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Le Messager Évangélique/1861/Qu’est-ce que l’enfer ?

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Correspondance.

Notre frère S. de la C. (Drôme) nous adresse ces questions auxquelles il voudrait qu’on répondit dans le Messager évangélique :

« 1° Qu’est-ce que l’enfer ?

» 2° Qu’est-ce que les Saintes Écritures entendent par ce mot ?

» 3° Est-ce le lieu des tourments éternels, ou seulement un lieu où les âmes vont après leur départ du corps, en attendant le jugement du grand trône blanc ?

» 4° Que disent les Écritures sur la position des âmes dans ce lieu ? Ne sont-elles pas tourmentées par la pensée d’avoir méprisé la grâce de Dieu, et rejeté tous les moyens auxquels l’amour divin avait pourvu pour les sauver ? Là, n’attendent-elles pas la résurrection et le jugement, qui dévoilera toutes leurs actions mauvaises ? Ne voient-elles pas ce qu’elles n’ont pas voulu voir ici-bas : n’ont-elles pas la connaissance des voies de Dieu et de ce qui les attend, savoir d’être jugées selon leurs œuvres, et jetées, avec leurs corps ressuscités, dans le lac ardent de feu et de soufre pour l’éternité ?

» Voilà, cher frère, ce que je désirerais voir développé dans notre Feuille, car je ne connais pas d’écrit qui traite spécialement ce sujet, sur lequel il y a beaucoup d’ignorance et de confusion dans la chrétienté. Mon désir serait que quelque frère le traitât ; je crois que cela pourrait être utile. Que Celui qui est tout pour nous le mette au cœur de quelqu’un de ses enfants. »

Nous publions ces lignes, dans l’espoir qu’elles arriveront à leur adresse et qu’il sera donné à quelqu’un de nos lecteurs de nous envoyer une réponse qui satisfasse notre frère S. Si nous ne recevons rien d’ici au 15 mars prochain, nous essayerons nous-mêmes de répondre.

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Explication de passages.

Il est temps que nous répondions quelques mots aux demandes de notre frère S., que l’on peut relire à la page 80 ci-dessus.

Au fond, le mot enfer ne se trouve pas dans l’Écriture ; il vient du latin et veut dire : les lieux bas ou inférieurs. Toutefois si le mol n’est pas dans les Écritures, la réalité d’un lieu de tourments y est présentée fréquemment.

Les termes du texte original, qui ont été rendus quelquefois par enfer sont, dans l’hébreu Scheôl. Or Scheôl se trouve 65 fois dans l’Ancien Testament : Martin le traduit 56 fois par sépulcre ; 2 fois par gouffre (Nombr. XVI, 30, 33) ; 2 fois par bas lieux ou lieux les plus bas de la terre (Deut. XXXII, 22 ; Amos IX, 2) ; 2 fois par l’abîme ou les abîmes (Job XI, 8 ; XXVI, 6) ; 2 fois par fosse (Job XIV, 45 ; Ps. LV, 15) et une seule fois par les enfers (És. LVII, 9).

Le mot corrélatif, dans le Nouveau Testament, est hadès, qui s’y trouve 11 fois, savoir : Matth. XI, 23 ; XVI, 18 ; Luc X, 15 ; XVI, 23 ; Apoc. I, 18 ; VI, 8 ; XX, 13, 14, où Martin l’a rendu par enfer ; et Actes II, 27, 31 et 1 Cor. XV, 55, où il l’a traduit par sépulcre.

La Version nouvelle, avec beaucoup de raison, a conservé partout le mot hadès, qui signifie proprement lieu invisible. Nous avons encore, pour désigner ce que l’on a appelé Enfer, le mot géhenne, qui vient des mots hébreux Gué-Hinnom, vallée de Hinnom (Josué XV, 8) ou Gué-Ben-Hinnom (même verset de Josué, 2 Rois XXIII, 10, etc.). C’était une vallée délicieuse au sud-est de Jérusalem. Agréable et fertile, elle était couverte d’arbres verdoyants, et l’on y trouvait les jardins des rois. Plus tard Jérusalem rebelle, idolâtre et adultère, sacrifia sous ses ombrages, et entendit les cris des enfants qu’on y brûlait dans les bras de Moloc. Josias le réformateur mit fin aux abominations qui s’y commettaient ; il profana cette vallée, dit l’auteur sacré, et on ne la nomma plus qu’avec horreur (Tophet) cf. Jérém. XIX, 13. Elle devint une place maudite, un lieu d’exécution pour les criminels, et la grande voirie de Jérusalem. Son nom de Gué-Hinnom, ou en grec Gehenna, que l’on a traduit par géhenne servit à désigner les malheurs temporels et éternels les plus affreux. Vous le trouverez 12 fois dans le Nouveau Testament : Matth. V, 22, « la géhenne du feu ; » 29, 30 ; X, 28 ; XVIII, 9, « la géhenne du feu ; » XXIII, 15, « fils de la géhenne, » 33, « jugement de la géhenne ; » Marc IX, 43, 45, 47, « la géhenne de feu ; » Luc XII, 5 ; Jacq. III, 6, « la langue… est enflammée de l’enfer » (grec : de la géhenne).

