kourou et de Pândou, faisant résonner le ciel et la terre de leurs cris de guerre, de leurs conques et du son des instruments de musique, frappaient tous les ennemis.

Le champ de bataille resplendissait alors sous la couleur rouge, plein de corps sans vie, peuplé de soldats intrépides, hérissés de flèches, d’épées, de lances en fer et de sabres, dont il était difficile de supporter la chûte, encombré de chars, d’éléphants, de chevaux et de guerriers. 4,492-4,493.

Le combat des Kourouides et des Pândouides était comme la bataille des Asouras avec les Dieux. En ce conflit très-épouvantable de Phâlgouna et de l’Adhirathide, ils couvrirent l’un et l’autre le ciel et la terre de flèches acérées, au vol droit, bien armées. Ensuite, les traits ayant répandu l’obscurité, les tiens et les ennemis ne distinguèrent plus rien. 4,495-4,495.

Les guerriers, malades de peur, cherchaient un asyle vers ces deux héros prééminents ; et de-là résultait un spectacle merveilleux. Ceux-ci repoussaient mutuellement l’astra par l’astra, et, à l’orient et à l’occident, ils étaient comme agités. 4,496.

Ils brillèrent d’une vive lumière, comme deux soleils, qui s’élèveraient au milieu des ténèbres, causés par les nuages. Les ennemis et les tiens se tinrent ainsi, le pied immobile, avertis par ces paroles : « Il ne faut pas s’approcher ! » 4,497.

Les Asouras et les Dieux environnèrent de toutes parts ces grands héros, comme ils firent dans le combat de Çambara et d’Indra. Ces deux éminents hommes brillaient au milieu du bruit des tymbales, des tambourins, des tambours et des cris de guerre, poussés par les plus vaillants des guerriers, tels que le soleil et la lune brillent au milieu du fracas des nuages. Placés au centre du cercle d’une grande nue, entourés d’une vaste lumière, dispersant les rayons d’un millier de flèches, 4,408-4,499.

Impossibles à supporter dans une bataille, comme deux soleils, qui veulent incendier le monde avec ses êtres immobiles et mobiles à la fin d’un youga, tous deux ne pouvant être vaincus, tous deux la mort des ennemis, tous deux avec le désir de tuer, ils possédaient l’un et l’autre la dextérité de la main. 4,500.

Sans crainte dans ce vaste combat, Karna et le Pândouide croisèrent le fer, de même que Djambha et Mahéndra : portant un grand arc et de grands astras, ils se lancèrent des traits épouvantables. 4,501.

Ces deux fameux héros se frappaient réciproquement, sire, les guerriers, les chevaux, les éléphants à la taille sans mesure ; ensuite, tourmentés de nouveau par ces deux plus excellents des hommes, les oppressés de s’enfuir aux dix points de l’espace avec leurs chars, les chevaux, les fantassins et les éléphants, de se réfugier[150] sous le bras de Karna et de Dhanandjaya, 4,502-4,503.

Comme les habitants d’une forêt, poursuivis par un lion. Alors Douryodhana, Bhodja, le Soubalide, Kripa et le fils du Çaradvatide, 4,504.

Ces cinq grands héros percèrent de leurs flèches, causant la souffrance du corps, Arjouna et l’impérissable. Mais Dhanandjaya coupa de ses traits les arcs, les carquois, les drapeaux, les chevaux, les chars et les cochers de ces guerriers. 4,505.

Il eut bientôt de tous côtés immolé les ennemis et l’Adhirathide lui-même de douze flèches supérieures. Puis, cent chars et cent éléphants cruels de fondre à la hâte sur Arjouna. 4,506.

Animés par le désir de tuer, les Çakas et les cavaliers rapides avec les meilleurs soldats du Kambodje de couper avec des kshouras et des traits saisis les plus excellentes des armes, et les corps de tomber[151] sans vie. 4,507.

Arjouna d’abattre sur la terre, mutilés de ses dards, les troupes des ennemis, les éléphants, les chevaux et les chars des combattants. Alors éclata dans les cieux la symphonie de la musique des Dieux ; et de douces paroles, expression de leur joie, furent envoyées ici-bas. 4,508.

Il tomba même des pluies des plus belles fleurs, et le vent promena des senteurs exquises et ravissantes. Ce fut une chose merveilleuse, qui avait pour témoins les hommes et les Dieux ; tous les êtres à cette vue furent saisis d’admiration. 4,509.

Mais ni ton fils, ni le fils du cocher ne descendirent pas jusqu’au trouble, ni même jusqu’à l’étonnement ; et le fils de Drona dit au tien, en lui serrant la main dans la sienne, et le consolant : 4,510.

« Excuse-moi, Douryodhana ; étouffe ta colère contre les Pândouides ; assez long-temps a duré cette querelle ! Honte à cette guerre, où mon père, égal à Brahma, fut tué ! Il en est ainsi de Bhîshma, versé dans les puissants astras et reconnu pour chef par les fameux héros. 4,511.

» Moi et mon oncle, nous n’avons pas mérité la mort ; gouverne long-temps ce royaume avec les Pândouides ! Arrêté par moi, Dhanandjaya s’est calmé ; et çêtte division déplaît à Djanârddana lui-même. 4,512.

» Youdhishthira met toujours son plaisir dans le bonheur des créatures ; Vrikaudara et les jumeaux sont tombés sous notre pouvoir : que tes sujets doivent à ta libre volonté une félicité, qui naîtra d’un engagement passé entre les Prithides et toi. 4,513.

» Que ceux de nos parents, qui survivent, s’en retournent dans leurs villes ; que les guerriers mettent fin aux combats ! Si tu n’écoutes pas mes paroles, tu seras certainement consumé dans la bataille, immolé par les ennemis. 4,514.

» Le monde et toi, vous avez vu ce que fit à lui seul ce héros, qui porte une guirlande pour sa tiare ; exploit, que ne ferait pas Balabhit, ni la mort, ni le créateur, ni Bhagavat, ni le roi des Yakshas. 4,515.

» Dhanandjaya est supérieur à ces Dieux mêmes par ses qualités ; ma parole entière ne passera point : il suivra toujours tes pas. Sois-moi propice, Indra des rois, et conclus la paix. 4,516.

» J’ai toujours placé en toi mon plus vif orgueil : aussi, la plus grande amitié inspire-elle mes paroles. J’arrêterai Karna même, alors que ta majesté sera pour moi remplie de bienveillance. 4,517.

» Un ami nait avec nous, disent les savants : ou il est acquis, soit par des caresses, soit par l’opulence ; ou la dignité nous en approche. On trouve ces quatre qualités réunies toutes pour toi dans les Pândouides. 4,518.

» La nature t’a donné des parents, regagne-les, seigneur, par des caresses. Si, favorable à ma demande, tu te tournes vers l’amitié, tu donneras au monde un bonheur incomparable. » 4,619.

À ce langage salutaire, que lui faisait entendre son ami, l’insensé répondit, après qu’il eut réfléchi et soupiré : « Je pense, mon ami, les mêmes choses, que ta sainteté a dites ; mais écoute ces paroles en échange de ce que tu m’as fait connaître. 4,520.

» La mort, que Vrikaudara a donnée à Douççâsana, et le langage, que cet insensé aux paroles de tigre a prononcé avec violence, sont fixés dans mon cœur ; cela n’est pas inconnu à ta sainteté : d’où pourrait donc venir la paix ? 4,521.

» Arjouna ne pourra supporter Karna dans la bataille, comme un vent orageux est contraint de reculer devant le Mérou, la grande montagne. Tous les efforts des fils de Prithâ ne parviendraient point à étouffer en moi les nombreux souvenirs de cette guerre. 4,522.

» Ne veuille donc pas dire à Karna, impérissable fils de l’Atcbârya : « Gesse la guerre ! » Phâlgouna est engourdi maintenant par une immense fatigue : ce Karna peut donc lui donner une mort violente. » 4,523.

Quand il eut parlé ainsi au brahme et l’eut persuadé à différentes fois, ton fils adressa la parole à ses guerriers : « Rassemblés et les flèches à la main, courez sur mes ennemis ! Pourquoi restez-vous là tranquilles ? » 4,526.

Vaikartana, le fils du cocher, et Arjouna, ces deux guerriers éminents aux blancs coursiers, en vinrent aux mains, sire, par les mauvais conseils de ton fils, au bruit augmenté des tambours et des conques. 4,525.

Ces deux héros à la vigueur terrible, Dhanandjaya et l’Adhirathide s’approchèrent l’un de l’autre, comme deux éléphants de l’Himavat, aux défenses accrues, en rut, et poussés par leurs mutuelles fumées. 4,626.

Ils s’avancèrent, lançant leurs pluies de flèches, au bruit des roues, de la corde et de l’arc, tels qu’un nuage, qui heurte un nuage ; ou tels qu’une montagne, qui viendrait donner contre une autre montagne. 4,627.

Ces deux héros à la grande force étaient comme deux montagnes ambulantes, dont les cascades aux sortes variées ont leurs sources accrues et dont les sommets s’augmentent de leurs simples, leurs plantes rampantes et leurs arbres. Frappés de l’un et l’autre côté par de puissants astras,

Terrible était l’approche de ces deux guerriers, telle que fut jadis celle du Virotchanide et du roi des Dieux. Difficile à supporter par les autres et pleine d’un sang acide, elle perçait de flèches les membres des cochers et des chevaux. 4,528-4,520.

Semblables à deux grands lacs profonds aux bords entourés par des essaims d’oiseaux, aux ondes exubérantes de tortues, de poissons, de nymphées et de lotus, ces deux braves aux drapeaux déployés s’approchèrent, comme deux pétales enlevées, que le vent emporte l’une vers l’autre. 4,530.

Tous deux d’un courage pareil à celui de Mahéndra, tous deux semblables à Mahéndra, ces deux héros se frappaient, de même que Mahéndra et Vritra, avec des flèches égales au tonnerre. 4,531.

Dans ce combat aux formes merveilleuses, resplendissant par les chars, les chevaux, les fantassins et les éléphants, aux armes, aux vêtements, aux parures, aux cuirasses admirables, Arjouna et Karna de donner l’essor à leurs coursiers, qui se mouvaient au milieu des airs.

Des bras se dressaient avec les vêtements et les doigts, élevés par des hommes joyeux, qui poussaient des cris de guerre et voulaient voir Arjouna, s’avançant avec le désir de tuer vers Karna, tel qu’un éléphant enivré s’approche d’un autre éléphant. 4,532-4,533.

Alors, les Somakas et les chefs de crier au Prithide : « Tue Karna, Arjouna ! Coupe, sans bien tarder, sa tête et sa foi dans le royaume du fils de Dhritarâshtra ! »

Et de nombreux combattants, les nôtres, disaient à Karna : « Marche ! Marche, Karna ! Tue Arjouna de tes flèches très-acérées ; que les Prithides s’en retournent au plus tôt dans les bois. » 4,534-4,535.

Ensuite, Karna de frapper d’abord le Prithide avec douze grandes flèches ; et Arjouna de lui rendre ses blessures en riant à l’endroit du bras avec douze traits à la pointe aiguë. 4,536.

Arjouna et le file du cocher se percèrent mutuellement de flèches très-acérées ; ils se fendirent réciproquement dans ce combat, et s’élancèrent l’un sur l’autre, avec ardeur, d’une manière bien effrayante. 4,537.

Puis, le terrible archer, Arjouna, ayant commencé par essuyer ses deux bras et le Gândîva, se mit à lancer des traits, des nârâtchas, des nâlîkas, des oreilles-de-sanglier, des flèches en rasoir, des anjalikaa et des demi-lunes.

Les traits du Prithide entrés, la pointe en bas, dans le char de Karna, s’y répandirent de tous les côtés : tels des essaims d’oiseaux, à la fin du jour, entrent lestement au milieu d’un arbre pour y trouver une habitation. 4,538-4,539.

À mesure que le Prithide les décoche, le fils du cocher dévore avec ses flèches les foules de traits, qu’Arjouna, le vainqueur de ses ennemis, lui envoie, avec le regard oblique et les sourcils contractés. 4,540.

Le fils de Mahéndra lança à Karna l’astra d'Agni, capable de détruire un ennemi : le corps enflammé de ce trait couvrit la terre, l’atmosphère, les points du ciel et la route du soleil. 4,541.

Tous les combattants, les robes enflammées, s’enfuirent au plus vite, leurs habits en feu ; puis, un bruit horrible s’éleva au plus haut degré : tel dans un bois, une forêt de bambous, qui brûle. 4,542.

Dès que Karna, l’auguste Adhirathide, vit flamboyer cet astra impérissable, il décocha pour l’éteindre dans la bataille celui de Varouna ; et le feu cessa devant ce charme.

Il enveloppa rapidement de ténèbres et d’une masse de nuages toutes les plages du ciel ; il entoura d’eau partout des rivages, semblables à des montagnes. 4,543-4,544.

Et ces ondes conduisirent à l’apaisement ce feu dans son excès de colère et dans un tel courroux. Le ciel et tous les points de l’espace étaient remplis de ces nuages.

Et, toutes les plages du ciel étant couvertes de nuées et de ténèbres, rien n’était plus distingué. Arjouna ensuite écarta avec l’astra du vent ces multitudes d’astras, que lançait Karna. 4,545-4,546.

Quand il eut charmé des flèches et la corde du Gândîva, Dhanandjaya, inaffrontable aux ennemis, manifesta cet astra, cher au roi des Dieux, et qui avait une puissance égale au tonnerre. 4,547.

Alors, sortirent du Gândîva par milliers, tous bien aiguisés, avec la vitesse de la foudre, les kshourapras, les anjalikas, les demi-lunes, les nâlikas, les nârâtchas et les oreilles-de-sanglier. 4,547.

Ces traits bien rapides, bien étincelants, à la grande puissance, s’étant approchés de Karna, entrèrent précipitamment avec leur pointe aiguë et pénétrante dans tous ses membres, ses chevaux, son arc, ses roues, ses couples et son drapeau : tels, effrayés par Garouda[152], des reptiles se plongent dans le sein de la terre. Karna, son corps tout couvert de flèches, ses membres arrosés de sang, roulant ses yeux de colère, 4,548-4,549.

Ce magnanime, ayant courbé sa corde vigoureuse, fit apparaître l’astra de Bhrigou, qui avait le bruit de la mer, et trancha les multitudes de traits, lancés contre lui par le guerrier, qui portait la flèche du grand Indra. 4,550.

Mais le héros à la prouesse de Mahéndra, opposant l’astra à l’astra, de blesser les hommes de pied, les éléphants, les chars ; et, pénétré de colère, l’agile Adhirathide perça avec violence[153]de traits bien lancés dans le combat, aiguisés sur la pierre, empennés d’or, et de l’auguste astra de Bhrigou, les plus vaillants guerriers des Pântchâlains.

Ceux-ci et les Somakas, que Karna accablait de ses torrents de flèches sur le champ de bataille, en venant aux mains et pénétrés de colère, blessèrent de tous côtés le fils du cocher avec des traits acérés. 4,551-4,552-4,553.

L’Adhirathide couvrit de ses traits les compagnies de chevaux, d’éléphants et de chars des Pântchâlains : il les harcela avec violence des multitudes de ses flèches et les blessa avec joie dans le combat. 4,554.

Ils tombaient, frappés des traits de Karna, poussant des cris, le corps déchiré, sans vie, sur le sol de la terre : tels, dans un vaste bois, des troupeaux d’éléphants sous les griffes d’un lion courroucé à la grande force. 4,555.

Non abattu, Karna violemment de tuer tous les plus vigoureux combattants des Pântchâlains ; de ces exploits, sire, il brillait comme le soleil dans les cieux avec ses terribles rayons. 4,556.

Pensant que la victoire appartenait à Karna, les tiens, jetant des cris de guerre, s’élevèrent au comble de la joie ; tous, à la vue de cette valeur sans égale, insoutenable aux ennemis, du grand héros Karna, à la vue de cet astra de Dhanandjaya, qu’il avait paralysé ainsi au milieu du champ de bataille, ils croyaient, Indra des Kourouides, que Râdhéya avait profondément blessé les deux Krishnas. 4,557-4,558.

