Le Marquis de Villemer/Chapitre IV

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Calmann-Lévy (p. 46-58).
IV


Vers la même époque, Caroline reçut une lettre qui la toucha vivement, et que nous transcrirons en ne nous astreignant pas aux fautes d’orthographe et de ponctuation qui la rendraient difficile à lire.

« Ma chère Caroline, — permettez à votre pauvre nourrice de vous appeler toujours comme ça, — j’ai appris de votre sœur aînée, qui m’a fait le plaisir de m’écrire, que vous aviez quitté sa maison pour aller être demoiselle de compagnie à Paris. Je ne peux pas vous dire la peine que ça me fait de penser qu’une personne comme vous, que j’ai vue naître dans le bonheur, soit obligée de se soumettre aux autres, et quand je pense que c’est par votre bon cœur, et pour faire du bien à Camille et à ses enfants, les larmes m’en coulent des yeux. Chère demoiselle, je ne peux vous dire qu’une chose, c’est que, grâce à la générosité de vos parents, je ne suis pas des plus malheureuses. Mon mari a un bon état et fait un peu de commerce qui nous a permis d’acheter une maison et un peu de terre. Mon fils est militaire, et votre sœur de lait se trouve assez bien mariée. Ainsi donc, si quelques centaines de francs vous faisaient besoin un jour ou l’autre, nous serions contents de vous les prêter pour tout le temps qu’il vous faudrait, et sans payer d’intérêts. En acceptant, vous feriez honneur et plaisir à des gens qui vous ont toujours aimée, vu que, sans vous connaître autrement que par moi, mon mari vous estime et me dit souvent : « Elle devrait venir chez nous, nous la garderions tout le temps qu’elle voudrait, et puisqu’elle est bonne marcheuse et forte, on lui ferait voir nos montagnes. Si elle voulait, elle pourrait être maîtresse d’école dans notre village, ce qui ne lui rapporterait pas gros ; mais elle n’aurait guère de dépense à faire, et ça reviendrait peut-être au même que d’être à Paris, où on vit si chèrement. » Je vous dis cela tout bonnement, comme Peyraque le dit, et si le cœur pouvait vous en dire, nous aurions une petite chambre bien propre pour vous et un pays un peu sauvage à vous montrer. Ça ne vous ferait point peur, à vous qui, toute petite, vouliez toujours grimper partout, que même votre pauvre papa vous appelait son petit chevreuil.

« Pensez donc, si vous n’êtes pas bien où vous êtes, ma chère Caroline de mon cœur, qu’il y a, dans un coin de pays que vous ne connaissez pas, des gens qui vous connaissent pour la meilleure âme du monde, et qui prient pour vous soir et matin, en demandant au bon Dieu que vous veniez les voir.

« Justine Lanion, femme Peyraque,
« (À Lantriac, par Le Puy, Haute-Loire.) »


Caroline répondit aussitôt :

« Ma bonne Justine, ma chère amie, j’ai pleuré en lisant ta lettre. Ce sont des larmes de joie et de reconnaissance. Je suis heureuse d’avoir toujours ton amitié aussi tendre que le jour où nous nous sommes quittées, il y a déjà quatorze ans ! Ce jour-là est resté dans ma mémoire comme un des plus douloureux de ma vie. Je ne connaissais déjà plus d’autre mère que toi, et te perdre, c’était rester sans mère pour la seconde fois. Bonne nourrice ! tu m’aimais tant que tu avais presque oublié pour moi ton brave mari et tes chers enfants ! Mais ils te rappelaient, tu te devais à eux, et j’ai vu dans toutes tes lettres qu’ils te donnaient du bonheur. C’est eux qui te payaient ma dette, car tu m’en avais donné beaucoup, et j’ai bien souvent pensé que, si j’ai quelque chose de bon et de raisonnable en moi, c’est parce que j’ai été aimée, traitée avec raison et douceur par la première personne que mes yeux ont appris à connaître. Tu veux à présent m’offrir tes économies, chère bonne âme ! Cela est bon et maternel comme toi, et de la part de ton mari, qui ne me connaît pas, c’est beau et grand. Je vous remercie tendrement, mes braves amis, mais je n’ai besoin de rien. Je ne manque de rien où je suis, et je m’y trouve aussi bien que possible loin de ma chère famille.

« C’est égal. Je ne veux pas perdre l’espérance d’aller vous voir. Ce que tu me dis de la petite chambre propre et du beau pays sauvage me donne une envie folle de connaître ton village et ton petit établissement. Je ne sais pas quand j’aurai dans ma vie quinze jours de liberté, mais sois sûre que si je les ai jamais, ils seront pour ma nourrice bien-aimée, que j’embrasse de tout mon cœur. »

Pendant que Caroline se livrait à cette candide effusion, le duc Gaëtan d’Aléria, magnifiquement vêtu en Turc, costume du matin, causait avec son frère le marquis, dont il recevait la visite matinale dans son splendide appartement de la rue de la Paix.