Il est aussi question de l’abîme ou d’un abîme. Luc VIII, 31 : Légion conjurait le Seigneur de ne pas leur commander de s’en aller dans l’abîme. Rom. X, 7 : La justice par la foi parle ainsi : Ne dis pas en ton cœur… : « Qui descendra dans l’abîme… pour faire monter Christ d’entre les morts ? » Apoc. IX, 1, 2 : « La clef du puits de l’abîme est donnée à un ange, qui ouvre le puits de l’abîme, et il en monte une fumée, par laquelle le soleil et l’air sont obscurcis ; et de la fumée sortent des sauterelles sur la terre… Ces terribles sauterelles ont sur elles un roi (vers. 11), l’ange de l’abîme, dont le nom en hébreu est Abaddon, et en grec Apollyon. — Au ch. XI, 7, la Bête qui monte de l’abîme, fait la guerre aux deux témoins et les tue. XVII, 8 : La Bête… était et n’est pas, et va monter de l’abîme et aller à la destruction. Enfin le chap. XX, 1-3, nous montre un ange ayant la clef de l’abîme, qui lie Satan d’une grande chaîne et le jette dans l’abîme.

Quant aux souffrances ou aux tourments de l’enfer, ils sont désignés par diverses expressions, telles que : « le feu éternel » (Matth. XVIII, 8), « le feu inextinguible, où le ver ne meurt point et où le feu ne s’éteint point » (Marc IX, 45), « les peines éternelles » (Matth. XXV, 46), « le jugement éternel » (Marc III, 29), « une punition éternelle » (2 Thess. I, 9), « des chaînes éternelles » (Jude 6) ; « les ténèbres du dehors où seront les pleurs et les grincements de dents » (Matth. VIII, 12, etc.), « l’étang brûlant de feu et de soufre ; qui est la seconde mort » (Apoc. XX, 14 ; XXI, 8).

Ces images indiquent assez que l’enfer sera un séjour affreux et que les tourments n’y cesseront jamais. Mais sont-ce là seulement des images, des figures ? c’est ce que nous n’oserions certes pas affirmer.

Voilà ce que l’Écriture nous apprend sur cette redoutable vérité. Aller plus loin, discuter, comme plusieurs l’ont fait, sur la nature du feu de l’enfer etc., ce serait s’exposer à substituer les rêves de l’imagination humaine aux enseignements de la Parole. Arrêtons-nous donc ici, et bénissons Dieu, de ce qu’il nous a choisis dès le commencement pour le salut…, pour que nous obtenions la gloire de notre Seigneur Jésus-Christ (2 Thess. II, 12, 13). « Car Dieu ne nous a pas destinés à la colère, mais à l’acquisition du salut par notre Seigneur Jésus-Christ, qui est mort pour nous, afin que, soit que nous veillions, soit que nous dormions, nous vivions ensemble avec lui » (1 Thess. V, 9, 10).

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Un de nos abonnés a bien voulu compléter, par les lignes suivantes, la réponse que nous avions donnée à la page 138 à une question que, à dessein (nous l’avons fait entendre), nous ne voulions pas traiter plus à fond.

« En relisant et la question de la page 80, et la réponse donnée aux pages 138 et suivantes, il m’a paru qu’il y a quelques mots à ajouter.

Quant à la question, d’abord, elle a pour centre un mot français, par lequel les traducteurs ont, plus ou moins arbitrairement, traduit divers mots hébreux de l’Ancien Testament, ou grecs du Nouveau.

La réponse signale cet inconvénient et le corrige en donnant les divers mots hébreux ou grecs qui ont été traduits par enfer, et les passages où ils se trouvent. Mais elle s’en tient là, et ne donne ni la signification ni la portée de ces mots. Je vais essayer d’aller un peu plus loin, au risque, en étant moins prudent, de devenir plus téméraire.

