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Le Messianisme chez les Juifs/Deuxième partie/Chapitre 5

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CHAPITRE V

ESCHATOLOGIE SYNTHÉTIQUE.


Le livre des Paraboles n’a point encore livré son secret. Son Messie, Élu, Fils de l’homme, qui n’intervient que pour juger le monde est-il une création homogène, inspirée par Daniel ? n’est-ce que le résultat d’idées mal assemblées par des interpolateurs ? Quoi qu’il en soit, il est certain que cette figure était tout au plus parallèle à la tradition nationale. Cette tradition a dû toujours dominer, et, si on s’en est écarté, on y est revenu, sans pouvoir maintenir le Messie dans les hauteurs où l’avait fixé le livre des Paraboles, mais en tenant compte cependant de l’origine mystérieuse qu’il lui avait assignée. Il fallait d’une part faire intervenir le Messie céleste dans l’histoire et spécialement pour sauver les Juifs et leur faire goûter des temps heureux, d’autre part, concilier ce messianisme terrestre traditionnel avec la préoccupation, de plus en plus dominante, du sort des justes et des réprouvés à la fin des temps. C’est à quoi s’appliquèrent les voyants après la chute de Jérusalem sous Vespasien, lorsque se posa avec plus d’acuité que jamais le problème des promesses faites aux Juifs. La rétribution dans un autre monde ne suffisait pas, pensait-on, pour satisfaire la justice, l’ordre étant violé sur la terre du chef de ce châtiment infligé aux Juifs par les Romains qui valaient moins qu’eux.

C’est surtout de ce point de vue terrestre que se préoccupe le Ve livre sibyllin.

C’est, de l’aveu de tous, une composition hybride. L’ensemble est juif, avec quelques interpolations chrétiennes[1], car il vaut mieux supposer des interpolations qu’un rédacteur judéo-chrétien[2], tant le sentiment vraiment juif l’emporte.

Toute la question est de savoir si ce Juif écrivait peu après la prise de Jérusalem, vers 80, on après la guerre de Bar-Kokébas et la destruction définitive de la ville sous Hadrien.

On n’est obligé de descendre si bas que par le prologue (1-51), résumé énigmatique, et pourtant clair, de l’histoire de l’empire jusqu’à Marc-Aurèle ; mais ce prologue a pu être ajouté. Le reste paraît faire allusion à l’incendie du Temple par Titus (397-413) ; ce serait donc l’œuvre d’un Juif écrivant sous Domitien ou sous Nerva, encore tout ardent de haine contre Rome. On y voit partout la glorification du peuple, juste, saint, divin, céleste, mêlé au souvenir de l’assaut donné à la Ville sainte[3].

Le ton général est donc celui d’une protestation véhémente, à peine atténuée par le respect de la Providence. Dieu doit une réparation aux Juifs, et ce sera la restauration de la Ville sainte.

C’est du moins l’idée principale, noyée dans une confusion plus ou moins voulue, le livre étant probablement composé de plusieurs pièces ; peut-être aussi un même auteur tenait-il à varier ses perspectives, et à concilier des traditions déjà fixées.

Tandis que le livre d’Hénoch prévoyait une suprême attaque des Parthes et des Mèdes contre Jérusalem, cette prévision figure tout d’abord : un roi sera envoyé du ciel pour sauver la ville[4].

Quand la Perse sera en repos, c’est-à-dire les Parthes sans guerre avec Rome, la Judée, elle aussi, goûtera la paix.

Le messianisme est ici très réduit : aucune vue de domination universelle, aucune transcendance dans l’ordre moral. La race divine et céleste occupera la Ville sainte avec un territoire entouré d’un mur très élevé qui ira jusqu’à Joppé[5]. Les rêves d’avenir se font ensuite plus religieux. Jérusalem sera délivrée et les Hellènes ne fouleront plus le sol de la Terre Sainte. Les méchants se cacheront jusqu’à la fin du monde. Après une pluie de feu, la terre sera désolée et inculte jusqu’à ce que tous reconnaissent le vrai Dieu. Alors la terre produira tout d’elle-même[6].

Puis les mêmes idées sont reprises avec plus de force. Après la chute de Jérusalem, la restauration future est censée accomplie[7]. A sa tête est un homme bienheureux, venu du ciel, auquel Dieu remet le sceptre, et qui rendra aux justes la félicité des premiers temps[8]. Il rebâtit la ville, désormais plus brillante que le soleil, relève… probablement le Temple[9], et construit une tour qu’on peut voir du monde entier. C’est le dernier temps, celui des saints. Tous les hommes louent le vrai Dieu.

Cependant des calamités plus effroyables sont réservées au monde. Le soleil se cache et ne brillera plus que pour ceux qui ont loué Dieu[10].

Les Égyptiens se convertissent alors et bâtissent un temple à Dieu. Lorsque les Éthiopiens l’auront ruiné, ce sera la bataille formidable des astres[11], l’embrasement général, l’éther sans étoiles[12].

C’est sur ce dernier mot, qui n’est pas sans beauté, que s’arrête l’auteur. Que prévoit-il au delà ? il ne le dit pas. Des deux problèmes posés, il n’a résolu que le premier. Le Messie céleste est devenu le Messie des Juifs, et, ensuite, le roi du monde des justes. Il pressent une autre crise, la crise cosmique, mais ne la décrit que dans ses prodromes.

Ce qui n’est qu’esquissé dans les vers de la Sibylle est longuement traité dans l’Apocalypse d’Esdras[13]. On pourrait nommer ce beau livre : le problème du mal dans le monde, au point de vue d’un pieux israélite, au lendemain de la chute de Jérusalem et de la ruine du Temple[14]. Dès le début, la question est posée nettement. Adam est à peine créé qu’il pèche et entraîne ses descendants avec lui. Le monde est puni par le déluge ; aussitôt le péché reparaît. Mais Abraham est élu, et il semble que Dieu, indifférent à tout le reste, sera satisfait, pourvu que le peuple auquel il a donné la Loi lui soit fidèle. Or, il y a dans le peuple choisi bien des transgresseurs, et si, malgré tout, Israël l’emporte de beaucoup sur les Gentils, comment se fait-il que ce soit précisément lui qui soit foulé aux pieds de ses adversaires ? Cette injustice, si criante, n’est pasle comble du scandale. Le pire de tout, c’est que le nom du Très-Haut est enveloppé dans la catastrophe. Ne dirait-on pas que Dieu se soucie peu de son propre honneur ? Cette méditation historique ne peut avoir qu’une conclusion : ce monde mauvais, irrémédiablement corrompu, doit disparaître pour faire place à un monde meilleur. Lorsque le pessimisme est au plus bas, il rebondit en optimisme, l’optimisme le plus sûr de lui, ou plutôt le plus sûr de Dieu. La victoire doit appartenir au bien.