Ensuite, le fils du Vent, Bhîma irrité, les yeux enflammés de colère, croisa la main dans sa main, et courroucé, soupirant, le cœur plein de souci, il dit à Arjouna, fidèle à la vérité : 4,559.

« Comment ce criminel fils du cocher, qui a banni de son âme le devoir, a-t-il pu tuer violemment aujourd’hui, sous tes yeux, Djishnou, dans le combat, un grand nombre de guerriers Pântchâlains ? 4,560.

» Comment, Kirtti, ce fils du cocher a-t-il osé te blesser en face de dix flèches de char, toi, que naguère n’ont pas vaincu les Dieux et les Kâlakéyains en personne, toi, de qui le bras rivalisa avec le bras de Sthânou lui-même ? 4,561.

» Il a dévoré les multitudes de traits décochés par toi : ce qui me semble merveilleux ! Rappelle-toi maintenant les angoisses de Krishnâ, et ces mots, qu’il nous adressa : « Huile, qui a servi pour des eunuques ! » 4,562.

» Paroles dures, bien mordantes ! En effet, ce fils du cocher à l’âme dépravée est d’un esprit criminel et qui a secoué toute crainte. Souviens-toi maintenant de tout ce qu’il a dit, et tue promptement, Savyasatchi, ce criminel Karna dans le combat. 4,563.

» Pourquoi commets-tu de la négligence, Kirîti ? Ce n’est point ici le moment de rien omettre ! Tue le fils du cocher avec la même fermeté, que tu as vaincu dans le Khândava toutes les créatures, les donnant au Feu pour sa pâture ! ou je le broierai sous les coups de ma massue ! » Et le Vasoudévide dit au fils de Prithâ, lorsqu’il eut vu repousser toutes ses flèches de char : 4,564-4,565.

« Pourquoi, oh ! la honte ! Karna entièrement a-t-il broyé aujourd’hui, Kirîti, avec ses astras l’astra, que tu as envoyé ? Pourquoi te laisses-tu jouer par le délire ? Pourquoi, héros, ne fais-tu pas d’attention ? Voici les Kourouides, qui, joyeux, poussent des cris d’allégresse ?

» Mettant Râdhéya au premier rang, tous, il savent que ton astra fut repoussé par les siens. Tue aujourd’hui Karna avec la même fermeté que les terribles Rakshasas, hôtes de la nuit, et les Asouras, enfants du mensonge, sont immolés à chaque youga. Tranche violemment la tête de cet ennemi avec cette roue de kshoura, 4,566-4,567-4,568.

» Comme avec le Soudarçana, lancé de ma main, de même que Çakra abattit sous la foudre son ennemi Namoutchi ! Travesti sous la forme d’un chasseur montagnard, le magnanime Bhagavat fut charmé de ton admirable fermeté. 4,569.

» Héros, reprends aujourd’hui la même fermeté, et tue le fils du cocher avec ses adhérents ! Donne au roi la terre, libre de la foule de ses ennemis immolés, avec la ceinture de ses mers, avec ses villages, avec ses villes, avec ses richesses, et acquière une renommée, égale au Prithide. » À ce langage, le magnanime aux forces immenses tourna sa pensée à la mort de l’Adhirathide. 4,570-4,571.

Aiguillonné par Bhîma et Djanârddana, le magnanime, se souvenant de ce qu’il était sous cette forme, embrassant tout de son regard, et se rappelant la cause de sa descente ici-bas, tint ce langage à Kéçava : 4,572.

« Je vais manifester un grand et terrible astra pour le bien du monde et la mort de l’Adhirathide. Que ta majesté veuille m’en donner le congé, et Brahma et Bhava, et les Dieux, et les brahmes versés dans les Védas ! » 4,573.

Ces choses dites au Dieu, l’Ambidextre à l’âme sans mesure fit adoration à Brahma, et lança l’astra brahmique, suprême, intolérable, qui est sous la puissance du cœur. Karna, qui en neutralisa le charme, brillait comme le nuage, qui vomit ses gouttes d’eau. Lorsqu’il vit l’astra de Kirîti, que l’Adhirathide frappait ainsi d’impuissance au milieu du champ de bataille, 4,574-4,575.

Le vigoureux Bhîma furieux, enflammé de colère, dit à Arjouna, fidèle à la vérité : « Les peuples ne disent pas que tu as la science du grand astra brahmique, supérieur et docile à ta volonté ? 4,576.

» Décoches-en donc un autre, Ambidextre ? » Celui-ci à ces mots de lancer un nouveau trait. D’une splendeur éclatante, il couvrit tous les points de l’espace et les plages intermédiaires de ses dards, jetés par le Gândîva et semblables aux serpents, terribles, flamboyants, pareils aux rayons du soleil. Une centaine de flèches, empennées d’or, lancées par cet éminent Bharatide, étaient chacune comme des centaines de traits. 4,577-4,578.

Semblables au feu ou aux rayons du soleil à la fin d’un youga, elles couvrirent[154] dans un instant le char de Karna. Alors des tridents, des haches, des disques et des centaines de nârâtchas 4,579.

Très-épouvantables sortirent de son arc, et les combattants eux-mêmes périrent de tous côtés. La tête coupée de tout guerrier ennemi tombait de son corps au milieu du champ de bataille. 4,580.

À la vue de celui-ci qui était tombé, un combattant s’affaissait tout à coup sur le sol, tué lui-même par la peur : le bras d’un autre tombait coupé, tenant encore son épée, et pareil à la trompe d’un éléphant. 4,581.

Le bras gauche de tel autre, avec son bouclier, s’allongeait sur la terre, tranché d’une flèche en rasoir : c’est ainsi que le guerrier, qui a pour son diadème un bouquet de fleurs, abattit tous les principaux des combattants,

Et l’armée entière de Douryodhana avec ses traits bien épouvantables et mettant fin aux existences. Le fils du soleil décocha lui-même par milliers des multitudes de flèches au milieu du champ de bataille. 4,582-4,583.

Ces dards bruyants fondirent sur le Pândouide, comme des gouttes d’eau, que vomit un nuage ; d’une vigueur effrayante et d’une puissance incomparable, il perça de trois flèches individuellement Kirîti et Vrikaudara, accompagnés de Krishna. Il cria d’une manière épouvantable, avec une voix immense. Frappé des flèches de Karna, dès qu’il eut vu dans une telle détresse Bhîma et Djanârddana, le Prithide au diadème de fleurs, 4,584-4,585.

Enflammé d’une nouvelle colère, éleva dix-huit dards ; avec un, il atteignit le drapeau ; avec quatre, Çalya ; avec trois, l’Adhirathide lui-même ; 4,586.

Et, dirigeant bien les dix autres, il tua Sabhâpati, revêtu d’une cuirasse d’or. Ce fils du roi, sans arc ni drapeau, sans cocher ni chevaux, sans bras et sans tête, 4,587.

Tomba mort du haut de son char, comme un çala, rompu, mutilé à coups de haches ; et lorsqu’il eut brisé de nouveau Karna de trois flèches, qu’il eut frappé de huit, de deux, de quatre et de dix traits quatre cents guerriers munis d’armes, réduits alors sans chariots, il immola huit cents chars, il abattit de rechef des chevaux par milliers, huit mille cavaliers et d’héroïques fantassins. 4,588-4,589.

Grâce à ses flèches au vol léger, il rendit invisible Karna avec son cocher, son drapeau et son char. Taillés en pièces par Dhanandjaya, les Kourouides se réfugièrent de tous côtés avec des cris autour de l’Adhirathide : 4,590.

« Décoche, Karna ! Hâte-toi de percer avec tes flèches Arjouna, avant qu’il n’ait tué les principaux des Kourouides ! » Excité par ces mots, Râdhéya mainte et mainte fois de lancer ses dahls bien nombreux. 4,591.

Ces traits, fendant les membres, oints de sang et de poussière, meurtrirent les troupes des Pântchâlains et des Pândouides. Ces deux héros à la grande vigueur, capables de supporter tous les ennemis, les plus excellents de tous ceux, qui manient l’arc, 4,592.

Et versés dans les astras, battirent l’un et l’autre, avec de grands astras, la terrible armée des ennemis. Youdhishthira à la cuirasse d’or, aidé par les meilleurs des médecins, ses amis, s’approcha à la hâte, désireux de se voir sans maladie, affranchi de blessures, grâce aux amples et aux vers magiques. 4,593.

Il portait le siège de la science en huit membres, faite par Nâsatya, Dasra, le rejeton du fils d’Atri et les autres, comme le roi des Dieux aux mille regards, de qui le corps fut blessé par les enfants de Diti, s’entoure de vieux habits attachés sur lui[155]. 4,594.

Toutes les créatures poussèrent des cris d’allégresse, quand elles virent arriver ainsi Dharmarâdja dans la guerre, 4,595.

Comme la lune pleine, qui se lève sans tache au milieu du ciel, délivrée du mauvais Génie Râhou. Les peuples, qui désiraient voir combattre ces deux principaux héros, destructeurs des ennemis, se tenaient à leur aise, placés sur la terre, regardant Karna et le fils de Prithâ. La surface de la corde, la sonorité de l’arc et le sifflement des flèches bien lancées mêlaient confusément leur bruit, tandis que l’Adhirathide et Dhanandjaya se frappaient l’un l’autre alors avec des traits puissants. Tout à coup la corde de l’arc tirée à l’excès fut coupée dans les mains du Pândouide avec un fracas épouvantable. 4,596-4,597-4,598.

Dans un instant, le fils du cocher eut couvert le Pândouide avec une centaine de kshoudrakas. Il déchira bientôt le Vasoudévide de soixante et, aussitôt après, Phâlgouna de sept dards frottés de l’huile de sésame, portant les ailes[156] des oiseaux, lancés coup sur coup et semblables à des serpents déchaînés. Le fils du Soleil blessa le fils du Vent avec des flèches triomphantes, envoyées par myriades. 4,599-4,600.

Elles abattirent, et Krishna, et le Prithide, et son drapeau, et les Somakas, attachés aux pas d’Arjouna ; ceux-ci le couvrirent de traits acérés, comme le soleil remplit de ses rayons les masses de images au milieu du cieL 4,601.

L’Adhirathide, consommé dans les armes, arrêta, au moment qu’ils arrivaient, ces dards avec plusieurs flèches ; et, quand il eut repoussé avec ses astras leur astra entier, il renversa les éléphants, les chevaux et les chars. 4,602.

Le fils du cocher harcela de ses traits, sire, les plus excellents de l’armée ; et, criant, le corps déchiré, sans vie, ceux-ci tombaient sur le sol de la terre sous les flèches de Karna. 4,603.

Les meilleurs des Pântchâlains et les autres s’affaissèrent [157], violemment frappés des traits adroitement décochés par le vigoureux Karna, dans cet instant où Râdhéya et Dhanandjaya[158], se disputaient la victoire, de même que des troupes de chiens aux vastes forces sous les griffes d’un lion irrité, à la vigueur effroyable. Ayant pensé que le succès était grand, les tiens d’applaudir avec le battement des mains et de pousser des cris de victoire. 4,604-4,605.

« Karna vient de mettre les deux Krishnas sous son pouvoir ! » pensaient-ils et disaient-ils tous en ce combat. Ensuite, courbant avec promptitude la corde de son arc et dissipant les flèches lancées par l’Adhirathide, 4,606.

Enflammé de colère, le corps blessé par les traits de Karna, le Prithide accepta la bataille avec les Kourouides. Il essuya sa corde ; il détruisit les deux gantelets des mains de son rival et fit naître soudain l’obscurité par les flèches.

Kirîti de percer violemment avec ses dards Karna, Çalya et tous les Kourouides. La gent ailée ne circulait pas dans l’atmosphère en cet instant, où la nuit venait des grands astras. 4,607-4,608.

Un vent bien odorant, céleste, envoyé par les foules des êtres, dont l’air était peuplé, se promenait alors. Le fils de Prithâ, en riant, blessa profondément Çalya dans sa cuirasse avec dix traits. 4,609.

Puis, après qu’il eut frappa Karna de douze flèches bien décochées, il le perça de nouveau avec sept. Blessé grièvement par ces traits à l’impétuosité formidable, envoyés par l’arc du Prithide, 4,610.

Karna, le corps brisé, l’extérieur humide de sang, brillait, tel que Roudra, les membres arrosés de sang, qui se joue dans une heure funeste au milieu d’un cimetière avec les cadavres étendus. 4,611.

L’Adhirathide fendit avec trois flèches Dhanandjaya, semblable au souverain des Tridaças : il plohgea dans l’impérissable, avec le désir de le tuer, cinq traits flamboyante, pareils à des serpents. 4,612.

À peine ces dards bien lancés, ornementés d’or, eurent-ils percé la cuirasse du plus grand des hommes, qu’ils s’abattirent, et, très-rapides, entrèrent lestement dans la terre, où s’étant baignés dans les ondes du Pâtala[159], ils revinrent, tournant le dos à Karna. 4,613.

Dhanandjaya aux chevaux superbes trancha avec dix bhallas bien lancés, chacune des cinq flèches ; et ces dix projectiles, jouant le rôle des enfants de Takshaka, pénétrèrent dans le sein de la terre. 4,614.

Le guerrier, qui a pour son diadème un bouquet de fleurs, flamboya de colère comme le feu, qui incendie une forêt de bois sec, quand il vit avec Krishna son corps chassé hors de l’état normal par ces flèches-serpents, qu’avait lancées le bras de Karna. 4,615.

Il blessa Râdhéya dans les membres de traits enflammés, causant la destruction des corps et décochés d’un arc tiré jusqu’à l’oreille. L’autre chancela de douleur ; mais il se tint, conservant un esprit de fermeté, donné par le Destin. Les points du firmament, les plages intermédiaires, les rayons du soleil et le char de Karna, sire, tout fut invisible dans la colère de Phâlgouna, comme le ciel entouré de brouillards ou de gelée blanche. 4,616-4,617.

L’Ambidextre, le héros unique, le destructeur des ennemis, le taureau des hommes, conduisit en un moment à leur perte dans ce combat, Sire, avec les chevaux, les cochers et les chars, deux mille braves des Kourouides, et les gardes des roues, et les gardes de ses pas, et les protecteurs de ses derrières, tous chefs approuvés de Douryodhana, soulevés avec les chariots, avec les rayons des roues. 4,618-4,649.

Ayant abandonné Karna, tes fils de s’enfuir en même temps que les Kourouides, échappés au combat ; ils délaissaient les morts, ils délaissaient les blessés ; ils plaignaient et leurs fils et leurs pères. 4,620.

Dès qu’il vit les plages désertes de tous les côtés et qu’il se vit abandonné des Kourouides déchirés par la terreur, Râdhéya n’en fut pas troublé ; mais plein d’ardeur, Bhararatide, il fondit sur Dhanandjaya lui-même. 4,621.

Ensuite les Kourouides, de qui l’armée était enfoncée, ayant battu en retraite et s’étant arrêtés à la distance d’un jet de flèche, virent l’astra décoché par Dhanandjaya, qui de toutes parts brillait comme un éclair. 4,622.

L’Adhirathide avec ses traits encore plus épouvantables, circulant au milieu des airs, dévora cet astra d’Arjouna, lancé impétueusement dans cette grande destruction, par le Prithide irrité pour la mort de Karna. 4,623.

Décoché, il incendiait les Kourouides en cette boucherie de ses flèches, empennées d’or. Mais, brandissant un arc infaillible, à la corde solide, avec lequel il envoyait les multitudes de ses traits, 4,624.

(Sa grandeur, présent de Râma, venait d’Atharvan, le destructeur des ennemis), le magnanime Karna dissipa avec ses flèches aiguës cet astra d’Arjouna. 4,626.

Alors ce fut, sire, une immense destruction d’Arjouna et de l’Adhirathide, qui se meurtrissaient l’un l’autre de leurs dards, comme deux terribles éléphants avec les pointes mortelles de leurs défenses. 4,626.

Une effroyable confusion régna en ce moment de tous les côtés, sire, tout se trouvant couvert par la multitude de leurs astras. Karna et le Prithide supprimèrent alors dans le ciel tous les intervalles, par les foules de leurs pluies de flèches. 4,627.