Le mot schéol ne se trouve que dans l’ancien Testament. Or ce livre, quoiqu’il parle de flammes éternelles (Ésaïe XXIII, 14), d’opprobres et d’infamie éternelles (Dan. XII, 2), et d’être exterminé éternellement (Ps. XCII, 7), ne va pourtant au fond pas au delà de ce règne dont la durée a clé limitée dans l’Apocalypse à mille ans. Je crois donc qu’on peut en conclure que le mot schéol, là même où il s’agit d’un séjour des morts, ne comprend que le temps depuis leur mort jusqu’à la fin du règne, c’est-à-dire jusqu’au jugement final, ; aussi l’a-t-on souvent traduit par sépulcre, et, comme le juste meurt aussi bien que le méchant, ce mot s’applique au lieu du séjour du juste aussi bien qu’à celui du méchant. (Gen. XXXVII, 33 ; — XLII, 38 ; — XLIV, 29, 31 ; — 2 Sam. XXII, 6 ; — Ps. XVI, 10 ; — XVIII, 5 ; — XXX, 3 ; — XLIX, 15 ; — LXXXVI, 13 ; — CXVI, 3 ; — És. XXXVIII, 10 ; — Jon. II, 3).

Dans le Nouveau Testament c’est ordinairement le mot hadès qui est traduit par enfer, et c’est effectivement par hadès que les Septante traduisent aussi ordinairement le mot schéol.

En tant que séjour des morts nous y voyons le riche de la parabole de Luc XVI, et nous apprenons que pour lui c’était un lieu de tourments. Mais celle même parabole nous montre le pauvre, quoique reposant dans le sein d’Abraham, assez rapproché du riche pour qu’ils puissent converser ensemble, et je crois qu’on peut affirmer sans témérité qu’il était aussi dans le hadès. Au reste c’est le mol qui est employé dans Act. II, 27, 51, traduction de Ps. XVI, 10, pour marquer le lieu dans lequel le Seigneur Jésus a séjourné entre sa mort et sa résurrection, et en 1 Cor. XV, 55, hadès désigne le lieu d’où sortiront les morts qui ressusciteront incorruptibles. Je crois donc que le hadès, comme le schéol, est le lieu où séjournent tous les morts quels qu’ils soient, avant la première résurrection (1 Cor. XV, 55), ou avant le dernier jugement (Apoc. XX, 13).

Le mot géhenne a évidemment une signification plus restreinte en ce qu’il désigne toujours un lieu de jugement (Mat. V, 22, 29, 30 ; — X, 28 ; — XVIII, 9 ; — XXIII, 33 ; — Marc IX, 43, 45, 47 ; — Luc XII, 5).

Ensuite nous trouvons des expressions qui ne se rapportent que au lieu du jugement pendant le règne, comme :

La fournaise de feu ; là seront les pleurs et les grincements de dents (Matth. XIII, 42, 50).

Le feu inextinguible (Matth. IV, 12).

Le feu (Matth. XIII, 50).

Les ténèbres du dehors où il y aura des pleurs et des grincements de dents (Matth. VIII, 12 ; — XXII, 13 ; — XXV, 30 ; — Luc XIII, 28).

Les pleurs et les grincements de dents (Matth. XXIV, 51).

Le dehors (Matth. XXV, 10 ; — Luc XIII, 25, 28).

Je pense que tout cela est compris dans la géhenne ; comparez Marc IX, 44, 46, 48.

Enfin nous trouvons une expression qui, sauf le jugement de la Bête et du faux prophète (Apoc. XX, 20), ne s’applique qu’au jugement final et éternel devant le grand trône blanc, c’est celle de étang de feu (Ap. XX, 15), ou étang brûlant de feu et de soufre (Ap. XXI, 8) ; elle désigne donc le lieu des peines éternelles après ce jugement. »

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Correspondance.

Cher frère,

Quelques — uns de vos lecteurs n’ont pu admettre ce qui est dit dans les pages 213 à 215, du n° 11, de votre journal, concernant les mots éternel, — éternellement, qui, selon votre correspondant, ne désignent pas toujours ce que nous entendons ordinairement par ces mots : savoir, un état de choses qui subsistera à jamais ; — mais s’appliquent aussi en plusieurs endroits, soit de l’Ancien, soit du Nouveau Testament, à un état de choses limité, à une période de mille ans. Je prends donc la liberté de vous envoyer quelques passages à l’appui de cette assertion, afin d’aider vos chers lecteurs à comprendre la pensée qui me paraît établie par l’auteur de l’article en question.