Ce serait à souhait, si le monde futur pouvait être attendu comme le bien propre d’Israël et constituer sa revanche. Au temps de l’auteur d’Esdras, on ne se contentait plus d’une solution aussi simple. On s’était habitué, depuis les Macchabées, à distinguer dans la nation élue des justes et des prévaricateurs qui ne pouvaient participer ensemble aux félicités du monde futur. Au moment des luttes ardentes entre Sadducéens et Pharisiens, les voyants décrivaient d’avance les tortures réservées à leurs adversaires avec des accents de haine et de revanche. Après la catastrophe de Jérusalem, le sang juif versé à flots, tout un peuple emmené en esclavage ou asservi, la solidarité nationale rapproche les cœurs ; Esdras ne peut songer sans douleur au sort affreux réservé à ceux d’Israël qui ont eu le malheur de pécher. Mais rien ne peut faire fléchir la justice. Et considérant combien peu, même parmi Israël, parviendront à ce monde futur, angoissé sur sa propre destinée, il s’arrête, rabbin soumis et non Titan téméraire, devant les insondables jugements de Dieu.

Il lui restait du moins une ressource, une compensation pour les lamentables échecs du bien dans l’histoire : avant de finir, ce monde corrompu et condamné, sur lequel Dieu a déjà mis son sceau[15], sera le théâtre de la restauration de Sion, de la victoire du Messie sur l’empire romain, et du bonheur d’Israël, réuni tout entier dans la Terre Sainte.

Ce serait donc une erreur de penser qu’Esdras oppose philosophiquement l’eschatologie individuelle au messianisme. Israël, aujourd’hui souffrant, est sans cesse présent à sa pensée. S’il s’occupe des individus, ce n’est pas par une conviction rationnelle de leur rôle dans le monde, c’est parce que, parmi ses frères, il connaît des pécheurs. Cette pensée est de celles qui accablent l’âme quand on s’y donne avec quelque attention ; on dirait, à certaines moments, que c’est la note dominante du livre ; l’auteur n’a pas pu la rencontrer sans s’y étendre. Mais, dans les trois allégories qui forment la seconde partie de l’ouvrage et qui veulent être la réponse posée aux questions soulevées dans la première, il ne fait figurer que Sion, les Romains, Israël et le Messie. Si donc il a pris la plume dans la désolation d’Israël, c’est pour raviver ses espérances ; ses plaintes découragées, sa critique amère du monde qui va finir, se tournent en une ardente aspiration vers le messianisme, première lueur d’un autre monde encore meilleur.

La préoccupation de l’Israël historique domine tout, quoiqu’elle semble s’effacer devant la grande image entrevue de l’éternité. Le messianisme de l’auteur termine l’histoire, mais il en fait partie.

Toute cette théorie tient dans quelques versets qui sont isolés dans la première partie. Si ce n’est pas une interpolation, ou une retouche, c’est comme l’indication discrète d’un thème qui sera développé plus tard[16].

Ce thème, nous l’avons déjà dit, c’est la restauration de Sion, figurée par la vision-apologue de la veuve[17], la défaite des Romains par le Messie, ou l’aigle et le lion[18], le salut d’Israël ou l’allégorie de l’être mystérieux, semblable à un homme[19].

Jérusalem est au centre de tout, et le sauveur de Jérusalem est le Messie.

Il en porte expressément le titre[20], pour que nul ne doute de son rôle, mais il a des aspects variés. Ce Messie est nommé « homme », non point dans le sens ordinaire, comme pour accentuer sa nature humaine, mais par un simple rappel de la vision de Daniel. Lorsqu’il apparaît, c’est un être qui ressemble à un homme[21], et c’est seulement lorsqu’il aura été ainsi présenté, montant de la mer avec les nuages, qu’on le nommera « cet homme ». Il est attaqué par le genre humain, réuni des quatre points cardinaux, mais il fait naître une montagne et du sommet de cette montagne il réduit en cendres l’immense armée, par le souffle de sa bouche. Puis il appelle à lui une autre multitude pacifique, les uns joyeux, les autres tristes, quelques-uns captifs, amenés par leurs vainqueurs. Avec un tact admirable, l’auteur s’éveille à ce moment précis, sans s’étendre sur le bonheur qu’on pressent déjà ; les images se sont succédé, comme dans un rêve, grandioses, un peu bizarres, chacun des acteurs du drame paraissant à point nommé pour jouer son rôle. C’est une belle vision, mais c’est une vision qui ne nous renseigne pas sur ce qu’est celui qui paraît comme un homme. C’est bien l’indication du Messie, l’auteur nous le dira, mais ce n’est point la définition du Messie ; c’est sa représentation en vision, il ne faut pas l’oublier. Le nom d’homme ne lui est jamais appliqué que dans cette vision ou dans l’interprétation qui en est donnée[22]. Et si en effet cet homme marquait le peuple d’Israël, personne ne refuserait de reconnaître l’inspiration de Daniel. Actuellement quelques critiques vont chercher les analogies les plus lointaines pour éviter celle qui s’impose : l’être semblable à un homme qui vient sur les nuées ou avec les nuées[23]. La montagne elle-même est une image prise ailleurs dans Daniel[24]. Plutôt que d’entasser les conjectures érudites, mieux vaut reconnaître simplement qu’Esdras interprétait du Messie l’homme de Daniel. Si ce n’est pas le sens littéral précis du texte de Daniel, qui peut affirmer que ce texte n’avait pas été développé dans le sens que le terme d’ « homme » suggérait si naturellement ? D’ailleurs, loin d’être un homme comme un autre, cet homme, ou plutôt cette image d’un homme, signifie en réalité une personnalité d’une telle grandeur que l’ange, parlant au nom de Dieu, le nomme « mon fils » [25]. C’est ici un fait tout à fait extraordinaire et isolé dans les apocalypses ; on se l’explique mieux si l’auteur a tablé sur une tradition antérieure représentée selon nous par le psaume deuxième[26]. Et en effet, l’homme d’Esdras, établi sur la montagne de Sion, ressemble beaucoup au héros du Psalmiste[27]. Il en résulte que le titre de fils n’est pas une fausse traduction du grec παῖς qui signifie à la fois enfant et serviteur, mais une traduction de l’hébreu ben, « fils » comme dans le psaume. Cependant jamais l’auteur lui-même n’emploie le terme de Fils de Dieu. Ce peut être une précaution de respect, puisqu’il ne nomme « Dieu » que rarement. Mais cette atténuation répond sans doute à une distinction réelle:autre chose est que Dieu dise « mon fils », terme qu’il avait déjà employé dans l’Écriture en parlant d’Israël[28] et du descendant de David[29], autre chose que l’auteur nomme carrément le Messie Fils de Dieu[30].