Tous les Kourouides et les Somakas virent alors un grand filet à mailles tissues de traits ; ils ne distinguèrent pas une autre chose dans cette épouvantable obscurité de projectiles. 4,628.

Ces deux héros, encochant mutuellement, sire, et décochant toujours leurs dards nombreux, montrèrent dans ce combat les différentes routes de l’escrime par divers astras parfaits. 4,629.

Entre ces deux, qui combattaient ainsi, le fils du cocher n’obtint jamais la supériorité au milieu du champ de bataille ; et Kirîti le Prithide ne fut jamais supérieur par son courage, sa force, sa magie, ses astras et sa vigueur.

Quand ils virent dans cette guerre le combat effrayant, difficile à soutenir, de ces deux héros, qui guettaient un coup de temps à surprendre l’un sur l’autre, tous les autres combattants s’élevèrent au comble de l’étonnement. 4,630-4,631.

Les êtres, hôtes de l’atmosphère, applaudirent, Indra des hommes, à Karna et au fils de Prithâ : « Oh ! Karna, bien !… Bien, Arjouna ! » Telles étaient les paroles, qu’on entendait par tous les côtés circuler au milieu des airs. 4,632.

Dans ce déchirement, où le sein de la terre était fendu par les coups réciproques, que se portaient alors les éléphants, les chevaux et les chars, une hostilité déclarée avec Arjouna séparait le serpent Açvaséna, qui gisait au fond du Pâtâla. 4,633.

C’est lui, sire, qui, échappé à d’incendie du Khândava, entra de colère dans le sein de ! ?. terre. Ce héros des serpents se dressa en face de sa mère, se rappelant sa haine et sa mort. 4,634.

Il remonta avec rapidité sur la surface de la terre, et vit le combat de Karna et d’Arjouna : « Voici le moment, s’écria-t-il, de tirer vengeance de ce Prithide à l’âme méchante ! » 4,635.

Et, après un instant de réflexion, sire, il entra dans cette guerre sous la forme d’une flèche de Karna. Ce voile des cieux était alors plein d’une multitude de flèches, comme un réseau de rayons étendu. 4,636.

La multitude des traits de Karna et du Prithide ne laissa rien dans le ciel qui fût vide de leurs pluies. Les Kourouides et les Somakas tremblèrent tous à l’aspect de cette vaste atmosphère, composée d’un seul rézeau de flèches ;

Et, dans cette obscurité de traits, infiniment confuse, ils ne virent plus nulle autre chose tomber sous leurs yeux. 4,637-4,638.

Ensuite, ces deux héroïques tigres des hommes, les meilleurs archers du monde entier, qui avaient renoncé à la vie dans la bataille, arrivèrent à la fatigue du combat.


Contemplés par les yeux d’ici-bas, arrosés d’eau de sandal, et couverts de chasses-mouches et d’éventails célestes par les chœurs des Apsaras, placées dans le ciel, 4,639-4,640.

Ces deux chefs furent ainsi mis à l’abri des rayons de la lune et de l’air ou d’Indra. 4,641.

Lorsque Karna, fortement consumé des flèches du Prithide, n’eût pu vaincre ce fils de Prithâ, le brave, de qui le corps était en proie aux dards, tint son cœur dans une seule main. 4,642.

Il adapta sur son arc le trait de Çiva, flamboyant, à la tête de serpent, bien assemblé, terrible, aiguisé, aux nœuds inclinés et gardé un temps sans mesure pour la mort d’Arjouna. 4,643.

Karna à la force immense, levant son visage sur le Prithide, tira sa corde jusqu’à l’oreille, et encocha une flèche, toujours luisante, d’une grande splendeur, placée dans un carquois d’ivoire, où on l’avait déposée, remplie de sandal.

La tête enflammée, qui empruntait son origine de la famille d’Atrâvata, désirait enlever dans le combat celle de l’Ambidextre. Le ciel et ses plages flamboyèrent ; des météores ignés tombèrent par centaines. 4,644-4,645.

Aussitôt que le serpent fut appliqué sur l’arc, les gardiens du monde de s’écrier avec Indra : « Hélas ! hélas ! » Mais le fils du cocher ne s’apperçut pas que le serpent était entré dans sa flèche par la puissance de l’yoga. 4,646.

Dès que l’Immortel aux mille yeux eut vu l’infernal serpent s’incorporer avec le trait : « Mon fils est mort ! s’écria-t-il. » Mon corps fut agité par le tremblement ; et Djaladja, le fils de Kousouma, à la nature excellente, à l’âme vaincue, dit au souverain des Dieux : « La fortune est inconstante dans la victoire ! » 4,647.

Et le magnanime roi de Madra tint ce langage au terrible Karna, qui avait envoyé sa flèche : « Ce trait, Karna, n’atteindra pas au cou ; observe cela ; encoche un dard, qui tranche la tête. » 4,648.

Ce fougueux Adhirathide, les yeux teints par la colère, répondit au souverain de Madra : « Karna n’encoche pas deux flèches, Çalya ; des combats, qui ne sont pas francs, ne sont pas dignes de moi. » 4,649.

Quand il eut dit ces mots, il décocha avec effort son trait, honoré une multitude d’années, et, précipitant ses paroles, sire : « Tu es mort, Phâlgouna ! » s’écria-t-il, se hâtant pour la victoire. 4,650.

Envoyé par le bras de Karna et semblable au soleil ou au feu, cette flèche bien épouvantable, partie de sa corde, lancée de son arc, voyageant dans les airs, flamboya au milieu de l’atmosphère. 4,651.

Dès qu’il vit ce dard enflammé, soudain Mâdhava, en se jouant, à la hâte, frotta légèrement de son pied et fit entrer son magnifique char au sein de la terre. 4,652.

Couverts d’or et coulçur des rayons de la lune, les coursiers tombèrent des genoux sur le sol. 4,653.

Lorsqu’il eut vu Karna décocher le serpent, Mâdhava, le plus vigoureux des êtres vigoureux, monta à la force de ses pieds sur la voiture légère[160] ; 4,654.

Et, quand le char se fut englouti dans la terre, les chevaux s’affaissèrent sur les genoux[160]. 4,655.

Ensuite, éclata dans l’atmosphère un bruit immense pour applaudir le meurtrier de Madhou : des voix célestes parlèrent tout-à-coup ; une pluie de fleurs tomba du ciel, et des cris de guerre retentirent 4,656.

Après que le char se fut enfoncé forcément au sein de la terre, cette flèche alla frapper le bouquet de fleurs immortelles, donné jadis par Indra au sage 4,657.

Arjouna, ornement de sa tête, célèbre sur les mers, dans le ciel, dans l’atmosphère et sur la terre. Le fils du cocher lui enleva de la tête avec sa flèche cet assortiment de fleurs, qui avait la splendeur et l’éclat du feu, de la lune et du soleil, qui était orné de diamants, de pierreries, de perles et d’or. Fait avec effort par les pénitences de l’auguste Swayambhou lui-même pour Indra-Pourandara, œuvre de soucis et de labeur suprême, création de l’astra du tigre,

D’une forme richement travaillée, jetant la crainte au cœur des ennemis, infiniment aisée pour son maître, d’une exquise odeur, et que l’immortel souverain des Dieux lui-même donna à Kirîti, qui voulait détruire les ennemis des Dieux. 4,658-4,659-4,660.

Vrisha d’enlever violemment avec le serpent ce bouquet de fleurs, que n’auraient pu même atteindre les plus grands des Dieux, Çiva, le souverain des eaux, Akhandala et le suprême arbitre des richesses avec le Pinâka, le lacet, la foudre et les flèches les plus puissantes. 4,661.

Le fougueux reptile à l’âme méchante, à la science fausse, enleva de la tête d’Arjouna ce diadème merveilleux, admirable, fait d’or et de haut prix, 4,662.

Cher au monde, resplendissant, lumineux, couvert d’un rézeau d’or, enflammé par le feu du poison et très-épouvantable ; il tomba sur la terre, tranché par une flèche supérieure. 4,663.

Le magnifique diadème du Prithide tomba, comme le soleil au disque rouge s’incline au mont Asta. Le serpent ravit cette tiare, ornée de nombreuses pierreries, à la tête d’Arjouna, malgré lui : 4,664.

Ainsi la foudre de Mahéndra renverse la cime très-élevée d’une montagne, couverte d’arbres fleuris et de rejetons d’une belle venue ; de même que le vent réduit l’eau en poussière, élément terrible, qui est contenu entre le ciel, l’air ambiant et la terre. 4,665.

Alors un bruit excessif éclata dans les mondes, les peuples se plongèrent dans leurs pensées, et, troublés par la peur, ils chancelaient. Le Prithide sans diadème, brilla, jeune, au teint azuré, comme une cime élevée, où l’ombre a jeté la noirceur. 4,666.

Sans trouble, Arjouna d’enlacer ses cheveux avec un ruban blanc, et de resplendir alors d’une vaste lueur, tel qu’une haute montagne, dont les rayons du soleil environnent la tête. 4,667.

Le Gokama, décoché par le fils du Soleil avec un trait à la pointe bien luisante, enleva la tiare bien parée, dont il vit sa tête surmontée, ornement d’un fils du ciel et qui avait la splendeur des rayons éblouissants ; mais le guerrier, qui subit la fureur de l’arc Gokarna, ne tomba point sous la puissance de la mort dans la ville du Swarga, car l’heure n’en était pas arrivée pour lui. 4,668-4669.

Cette flèche de grande valeur et qui avait l’éclat du feu ou du soleil, envoyée par le bras de Karna, ce grand serpent qui avait une inimitié engagée avec Arjouna, enleva son diadème et passa outre son chemin. 4,670.

Quand il eut ravi cette aigrette d’Arjouna, quand il eut brûlé ce joyau admirable et d’or, le trait voulut revenir à la charge, et, sous un rapide regard, il adressa ces mots à Karna : 4,671.

« Je fus lancé par toi, Karna, mais avant que tu aies bien visé, et c’est pour cela que je n’ai pas enlevé la tête d’Arjouna. Décoche-moi une seconde fois dans le combat, après que tu auras bien ajusté, et j’aurai bientôt immolé cet homme, ton ennemi et le mien. » 4,672.

À ces mots : « Pourquoi ton excellence, dit le fils du cocher, a-t-elle pris cette forme terrible ? » Et le serpent lui répondit : « Sache que j’ai une vengeance à tirer d’Arjouna, et que ma haine est née de la mort de ma mère. 4,673.

» Il descendrait au palais du roi des morts, le Dieu, qui tient la foudre, s’il prenait lui-même sa défense. » 4,674.

« Serpent, Karna ne souhaite point, répartit l’Adhirathide, la victoire sur un ennemi, qui n’a pas embrassé la force. Je n’encocherai pas deux fois une flèche, reptile, puisque je puis tuer même une centaine d’Arjounas. »

Karna, le plus grand des fils du Soleil, dit encore au milieu du champ de bataille : « Moi qui ai créé l’astra du tigre avec les peines de l’esprit et les plus grands efforts, j’immolerai le fils de Prithâ. Retire-toi, la joie sur le visage ! » 4,675-4,676.

À ces paroles de Karna dans la bataille, le roi des serpents ne put dans sa colère supporter ce langage, et, s’étant revêtu de la forme d’une flèche, il s’avança de lui-même, grand, terrible et impatient de tuer. 4, 677.

Ensuite, Krishna dit au fils de Prithâ : « Ami, tue ce grand reptile, qui nous a déclaré la guerre ! » Et l’archer du Gândiva, capable de supporter la vigueur des ennemis, répondit à ces mots du meurtrier de Madhou : « Quel est ce serpent, qui vient aujourd’hui, brûlant de combattre, vers moi, qui suis la bouche de Garouda ! » 4,678-4,679.

« C’est, répondit Krishna, celui que tu laissas échapper par la voie des airs, sa mère couvrant son corps, le jour, où ton arc à la main, tu rassasias le feu dans le Khândava ; tu crus ne voir qu’une seule forme et tu immolas sa mère. 4,680.

» Se rappelant son ancienne inimitié, c’est pour ta mort, sans doute, qu’il désire te rencontrer ! vois-le, ô toi, qui supportes les ennemis, s’avancer vers toi, comme un météore de feu, qui tombe flamboyant des cieux. »

Djishnou avec six traits aigus au bon tranchant déchira le serpent, qui circulait autour de lui, plein de colère, et le flexueux animal, son corps en lambeaux, tomba du ciel sur la terre, de même qu’un oiseau arrêté dans son essor. 4,681-4682.

Dès que Kirîtri lui-même eut tué le serpent, ce plus excellent des hommes, le seigneur aux longs bras, majesté, eut bientôt retiré à la force des bras son char du sein de la terre, où il s’était plongé. 4,083.

Dans cet instant, Karna, le héros distingué parmi les hommes jetant à Dhanandjaya un regard de travers, le blessa de dix flèches aiguisées sur la pierre, dards, qui empruntaient leurs ailes à la queue des paons. 4,684,

Après qu’il eut débuté avec douze oreilles-de-sanglier aiguës et bien décochées, Arjouna lança un nârâtcha, grand, tiré jusqu’à l’oreille et d’une vitesse égale à celle des serpents, 4,685.

Habilement envoyée, lorsque cette flèche, la meilleure des flèches, eut déchiré sa cuirasse, comme si elle rejetait du corps les souffles de la vie, et qu’elle eut bu le sang de Karna, elle entra dans la terre ses ailes ointes de sang.

Irrité par la chute de ces flèches tel qu’un grand reptile, que le bâton fait se mouvoir, Vrisha aux mains agiles décocha des traits tout-puissants comme un serpent, riche de poisons, vomit son venin subtil. 4,686-4,687.

Avant qu’il n’eut fendu Djanârddana avec douze flèches, Karna de blesser Arjouna avec quatre-vingt-dix-neuf dards : de nouveau il l’atteignit avec un trait épouvantable, poussa un cri et se mit à rire. 4,688.

Le Pândouide ne put supporter sa joie, et instruit dans la science des articulations, lui qui avait le courage d’Indra, il le perça dans les membres avec des centaines de flèches et plus : tel Indra jadis accabla dans son conflit Bala de sa vigueur. 4,689.

Alors Arjouna d’envoyer à Karna quatre-vingt-dix traits, semblables au bâton de la Mort : le corps blessé de ces dards, il en fut ému comme une montagne, déchirée par la foudre. 4,690.

Ornement de sa tête, l’aigrette enrichie d’or, des plus rares diamants et des plus riches joyaux, tomba sur la terre, sous le coup des flèches de Dhanandjaya avec ses deux superbes pendeloques. 4,691.

Dans un instant, le Pândouide eut abattu en morceaux, avec des traits, le soleil de sa précieuse et incomparable cuirasse, à laquelle les plus habiles artisans avaient consacré un long temps le travail des plus grands efforts.

Quand il l’eut dépouillé de-sa cuirasse, il le fendit avec colère de quatre dards triomphants, acérés. Blessé par l’ennemi, celui-ci en fut extraordinairement agité, comme un malade, qui souffre de la bile, du phlegme de l’air et de la fièvre. 4,692-4,693.

Dhanandjaya défit à la hâte Karna et le frappa dans les membres de flèches nombreuses, supérieures, acérées, envoyées, lancées de son arc mis en cercle avec action, effort et vigueur. 4,694.

Blessé par ces traits à la pointe affilée, à la terrible vitesse, envoyées par la main du Prithide, Karna brillait comme une montagne, rougie par son métal d’or, qu’elle vomit en des cataractes aux ondes rouges. 4,695.

Puis, Arjouna le perça entre les seins de neuf flèches très-solides au vol droit, faites en fer, empennées d’or, semblables au bâton du Feu ou d’Yama, comme jadis le fils du Feu perfora le mont Kraûntcha. 4,696.

Après que l’Adhirathide eut répandu une multitude de flèches, et qu’il eut montré un arc égal à celui d’Indra, debout sur son char, sa connaissance faiblit, il chancela, seigneur, et, bien profondément blessé, la vigueur de son poing fut brisée. 4,697.