On venait de parler d’affaires, et une discussion assez vive s’était élevée entre les deux frères. — Non, mon ami, disait le duc d’un ton ferme, j’aurai cette fois de l’énergie : je refuse votre signature ; vous ne payerez pas mes dettes !

— Je les payerai, répondit le marquis d’un ton tout aussi résolu. Il le faut, je le dois. J’ai hésité, je ne vous le cache pas, avant d’en connaître le chiffre, et votre fierté ne doit pas souffrir de scrupules que j’avoue. Je craignais d’être engagé au delà de ce que je puis faire ; mais je sais maintenant qu’il me restera de quoi soutenir le bien-être de notre mère. Dès lors je suis décidé à sauver l’honneur de la famille, et vous ne pouvez pas vous y opposer.

— Je m’y oppose ; vous ne me devez pas ce sacrifice : nous ne portons pas le même nom.

— Nous sommes les fils de la même mère, et je ne veux pas qu’elle meure de honte et de chagrin en vous voyant insolvable.

— Pas plus que ma mère, je ne veux d’une telle honte. Je me marierai.

— Pour de l’argent ? Aux yeux de notre mère et aux miens tout autant qu’aux vôtres, mon frère, ce serait pire, vous le savez bien !

— Eh bien ! j’accepterai une place.

— Pire, toujours pire !

— Non, il n’y a rien de pire pour moi que la douleur de vous ruiner.

— Je ne serai pas ruiné.

— Enfin ne puis-je savoir le chiffre de mes dettes ?

— C’est inutile ; il me suffit que vous m’ayez donné votre parole de n’en avoir pas qui soient inconnues au notaire chargé de votre liquidation. Je vous ai demandé seulement de vouloir bien jeter les yeux sur quelques-uns de ces papiers pour en vérifier, s’il se peut, l’exactitude. Vous l’avez constatée ; il suffit, le reste ne vous regarde pas.

Le duc froissa les papiers avec colère, marcha à grands pas dans la chambre, sans pouvoir trouver un seul mot qui peignît la détresse de son esprit. Puis il alluma un cigare qu’il ne fuma pas, se jeta dans un fauteuil et devint fort pâle. Le marquis comprit ce que souffrait son orgueil, peut-être sa conscience.

— Calmez-vous, lui dit-il. Je ressens votre douleur ; mais je la crois bonne et je compte sur l’avenir. Oubliez le service que je rends à ma mère encore plus qu’à vous, mais n’oubliez pas que ce qui me reste est à elle seule désormais. Songez que nous pouvons avoir le bonheur de la conserver longtemps, et qu’il ne faut pas qu’elle souffre. Adieu, je vous reverrai dans une heure pour régler les derniers détails.

— Oui, oui, laissez-moi seul, répondit le duc ; vous voyez qu’en ce moment il m’est impossible de vous dire un mot.

Dès que le marquis fut sorti, le duc sonna, fit défendre sa porte et recommença à marcher dans sa chambre avec une agitation désespérée. Il subissait à cette heure-là l’inévitable et suprême crise de sa destinée. Dans aucun autre de ses désastres, il ne s’était vu si coupable et ne s’était senti si affecté.

Jusque-là en effet, il avait mangé sa propre fortune avec l’âpre insouciance que donne le sentiment de ne nuire qu’à soi-même. Il avait pour ainsi dire usé d’un droit. Puis, moitié à son insu, à force d’entamer le capital maternel, il l’avait dévoré, s’endurcissant peu à peu à l’humiliation de laisser peser sur son frère le devoir de soutenir leur mère de ses propres ressources. Disons tout ce qui pouvait jusque-là excuser le duc. Il avait été affreusement gâté. Il y avait eu pour lui dans le cœur maternel une préférence bien marquée. La nature aussi avait été partiale envers lui. Plus grand, plus beau, plus fort, plus brillant, plus actif en apparence que son frère, plus expansif, plus caressant, dès l’enfance il avait paru à tout le monde le mieux doué et le plus aimable. Longtemps chétif et taciturne, le marquis n’avait montré de passion que pour l’étude, et ce qui eût semblé un grand avantage chez un plébéien fut considéré comme une bizarrerie chez un homme de qualité. Cette aptitude fut donc combattue plutôt qu’encouragée, et c’est pour cela précisément qu’elle devint une passion : passion absorbante et dès lors sans épanchement, qui développa dans l’âme du jeune homme une vive sensibilité intérieure et un enthousiasme d’autant plus ardent qu’il était renfermé. Le marquis était infiniment plus aimant que son frère et passait pour un homme froid, tandis que le duc, essentiellement bienveillant et communicatif, passa longtemps pour une âme de feu, sans aimer exclusivement personne.