Aussi bien les origines de ce fils demeurent dans le mystère. Il existe déjà, dans le monde où vont les saints après leur mort, et y demeurera jusqu’au temps marqué[31], invisible aux regards de tous ceux qui sont sur la terre[32]. Il est donc tenu en réserve par le Très-Haut, pour l’œuvre qu’il lui destine[33] ; lorsqu’il se montrera, ce sera une révélation[34].

Il n’est nulle part question de sa naissance, et si les versions orientales le disent « de la race de David », ces mots ne peuvent être qu’une interpolation[35]. Il n’est pas dans le goût des apocalypses de préciser ainsi les choses ; aucune de celles que nous avons rencontrées n’a prononcé le nom de fils de David, qui venait tout naturellement sous une plume chrétienne.

Que si cependant on tient à l’authenticité du passage, et si le Messie d’Esdras est bien fils de David, ce sera un rapprochement de plus avec le Messie des rabbins. Entre ce personnage qui monte de la mer et celui qui descend du ciel, il y a une notable diiférence. Un être préexistant pouvait très bien devenir fils de David, d’après l’opinion assez courante parmi les Juifs que les âmes préexistaient auprès de Dieu. Même après sa naissance il pouvait être caché à tous les regards en attendant d’être manifesté au monde. On assignait même la mer comme lieu de sa cachette[36]. Ce qui prouverait que telle est bien la pensée de l’auteur, c’est que le Messie est caché avec d’autres personnes auxquelles on ne peut pas attribuer aussi facilement qu’à lui une origine tout à fait surnaturelle.

Ce n’est plus l’être extraordinaire, l’Élu ou ce Fils de l’homme qui marche avec la Tête des jours, caché auprès de Dieu, tel que le décrivait le livre des Paraboles, c’est un Messie toujours mystérieux, mais qui vient de moins haut. Il monte avec la mer, et aucun texte ne le fait descendre sur les nuées ; il monte avec elles, comme il arrive toujours en Palestine où les nuages viennent du côté de la mer, poussés par le vent d’ouest.

Cependant il fait encore très noble figure, et ses dons surnaturels sont tout à fait extraordinaires. Il n’agit que par sa voix[37] ; ce n’est ni un roi, ni un guerrier. Il ne combat pas, il reproche à ses adversaires leurs impiétés, et cela suffit pour leur faire mordre la poussière. La voix était attribuée aux anges, et ils s’en servent volontiers dans Esdras. Pourtant il serait bien un homme, s’il était avéré qu’il dût mourir. C’est l’affirmation de la majorité des versions, combattue par le silence de certaines autres, et dans le passage le plus troublé du livre[38]. La même incertitude règne, au même endroit, sur la durée de la carrière du Messie. Si Esdras s’est vraiment décidé à le faire mourir, c’est pour se débarrasser de lui et n’avoir plus à en tenir compte lorsqu’il traitera de l’eschatologie cosmique et transcendante. Le Messie disparu, le jugement appartient à Dieu seul, et le Messie ne figure même pas dans le monde de l’au-delà. Esdras n’a pas voulu le supprimer, ni lui donner un rôle dans les fins absolument ultimes ; le résultat de ce compromis est un temps messianique qui clôt l’histoire, sans inaugurer le monde à venir. Mais un second compromis se greffe sur le premier ; le Messie qui joue un rôle terrestre est celui des autres apocalypses antérieures, un Messie préexistant. En aucun cas on ne peut attribuer à l’auteur deux existences du Messie, l’une humaine et cachée, l’autre glorieuse. Il ne connaît que la manifestation glorieuse d’un Messie réservé pour jouer le rôle que lui impose la tradition. Ce n’est plus l’Élu du livre des Paraboles, qui paraît pour juger et pour demeurer à la tête des élus ; celui d’Esdras vient sauver les restes d’Israël ; après quoi on n’entend plus parler de lui.

On aboutit donc à une construction hybride ; mais, manifestement, l’ensemble est beaucoup moins transcendant que dans le livre des Paraboles.

Si c’est bien le texte primitif qui fait descendre le Messie de David et qui le fait mourir, il n’y a plus guère de différence entre ce Messie et le Messie des rabbins que l’allusion à Daniel, plus nette dans Esdras, ce titre de Fils que Dieu lui donne et qu’ils ont évité, avec une allure plus transcendante, des dons surnaturels plus extraordinaires, un règne moins purement humain que celui que décrivent les Psaumes de Salomon. Ainsi la combinaison essayée par Esdras manque de franchise ; le Christ rentre dans l’horizon historique, pour y jouer un rôle presque uniquement prodigieux. La nouvelle Sion participera à ce caractère[39]. Ce n’est pas une restauration naturelle, si brillante qu’on puisse l’imaginer ; c’est l’apparition d’une cité invisible[40] qui descend toute prête comme le Messie, et même avec le pays dont elle sera le centre. Ce pays jouera le rôle d’une Palestine nouvelle, mais il est fort possible que ce soit le Paradis[41]. Un trait qui paraît tout d’abord très naturel, c’est le retour des dix tribus, déportées par Salmanasar. Mais là encore l’invisible joue son rôle ; on suppose qu’elles vivent cachées dans une terre inconnue où jamais n’a habité un être humain[42]. Elles aussi feront donc leur manifestation. Et toutes ces merveilles sont réservées à Israël. Il ne pouvait en être autrement dans le système de l’auteur. Le messianisme n’avait plus pour lui de raison d’être que d’exercer sur les nations un jugement plus sévère que celui dont elles avaient frappé le peuple de Dieu, moins coupable.