Le noble Arjouna, qui observait le devoir d’un homme de cœur, ne voulut pas le frapper dans le malheur ; et le frère mineur d’Indra lui dit avec empressement : « Pourquoi donc te montres-tu négligent, fils de Pândou ?

» Les sages n’attendent pas toujours le moment de leurs faibles ennemis, etc’est surtout quand il aplongé ses ennemis dans le malheur, que l’homme instruit accomplit son devoir et gagne la renommée. 4,698-4,699.

» Hâte-toi d’immoler, sans tarder, ce Karna, héros unique, qui fut toujours ton ennemi. Tue[161] le fils du cocher avant qu’il ne soit pas revenu à la puissance, comme Vishnou tua Namoutchi. » 4,700.

« Il en est ainsi ! répondit-il ; et il s’empressa d’honorer Djanârddana ; puis Arjouna, le plus excellent de tous les Kourouides, blessa Karna de traits supérieurs, tel que jadis le meurtrier de Gambara immola Bali. 4,701,

Kirîti couvrit de vatsadantas, Bharatide, Karna avec son char, avec ses chevaux ; et voila les plages du ciel avec des flèches à l’empennure d’or, lancées de tous ses efforts. Couvert de ces projectiles, l’Adhirathide avec sa poitrine large et potelée, resplendissait, comme une montagne de çâlmalis[162] de butéas et d’açokas, chargés de fleurs, accompagnés d’une forêt de sandal. 4,702-4,703.

Au milieu de ce combat, souverain des hommes, Karna brillait en son corps sous les nombreuses flèches lancées, tel qu’une haute montagne, embellie de caverneset de plateaux, hérissés d’arbres, revêtues de karnikarâsen fleurs.

Environné par les rayons des multitudes de flèches et lançant mille fois ses foules de traits, Karna brillait, couvert de sang, comme le soleil au disque de rayons rouges, qui tourne son visage vers le mont Asta. 4,704-4,705.

Envahissant les plages du ciel, les traits à la pointe aiguisée, envoyés par le bras de Dhanandjaya, firent tomber les flèches enflammées, semblables à de grands serpents, lancés du milieu des bras de l’Adhirathide. 4,706.

Quand Karna eut embrassé la fermeté, il décocha ses traits pareils à des serpents irrités ; il blessa le Prithide avec douze flèches et Krishna avec six autres en courroux, tels que des reptiles. 4,407.

Kirîti à la haute sagesse eut l’idée de lancer dans ce vaste combat à son rival une grande flèche au bruit immense et terrible, épouvantable, faite de fer au feu du venin des serpents, et composée d’un puissant astra.

La mort invisible se montra sous la forme d’un brahme irrité, parlant de la fin de l’Adhirathide : « La terre va dévorer sa roue ! » dit-il en ce moment arrivé de la mort de Karna. 4,708-4,709. •

À la suite de ces mots, périt mentalement cet astra, qu’avait donné le magnanime rejeton de Bhrigou, et la terre engloutit sa roue gauche, héros des hommes, l’heure de sa mort étant arrivée. 4,710.

Son char vacilla d’après la malédiction du plus excellent des brahmes, le fils du cocher fut troublé dans la guerre, sa roue entra dans le sein de la terre. 4,711.

Où elle se plongea, telle qu’un tchaîtya, infiniment bien fleuri, planté suivant les prescriptions des Védas. Le char ayant vacillé, selon cette malédiction du brahme, l’astra donné par Râma, cessant de briller, 4,712.

Et le Prithide ayant coupé cette terrible flèche, la tête de serpent, Karna tomba dans le découragement, et, ne pouvant supporter ses infortunes, il frappa dans ses mains et proféra des blasphèmes. 4,713.

« La vertu, disent continuellement ceux qui ont la science de la vertu, protège l’homme, qui fait d’elle son principal objet ; et nous, ne consacrons-nous pas tous nos efforts à la pratique de la vertu, suivant notre force, suivant nos facultés, suivant notre science ? 4,714.

» Eh bien ! Le devoir nous tue ! Il ne défend pas ses fidèles ; il ne les environne pas de sa protection ! » Et parlant aingi, le guerrier aux chevaux et au cocher vaillants, agité par la chute des flèches, que lançait Arjouna, 4,715.

Le corps relâché par les blessures imprimées à ses membres, blasphéma mainte et mainte fois le devoir au milieu de ses actes. 4,716.

Ensuite de trois flèches très-épouvantables, il blessa dans la bataille Khrisna à la main et de sept autres le Prîthide. 4,717.

Arjouna, suivant ses coups, décocha dix-sept traits horribles, au vol droit, à la fougue violente, pareils au feu et semblable à la foudre d’Indra. 4,718.

Lorsqu’ils eurent fendu l’ennemi, ces dards à l’effrayante vitesse tombèrent dans le sein de la terre ; et, l’âme ébranlée, Karna fit voir une action avec sa lance de fer.

S’appuyant sur la force, il décocha l’astra de Brahma ; et, à peine l’eût-il vu, Arjouna de charmer celui d’Indra. 4,710-4,720.

Quand ce fléau des ennemis eut enchanté le Gândîva, sa corde et ses traits, il vomit des grêles de flèches, comme Indra verse des pluies. 4,721.

Sortis de la voiture du Prithide, des traits à la grande vigueur et formés de splendeur, se manifestèrent vis-à-vis du char de Karna. 4,722.

Le vaillant Karna rendit vains ces dards lancés contre lui. Alors que cet astra eut péri, le héros de Vrishni tint ce langage :4,723.

« Décoche, Prithide, un astra suprême ; car Râdhéya dévore les flèches. » Et Dhanandjaya, aussitôt qu’il l’eût charmé, envoya l’astra bien terrible de Brahma. 4,724.

Puis lançant des traits, il en couvrit Karna, qui trancha sa corde de flèches, acérées et bien luisantes. 4,725.

Vrisha de couper le deuxième, le troisième, le quatrième, le cinquième, le sixième, le septième, le huitième, le neuvième, le dixième et le onzième trait d'Arjouna. Encochant cent dards, l’Adhirathide ne s’aperçut pas que son rival changeait cent fois de corde. 4,726-4,727.

Dès qu’il eut placé une autre corde à son arc, le Pândouide inonda Râdhéya de flèches enflammées, qui enlevaient les ennemis. 4,728.

Karna ne s’aperçut pas dans la bataille, ni qu’il avait coupé la corde de son rival, ni qu’Arjouna en posait une nouvelle, tant celui-ci avait de promptitude : ce fut comme une chose merveilleuse. 4,729.

Râdhéya par ses astras détruisait les astras de l’Ambidextre ; étalant sa vigueur, il la rendit même supérieure à celle du Prithide. 4,730.

Lorsqu’il vit Arjouna accablé par l’astra de Karna : « Approche ! dit Krishna au Prithide ; mets en œuvre un astra : marche ! » 4,731.

Quand le fléau des ennemis eut charmé une flèche céleste, terrible, faite avec l’essence de la pierre, semblable au feu, et pareille au venin des serpents, 4,732.

Ce héros, que son bouquet de fleurs ceint comme d’un diadème, encocha cet astra formidable, impatient de l’envoyer. Alors, sire, la terre engloutit la roue de Râdhéya. 4,733.

Celui-ci étant sauté promptement, en toute hâte à bas de son char, saisit entre ses deux bras sa roue et voulut l’arracher du sol. 4,734.

La terre aux sept continents avec ses bois, ses forêts, ses montagnes avait englouti jusqu’à la hauteur de quatre doigts cette roue, lancée avec vitesse par l’Adhirathide.

Râdhéya, de qui la roue était engravée, répandit des larmes de colère, et, regardant Arjouna, lui adressa cette parole irritée, 4,735-4,736.

« Là ! Là ! Prithide au grand arc ! Attends un instant que j’aie retiré cette roue du sol de la terre, où elle est enfoncée ! 4,737.

» Tandis que tu vois ma roue gauche entravée fatalement, fils de Prithâ, fais naître un perfide artifice en homme vil et sans instruction ! 4,738.

» Mais ne veuille pas entrer dans la voie d’un ignorant et d’un lâche ; tu es renommé, fils de Kountî, tu es supérieur dans les choses de la guerre. 4,739.

» Daigne faire une action plus distinguée, fils de Pândou, les héros, qui observent le vœu du bien, ne lancent pas leurs flèches sur un homme, qui, les cheveux épars, détourne sa tête du combat, ni sur un brahme, ni sur le faible, qui, la paume de ses mains réunies au front, s’incline sous leur protection, ni sur le soldat, qui, ses flèches déposées, Arjouna, les supplie, ni sur le guerrier sans traits, sa cuirasse échappée, toutes ses armes tombées, abimées. Toi, Pândouide, qui es le plus grand des héros dans le monde et l’observateur d’une conduite sage, 4,740-4,741-4,742,

» À qui sont connus les devoirs des batailles et qui a reçu le bain de l’avabhritha, dernier degré de la philosophie Védânta ; âme incommensurable, versée dans la science des astras célestes, égal dans la guerre à Karttavlrya. 4,743.

» Monté sur ton char, héros aux longs bras, ne veuille pas me combattre avec des armes inégales, tandis que je suis à pied sur la terre, occupé à retirer du sol cette roue engravée. 4,744.

» Je ne crains cela, fils de Pândou, ni du Vasoudévide, ni de toi ; car tu es le fils d’un kshatrya et le rejeton d’une grande famille. 4,745.

» C’est pourquoi je te parle, Pândouide ; aie donc un peu de patience[163]. 4,746.

Le Vasoudévide, placé sur son char, lui dit : « Heureusement Radhéya, tu te rappelles le devoir ; ordinairement les hommes vils, quand ils sont tombés dans les malheurs, accusent les Dieux ; mais cette mauvaise action n’est pas la tienne. 4,748.

» Le devoir ne combat point ici contre toi, Karna, parce que tu as conduit dans l’assemblée Draâupadl revêtue d’une seule robe, et Souyodhana avec toi, Douççâsana et Çakouni le Soubalide. 4,749.

» Quand Çakouni par sa science vainquit dans l’assemblée le roi Youdhishthira, qui ne savait rien par le témoignage de ses yeux, où était alors passé ton devoir ? 4,750.

» Quand les jours de l’exil furent écoulés, après treize années d’habitation au milieu des bois, tu ne lui rendis pas le royaume, où était alors passé ton devoir ? 4,751.

» Quand avec ton assentiment le roi Douryodhana infecta Bhîmaséna de serpents et de nourritures’ empoisonnées, où était alors passé ton devoir ? 4,752.

» Quand, dans Vâranâvati et la maison de laque, tu essayas de brûler les Prithides endormis, où était alors, Râdhéya, passé ton devoir ? 4,753.

» Quand tu t’es moqué dans l’assemblée, Karna, de Krishnâ, qui était dans son mois et placée sous la puissance de Douççâsana, où était alors passé ton devoir ? 4,754.

» Quand jadis tu souffris que des hommes vils, Râdhéya, accablassent de chagrins l’innocente Krtshnâ, où était alors passé«ton devoir ? 4,755.

» Les Pândouides ont péri, Krishnâ ; ils sont descendus à jamais dans le Naraka : choisis un nouvel époux ! » Et, parlant ainsi, Râdhéya, lu méprisas cette dame, qui avait la démarche d’un éléphant : où était alors passé ta vertu ?

Ensuite, désireux du royaume, Karna, tu provoquas les Pândouides. 4,756-4,757.

» Quand tu te mis sous la protection de Çakouni, où était alors passé ton devoir ? Quand de nombreux et fajneux héros, ayant environné Abhimanyou, frappèrent cet enfant au milieu du combat, où était alors passé ton devoir ? 4,758-4,759.

» Si ce devoir n’existe point ici, pourquoi se dessécher en quelque sorte le palais ? Tu as beau, cocher, établir ici les devoirs, tu ne seras pas délivré de mes mains, la vie sauve. 4,760.

» Poushkara ne remporta pas une seconde victoire sur lia, comme il avait dû le royaume à sa valeur, de même vous serez tous la proie du Prithide, sous la vigueur de son bras, vos désirs entièrement bouleversés. 4,761.

» Après qu’il eurent tués dans le combat les ennemis répandus avec les Somakas, les Dhritarâshtrides ont acquis le royaume, et c’est ainsi qu’ils seront arrivés à la mort, que leur donneront les lions des hommes, toujours défendus par le devoir. » 4,762.

À ces mots, que lui adressait le Vasoudévide, Karna, baissant la tête, Bharatide, ne répondit pas une seule parole. 4,763.

Ses lèvres tremblantes de colère, levant son arc, ce héros à la valeur d’une grande fougue combattit le fils de Prithâ, 4,764.

Le Vasoudévide alorsdit au vaillant Phâlgouna : «Fends-le avec un astra céleste, et renverse-le de son char, guerrier aux vastes forces. » 4,765.

À ce langage du Dieu, Arjouna de passer à la colère ; et, se rappelant ces terribles scènes, il se plongea en d’amers soucis. 4,766.

Des flammes, des splendeurs se manifestèrent sous les formes irritées de tous ses organes des sens : ce fut, sire, comme une chose merveilleuse. 4,767, Dès qu’il vit ce phénomène en Dhanandjaya, il fit tomber sur lui comme une pluie, l’astra de Brahma, et fit un nouvel effort afin de retirer la roue de son char plongée dans la terre. 4,768.

Le fils de Pândou et de Prithâ ouvrit des pluies de flèches, sur le héros à l’astra de Brahma, et, couvrant son charme par un autre, il le frappa de ses coups. 4,766.

Ensuite le Kountîde, ayant visé l’Adhirathide, envoya un nouvel astra cher au feu, et celui-ci flamboya de splendeur. 4,770.

Karna éteignit le feu avec le charme de Varouna, il couvrit de nuages et de pluies ténébreuses toutes les plages du ciel 4,771.

Sans trouble, le vigoureux Pândouide écarta ses nuées sous les yeux de Râdhéya, avec l’incantation du vent. Brûlant de tuer le fils de Pândou, l’Adhirathide prit une flèche d’une grande épouvante, telle que le feu flamboyant. 4,772-4,773.

Il honora son arc, il encocha ce trait, et la terre vacilla, sire, avec ses bois, ses forêts et ses montagnes. 4,774.

Le vent souilla, soulevant les guérets ; les plages du ciel furent enveloppées de poussière et les lamentations de hélas ! hélas ! éclatèrent dans le firmament parmi les Dieux. 4,775.

Dès qu’ils virent ce trait encoché par le fils du cocher, vénérable Bharatide, les Pândouides, l’âme consternée, tombèrent dans le plus grand accablement, 4,776.

Lancée par le bras de Karna, la flèche à la pointe acérée, d’une splendeur égale à la foudre d’Indra, arrivée au but, entra au milieu des bras de Danandjaya, comme le plus grand des serpents dans une fourmillière. 4,777.

Profondément blessé, vacillant, le magnanime Bîbhatsou, le meurtrier des ennemis, laisse échapper le Gândîva à son bras affaibli, et chancelle, de même que tremble une haute montagne de la terre. 4,778.

Dès qu’il eut obtenu cet avantage, Vrisha le grand héros, désirant arracher sa roue enfoncée dans la terre, saisit l’orbe de ses deux bras et ne put y réussir, quoique doué d’une grande vigueur, car le Destin le voulait ainsi.

Arjouna-Kirîti, ayant repris sa connaissance, s’arma d’une flèche, semblable au bâton d’Yama ; et le vigoureux Vasoudévide tint ce langage au fils de Prithâ, les mains réunies à son front : 4,779-4,780.

« Tranohe d’une flèche la tête de ton ennemi, avant que Vrisha ne soit remonté dans son char ! » Et, après qu’il eut honoré cette parole du maître, celui-ci prit un trait en rasoir, flamboyant. 4,781.

