Le Mardi-gras au village (Verhaeren)
LE MARDI GRAS AU VILLAGE
Ramène en Flandre
Et jour des Cendres
Et Mardi gras,
Les solennels boulangers sonnent,
À coups de trompe au petit jour,
Que leurs pains blancs, fourrés et lourds,
Cuisent au four,
Pour le bonheur et les amours
Et les boudins jutent de sève,
Et la rôdeuse odeur de leur cuisson
Fait se pâmer, à l’unisson,
Les servantes et les commères,
Paniers au bras,
Déjà sont là
Pour emporter, en s’y chauffant les mains,
Les pains ardents, les pains
Joyeux, luisants, transfigurés,
On regarde, par les fenêtres,
Hommes, femmes, enfants et vieux
Couper les pains par le milieu
Et tout à coup, crever le boudin formidable.
Lards et graisses poissent la table.
Du lait crémeux, du café chaud
Emplit jusques au bord les pots,
Et dans un coin les chiens grognent et se querellent
Autour des croûtes et des peaux