Il faudrait maintenant décrire l’autre eschatologie d’Esdras, le terme définitif du monde, la distinction entre les justes et les pécheurs, la résurrection générale, le bonheur éternel des uns, la damnation définitive des autres. Il ne s’agit plus ici que du sort des individus, réglé d’après une stricte justice ; on n’y parle plus d’Israël, opposé aux Gentils ; Israël lui-même a fourni son contingent de damnés. Au contraire il peut se trouver des justes parmi les Gentils[43]. Ce n’est cependant qu’une infime exception. Les nations sont fatalement condamnées, puisqu’elles ne connaissent pas Dieu et ne pratiquent pas sa loi[44].

Nous n’avons pas à insister, puisqu’il ne s’agit plus ici d’eschatologie messianique ; on retrouvera les traits principaux à propos de la résurrection. Il faut seulement remarquer qu’aucun lien n’existe entre le rôle du Messie et le bonheur éternel des justes. Les sphères d’action sont absolument distinctes, puisque le Messie n’est même pas nommé parmi les élus. Les justes se sauvent par leurs œuvres, c’est-à-dire par l’accomplissement de la loi, sous la tutelle de la Providence de Dieu, mais non pas par sa grâce[45], et si Dieu fait miséricorde à des pécheurs convertis, c’est en faveur des justes, non à cause du Messie, qui n’a rien à voir à cela.

Le Christ sauve Israël à la fin des temps, et lui procure quelques années de bonheur et de gloire ; il n’est point l’auteur du salut éternel des justes. On ne voit pas non plus que sa doctrine et ses exemples les éclairent ; ne compromettrait-il pas ainsi son rôle de triomphateur ? Il serait certes au-dessous de sa dignité de prêcher la pénitence. Aussi Esdras charge de cette mission des hommes enlevés de terre sans mourir, c’est-à-dire sans doute Hénoch et Élie[46]. Ce sont peut-être les précurseurs du Messie, car ils apparaîtront, comme lui, après le temps des grandes angoisses ; mais l’auteur ne le dit pas. L’invitation à la conversion vise le grand jugement, avec la même réserve que dans Malachie auquel cette pensée paraît empruntée[47]. Quoi qu’il en soit, cette attribution distincte montre combien peu Esdras comprenait le Messie comme un prédicateur de pénitence. Il ne l’a pas non plus nommé l’instrument du salut du monde[48] ; ce monde serait en tout cas le monde présent, un monde près de finir et sur le point d’être remplacé par un monde meilleur, mais il est presque certain que le texte doit être restreint à Israël, dont le Messie sera le libérateur.


L’Apocalypse de Baruch est coulée dans le même moule que celle d’Esdras, mais le métal en est moins noble. L’un des deux auteurs a imité, et l’imitateur doit être Baruch, dont les images sont moins naturelles et la réflexion théologique plus avancée. On ne compendrait guère que le problème des fins dernières ait inspiré à Esdras des accents si poignants, s’il l’avait traité en copiste. Baruch se le pose aussi, mais plus froidement ; c’est déjà un thème à spéculations et à discussions.

Moins original aussi, le messianisme de Baruch est, comme celui d’Esdras, au terme du monde actuel, et sert de transition au monde futur. Le point de départ de la révélation, c’est la destruction de Jérusalem, — par les Chaldéens, puisque le révélateur est Baruch, — mais on comprend assez que le véritable auteur vivait après la ruine du Temple sous Vespasien.

Cette série de malheurs, accablant la cité sainte et le temple où Dieu résidait, plonge le voyant dans un malaise indicible. Ce ne sont point les Chaldéens qui ont détruit la ville, ce sont les anges ; Dieu l’avait quittée, et ce qui a été saccagé, ce n’était même pas la vraie cité sainte, enlevée par Dieu auprès de lui avec le Paradis. Malgré tout, le scandale subsiste, puisque les Juifs valent mieux que leurs adversaires, et, quoi qu’il en soit des vivants, qu’adviendra-t-il des justes décédés, et quel sera leur salaire, s’il faut que toujours l’histoire se recommence ? C’est par ce pli que l’auteur aborde l’eschatologie individuelle. Il va sans dire que pour lui la question ne se pose pas dans ces termes philosophiques. L’histoire, mauvaise à Israël[49], l’amène à penser que le monde va finir. Qu’en sera-t-il des promesses de gloire faites à Sion et du bonheur promis aux justes dans un monde meilleur[50] ?

La réponse est dans le messianisme, suivi du monde futur.

Il est trois fois question du Messie, une première fois en clair, puis dans la vision du cèdre et de la source, enfin dans la vision de la nuée. Après des calamités inouïes, après qu’un petit reste seul aura été conservé par la providence de Dieu, dans « cette terre », c’est-à-dire la Terre sainte, tout étant révolu, le Messie commencera à se révéler[51]. Avec lui se manifesteront Béhémoth et Léviathan. Sa présence inaugure une époque plantureuse. La fertilité de la terre sera prodigieuse ; des anges feront respirer des parfums le matin, et distilleront le soir une rosée salutaire. On se nourrira de manne, car c’est la fin des temps. Que fait le Messie ? rien. Quand il retournera au lieu d’où il est venu[52], les réceptacles des âmes se videront ; elles se présenteront pour la récompense ou le supplice.

Le messianisme est donc clairement un temps intermédiaire.