Il frappa la ceinture, couleur du soleil sans tache, qui flottait sur le grand char, dont la roue était plongée dans la terre, ce drapeau, la plus excellente des ceintures au dos fait de diamant, de pierreries, de perles et d’or, admirable, élégant, d’or, exécuté par une réunion des plus grands artisans, qui possédaient la suprématie dans les choses de leur profession ; abri de la victoire pour ton armée, égale au soleil, inspirant la crainte aux ennemis, douée d’une forme digne d’éloges, semblable en splendeur dans le monde au feu, à la lune, au soleil. Ensuite, avec un kshourapra bien aiguisé, à l’empennure d’or, à la lumière du feu, où l’on verse une oblation,

Kirîti broya le drapeau, enveloppé d’une prospérité flamboyante, du grand héros Adhirathide : cet étendard portait attachées autour de lui toutes les choses heureuses, l’orgueil et la gloire. 4,782-4,783-4.784-4,785.

Avec cette enseigne tombèrent les cœurs des Kourouides. Une grande lamentation de : « Hélas ! » s’éleva quand on vit ce drapeau abattu, coupé dans le combat par le fameux héros des Kourouides aux mains agiles. 4,786.

Tous ceux, qui étaient les tiens, Bharatide, n’espérèrent plus la victoire pour le fils du cocher. Le Prithide tira à la hâte de son carquois un anjalika, semblable au bâton du feu ou à la foudre de Mahéndra, et tel que le plus grand rayon de l’astre aux mille rayons, très-précieux, tranchant les articulations, oint de sang et de chair, pareil au soleil ou au Viçvanâride ; 4,787-4,788.

Enlevant les existences des chevaux, des éléphants, des hommes et des Asouras, long de trois coudées, muni de six ailes, au vol rapide, à la fougue impétueuse, d’une vigueur pareille au tonnerre du Dieu aux mille yeux, extrêmement épouvantable comme la gueule béante de la mort. 4,789.

Le Prithide, que n’auraient pu arrêter les armées des Dieux mêmes, prit avec joie sa flèche, digne de l'arc Pinâka, pareille au tchakra de Nârâyana, effrayante, destructive de tous ceux, qui ont reçu l’existence. 4,790.

Dès qu’il vit irrité dans le combat, l’homme à jamais adoré, de qui la grande flèche détruirait les Asouras et les Dieux mêmes, l’univers entier avec ses êtres immobiles et mobiles trembla. 4,791.

« Le salut soit au monde ! » s’écrièrent les rishis, aussitôt qu’ils le virent déployer ses efforts dans ces grands combats. Ensuite, l’archer du Gândîva encocha sur l’arc son trait sans mesure. 4,792.

Il l’associa avec un astra grand et supérieur ; il tira son arc Gândîva, et prononça à la hâte ces paroles : « Aussi vrai que j’ai pratiqué la pénitence, satisfait mes gourous, et n’ai pas fermé l’oreille aux désirs de mes amis, que cette longue flèche ennemie, détruisant l’existence du corps et du cœur, et que j’envoie avec un puissant astra, immole Karna, mon vigoureux ennemi, malgré la protection, qui l’environne ! » 4,793-4,794.

En disant ces mots, il envoya son horrible trait pour la mort de Karna ; acte enflammé, intolérable dans la guerre à la mort elle-même, aussi terrible qu’un fait d’Angirasou d’Atharvan ! 4,795.

Kirîti surexcité, impatient de tuer, lui parla ainsi : « Que cette flèche lancée par moi m’apporte la victoire ! Que portant une puissance égale au soleil et à la lune, elle conduise Karna chez Yama ! » 4,796.

Brûlant de teindre ses mains dans le sang et les formes exaltées, le héros cruel, qui a pour diadème un bouquet de fleurs, attacha l’ennemi avec ce trait vigoureux, apportant la victoire et d’une splendeur telle que le soleil ou la lune, 4,797.

Lancé par ce robuste guerrier, le dard à la lumière du soleil illumina le ciel et tous les points de l’espace. Ensuite il lui enleva la tête, comme jadis Mahéndra avec la foudre, ravit celle de Vritra. 4,798.

Le soir de ce jour, le Prithide enfant de Mahéndra, sire, coupa la tête au fils du Soleil avec un andjalika, la plus grande des flèches, charmée par une puissante incantation.

Tranchée par cet andjalika, sa tête tomba d’abord, et son corps la suivit dans sa chute. Ayant une splendeur égale au soleil élevé sur l’horizon, semblable à l’astre radieux, parvenu au milieu du ciel dans un jour de l’automne, 4,799-4,800.

Sa tête tomba sur la terre, vis-à-vis de l’armée, comme le soleil aux rayons rouges, arrivé à son couchant. L’âme, qui fut associée aux plus grands des demi-Vasous, déserta, nouvelle infortune, la tête, son noble palais, et le corps, à la haute stature de l’éblouissant Adhirathide. Le corps infiniment élégant, toujours habitué au plaisir, de ce guerrier aux grandes actions, croula sans vie, mutilé par les flèches. 4,801-4,802.

La plaie saigna, comme la haute cime d’une montagne verse un ruisseau d’une eau d’or sous un coup de la foudre et la splendeur passa du corps de Karna, étendu mort, dans le soleil au milieu des airs. 4,803.

Aussitôt que Karna eut succombé, tous les hommes qui combattaient, virent cette merveille ; et les Pândouides remplirent de vent leurs conques, dès qu’ils eurent vu Râdhéya tomber sous les coups de Phâlgouna. 4,804.

De même, Krishna, Dhanandjaya et les deux jumeaux, pleins de joie, soufflèrent dans leurs conques, filles des eaux : les Somakas, quand ils virent le héros couché mort, poussèrent des cris de guerre avec les armées. 4,805.

Ils battirent à toute force les instruments de musique, ils agitèrent joyeux leurs bras, ils secouèrent leurs habits ; et les monarques guerriers, au plus haut degré de la joie, se rassemblèrent autour du Prithide le comblant d’éloges. 4,806.

Les uns, doués de force, dansaient et, s’embrassant l’un l’autre ou criant ils s’entretenaient de cette prouesse, à la vue de Karna tué, abattu de son char sur la terre et mutilé sous les flèches d’Arjouna, 4,807.

Tel qu’une montagne renversée par un vent impétueux ou comme le feu d’un sacrifice. La tête coupée de Karna brillait de même que le disque du soleil arrivé à son couchant. 4,808.

Quand ce héros, de qui les rayons des flèches égalaient les rayons du soleil, eut brûlé dans le combat l’armée P&ndouide, la mort, qu’il reçut de Kirîti, ne permit pas à ce soleil d’or de parvenir à son Asta avec la fin du jour. 4,809.

Tous ses membres couverts de flèches, arrosés par des ruisseaux de sang, le corps de Karna brillait, comme le soleil de ses rayons. 4,810.

Quand il eut consumé l’armée ennemie avec des flèches aux pointes enflammées le soleil de Karna fut conduit à son couchant par le temps puissant sous la forme d’Arjouna. 4,811.

Comme le soleil en allant au couchant s’en va emportant la lumière, ainsi alla la flèche emportant la vie de Karna. 4,812.

De Karna errant, l’après-midi, ô vénérable, la tête coupée par un Andjalika[164] dans le combat tomba avec le corps. 4,813.

Au-dessus des soldats de cet ennemi, la flèche emporta rapidement la tête de Karna avec le corps. 4,814.

À la vue du héros tombé à terre, le corps criblé de flèches, couvert de sang et étendu sur le sol, le roi de Madra partit avec son char dont l’étendard était déchiré. 4,815.

Karna tué, les Kourous se mirent à fuir talonnés par la crainte et grièv ement blessés dans le combat, regardant de temps en temps la grande bannière d’Arjouna, brillante par sa forme. 4,816. La tête de celui qui fait des actions pareilles à celles d’Indra, au visage beau comme celui d’Indra, tomba à terre, comme l’astre aux mille rayons à la chute du jour[165]. 4,817.

Aussitôt que Çalya vit Karna, jeté à terre sous les coups de Kirîti, l’armée tremblante et ses formes consternées, il se retira sur son char au cortège mutilé, l’Adhirathide ayant succombé avec ses suivants. 4,818.

Lorsqu’il eut vu les armées broyées sous les flèches dans ce combat de Karna et d’Arjouna, le souverain de Madra, plongé en de profonds soucis, s’enfuit sur son char, qui avait perdu son cortège. 4,819.

À l’aspect de Karna immolé et de l’armée sans chevaux, sans éléphants, avec des chariots renversés, Douryodhana se tenait, les yeux noyés de larmes, maintes et maintes fois affligé, les formes abattues, privé des coursiers généreux.

Les uns, désirant le voir, formaient un cercle volontaire autour de Karna, couché sur la terre, couvert de flèches, les membres oints de sang, comme autour du soleil même, descendu sur la terre. 4,820-4,821.

Les autres étaient exaltés, tremblants, abattus, frappés d’étonnement, et pour ainsi dire, tués par le chagrin ; ceux-là entre les tiens étaient suivant ce que la nature de chacun d’eux le voulait dans les uns et les autres. 4,822.

Les Kourouides, qui avaient perdu leurs chefs, ayant appris que Dhanandjaya avait immolé Karna à la grande force et détruit ses armes, ses parures, ses ornements et sa cuirasse, fuyaient comme des buffles dans un bois désert. 4,823.

Bhîma, jetant alors un cri épouvantable, ébranla le ciel et la terre ; il répandit la terreur au milieu des Dhritarâshtrides, après la mort de Râdhéya, en battant ses bras, et par ses bonds, et par sa danse, 4,824.

Les Somakaset les Srindjayas remplirent de vent leurs conques, sire ; et tous les Kshatryas avec des formes joyeuses s’embrassèrent les uns et les autres, alors que l’Adhirathide fut tombé mort. 4,825.

» Arjouna a fait une grande boucherie, et Karna lut tué, comme un éléphant par un lion ! disaient-ils ; cet homme éminent a rempli sa promesse, et le fils de Prithà est arrivé à la fin de cette guerre ! » 4,826.

Le roi de Madra, l’âme en délire, s’était enfui précipitamment sur un char dépouillé de son drapeau ; et, venu en présence de Douryodhana, il tint ce langage, sire, avec douleur et baigné de larmes : 4,827.

« Tes chevaux, tes éléphants, tes grands guerriers, tes chars sont en pièces ; ton armée est semblable au royaume d’Yama, s’étant attaquée elle fut immolée par de grands héros, des chevaux et des éléphants pareils à des cimes de montagnes, 4,828.

» Il n’y eut jamais, Bharatide, un combat tel que fut celui de Karna et d’Arjouna. Affrontés par Râdhéya, les deux Krishnas et tous ceux, qui furent tes ennemis, ses armes les ont dévorés. 4,829.

» Le Destin, pour sûr, est sous la puissance du Prithide, car il protège les fils de Pândou et sévit contre nous ! Les ennemis ont tué avec violence tous les héros, par qui la prospérité de tes affaires est conduite au succès. 4,830.

» Les Pândouides ont fait mordre la poussière dans le combat à des monarques très-braves, souverain des hommes, que le courage, l’héroïsme, la force et l’énergie unissaient à des masses de telles ou telles qualités diverses, qui étaient pleins d’amour pour tes affaires, qui ressemblaient à des Immortels, et qui avaient une puissance égale à celle de Kouvéra, d’Yamaet d’Indra. Ne t’en afflige point, Bharatide, c’est la volonté du Destin, console-toi ! le succès n’est pas toujours constant. »

Quand il eut entendu ce langage du souverain de Madra et considéré sa conduite en lui-même, Douryodhana, l’âme consternée, soupira maintes et maintes fois, l’esprit égaré, ses formes consternées. 4,831-4,832-4,833.

» Dans ce carnage d’Arjouna et de Karna, en ce jour terrible, quel fut, s’enquit, Dhritarâshtra, l’aspect de l’armée des Kourouides et des Srindjayas dispersée consumée, broyée sous les flèches ? » 4,834.

Écoute avec attention, sire, comment fut cette grande, lui répondit Sandjaya, cette épouvantable boucherie de corps humains, cette destruction des plus excellents guerriers. 4,835.

Parce que Dhanandjaya, après qu’il eut tué Karna, jeta son cri de guerre, une profonde terreur entra alors, sire, dans le cœur de tes fils. 4,836.

Karna mort, ton guerrier ne pensa jamais, ni à s’approcher des armées, ni à mettre sa confiance dans un prompt courage, comme un marchand ne la met pas dans son vaisseau rompu au milieu de la tempête d’une mer profonde. Voyant que Kirîti leur a brisé cette île, les autres désirent le rivage ultérieur. 4,837-4,838.

Tremblants, après la mort de l’Adhirathide, blessés par les flèches, sans protection, ils appellent un protecteur, et fuient de même que des gazelles harcelées par des lions. 4,839.

Tels que des taureaux, dont les cornes sont brisées ou comme des serpents, à qui l’on a rompu les dents, nous nous dispersâmes à ces heures du soir, vaincus par l’Ambidextre, 4,840.

Renversés, mutilés par les flèches acérées, nos plus grands héros abattus, l’Adhirathide couché mort, sire, tes fils s’enfuirent de peur. 4,841.

La cuirasse et les armures défensives tombées, sans âme, ne sachant plus vers quelle plage du ciel se diriger, ils se regardaient, tourmentés par la peur et se broyant les uns les autres. 4,842.

« Soutiens mon coup ! » disait Arjouna. « Supporte le mien ! » criait Bhîmaséna, en approchant ; et les enfants de Manou, tombaient, ou se desséchaient d’épouvante. 4,843.

De grands héros, montant, pleins de rapidité, sur leurs chevaux, sur les éléphants, sur leurs chars, abandonnaient de crainte les fantassins. 4,844.

Les chars étaient broyés par les éléphants, les cavaliers, les grands héros ; les bataillons de fantassins par les escadrons de cavalerie fuyant, talonnés par la crainte. 4,845.

Tes guerriers, sire, étaient, après la mort de l’Adhirathide, comme une caravane dénuée de ressources dans un bois rempli de tigres et de voleurs. 4,846.

Le monde semblait formé de Prithides aux yeux de tous les hommes, en proie à la crainte, remplis de cavaliers tués, et d’éléphants aux trompes coupées. 4,847.

Lorsqu’il les vit tous courir abattus par la crainte de Bhîmaséna, lorsqu’il vit là tous ces guerriers dispersés par milliers, 4,848.

Douryodhana, commençant par jeter des lamentations, tint ce langage à son cocher : « Le Prithide ne m’échappera point, à moi, qui suis de pied ferme, et qui tiens mon arc à la main ! 4,849.

» Il a frappé toutes les armées… Aiguillonne la lenteur de tes chevaux. Je tuerai, il n’y a pas de doute, le fils de Kountî, engageant le combat avec moi ! 4,850.

» Il n’a pu me surmonter, comme la grande mer ne peut inonder son rivage. Aujourd’hui je ferai mordre la poussière à Arjouna, accompagné de Govinda, de l’orgueilleux Vrikaudara, de tous mes ennemis survivants, et j’acquitterai la dette de Karna. » Dès qu’il eut ouï ce langage du roi des Kourouides, paroles dignes d’un noble héros, 4,851-4,852.

Le cocher excita la lenteur de ses chevaux couverts d’or. Vingt-cinq mille hommes réduits à pied, les tiens, vénérable monarque, dépourvus d’éléphants, de chevaux et de chars, se tenaient de pied ferme pour le combat. Bhîmaséna avec colère et Dhrishtadyoumna le Prishatide, les ayant enfermés dans une armée en quatre corps, les frappaient de leurs flèches. Ceux-ci résistèrent dans le combat à Bhîmaséna et au Prishatide. 4,853-4,854-4,855.

Les autres alors reçurent les deux noms du Prithide et de Dhrishtadyoumna. Bhîma s’irrita dans la bataille contre eux, rangés de pied ferme. 4,856.

Descendu précipitamment de son char, sa massue à la main, Vrikaudara les combattit, se confiant à la force de ses bras ; le fils de Kountî ne voulut pas les combattre, monté sur un char, eux qui étaient à pied sur la terre. Il prit sa grande massue, couverte d’or, 4,867-4,858.

Et se mit à frapper sur tous les tiens, comme la Mort, son bâton à la main. Ces nouveaux fantassins eux-mêmes faisant le sacrifice de leur précieuse vie, 4,869.