Cette fougue de tempérament qui avait donné le change, le duc la tenait de son père, et, dans ses premières années, la vivacité de ses manières avait inquiété la marquise. Nous avons dit qu’après la mort de son second mari elle avait été fort exaltée, et que, pendant près d’une année, elle avait redouté la vue de ses enfants. Lorsque cette maladie morale fit place aux sentiments de la nature, son premier mouvement fut de serrer dans ses bras le fils de l’époux aimé. Celui-ci, étonné et comme effrayé de l’impétuosité des caresses dont il avait perdu le souvenir, se mit à pleurer sans savoir pourquoi. C’était peut-être le vague reproche de l’instinct froissé par l’abandon. Le duc, plus âgé de trois ans, mais plus facile à distraire, ne s’était aperçu de rien. Il répondit par des baisers aux baisers de sa mère, et la pauvre femme s’imagina que celui-là avait hérité de son cœur, tandis que le marquis n’avait hérité, selon elle, que de son grand-père paternel, un vieux savant passablement maniaque. Le duc fut donc préféré en secret, non pas mieux choyé, car la marquise avait un grand fonds d’équité religieuse, mais plus caressé, parce que, pensait-elle, lui seul sentait le prix d’une caresse.

Urbain (le marquis) sentit cette préférence, et il en souffrit ; mais il ne se permit jamais de s’en plaindre, et, jugeant peut-être déjà son frère, il ne voulut pas lutter avec lui sur ce terrain frivole.

Avec le temps, la marquise reconnut bien qu’elle s’était trompée, et qu’il fallait juger les sentiments par des actes plus que par des paroles ; mais l’habitude de gâter son enfant prodigue était prise, et à cette habitude se joignit bientôt celle d’une tendre pitié pour des égarements qui semblaient devoir mener ce prodigue à sa perte. Ces égarements ne prenaient pourtant pas leur source dans une âme perverse. Vanité d’abord, ivresse ensuite, enfin déperdition d’énergie et tyrannie du vice, voilà en trois mots l’histoire de cet homme charmant sans exquisité, bon sans grandeur d’âme, sceptique sans athéisme. À l’âge où nous le décrivons, il s’était fait en lui un grand vide à la place de la conscience, et pourtant c’était plutôt une conscience absente que morte. Il y avait encore des retours, des combats, plus rares et plus courts que dans la jeunesse, mais peut-être plus énergiques, et celui qui se livrait en lui cette fois était si cruel, qu’il mit à plusieurs reprises la main sur une de ses armes de luxe, comme s’il eût été poursuivi par le spectre du suicide ; mais il pensa à sa mère, repoussa et enferma les armes, et se prit la tête à deux mains, craignant de devenir fou.

Il avait toujours regardé l’argent comme rien. Sa mère, par ses théories de noble désintéressement, l’avait aidé à glisser de là sur la pente du sophisme. Il avait pourtant compris qu’en ruinant sa mère, il avait dépassé son droit. Il s’était étourdi, il avait été jusqu’au bout en se promettant de s’arrêter devant la fortune de son frère, et puis il l’avait entamée notablement, cette fortune ; mais la vérité est qu’il ne l’avait pas fait sciemment ; que par délicatesse le marquis n’avait pas compté avec lui pour des choses de détail, et que, sans ta nécessité de préserver ce qui lui restait par un appel à son honneur, il ne lui en eût jamais parlé. Le duc ne se sentait donc pas coupable d’égoïsme prémédité, et il avait fait sincèrement de vifs reproches à Urbain pour ne l’avoir pas averti plus tôt. Il voyait enfin les abîmes ouverts par son désordre et son incurie ; il était mortellement humilié d’avoir porté un très-grand préjudice à l’avenir de son frère, et de n’avoir aucun moyen de réparer ses fautes sans attenter à l’austérité de certains principes que sa mère et son éducation lui imposaient.

La faute était pourtant moins grave que celle d’avoir dépouillé sa propre mère ; mais elle n’apparaissait pas ainsi au duc. Il lui avait toujours semblé que ce qui était à sa mère était à lui, tandis qu’avec son frère la fierté lui rappelait la notion du tien et du mien. Et puis, faut-il le dire ? s’il n’y avait pas d’aversion impie entre deux frères si différents, il y avait au moins absence de confiance et de sympathie. La vie de l’un était une éternelle protestation contre celle de l’autre. Urbain avait fait de grands efforts intérieurs pour que la voix de la nature fût en lui celle de l’amitié. Gaëtan n’en avait fait aucun ; se fiant à l’absence de fiel qui le caractérisait, il s’était cru permis de railler l’austérité du marquis. Ils étaient donc ensemble, la plupart du temps, sur le pied d’un blâme délicatement contenu chez l’un, et d’un persiflage doucement révolté chez l’autre.