La même distinction des deux mondes se retrouve, encore plus nette, dans la vision du cèdre et de la source. Baruch s’endort et voit pendant la nuit un bois environné de rochers escarpés ; en face une vigne, d’où coule une source. La source arrive jusqu’au bois et grossit, les arbres sont déracinés et enlèvent la crête des rochers ; enfin il ne reste qu’un cèdre. La source adresse de violents reproches au cèdre, qui est consumé, en attendant les dernières tortures. La vigne croît au milieu d’une plaine couverte de fleurs immarcescibles[53].

C’est une allégorie des empires. Le premier empire qui a détruit Sion, c’est-à-dire les Chaldéens, sera détruit par un second empire, et celui-ci à son tour par un troisième (les Perses et les Grecs). Viendra un quatrième empire (l’empire romain), plus dur et plus mauvais que les autres. Le cèdre est le dernier de ses chefs. L’empire du Messie est la source avec la vigne. Dès le début on pressent que la source menace le bois ; c’est sans doute une allusion à la préexistence du Messie. La forêt et les rochers se causent un mutuel dommage. C’est la lutte des nations entre elles avant le duel définitif entre la source et le cèdre, le Messie et l’Empereur. La source tuera le cèdre, le Messie vainqueur régnera sur le reste du peuple dans le pays aimé de Dieu.

La source joue donc ici le rôle du lion et de l’homme d’Esdras : venger les Juifs de l’empire romain et de son chef. Il est plus expressément question du règne du Messie, règne indéfini, mais strictement limité ici par la fin du monde de la corruption[54]. Ce règne n’est donc qu’une pause, et, de même, les tourments des empires païens sont provisoires jusqu’au jour du châtiment définitif, où ils reviendront de nouveau[55], c’est-à-dire se présenteront au Juge après la résurrection.

Si l’image est peu naturelle et même bizarre, les idées sont très nettes. Le rôle du Messie est purement temporaire. De toute façon personne n’a à se préoccuper de lui avant sa venue. C’est le monde futur, non pas celui du messianisme, qui est l’objet des promesses ; c’est ce monde qui ne passera pas, qui demeurera à jamais, qui n’aura pas de fin[56]. On y arrive par les bonnes œuvres ; toute l’espérance est dans la Loi, Quoique les Israélites aient bien des choses à se reprocher, ils ont le dépôt de la Loi, et ils ont du moins évité de se mêler aux Gentils[57]. On croirait entendre le Juif qui objecte contre saint Paul dans l’épître aux Romains[58]. Si quelques Juifs sont tentés de s’égarer, ce n’est pas l’emploi du Messie de les mettre dans le bon chemin. Baruch ne fait pas intervenir ici comme Esdras les grands témoins qui n’ont pas goûté la mort ; il suffira des docteurs ordinaires d’Israël, « les fils de la Loi »[59]. Il y a plus, les Gentils eux-mêmes seront jugés d’après la Loi, car, s’ils l’ont ignorée, c’est à cause de leur orgueil[60]. La Loi et la foi qu’elle suppose, c’est la condition du salut, et même de la réalisation des promesses messianiques.

Le Messie paraît une troisième fois dans une nouvelle vision allégorique. Sur la mer aux couleurs variées s’élève un nuage gros d’eaux blanches et noires, avec quelque chose de semblable à un éclair à l’extrémité du nuage. L’éclair se manifestera en son temps ; on reconnaît ici encore l’existence du Messie dès le commencement du monde. Le nuage couvre toute la terre. Il en sort successivement une eau noire abondante, puis un peu d’eau claire, en alternant. Après six eaux noires et six eaux claires, une eau tout à fait noire, mêlée de feu. Alors l’éclair brille et illumine toute la terre ; il guérit les pays où la dernière eau avait fait du mal. Enfin il occupe le monde entier et le domine, cependant que douze fleuves coulent de la mer, entourent cet éclair et lui sont soumis. L’allégorie est monotone. Les eaux noires sont le débordement du péché à certaines époques ; les eaux claires ont un moindre débit, même lorsque le bien reprend le dessus. Tout cela va par paires. Adam et son péché d’une part, puis Abraham qui pratique la Loi avant qu’elle soit écrite ; les Égyptiens et Moïse, les Amorrhéens et David, Jéroboam et Ézéchias, Manassé et Josias, la destruction de Sion et sa restauration. Les dernières eaux sont les calamités qui précèdent les temps messianiques ; dans l’éclair nous avons déjà reconnu le Messie. Les douze fleuves ne peuvent être que les douze tribus, quoiqu’ils ne figurent pas dans l’interprétation, où ils sont remplacés par des eaux claires, symbole de la félicité messianique.

Ces deux tableaux n’offrent rien de bien nouveau. L’action du Messie y est encore plus restreinte, s’il est possible. « Le Fort » ou le « Très-Haut », — afin de ne pas prononcer le nom de Dieu, — ne le nomme pas « mon fils », mais « mon serviteur ». C’est la terre elle-même qui exerce les vengeances divines ; ceux qui auront échappé à tous les fléaux tomberont entre les mains du Messie ; la terre sainte, au contraire, protège ses habitants. Voilà pour les eaux noires, le côté sombre de l’intervention messianique. Mais si le Messie a détruit certaines nations, il sauvera les autres. Il y aura donc des Gentils admis au bonheur des derniers temps. Ce serait très charitable et très humain, si ce jugement ne dépendait uniquement de l’attitude des nations envers Israël. Celles qui ne l’ont pas connu ou ne lui ont pas fait de mal seront épargnées pour le servir ; les autres seront livrées au glaive. L’âge d’or commence. Il est dit expressément que le Messie sera pour l’éternité assis sur son trône[61], et l’auteur semble ajouter que cet heureux temps sera comme l’aurore du monde futur. Si l’on veut l’accorder avec lui-même, il ne faut point serrer ces expressions de trop près. Les temps messianiques seront des temps d’innocence et de bonheur, le péché sera exclu, et avec lui la douleur qui en est la conséquence ; les femmes enfanteront sans douleur, personne ne mourra avant le temps. On mourra donc encore ; ce n’est point la consommation définitive.