S’élancèrent sur Bhîmaséna dans le combat, tels que des sauterelles courent à la flamme. Irrités, ivres de la cruelle ivresse des combats, à peine se furent-ils approchés et eurent-ils vu Bhîma semblable à la mort, ces agrégats des éléments périrent soudain. Sa massue à la main, ce héros à la grande force courait à la ronde comme un faucon. 4,860-4,861.

Il broya ces vingt-cinq mille des tiens ; et, quand il eut immolé cette armée des hommes de pied, Bhîma au courage infaillible, à la grande vigueur, se tint là sous les ordres de Dhristhadyoumna. Le vigoureux Dhanandjaya s’approcha de l’armée des chars. 4,862-4,863.

Les deux fils de Madrî s’avancèrent vers Çakouni, et le fameux héros Sâtyakide courut joyeux avec rapidité, détruisant l’armée de Douryodhana. 4,864.

Quand il eut tué dans cette bataille avec ses flèches acérées des hommes de cheval en bien grand nombre, ceux-ci accoururent à la hâte ; ce fut alors un vaste combat. Dhanandjaya lui-même, s’étant approché, seigneur, de ton armée des chars, tira l’arc Gandîva, célèbre dans les trois mondes. 4,865-4,866.

Dès qu’ils virent s’avancer le char aux blancs coursiers, qui avait Krishna pour son cocher et Arjouna pour combattant, les tiens s’enfuirent de crainte. 4,867.

Déchirés à la ronde par les flèches et privés de chars, la mort vint trouver les vingt-cinq mille hommes réduits à pied.

Quand il les eut tués, on vit bientôt le tigre des hommes, le fameux héros des Pântchâlains Dhrishtadyoumna, au grand cœur, le fils du roi des Pântchâlains ayant donné le premier rang à Bhîmaséna, et favori de la fortune, porteur d’un grand arc et destructeur des bataillons ennemis. 4,808-4,869-4,870.

Lorsque les tiens virent Drishtadyoumna aux chevaux couleur de la colombe, au drapeau fait d’un ébénier, ils s’enfuirent d’épouvante. 4,871.

Bientôt on vit apparaître avec le Sâtyakide, les deux enfants de Mâdrî à la haute renommée, Tchékitana, Çikhandî et les Draâupadéyains, respectable souverain, qui suivaient les pas du roi Gândhâra au rapide astra. Quand ils eurent immolé ton immense armée, ils remplirent de vent leur conque. 4,872-4,873.

Dès qu’ils virent tous fuir, les tiens eux-mêmes tournant le dos, ils s’approchèrent, comme un taureau, qui a vaincu des taureaux irrités. 4,874.

Aussitôt que le vigoureux Pândouide, l’Ambidextre, sire, vit ce qui restait de ton armée rangé de pied ferme, il s’enflamma de colère. 4,875.

Le robuste Dhanandjaya de s’avancer vers l’armée des chars, et de tirer l’arc Gândîva célèbre dans les trois mondes. Soudain, il la couvrit d’une multitude de flèches ; et l’on ne distingua plus rien dans l’obscurité produite. 4,877-4,876.

Tes guerriers, puissant roi, couraient tous d’épouvante au milieu de ce monde enveloppé de ténèbres et sur le sein de la terre environné de poussière. 4,878.

Dans ton armée rompue, souverain des hommes, le roi des Kourouides, ton fils, hâtait ses pas au milieu des ennemis, qui lui montraient le visage. 4,879.

Ensuite Douryodhana célébra envers tous les Pândouides le sacrifice du combat, comme Bali jadis l’offrit à l’égard des Dieux. 4,880.

Poussant des cris, ils coururent de concert sur lui ; irrités, portant différentes armes, ils répandirent sur lui maintes et maintes fois la menace. 4,881.

Alors, sans en être ému, Douryodhana les frappa avec colère dans le combat de ses flèches acérées, par centaines et par milliers. 4,882.

Il combattit de tous côtés l’armée des Pândouides : nous vimes en ce moment le merveilleux courage de ton fils. 4,883.

Car seul il engagea cette bataille avec tous les Pândouides rassemblés. Ce magnanime, vit dans cet instant son armée plongée dans une profonde douleur. 4,884.

Ton fils, qui avait acquis la connaissance de son devoir, les raffermit, Indra des rois, et tint ce langage à tous les guerriers pour fortifier leur cœur : 4,885.

» Je ne vois pas un lieu, où vous puissiez aller, tourmentés par la crainte, où, une fois arrivés, vous puissiez trouver la délivrance du Pândouide ? À quoi bon courez-vous donc ? 4,886.

» Leur armée est petite et les deux Krishnas sont gravement blessés ; pour sûr, aujourd’hui, je les tuerai tous, et j’obtiendrai la victoire. 4,887.

» Une autre raison, c’est que les Pândouides, ayant suivi ceux qui ont commis des fautes, qui ont poussé leur fuite plus avant, les tueront, et la mort est ce qu’il y a de mieux pour nous dans la guerre. 4,888.

» La mort est le fruit ordinaire des batailles : que l’on combatte en remplissant le devoir du Kshatrya. Le mort ne sent plus la douleur : une fois qu’il n’est plus, il jouit de l’immortalité. 4,889.

« Écoutez, Kshatryas, vous tous, en tant que vous êtes ici rassemblés, le guerrier, semblable à la mort, tue également le brave et l’homme timide. 4,890.

» Quel héros, tel que moi et qui a prononcé le vœu du Kshatrya, n’engagerait pas, à moins qu’il ne soit un insensé, un combat avec les ennemis ? Irez-vous sous la puissance de Bhîmaséna irrité ? 4,891.

» Ne veuillez pas abandonner le devoir suivi par nos aïeux ! il n’existe aucun parti plus vil pour un Kshatrya que la fuite. 4,892.

» Il n’est pas de route au Swarga, Kourouides, meilleure que le devoir du combat. Bientôt, couchés morts, guerriers, vous obtiendrez les mondes fortunés ! »

Tandis que ton fils parlait ainsi, les hommes de guerre, couverts de blessures, sans considérer ce langage, fuyaient à la ronde, à tous les points de l’horizon. 4,893-4,894.

Alors que ton fils cherchait à faire retourner l’armée sur ses pas, le souverain de Madra, ses formes tremblantes, l’âme toute égarée, adressa à Douryodhana ces paroles :

« Vois ce champ de bataille horrible par ces éléphants, ces chevaux et ces guerriers, tout rempli par des centaines de héros et par ces Proboscidiens renversés, pareils à des montagnes, enivrés une seule fois pour toujours et le corps fendu par les flèches, 4,895-4,896.

» Palpitants, la vie exhalée, les cimeterres, les boucliers, les armes et les cuirasses tombés, comme de très-hautes moutagnes renversées par le foudre, avec leurs rochers, leurs grands arbres et leurs simples, 4,897.

» Inondés par des ruisseaux de sang, couverts de filets d’or ; par des drapeaux, des leviers de fer, des crocs, des sonnettes en grand nombre, par des chevaux abattus, déchirés de flèches, soupirant,, affligés, vomissant des flots de sang ; 4,898.

» Par des combattants, qui ont abandonné leurs éléphants et leurs chevaux ; par des troupes de héros et de chars, rejetés de la force, gémissant avec tristesse, tournant les yeux, mordant la terre et criant d’une manière lamentable. 4,899.

» Telle que la Vaîtaranî, la terre semble manquer par les éléphants mutilés, la vie presque exhalée, par des membres de guerriers et de Proboscidiens, palpitants, tombés sur le sol, 4,900.

» Les défenses brisées, tremblants, le sang vomi, tristes, criant d’une manière misérable ; par des étendards, des guidons, des carquois rejetés, par des attaches, des jougs et des roues en pièces, 4,901.

» Par des ennemis frappés, le front tourné au combat, des fantassins, des guerriers illustres, des chevaux, des chars, des éléphants, couverts d’une multitude de grandes voitures, criblés de coups, revêtus de filets d’or, comme avec des nuages. 4,902.

» La terre est cachée, de même que sous des feux éteints, par des armes, des vêtements, des parures, des cuirasses brisées, par des hommes aux vastes forces, immolés sous le coup des flèches, et que l’on voit tomber à milliers. 4,903.

» La terre est couverte, comme de splendeurs non interrompues, par de grands héros, des Kourouides et des Srindjayas immolés, les membres fendus par les traits d’Arjouna etde Karna, la connaissance éteinte, et poussant maints soupirs : telle, pendant le nuit, la terre se couvre de planètes célestes, très-lumineuses, pures, enflammées, tombées du firmament.

Les dards, lancés par le bras de Karna et d’Arjouna ; après qu’ils ont fendu les corps des éléphants, des chevaux, des hommes, 4,904-4,905.

» Et enlevé les existences, se plongent dans la terre, comme de grands serpents aux replis sinueux entrent dans leur tannière. La terre présente[166] un aspect impraticable par les flèches de Dhanandjaya et de l'Adhirathide, par les guerriers, les chevaux et les éléphants tués dans le combat, et par les hommes, Indra des hommes, abattus sous les dards, par les chars broyés sous les excellentes flèches aux bonnes propriétés, par les traits et par les soldats, par les drapeaux et les meilleures armes,

« Par les attaches brisées, les cordes coupées, les parties essentielles du char, les jougs, les roues et les cycles mis en pièces, par les traits et les appareils de guerre déposés, par les liens, les carquois et les caisses de voitures renversées. 4,906-4,907-4,908.

« Tel que le ciel est ombragé de nuages en automne, telle la terre brille, couverte d’or et de pierreries.de sièges brisés, de coursiers rapides entraînés çà et là, de chevaux immolés,de chars bien équipés, 4,909

« De monceaux d’éléphants, de chevaux, de guerriers et de chars. Précipités rapidement nombre de fois et mis en poudre, les massues aux étoffes d’or, les haches, les tridents aigus, les moushalas et les maillets d’armes,

« Les cimeterres luisants, tirés du fourreau, les pilons revêtus d’étoffes d’or, les arcs ornés de bracelets d’or et les flèches aux empennures admirables d’or tombaient, 4,910-4,911.

« Ainsi que les sabres jaunes, nus, sans tache, les traits barbelés aux fûts brillants d’or, les ombrelles, les chasse-mouches et les éventails, les empennures coupées, éparses, les bouquets variés, 4,912.

« Les couvertures d’éléphants aux différentes couleurs, les ornements des robes et les drapeaux, les tiares, les bouquets, 4,913.

« Les riches bracelets, les armilles de topazes, les niskas et les colliers, les élégants fils d’or, les plus rares pierreries, les perles, l’or et les diamants, les joyaux divers et fortunés, 4,914.

« Ainsi que des corps, accoutumés à des plaisirs infinis, des têtes au visage semblable à la lune, des cadavres, qui ont abandonné leurs jouissances, leur suite et leurs ravissantes voluptés. 4,915.

« Obtiens le grand séjour destiné aux hommes, qui remplissent les devoirs de ta caste ; obtiens de la gloire ces mondes dont l’heure est arrivée pour toi : reviens, Douryodhana ; va, sire, et toi, qui donnes l’honneur, va à ton camp retrouver tes guerriers. 4,916.

« Voici le soleil qui descend vers l’horizon, seigneur ; sois de nouveau ici la cause d’un nouveau combat. » Dès qu’il eut parlé ainsi à Douryodhana, Çalya, l’âme enveloppée de chagrin, mit fin à son discours. 4,917.

Tous les Indras des hommes, sous la conduite du fils de Drona, soupirant maintes et maintes fois, s’avancèrent vers lui, affligés, la connaissance perdue, les yeux noyés de larmes, et gémissant : « Hélas ! Karna ! Hélas, Karna ! » 4,918.

Ils contemplent de leurs regards souvent répétés le vaste drapeau d’Arjouna, flamboyant de renommée, et la terre, ainsi arrosée du sang sorti du corps des éléphants, des chevaux, des guerriers, 4,919.

Et qui, accessible à tous, sire, porte des formes toutes couvertes de sang et ressemble à une Dame illustre, parée d’or, d’un bouquet de fleurs et d’une robe cramoisie. Dans le temps que brillait au plus degré cette heure terrible, 4,920.

Les Kourouides, se voyant tous envoyés au monde des Dieux, ne tinrent pas de pied ferme. Affligés par la mort de l’Adhirathide et gémissant : « Hélas, Karna, Karna, Karna ! » 4,921.

Voyant rougir l’astre du jour, sire, ils s’avancent rapidement vers leur camp. Le soleil à la guirlande de rayons brillait dans cette bataille, où Karna a succombé, comme s’il avait lui-même le corps couvert des flèches aiguisées sur la pierre, envoyées par le Gândîva, empennées d’or aux ailes ointes de sang. Dès que l’adorable soleil, plein d’amour et rempli de compassion, eut touché de ses rayons le corps de Karna oint, arrosé de sang, il s’en alla, désirant se baigner, les formes rougies par le sang, se plonger dans la mer plus éloignée. Et, ce disant, les chœurs des Dévarshis s’en retournent dans leur palais, comme ils étaient venus[167]. 4,922-4,923-4,924.

Les hommes, après un instant de réflexion, se répandirent, et dans les airs, et sur la surface de la terre. Le combat des mortels fut épouvantable, merveilleux, lorsqu’ils eurent mis la bataille entre les deux plus grands héros des Kourouides, Dhanandjaya et l’Adhirathide. Les peuples s’avancèrent alors pleins d’admiration et l’éloge à la bouche. 4,925-4,926.

La beauté des louanges ne manqua pas même à Râdhéya, quoique sa cuirasse fût déchirée par les flèches, que ses vêtements fussent arrosés de sang et qu’il eût perdu la vie. 4,927.

Toutes les créatures de regarder comme vivant ce héros, semblable à l’or passé au feu et qui avait l’éclat du soleil ou de la flamme. 4,928.

Les combattants tremblèrent de tous côtés, grand roi, dans la guerre du fils du cocher, tout immolé qu’il fût, comme des gazelles mêmes après la mort d’un lion.

Ce tigre des hommes quoiqu’il fut abattu, était regardé comme toujours vivant ; et la mort de ce magnanime n’apporta pas le moindre changement. 4,929-4,930.

Ce héros avait une robe magnifique ; sa tête soutenait une tiare superbe, et le visage de l’Adhiratide avait une splendeur égale à la pleine lune. 4,931.

Le fils du Soleil paré d’ornements divers, sire, et de bracelets d’un or passé au feu, gît, étendu mort, tel qu’un fantassin sommeille, son javelot à la main, 4,932.

Ou comme l’or le plus précieux, ou de même que le soleil flamboyant. Le tigre des hommes est couché inerte sous les flèches du Prithide. Comme l’eau 4,933.

Éteint le feu enflammé, ainsi le feu de Karna expire dans la bataille sous le nuage du Prithide, quand il en rencontre la pluie. 4,934

Lorsqu’il eut fait brûler les dix points de l’espace, envoyé des pluies de flèches, conquis sur la terre par de beaux combats la brillante renommée de lui-même, Karna fut moissonné dans la bataille avec son fils sous la puissance du Prithide. Lorsqu’il eut consumé là par sa vigueur les Pândouides et tous les Pântchâlains,

Versé des pluies de traits, jeté le feu dans l’armée des, ennemis et incendié le monde entier, comme l’astre fortuné aux mille rayons, 4,935-4,936-4,937.

Karna le Découpeur, immolé avec son fils, avec son char, appui des indigents, tomba comme l’arbre Kalpa, appui d’une multitude d’oiseaux. 4,938.

L’homme, qui, sollicité par des malheureux, ne leur donne pas même une parole, n’existe pas dit-on. Les gens de bien ont immolé dans un duel en chars Vrisha qui fut toujours homme de bien, 4,939.

Ce magnanime de qui toujours la richesse appartient aux brahmes, ne savait pas même refuser aux brahmes la propre vie. 4,940. >

Ce grand héros, toujours l’ami des femmes, ses largesses continuellement à la main, consumé par l’astra du Prithide, est passé dans la voix suprême. 4,941.