1° Pour ce qui concerne la royauté terrestre, dirai-je, de Christ, nous lisons en Dan. II, 44 : « Et, au temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais dissipé, et il sera établi éternellement. » — Dan. VII, 27 : — « … son royaume est un royaume éternel. » — Luc I, 33 : « Et il régnera sur la maison de Jacob éternellement, et il n’y aura pas de fin à son règne. » Maintenant, en connexion avec ces passages, il est bon de lire 1 Cor. XV, 24-28 ; parce que ce passage-ci jette un grand jour sur la portée que nous devons donner aux mots que j’ai soulignés. Voici donc ce qui nous est enseigné touchant le règne médiatorial de Christ, ce règne qui, dans quelques passages, est appelé éternel. L’apôtre nous dit ici que le Fils remettra le royaume à Dieu le Père et qu’après tout, lui-même aussi sera assujetti.

2° Pour ce qui concerne la bénédiction rattachée à ce règne et de laquelle Israël jouira, le même mot est employé : voyez Ésaïe LX, 21 : « ils posséderont éternellement la terre. » — Joël III, 20 : — « La Judée sera habitée éternellement et Jérusalem d’âge en âge. » Il y a aussi plusieurs autres passages, où les mots perpétuel et perpétuité se rencontrent, avec un sens limité ; comme en Lév. XVI, 34 ; Nomb. XXV, 13 ; Ps. XXXVII, 29 ; et CXXXII, 14. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de multiplier les citations sur ce sujet, celles-ci peuvent suffire pour aider nos chers frères à comprendre que l’Esprit de Dieu peut, à son gré, se servir d’un même mot tout en l’appliquant à deux états de choses entièrement différents, l’un limité, l’autre non. D’un autre côté, je ne crois pas qu’une telle assertion puisse ou doive jeter le trouble dans l’âme d’aucun de vos lecteurs, ni qu’elle ouvre une porte par laquelle l’ennemi puisse entrer pour saper l’assurance de la foi, concernant l’avenir glorieux qui est devant nous et les bénédictions qui nous y sont réservées. Des incrédules, il est vrai, pour nier l’éternité des peines réservées aux méchants, se sont servis de quelques-uns des passages que nous examinons : Luc I, 33, par exemple ; mais cela n’a fait que donner plus de force aux paroles de l’apôtre : « que l’homme qui n’a que l’âme ne comprend pas les choses qui sont de l’Esprit de Dieu. » En outre, le Nouveau Testament emploie souvent une expression qui lui est particulière, par laquelle l’Esprit saint désigne un temps illimité, éternel ; ce sont ces mots : « aux siècles des siècles, » presque exclusivement employés quand il s’agit d’honneur, de louange et de gloire dus à Dieu. Voici quelques passages où ces mots se trouvent : Gal. I, 5 ; 2 Tim. IV, 18 ; Hébr. XIII, 21 ; Phil. IV, 20 : 1 Tim. I, 17 ; 1 Pier. IV, 11 ; V, 11 ; Apoc. I, 6 ; V, 13 ; IV, 10, etc.

Éphés. III, 21, nous découvre l’Église comme éternel centre de louanges pour Dieu. En Rom. XI, 36 et XVI, 27 (version nouvelle), le mot éternellement a le même sens et la même portée que l’expression « aux siècles des siècles ; » par conséquent il diffère ici, comme dans d’autres endroits, de l’emploi que l’Esprit en fait dans les passages que nous avons examinés plus haut.

Ces mots : « aux siècles des siècles, » sont aussi employés quand il est parlé des peines éternelles, voyez Apoc. XIV, 10, 11 ; XX, 10 ; et du règne des saints quand l’état de choses qui doit succéder à celui qui subsiste aujourd’hui, sera manifesté : Apoc. XXII, 5.

Oh ! béni soit Dieu, de ce que dès maintenant, et par sa grâce, nous pouvons lui donner gloire, par Jésus-Christ noire Seigneur !

Un de vos lecteurs.

À quoi nous ajoutons que les mots éternel, perpétuel, etc., signifient, en général, ce qui doit durer pendant toute une économie ou un état de choses, soit sur la terre, soit au ciel ; il suffit donc, en quelque sorte, pour déterminer si l’on doit leur donner un sens limité ou non, de juger, d’après le contexte, s’ils s’appliquent à la terre actuelle ou au ciel, à Israël ou à l’Église, au millénium ou à ce qui doit le suivre.

(Rédacteur.)
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