On ne doit point se figurer le monde futur comme la suite de celui-ci, comme si on allait toujours en progressant, et de clarté en clarté ; la pensée de l’auteur est seulement que le temps messianique emprunte au voisinage de l’éternité quelques-unes de ses prérogatives[62]. On meurt tard, en attendant de ne plus mourir. Il n’y a pas d’autre lien entre les temps messianiques et le monde futur ; le Messie, qui règne dans le premier, n’est pas mentionné à propos du second ; son règne sera donc très long, mais non point éternel dans le sens où nous l’entendons.

Si l’on voulait prendre très à la lettre le règne éternel du Messie, on pourrait peut-être compléter la pensée de l’auteur. Il nous a dit aussi que la nouvelle Sion, la Sion glorieuse, sera couronnée à jamais[63].

On pourrait arguer que si les temps messianiques sont d’une durée limitée, ils sont aussi la manifestation de choses célestes. Ces choses célestes, montrées au monde corruptible, qui s’en trouve déjà transformé, ne feraient-elles pas partie du monde futur ? De la sorte, ceux qui sont décédés auparavant, et qui ne doivent ressusciter qu’au seuil du monde futur, n’en seraient point frustrés. Mais, tout cela, l’auteur aurait pu le dire, et s’il ne l’a pas dit, nous ne devons pas le conclure ; et probablement le monde futur, d’après lui, ne comportait pas ce mélange.

Aussi bien n’attachait-il pas une grande importance pratique au messianisme. Il ne fait jamais mention du Messie dans ses exhortations au peuple. Tout le bien dans le passé venait de la Loi ; c’est aussi la suprême espérance de l’avenir. En dépit de tout, elle demeure[64]. Avec la Loi, rien ne manque.

C’est aussi tout le fond d’une lettre que Baruch charge un aigle de porter aux neuf tribus et demie dans leur exil. Ici le masque tombe presque complètement. C’est un juif exilé de Palestine qui s’adresse à ses frères dispersés : « Maintenant les justes sont morts, les prophètes dorment leur dernier sommeil, nous-mêmes sommes sortis de notre pays, Sion nous a été enlevée, nous n’avons rien maintenant, si ce n’est le Fort et sa Loi »[65]. Les nations qui nous oppriment seront punies ; le jugement viendra, et chacun sera jugé selon ses œuvres. La Loi et les fins dernières, c’est le tout de l’homme, d’après Baruch, ou plutôt du pieux Israélite dont il se préoccupe uniquement, et c’est aussi le programme du judaïsme apres la chute de Jérusalem. Certes la plainte est encore amère et la plaie douloureuse, mais elle n’est pas saignante comme aux jours du IVe d’Esdras. Dans Baruch la stupeur a fait place à la résignation. Lui aussi est pessimiste, mais il fait quelque crédit à un monde où l’on pourra encore pratiquer la Loi.

Le rôle du Messie est encore diminué dans l’Apocalypse d’Abraham. Il n’apparaît que pour réunir les Juifs dispersés. Après cela Dieu juge et jette dans les flammes ceux qui ont dominé pendant le mauvais Éon ; leur châtiment dans l’Hadès est étemel. L’auteur ne décrit la félicité des justes qu’en insistant sur leur joie à voir les tortures des autres[66].

Comme Esdras, quoique avec beaucoup moins d’intensité et de profondeur, l’auteur se préoccupe de l’origine du mal, mais, comme Baruch, et plus encore, il affirme le libre arbitre ; les hommes se perdent par leur faute. Esdras trouvait des accents émus pour déplorer la perte de tant de créatures humaines ; Baruch s’absorbait davantage dans Israël et dans la Loi ; l’apocalypse d’Abraham, la plus particulariste des trois, se complaît surtout dans la pensée de la vengeance.

  1. Entre autres 256-259 où l’homme céleste qui étend les mains sur du bois et rappelle Josué est évidemment Jésus-Christ.
  2. C’était l’opinion d’Alexandre.
  3. Cf. vv. 107, 154, 161, 226, 249, 281, 328 s., 384, 413, 426, 502. M. Geffcken note finement que la ville n’a pas proprement succombé sous les coups de Titus (v. 413), de même que l’Apocalypse de Baruch la fait détruire par les anges (Bar. vii, 1).
  4. 108 s. :

    καί κέν τις θεόθεν βεσιλεὺς πεμϕθεὶς ἐπὶ τοῦτον
    πάντας ὀλεῖ βασιλεῖς μεγάλους καὶ ϕῶτας ἀρίστους.

  5. 247-255.
  6. 260-285.
  7. 416-433.
  8. 414-417 :

    Ἦλθε γὰρ οὐρανίων νώτων ἀνὴρ μακαρίτης
    σκῆπτρον ἔχων ἐν χερσίν, ὃ οἱ θεὸς ἐγγυάλιξεν
    καὶ πάντων ἐκράτησε καλῶς πᾶσίν τʹἀπέδωκεν
    τοῖς ἀγαθοῖς τὸν πλοῦτον, ὃν οἱ πρότεροι λάϐον ἄνδρες.