Celui sur la force duquel appuyé, ton fils a déclaré cette guerre, est parvenu au ciel, après avoir enlevé à tes fils, avec l’espérance de la victoire, leur cuirasse et leur félicité. 4,942.

Karna mort, les fleuves cessèrent de couler, et le soleil, auteur du jour, descendit à son couchant, Râhou se montra obliquement couleur du feu ou du soleil, et Bouddha, le fils de Lunus, se leva de travers. 4,943.

Le ciel se fendit pour ainsi dire ; la terre mugit ; les vents soufflèrent, âpres, bien épouvantables ; les plages de l’atmosphère flamboyèrent sans fumée, les grandes mers de rugir et d’agiter leurs flots. 4,944.

Les chaînes de montagnes avec les forêts s’ébranlèrent ; toutes les troupes des êtres furent émues de crainte ; Vrihaspati, semblable au soleil et à la lune, seigneur des hommes, environnait Rohinî. 4,945.

Karna mort, les points intermédiaires flamboyèrent, le ciel fut couvert de ténèbres et la terre trembla. Un météore igné tomba splendide, comme le feu, et la joie tranporta même les esprits, qui rôdent la nuit. 4,946.

Le visage d’Arjouna fut pareil à la lune, quand il eut abattu d’un kshoura la tête de Karna ; alors soudain éclata dans l’atmosphère une lamentation de « hélas ! hélas ! » jetée par les Dieux. 4,947.

Dès que Dhanandjaya eut immolé dans ce combat l’Adhirathide, son ennemi, honoré des hommes, des Gandharvas et des Dieux, il brilla, sire, d’une splendeur suprême, comme jadis Çatakratou, quand il eut tué Vritra.

Ensuite, sur un char, qui résonnait, tel qu’une masse de nuages, qui avait l’éclat de l’auteur du jour, parvenu au milieu du ciel automnal, qui était muni d’un vexillaire et d’un drapeau au bruit terrible, qui avait la splendeur du cristal, de la conque, de la lune et de la neige, 4,948-4,949.

Qui ressemblait au char du Mahéndra, les deux héros au courage pareil à l’énergie du grand Indra, à la vitesse incomparable, tous deux ornés de corail, de pierreries, d’or, de perles et de diamants, 4,960.

Ces deux plus grands des hommes, Kéçava et le fils de Pândou, ses ennemis, tels que le père du jour et le feu, brillèrent exempts de crainte, sur le champ de bataille, comme Indra et Vishnou, réunis sur le même char. 4,951.

Puis, avec le bruit des flèches, de l’arc et de la corde, ayant détruit violemment la splendeur aux ennemis, et couvert de leurs traits puissants les enfants de Kourou, le héros à l’enseigne du singe et le guerrier à l’étendard du plus éminent des oiseaux, 4,952.

Ces deux plus excellents des hommes à la splendeur sans mesure, qui déchiraient le cœur des ennemis, ayant pris joyeux dans leurs mains les plus distinguées des conques aux vastes sons, blanches comme la neige et couvertes d’une grande quantité d’or, leur donnèrent des baisers et les remplirent de concert avec le vent de leurs bouches admirables. 4,953-4,954.

Le son du Pânchadjanya et du Dévadatta réveillèrent de compagnie les échos de la terre, de l’atmosphère et des plages du ciel. 4,955.

Tous les Kourouides, ô le plus excellent des rois, de trembler au son de la conque de Mâdhava et d’Arjouna. Réjouissant Youdhishthira, ces deux héros firent résonner au bruit de leurs conques les forêts, les montagnes, les fleuves, les cavernes, et répandirent l’effroi dans l’armée de ton fils. 4,956-4,957.

Tous les Kourouides s’avancèrent avec vitesse, rejeton de Bharata, et dès qu’ils eurent ouï le son envoyé par les conques, ils abandonnèrent le souverain de Madra et Douryodhana, le monarque des Bharatides. 4,958.

Les troupes rassemblées des êtres applaudirent alors Djanârddana et Dhanandjaya, qui répandaient un vil éclat dans cette grande bataille, tels que deux soleils levés en même temps sur l’horizon, 4,959.

Tout couverts des flèches de Karna, ces fléaux des ennemis, Arjouna et l’Impérissable, resplendissaient dans le combat, comme le soleil et la lune, qui, levés purs dans les cieux, ont dissipé les ténèbres par leur guirlande de rayons. 4,960.

Ayant déposé les multitudes de flèches, ces deux souverains au courage incomparable, environnés de leurs amis, arrivés doucement à leur camp, y entrèrent de même que Vishnou et Indra dans un sacrifice, où les invitent, des brahmes assistants. 4,961.

Après que Karna eut succombé dans ce vaste combat, ces deux héros, honorés pour le succès éclatant de la victoire par les grands Ouragas, les Yakshas, les Maharshis, les Tchâranas, les enfants de Manou, les Gandharvas et les Dieux, 4,962.

Loués pour la masse de leurs vertus et de leurs bonnes œuvres, célébrés d’une manière digne, se réjouirent alors avec la foule de leurs amis, comme le roi des Immortels et Kéçava, lorsqu’ils eurent comprimé Bali. 4,963.

Quand le fils du soleil eut péri, les Kourouides, accablés d’épouvante, jetant les yeux sur tous les points de l’espace, tombèrent à la ronde par milliers. 4,964.

Aussitôt qu’ils eurent vu Karna immolé dans ce grand combat par les ennemis, les tiens effrayés et couverts de blessures, remplirent tous les points de l’horizon.

Alors, de toutes parts, tous les combattants conclurent une suspension d’armes. Les tiens, agités par la crainte se cachaient, tombés dans une profonde douleur.

Connaissant leur sentiment, sire, Douryodhana, ton fils, stipula un armistice, avec le consentement de Çalya. 4,965-4,966-4,967.

Environné de tes chars, Bharatide, et des guerriers, qui avaient survécu à Narâyana, Kritavarman courut précipitamment à son camp. 4,968.

Çakouni, entouré par un millier de Gândhâras, s’enfuit au camp, dès qu’il vit tomber mort l’Adhirathide. Kripa, le Çaradvatide, majesté, se retira lui-même à pas rapides dans son camp, avec une armée d’éléphants, semblable àde grands nuages. 4,969-4,970.

Après lui, l’héroïque Açvatthâman, poussant de fréquents soupirs, courut au camp, dès qu’il vit la victoire des Pândouides. 4,971.

Environné d’une nombreuse armée, reste survivant des conjurés, Souçarman y vint lui-même, sire, les yeux hagards, et tourmenté par la crainte. 4,972.

Le roi Douryodhana y fit sa retraite, pleurant tous ses parents morts, envahi parle chagrin, pensif et dans un profond abandon du cœur. 4,973.

Le meilleur des maîtres de chars, Çalya se rendit au camp avec son char au drapeau coupé, jetant les yeux sur les dix points de l’espace. 4,974.

D’autres fameux héros des Bharatides, en bien grand nombre, de courir au camp, tremblants de peur, saisis de confusion, sans âme. 4,975.

Malades, tremblants, troublés, vomissant le sang, tous les Kourouides s’enfuirent à la vue de Karna, couché mort. 4,976.

Les grands héros effrayés des Kourouides, ceux-ci, louant Arjouna, ceux-là vantant Karna, ô le plus excellent des Kourouides, couraient aux dix points de l’espace.

Et parmi ces milliers de tes combattants, qui s’étaient trouvés à cette grande bataille, il n’y avait point là un homme quelconque, qui-mît encore son esprit au combat. 4,977-4,978.

Karna mort, les Kourouides avaient perdu toute espérance pour leurs richesses, leurs épouses, leur royaume et leur vie. 4,979.

Ton auguste fils, plongé dans la douleur et le chagrin, les ayant rassemblés avec de pénibles efforts, appliqua son esprit à les bien établir dans le camp. 4,980.

Dès qu’ils eurent reçu son ordre sur leur tête, les grands héros, tes combattants, souverain des hommes, la pâleur sur le visage, passèrent la nuit dans ces quartiers.

Après la mort de Karna et la fuite de l’armée ennemie, le Dâçârhain embrassa le Prithide en lui adressant les paroles suivantes, que la joie inspirait : 4,981-4,982.

« Maintenant que tu as immolé Karna, de même que le Dieu, qui tient le tonnerre, a tué Vritra, les hommes, Dhanandjaya, raconteront la mort terrible de Karna, comme ils célèbrent celle de Vritra. 4,983.

» Il périt dans le combat, sous la foudre du Dieu à la splendeur immense ; mais Karna, grâce à toi, tomba sous les flèches acérées de ton arc ; 4,984.

» Allons annoncer, fils de Kountî, au monarque de Kourou, cette tienne prouesse illustre, où la gloire est attachée, 4,985.

» Cette mort si longtemps désirée pour Karna dans la guerre. Quand tu auras porté à Dharmarâdja la nouvelle de cet exploit, tu seras quitte de ta dette envers lui par ce grand combat, qui fut livré entre Karna et toi ; naguère, le fils d’Yama vint pour voir ce champ de bataille ; 4,986-4,987.

» Mais il ne put rester dans le combat, à cause de ses profondes et nombreuses blessures. Maintenant, ce taureau des hommes est allé dans son camp et s’y tient. »

» Qu’il en soit ainsi ! » répondit le Prithide à Kéçava, L’éminent fils d’Yadou. Celui-ci, sans trouble, fit tourner dans cette direction le char du plus excellent des héros.

Lorsque Krishna eut ainsi parlé à Arjouna, il dit ces mots aux guerriers : « Restez avec soin le front tourné à l’ennemi. La félicité descend sur vous. » 4,988-4,989-4,990.

Govinda adressa ensuite ces paroles à Youyoudhâna, à Vrikaudara ; aux fils de Madrî, à Youdhâmanyou et à Dhrishtadyoumna :

« Vos seigneuries, souverains des hommes, doivent apporter ici de l’attention jusqu’à ce qu’il ait été porté à la connaissance du roi que Karna est tombé sous les coups d’Arjouna. » 4,991-4,992.

Après qu’il eut reçu congé de ces héros, Govinda se rendit à l’habitation du monarque ; il prit le fils de Prithâ, et lui fit voir Youddhishthira, le tigre des rois, couché sur un lit d’or très-élevé. Ils embrassèrent, pleins de joie, les pieds de cet enfant de Kountî. 4,993-4,994.

Aussitôt qu’il vit l’allégresse de ces deux guerriers, Youddhishthira déversa aussi des larmes de joie, et, pensant que c’en était fait de Karna, il se leva sur son séant. Le héros aux longs bras, dompteur des ennemis, articula maintes et maintes paroles ; il embrassa avec amour le Vasoudévide et Arjouna. 4,995-4,996.

L’éminent fils d’Yadou le Vasoudévide, lui raconta, avec Arjouna, ce qui avait trait à la mort de Karna, et de quelle manière cet événement était arrivé. 4,997.

Krishna, l’impérissable, joignant ses mains à son front, dit avec un léger sourire au roi Youddhishthira, le destructeur de ses ennemis :

« Par bonheur, l’archer du Gândiva, et le fils de Pândou Vrikaudara, et les deux fils de Madri, et toi, sire, vous êtes en bonne santé. 4,998-4,999.

» Délivré de cette terrible guerre, destructive des héros, fils de Pândou, exécutez promptement les affaires, qui sont d’un temps postérieur. 5,000.

Le grand héros, surnommé le Découpeur, sire, ce fils du cocher, a été tué ; par bonheur, c’est toi qui remportes la victoire, Indra des rois ; par bonheur, cet événement, Bharatide, accroît ta puissance. 5,001.

» La terre boit le sang de ce fils du cocher, le plus vil des hommes, qui osa se moquer de Krishnâ, gagnée au jeu. 5,002.

» L’éminent Kourouide, ton ennemi, est étendu, le corps rempli de flèches ; vois-le, tigre des hommes, déchiré par des traits nombreux. 5,003.

» Gouverne, redoublant d’efforts, héros aux longs bras, la terre débarrassée de cet ennemi tué, et jouis avec nous de plaisirs excellents.» 5,004.

Dès qu’il eut entendu le discours de ce magnanime Kéçava, le fils d’Yama, l’âme joyeuse, répondit en ces termes au Dâçârhain ; 5,005.

» Heureusement, heureusement, Indra des rois, ta majesté a prononcé ce discours, et ce n’est pas étonnant de toi, héros aux longs bras, qui es le fils de Dévaki. 5,006.

» C’est, grâce à ce que tu étais son cocher, que les efforts du Prithide ont fait mordre la poussière à cet homme : ce qui vient de la faveur de ton intelligence, héros aux longs bras, n’est pas étonnant. » 5,007.

Et levant son bras droit, orné d’un bracelet, ô le plus excellent des Kourouides ! ce vertueux fils de Prithâ dit à Arjouna et Kéçava : 5,008.

« Nârada m’a raconté l’histoire de ces Dieux, Nara et Nârâyana, l’âme du devoir, magnanimes, antiques, et les plus grands des Rishis. 5,000.

» Le sage Krishna Dwaipâyana, versé dans la vérité des choses, m’a plus d’une fois entretenu de cette sainte narration. 5,010.

» C’est grâce à toi, Krishna, que le Pândouide Dhanandjaya vainquit, tournant le front aux ennemis, et jamais il ne montra le dos nulle part. 5,011.

» Notre victoire est assurée dans le combat, et non jamais notre défaite, quand tu daignes exercer les fonctions de cocher pour ce fils de Prithâ. 5,012.

» Bhîshma, et Drona, et le magnanime Karna, et Kripa le Gotamide, et les autres, qui suivaient leurs pas. 5,013.

» Ont reçu la mort en quelque sorte, grâce à ta sagesse, Govinda, avec l’Adhirathide. » Dès qu’il eut parlé ainsi, Dharmarâdja, tigre des hommes, environné de sa force, monta sur son char, orné d’or, attelé de chevaux blancs à la queue noire et rapides comme la pensée ; 5,014-5,015.

Et après qu’il eut adressé un salut aux deux héros Arjouna et Kéçava, le prince aux longs bras, disant une parole aimable à ces deux braves Mâdhava et Phâlgouna, s’avança alors pour visiter le champ de bataille, et vit le taureau des hommes, Karna, étendu sur la terre du combat. 5,016-5,017.

Dharmarâdja vit Râdhéya, couvert par des centaines de flèches, comme une fleur de Kadamba, environnée partout de ses filaments. 5,018.

Il vit alors Vrisha, autour de qui des lampes d’or, arrosées d’huile odorante de sésame, répandaient à milliers leur vaste illumination. 5,019.

Dés que le roi Youdhishthira eut vu Karna tué avec son fils, taillé en pièces avec les flèches, sa cuirasse fendue et déchirée : 5,020.

Quand il l’eut regardé avidement maintes et maintes fois, la confiance revint en lui, et il combla d’éloges ces deux tigres des hommes Madhâva et le Pândouide. 5,021.

« Aujourd’hui, défendu par un héros, un sage, un protecteur tel que toi, Govinda, je suis roi sur la terre avec mes frères. 5,022.

» Lorsque Douryodhana aura appris qu’il a succombé ce tigre des hommes, Râdhéya à l’orgueil sans mesure, le Dhritarâshtride perdra toute espérance. 5,023,[168].

» Le fils de Râdhâ, étant frappé au milieu du combat, et dans son royaume et dans sa vie, ta faveur, homme éminent, nous conduit au terme de nos affaires. 5,024.

» Heureusement, tu triomphes, Govinda ! Heureusement notre ennemi est abattu ! Heureusement l’archer du Gândiva, ce fils de Pândou, est vainqueur ! 5,025.

» Treize nuits d’insomnie, très pénibles se sont écoulées déjà ; mais, grâce à toi, héros aux longs bras, nous allons maintenant rêver le bonheur pendant la nuit. »

C’est ainsi que le roi Youdhishthira Dharmarâdja loua à plusieurs fois Djanârddana et Arjouna, le plus excellent des Kourouides, 5,026-5,027.

Dès qu’il vit Karna tué avec son fils sous les flèches du Prithide, le souverain de la terre se regarda comme rendu à la vie. 5,028.