— Eh bien ! s’écria le duc en voyant rentrer le marquis, c’est donc un fait accompli ? Je vois à votre figure que vous venez de signer !

— Oui, mon frère, répondit Urbain ; tout est arrangé, et il vous reste douze mille livres de rente que je n’ai pas permis que l’on fît entrer dans la liquidation.

— Il me reste ?… reprit Gaëtan en le regardant en face : non ! vous me trompez, il ne me reste rien ; c’est vous qui, après m’avoir libéré, me faites une pension !

— Eh bien ! oui, répondit le marquis, car aussi bien il vous faudrait apprendre d’un jour à l’autre que vous n’êtes pas libre d’en aliéner le capital.

Le duc, qui n’avait encore pris aucun parti, fit craquer ses mains en les pressant l’une contre l’autre et retomba dans son mutisme. Le marquis fit un effort pour vaincre sa réserve habituelle, s’assit près de Gaëtan, et, prenant ces mains crispées qui ne pouvaient se décider à se tendre vers lui : — Mon ami, lui dit-il, vous avez trop de hauteur avec moi. Est-ce que vous n’eussiez pas fait pour moi ce que je fais pour vous ?

Le duc sentit son orgueil se briser. Il fondit en larmes. — Non ! dit-il en serrant avec énergie les mains de son frère. Je n’aurais pas su, je n’aurais jamais pu le faire, puisque ma destinée est de nuire, et que je n’aurai jamais le bonheur de sauver personne, moi !

— Vous convenez au moins que c’est un bonheur, reprit Urbain. Considérez-moi donc comme votre obligé, et rendez-moi votre amitié, qui semble s’éteindre dans cette blessure.

— Urbain ! s’écria le duc, tu parles de mon amitié… Ce serait le moment de te remercier par des protestations, et je ne le fais pas ! Je ne tomberai jamais assez bas pour me réfugier dans l’hypocrisie. Sais-tu, mon frère, que je t’ai toujours fort mal aimé ?

— Je le sais, et je me l’explique par la différence de nos goûts, de notre organisation ; mais le moment n’est-il pas venu de s’aimer mieux ?

— Ah ! le moment est affreux pour cela ! c’est le moment de ton triomphe et de mon abaissement. Dis-moi que, sans ma mère, tu m’aurais laissé succomber ! Oui, voilà ce qu’il faut me dire, et je pourrai te pardonner ce que tu fais.

— Ne te l’ai-je pas déjà dit ?

— Dis-le-moi encore !… Tu hésites ?… Alors c’est une question d’honneur ?…

— Oui, c’est cela, une question d’honneur.

— Et tu n’exiges pas que je t’aime aujourd’hui mieux que les autres jours ?

— Je sais, reprit le marquis tristement, que par moi-même je ne suis pas fait pour être aimé ?

Le duc se sentit tout à fait vaincu ; il se jeta dans les bras de son frère. — Tiens ! s’écria-t-il, pardonne-moi. Tu vaux mieux que moi, je t’estime, je t’admire, je te vénère presque ; je sais, je sens que tu es mon meilleur ami. Mon Dieu ! qu’est-ce que je pourrai faire pour toi ? Aimes-tu une femme ? Faut-il tuer son mari ? Veux-tu que j’aille te chercher en Chine quelque manuscrit précieux, dans quelque pagode, au risque de la cangue et autres douceurs ?

— Tu ne songes qu’à t’acquitter, Gaëtan ! Si tu m’aimais seulement un peu, nous serions déjà cent fois quittes.

— Eh bien ! je t’aime de toute mon âme, répondit le duc avec force en l’embrassant, et tu vois, je pleure comme un enfant. Voyons, estime-moi un peu à ton tour. Je me corrigerai, je suis encore jeune, que diable ! À trente-six ans, on n’est pas perdu ! on n’est qu’un peu usé. Je me rangerai… d’autant plus qu’il le faut ! Eh bien ! tant mieux ! Je me referai une santé, une jeunesse. J’irai passer l’été avec ma mère et toi à la campagne ; je vous raconterai des histoires, je vous ferai encore rire. Allons ! aide-moi donc à faire des projets, soutiens-moi, relève-moi, console-moi, car, en fin de compte, je ne sais où j’en suis et me sens bien malheureux !

Le marquis avait déjà remarqué, sans en avoir l’air, la disparition des armes qui se trouvaient en vue une heure auparavant. Il avait d’ailleurs lu sur le visage de son frère l’horrible crise qu’il venait de subir. Il savait que son courage moral n’allait pas au delà de certaines épreuves. — Habille-toi, lui dit-il, et viens déjeuner avec moi. Nous causerons, nous ferons des châteaux en Espagne. Qui sait si je ne te prouverai pas que, dans certaines situations, on commence à être riche le jour où l’on devient pauvre ?