  9. Le mot de Temple ne figure pas dans le texte qui est lacuneux, mais il ne peut y être question d’autre chose.
  10. 483.
  11. Geffcken cite Sénèque (Consol. ad Marc. xxvi, 6) : Nam si tibi potest solatio esse desiderii tui commune fatum, nihil quo stat loco stabit, omnia sternet… vetustas… et cum tempus advenerit, quo se mundus renovaturus extinguat, viribus ista se suis caedent et sidera sideribus incurrent et omni flagrante materia uno igne quiquid nunc ex disposito lucet ardebit.
  12. 531 : ἧψαν γαῖαν ἅπασαν· ἔμεινε δʹ ἀνάστερος αἰθήρ.
  13. Hilgenfeld, dans Messias Judaeorum (Leipzig, 1869), donne une traduction composée par lui en grec, la version latine, et la traduction latine du syriaque, de l’éthiopien, de l’arménien, et de la version arabe la plus anciennement connue (ar.1). M. Gunkel (Apokryphen und Pseudepigraphen… de Kautzsch, t. II, p. 331-401) a pu utiliser une autre version arabe (ar.2) éditée par M. Gildemeister : Esdras liber quartus arabice a cod. Vat. (1877). Le latin est cité ici d’après The fourth book of Ezra, Texts and Studies, III, n° 2.
  14. Sous le règne de Domitien (81 à 96 ap. J.-C.).
  15. Dans une certaine perspective, les temps messianiques étant déjà éclairés par l’éternité, on dirait qu’ils appartiennent au monde futur, par exemple vi, 7 ss. ; vi, 20 ; mais l’auteur s’exprime ailleurs plus clairement.
  16. vii, 26-29.
  17. ix, 26-x, 60.
  18. xi, 2-xii, 31.
  19. xiii, 1-58.
  20. Latin vii, 29 Christus ; xii, 32 Unctus. Versions orientales, mêmes endroits et vii, 28.
  21. Il est critiquement certain que le latin a sauté quelque chose par homoioteleuton : Du premier et vidi et ecce le copiste a passé au second. Il faut donc lire avec toutes les versions orientales : « Et vidi et ecce [hic ventus ascendere fecit de corde maris quasi similitudinem hominis et vidi et ecce] convolabat ille homo cum nubibus cœli… (xiii, 3).
  22. Outre xiii, 3, cf. xiii, 5 : ut debellarent hominem, qui ascenderat de mari ; xiii, 12 : et post haec vidi ipsum hominem ; xiii, 25 : quia vidisti virum ascendentem ; xiii, 32 : quem vidisti virum ascendentem ; xiii, 51 : propter quod vidi virum ascendentem.
  23. Dan. vii, 13.
  24. Dan. ii, 35 et Esd. xiii, 36 : sicut vidisti montem sculpi sine manibus.
  25. xiii, 32.37.52 ; xiv, 9 ; auxquels il faut ajouter vii, 28 et 29, qui pourrait être révoqué en doute s’il était isolé, à cause des variantes entre les versions.
    On lit une seule autre fois, dans Hénoch cv, 5 : « moi et mon fils », mais le passage est interpolé.
  26. Ps. ii, 7.
  27. Comparer Ps. ii et Esdras xiii, 34 ss. : et colligetur in unum multitudo innumerabilis sicut vidisti volentes venire et expugnare eum. Ipse autem stabit super cacumen montis Sion… Ipse autem filius meus arguet quae advenerunt gentes impietatis eorum… C’est une preuve que, d’après Esdras, le psaume visait bien, non pas un roi théocratique quelconque, mais la personnalité du Messie à venir.
  28. Ex. iv, 22; cf. Sib. III, 772.
  29. Ps. lxxxix, 28.
  30. Ce terme aurait en effet beaucoup plus de précision, appliqué à une personnalité distincte, que lorsqu’il s’applique au juste, fùt-il le type du juste parfait, comme dans Sap. ii, 13. 16.
  31. xiv, 9 : tu enim recipieris ab hominibus, et converteris residuum cum filio meo et cum similibus tuis usquequo finiantur tempora.
  32. xiii, 52 : Sicut non potest hoc vel scrutinare vel scire quis, quid sit in profundo maris, sic non poterit quisquam super terram videre filium meum vel eos qui cum eo sunt nisi in termpore diei. Tontes les versions orientales offrent le même sens ; super terram ne doit pas se joindre à filium meum comme si le fils était déjà sur la terre, invisible aux regards ; ce sont ceux qui sont sur la terre qui ne peuvent pénétrer le mystère de l’assemblée des saints. Esdras ressemble ici beaucoup au livre des Paraboles.
  33. xii, 32 ; xiii, 26.
  34. vii, 23 ; xiii, 32.
  35. xii, 32. Le latin a seulement : hic est unctus, quem reservavit altissimus in finem ad eos, et impietates ipsorum arguet illos. Le syriaque insère après in finem dierum, qui oritur (ou orietur) ex semine David, et veniet et loquetur ; de même les autres versions orientales. Un copiste chrétien n’avait aucune raison d’omettre ces mots ; il était tout naturel qu’il les ajoutât. M. Vaganay, qui admet l’authenticité, note cependant (l. l., p. 105, note 1) : « Par scrupule chrétien, les versions orientales ont ajouté au ch. vi, 1 : « D’abord par le Fils de Fhomme, ensuite par moi-même ». Elles ont retranché pour le même motif au verset 6 : « Ut et finis per me et non per alium ».
  36. Voir plus loin, p. 222.
  37. xiii, 33 ss.
  38. Les deux versions arabes et la version arménienne n’ont pas cette mort du Christ, variante importante qui n’a été signalée ni par M. Gunkel, ni par M. Vaganay. Certaines versions parlent en plus de la résurrection des morts. Le temps du Messie est de quatre cents ou de trente ans, ou n’est pas indiqué. D’ailleurs voici les textes d’après Hilgenfeld, Messias Judaeorum: latin vii, 28 revelabitur enim filius meus Jesus cum his qui cum eo et iucundabut qui relicti sunt annis quadringentis. 29 et erit post annos hos, et morietur filius meus Christus et omnes qui spiramentum habent homines (ou hominis) ; syriaque vi, 28 revelabitur enim filius meus Messias cum his, qui cum eo sunt, et iucundabit, qui relicti sunt, xxx annis. 29 et erit post annos hos, morietur filius meus Messias et omnes, in quibus est spiramentum hominis; éthiopien (v), 29 revelabitur enim Messias meus cum his qui cum eo et laetificabit eos, qui resuscitabuntur. 30 et post haec ad finem veniet puer meus  Messias meus et omnes qui spiritum habent homines ; arabe1 vii, 28 nam filius meus Messias apparebit cum iis, qui ad eum pertinent, et iucundabit eos, qui relicti erunt circiter cccc annis; arménien vii, 28 tunc apparebit Unctus Dei manifestus hominibus et laetos reddet eos, qui manserunt in fide et in patientia. — Il est assez probable que le texte primitif ne contenait ni la mort du Messie, que des chrétiens ont cru devoir mentionner, ni le temps de l’ère messianique, que les uns ont évaluée à quatre cents ans, selon la tradition juive, les autres à 30 ans, en conformité avec l’existence terrestre de Jésus dont le nom a même été introduit dans le latin.