Les grands héros, pleins de joie, Nakoula, Sahadéva et le Pândouide Vrikaudara, le Sâtyakide, qui était le plus illustre guerrier des Vrishimides, Dhrishtadyoumna Çikhandi, les Srindjayas, les Pântchâlains et les Pândouides, s’étant rassemblés auprès du monarque Youdhishthira, le fils de Kountî, le réjouissent, puissant roi, et félicitent ce prince de la mort du fils du cocher. 5,029-5,030-5,031.

Combattants victorieux, ivres de combats, ayant atteint leur noble but, ils comblent de louanges le vertueux monarque Youdhishthira. 5,032.

Les grands héros revinrent nu camp, remplis de joie, célébrant les deux Krishnas, destructeurs des ennemis, avec des paroles jointes à l’éloge. 5,033.

C’est ainsi que se déroula, sire, grâce à ta funeste politique, cette bataille immense, effrayante…

Maintenant quelle chose déplores-tu ? 5,034.

Lorsque le roi Dhritarâshtra, le fils d’Ambikâ, eut entendu ce récit désagréable, ajouta Vaiçampâyana, il tomba sans mouvement sur la terre, comme un arbre dont les racines sont coupées. 5,035.

Étendue sur le sol, la reine Gândarî à la vue longue soupira de nombreuses lamentations sur la mort de Karna dans le combat. 5,036.

Vidoura et Srindjaya embrassèrent le souverain ; ces deux éminents consolèrent le monarque ; 5,037.

Les femmes de Kourou firent relever Gândârî, le roi pensant à la toute-puissance du Destin et à la force de la nécessité. 5,038.

Tombé dans une profonde douleur, la pensée éteinte, brûlé par de grands soucis, l’âme enveloppée de chagrin et de mélancolie, oppressé par le délire, il ne connut plus rien ; 5,039.

Et soupirant, il demeura en silence hors de lui-même, 5,040.

Quiconque lira le sacrifice de ce terrible combat, livré entre l’Adhirathide et le magnanime et grand Dhanandjaya, obtiendra le fruit qui est réservé à un sacrifice convenablement offert : il en sera ainsi, Bharatide, s’il prête l’oreille à ce chant. 5,041.

Le sacrifice est, dit-on, Vishnou adorable, éternel, qui est le feu, le vent, la lune et le soleil : de là, s’il n’a point l’injure à la bouche, l’homme qui écoute ou récite ce combat, est heureux dans la révolution de tous les mondes. 5,042.

Les enfants de Manou, qui, toujours accompagnés de piété, lisent cette narration sainte, jointe aux plus beaux vers, savourent les richesses, les fruits de la terre et la renommée : il n’y a là aucun doute. 5,043.

L’homme, qui, libre d’injure, l’écoute sans cesse obtiendra tous les plaisirs.

Vishnou, Swayambhoû et l’adorable Bhava se complaisent en cet homme le plus grand des mortels. 5,044.

Le Brahme acquiert les Védas : il suffit aux Kshatryas de voir l’armée ennemie dans le combat pour gagner aussitôt la victoire ; les plus précieuses richesses échoient aux Vatçyas, et tous les Çoûdras obtiennent en ce monde la santé. 5,045.

Environné de bonheur, l’homme reçoit l’accomplissement de ses désirs, comme s’il célébrait toujours ici-bas le Dieu Vishnou adorable, éternel, et qu’il honorât la parole de ce grand anachorète. 5,046.

Quiconque donnerait sans interruption, durant une année entière, des veaux à la couleur brune, n’obtiendrait pas de cette bonne œuvre un plus grand mérite qu’en écoutant une seule fois ce chant de Karna. 5,047.

FIN DU CHANT DE KARNA
et
DU DIXIÈME VOLUME.

  1. Voyez la note du volume précédent, page 130.
  2. Nous écrivons ces deux stances ensemble pour déguiser dans la copie une erreur de chiffre, qui se trouve dans l’original.
  3. Drishtwâçraddhéyam. Il doit y avoir dans cette crâse un A privatif, et nous lisons : drishtwâ + açraddhéyom.
  4. Animal fabuleux à huit pieds. Voyez une note dans un volume précédent.
  5. Commentaire.
  6. Gangâ, texte de Bombay.
  7. Revoyez la note, juge 130 du précédent volume ; nous n en parlerons plus.
  8. (1) L’actif du simple, il revint, au lieu du causal actif, il l’empécha, il le retint.
  9. Tchaugraîs, texte de Bombay.
  10. Nishkatvahjan, édition de Bombay, que le commentateur élucide par ces mots : niçtchitan kaivalyan.
  11. a et b Çalya, une flèche.
  12. Pouratas, dit le commentaire, expliquant le mot pitous. Le distique commence par une faute d’impression, qu’il est facile de rectifier : yad ouktavân.
  13. a et b Târakâksha, Kamalâksha, texte de Bombay.
  14. Vyanâçayan na mâryâdât, texte de Bombay.
  15. Içânâydpromaiyâyo, texte de Bombay.
  16. Sourauttamâs, texte de Bombay.
  17. Partie essentielle d’un chariot, suivant Bothlingk et Rolh.
  18. Ni:çwasatas, texte de Bombay.
  19. Vishnava, texte de Bombay.
  20. Maitre-de-tout, un des surnoms de Çiva.
  21. Ekaîkatâ, qui manque à tous les dictionnaires, même à celui de Bohtlingk et Roth.
  22. On se rappelle qu’on a déjà vu une destruction de Tripoura sur la fin du volume précédent. Une de ces deux peintures est donc une superfétation.
  23. Visrishtam, texte de Bombay.
  24. a et b Çalya, une flèche.
  25. Nyavârayat, texte de Bombay.
  26. Stouyamânas, texte de Bombay.
  27. L’édition de Calcutta, oubliant que Douryodhana parle ici à Karna, met à la fin de la stance : taureau des Bharatides. Nous recourons au texte de Bombay, pour lui emprunter cette légitime correction.
  28. Cette stance, que nous avons comptée double, comme celles, qui précède et qui suit, est numérotée 1,720 dans l’édition.
  29. a et b Commentaire
  30. Douryodhana, petit-fils de Vitchîtravirya, par son père Dhritarâshtra.
  31. Le commentaire m’explique fort inutilement cette expression ; mais que veulent dire trikoça et trivénou même ? il se tait. Bopp, Wilson, Bothlingk et Roth imitent ce malheureux silence.
  32. Apramattas, texte de Bombay.
  33. Kémou na djitas, texte de Bombay.
  34. Ce distique 1,754 est numéroté par erreur 1,755.
  35. a et b Soudântas, texte de Bombay.
  36. Numéroté par erreur 1,780.
  37. Sansrishtam, dit le comme attire, nashtam.
  38. Souvîra, que signifie ce mot ? Ce n’est pas collyrium seulement, comme veut le dire le dictionnaire de Wilson. Bothlingk et Roth ne sont pas arrivés encore à ce vocable mystérieux.
  39. Nous substituons cette expression à la singulière et peu délicate métaphore : constringit dunes.
  40. a et b Commentaire.
  41. Iwâm, texte de Bombay.
  42. Sadriçân pakshnau, texte de Bombay.
  43. Patâva iti, texte de Bombay.
  44. C’est-à-dire, le vol autour, qui a déjà été mis dans la même stance.
  45. a, b et c Le vol en bas, le vol devant, le vol ensemble, qu’on a déjâ vus.
  46. Samoudrasthâ, texte de Bombay.
  47. L’onomatopée de kâ-ka veut dire un corbeau.
  48. Sringalâ iva, texte de Bombay.
  49. Kiyattattat, texte de Bombay.
  50. Les idées ici ne se suivent pas : elles ne sont plus dans le caractère du héros, qui parle ; elles sortent de la situation : ce décousu révèle un morceau fragmenté, qui ne laisse que trop apercevoir les ravages du temps ou l’indiscrétion des copistes.
  51. Pratapantam, texte de Bombay.
  52. Marna, au lieu de sama, texte de Bombay.
  53. a, b et c Commentaire.
  54. Encore le décousu et le fragmenté !
  55. a et b Commentaire.
  56. Nous voyons dans ce mot une métaphore, sur laquelle, il est vrai, sont muets tous les dictionnaires.
  57. Oukiâ, texte de Bombay.
  58. Pilou, texte de Bombay.
  59. Commentaire.
  60. Nous donnons à vikâra le sens de prakâra en latin, modus.
  61. a et b Commentaire. Aucun dictionnaire, pas même celui de Bothlingk et Roth ne donnent et n’expliquent le nom anousarttâran.
  62. Vâhyanayât, telle de Bombay et commentaire.
  63. a et b Commentaire.
  64. Les deux textes répètent encore inutilement ici : les éléphants.
  65. Une leçon, dit le commentaire, donne iddha, au lieu de indhou. J’adopte le premier de ces mot», que je traduis selon son explication. Au reste, ce passage est sans aucune liaison, ni avec ce qui précède, ni avec ce qui suit ; c’est évidemment une interpolation.
  66. Voyez la note à la page suivante.
  67. C’est une confirmation de la note mise à la page 369 du ixe volume : Prabhadraka, répétons-nous dans le silence de tous les dictionnaires, parait être un nom de peuple ou d’hommes constitués en dignités.
  68. Nom d’une espèce de flèche.
  69. Texte de Bombay : âpatatas.
  70. Soutaâjas, texte de Bombay.
  71. Shorea robusta.
  72. (1)Sarvan, texte de Bombay.
  73. Le sixième des astérismes lunaires, contenant, suivant quelques autorités, deux, et, selon d’autres, quatre étoiles.
  74. Un jeu de mots : pândina Pândaveyam !
  75. Tchhtra, texte de Bombay.
  76. Rathaîs, calamus rotang ; le nom, dont une chose est faite pour cette chose elle-même.
  77. Ce second vers manque dans l’édition de Bombay.
  78. Râdjasattama, au vocatif, texte de Bombay.
  79. Taîs, texte de Bombey.
  80. Ranât, texte de Bombay.
  81. "Çara", texte de Bombay.
  82. Samîpastham, texte de Bombay.
  83. Ghorai, texte de Bombay.
  84. Nous n’avons pas encore le fascicule Ç de Bothlingk et Roth ; mais nous voyons de nous-même, dans le silence de Wilson et de Bopp, que le mot çatatchandra veut dire un bouclier.
  85. Ce distique est numéroté 2,980 par une distraction de l’éditeur, qui a compté pour une stance la clausute du chapitre lix.
  86. a et b Noms d’une sorte de flèches.
  87. Lisez : Pândavânâm anikinîm.
  88. Sa katâksham, texte de Bombay.
  89. a, b et c Çatrou, çatrovnâ, çatroun.
  90. C’est une erreur de nom probablement.
  91. Djâlam Andram ouktam, texte de Bombay.
  92. Les deux textes portent : abhisritya, m’ayant attaqué ; nous préférons lire : atisrijya, m’ayant abandonné.
  93. Volatile aux ailes blanches, à la tête rouge, au cou noir, appelé de ce nom par les sacrificateurs. Commentaire.
  94. Arjouna, tu vocatif, texte de Bombay,
  95. Shatsâhasrâ, texte de Bombay.
  96. Cyperus pertenuis, ou une autre plante.
  97. Kalpam, texte de Bombay.
  98. Pritkânvâgouvâtcha, texte de Bombay.
  99. Littéralement : cormes. On se rappelle ici la tête figurée de Moise.
  100. Rishi, au lieu de api, vide de signification, texte de Bombay.
  101. Pratibâdhana, texte de Bombay.
  102. a, b et c Yai…, kathayéyous, texte de Bombay et commentaire.
  103. Kritam andham, texte de Bombay,
  104. L’homme, qui dit la véïté.
  105. Kâlam api alpam, texte de Bombay.
  106. Qu’est-ce que cette arme, qui parait ici pour la première fois, sans explication du commentaire ?
  107. Sampravrittas, texte de Bombay.
  108. Satyâm, texte de Bombay.
  109. Twam, texte de Bombay.
  110. Vihâvân, ce mot ne se trouve, ni dans Bopp, ni dans Wilson : Bothlingk et Roth n’y sont pas arrivés encore. Nous tirons des racines une signification probable.
  111. Yashas, texte de Bombay
  112. Visanjnas, texte de Bombay.
  113. Apayâna kritautsâha, même texte.
  114. Râdjyât, écrit l’édition, après avoir dit râshtât.
  115. Haima kavatchaîs, âbhaddhamani koundalaîs, texte de Bombay.
  116. Çambara, même texte.
  117. a et b Youvâ youvânam, texte de Bombay.
  118. Kamapoutras, même texte.
  119. Bharatitcha, texte de Bombay.
  120. Tchinat, texte de Bombay.
  121. Tchamoûn Dharttarâshtrim, même texte.
  122. Sorte de flèche. Commentaire.
  123. Bibhatmi, texte de Bombay.
  124. Commentaire.
  125. Mârisha, au lieu du moi samâgamau, qui jette dans la phrase un solécisme : texte de Bombay.
  126. a et b Arjounanpahita, texte de Bombay.
  127. Oûrou, texte de Bombay.
  128. Nous espérions que ce vers inutile, redondant, sans idée nouvelle après le précédent, manquerait au texte de Bombay ; mais il s’y trouve mot pour mot.
  129. Djvalitau, texte de Bombay.
  130. Celle de Vénus.
  131. Patribhis, texte de Bombay.
  132. Pândavas, texte de Bombay.
  133. Littéralement : accrue, augmentée, étendue.
  134. C’est évidemment une nouvelle et seconde version.
  135. Çonitan, texte de Bombay.
  136. Alauloupas, texte de Bombay.
  137. Vrishasénâya, texte de Bombay.
  138. Daçaîkan, texte de Bombay.
  139. Anantaras, texte de Bombay.
  140. Briçan.
  141. a et b C’est mot à mot les stances déjà vues aux numéros 4,312-4,313- 4,314.
  142. Voir note 2, page 358
  143. Viraçâs, texte de Bombay.
  144. Indra.
  145. a et b Dhvadja…yodhindau, texte de Bombay,
  146. Littéralement : aux épaules de lion.
  147. Commentaire.
  148. Le nœud ascendant et le nœud descendant.
  149. Djoushtan, texte de Bombay.
  150. Commentaire.
  151. Prapatan, texle de Bombay.
  152. Tarkshya, texte de Bombay.
  153. Prasahya, même texte.
  154. Prâtchhâdayan, texte de Bombay.
  155. Cette stance ne se trouve pas dans l’édition de Bombay.
  156. Patravâdjaîs, texte de Bombay.
  157. Praskandantai, texte de Bombay.
  158. Kamadhanandjayâbhyâm, texte de Bombay.
  159. Commentaire.
  160. a et b Ces deux vert manquent dans l’édition de Bombay.
  161. Bhindi, texte de Bombay.
  162. Bonbax heptaphyllum.
  163. Ici, dans le texte de Bombay finit le discours de Karna, qui manqueavec quelque raison, ce nous semble de la stance suivante, ouvrage d’un calligraphe dans l’ivresse, et qu’on nous saura gré d’avoir mise en note. Nous croyons qu’il faut lire dharaîs, dans l’édition de Calcutta, si l’on veut donner un sens à la phrase :
     « Cette déconfiture de moi a pour auteur les hautes montagnes, qui portent le palanquin des mers, et qui sont les souveraines des brahmes, des gourous et des mères. Tu n’en es, certainement pas l’auteur. Ce n’est pas à toi qu’en appartiendra l’orgueil, mais il sera assurément pour nous ! 4,747.
  164. Sorte de flèche.
  165. Le manuscrit qui nous a été remis à la mort de M. Fauche ne contenant ni la traduction de cette strophe ni celle des six précédentes, nous avons eu recours, pour combler cette lacune, à l’obligeance et au savoir de M. Foucaux, professeur au Collège de France (L’imprimeur).
  166. Le poète oublie que c’est Çalya qui parle : il écrit partout le passé au lieu du présent.
  167. Le sanscrit pourrait mettre de nombreux exemples à côté de cette manière de parler.
  168. Après la mort de Karna, ajoute le texte fort inutilement.