  39. xiii, 36 : Sion autem veniet et ostendetur omnibus parata et aedificata, sicut vidisti montem sculpi sine manibus.
  40. vii, 26 : … et apparebit sponsa et apparescens civitas et ostendetur quae nunc subducitur terra. Sponsa est probablement le résultat d’une erreur dans la lecture du grec : ἡ νύμϕη ϕαινομένη πόλις, qu’il fallait lire : ἡ νῦν μὴ ϕαινομένη πόλις (Gunkel). Cette erreur est très naturelle sous la plume d’un scribe chrétien. — Cf. Hén. xc, 29.
  41. Cf. Apoc. Baruch, iv.
  42. xiii, 41.
  43. iii, 36 : Homines quidem per nomina invenies servasse mandata tua, gentes autem non invenies.
  44. iii, 32 : Aut alia gens cognovit te praeter Israel ? etc.
  45. Nous ne voyons pas comment M. Vaganay a pu écrire (p. 108) : « La justification est donc surtout le fait de la grâce de Dieu ». Cf. viii, 33 : Iusti enim quibus sunt operae multae repositae apud te, ex propriis operibus recipient mercedem.
  46. vi, 26 : Et videbunt qui recepti sunt homines, qui mortem non gustaverunt a nativitate sua, et mutabitur cor inhabitantium et convertetur in sensum alium.
  47. Mal. iii, 24. M. Vaganay, comprenant le rôle du Messie dans le sens chrétien, se demande : « quelle sera ensuite la fonction du Messie, venant après ces apôtres, qui ont déjà ramené les hommes dans la voie de la vérité et de la justice » (p. 86). Il est probable que pour Esdras la question ne se posait pas du tout, car le rôle du Messie n’était pas si vulgaire.
  48. xiii, 26 : Ipse est quem conservat altissimus multis temporibus, qui per semetipsum liberabit creaturam suam, et ipse disponet qui derelicti sunt. Gunkel reconnaît, après Wellhausen, que per semetipsum est une fausse traduction de אֲשֶׁר־בּוֹ, « au moyen duquel ». C’est Dieu qui est sujet de salvabit ; il sauvera par le Messie. Mais il croit que le Messie n’en sera pas moins « Sauveur du monde ». Quelle est donc cette créature que Dieu sauvera ? le monde entier ? l’humanité ? mais cela dépasse absolument le rôle du Messie : nous croyons qu’il y a ici une erreur. L’hébreu était probablement קִנְיָנוֹ qui peut en effet se traduire création, cf. Ps. civ, 24 ; mais dont le vrai sens est : « sa propriété », son bien propre, Israël. Noter que l’éth. a renchéri dans le sens chrétien : ut redimat in eo mundum ; ar.2 au contraire : ut suos liberaret, ce qui est bien le sens. D’ailleurs, quel que soit l’hébreu, le grec κτῆσις a pu être transcrit κτίσις. Nous avons précisément ce cas dans le Ps. cv, 21 où le grec (Ps. civ, 21) τῆς κτήσεως αὐτοῦ, représentant קנינו, est devenu τῆς κτίσεως αὐτοῦ dans certains mss. (Sinaïticus, Alexandrinus).
  49. xxi, 13 : Si enim haec tantum vita esset, quae hic est omni homini, nihil esset amarius hoc. Le latin d’après Fritzsche, Libri apocryphi.
  50. xiv, 13 : Propter hoc etiam ipsi sine timore relinquunt mundum istum, et fidentes in laetitia sperant se recepturos mundum quem promisisti eis.
  51. xxix, 3 : et erit postquam completum fuerit quod futurum est ut sit in illis partibus, tunc incipiet revelari Messias.
  52. xxx, 1 : Et erit post haec, cum implebitur tempus adventus Messiae et redibit in gloria, tunc omnes qui dormierunt in spe eius, resurgent. L’arrivée du Messie et son retour sont contradictoires dans la position de Baruch, et ne s’expliquent que sous la plume d’un chrétien, attendant l’avènement du Messie, le second avènement, qui est un retour. De plus les justes de Baruch placent leur espérance dans la Loi, non dans le Messie. Enfin la résurrection ne saurait précéder ce qui suit : et erit illo tempore, aperientur promptuaria. Il y a donc ici manifestement une interpolation chrétienne. C’est peut-être tout le verset qui est interpolé. Cependant, pour n’éliminer que le strict nécessaire, on peut admettre que la fin des temps messianiques est indiquée par le retour du Messie au ciel.
  53. xxxvi-xxxvii.
  54. xl, 3 : et erit principatus eius stans in saeculum, donec finiatur mundus corruptionis, et donec impleantur tempora praedicta.
  55. xxxvi, 10 : … et recumbite nunc in angustia, et quiescite in tormento, donec veniat tempus tuum postremum, quo iterum venies, et magis torqueberis.
  56. xliv, 11 s. ; xlviii, 50.
  57. xlviii, 22 in te confidimus, quia ecce lex tua apud nos, et scimus quia non cademus quantumcumque sanctiones tuas tenemus. 23 Semper beati erimus saltem in hoc quod non commisti sumus cum gentibus.
  58. Rom. ii, 17.
  59. xlvi, 4 : … verumtamen non deficiet Israel sapiens, neque filius legis generis Iacob.
  60. xlviii, 40. 47 ; li, 4 ; xliv, 7 : si enim sustinueritis et permanseritis in timore eius, neque obliti fueritis legem eius, mutabuntur super vos tempora in bona, et spectabitis consolationem Sion.
  61. lxxiii : Et erit postquam humiliaverit quodcumque est in mundo, et sederit in pace in aeternum super throno regni sui…
  62. lxxiv, quia tempus illud finis est illius quod corrumpitur, et initium illius quod non corrumpitur. ideo ea quae praedicta sunt, illo erunt ; ideo longe est a malis, et prope iis quae non moriuntur.
  63. xxxiii, 4. C’est sans doute celle qui a été cachée près de Dieu, avec le Paradis terrestre.
  64. lxxvii, 15 pastores et lucernae et fontes a lege erant ; et si nos abeamus, attamen ex stat. 16 si ergo respexeritis in legem et fueritis prudentes in sapientia, non deficiet lucerna, et pastor non recedet, et fons non arescet.
  65. lxxxv, 2.
  66. xxxi et xxxii.