Le Mirage perpétuel/Liminaire

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Librairie Paul Ollendorff (p. 5-8).

Liminaire



Ô ma douleur, où donc ne t’ai-je pas conduite !
Des bords de l’Océan au Bosphore lointain
Par l’Espagne, l’Égypte et les golfes divins,
Des siècles et des jours j’ai contemplé la fuite.

J’ai vu la mer, magique à l’heure du couchant,
Rouler parmi des roses-pourpre et des glycines
Le corps voluptueux des déesses marines
Dont le groupe lascif allait se chevauchant ;

J’ai gravi le sentier qui mène à l’Acropole
Et foulé la poussière auguste des aïeux,
Grave et tout pénétré de la splendeur des dieux
J’ai vu de la Beauté le lumineux symbole ;


J’ai lu sur les tombeaux la prière des morts
Qui dorment un sommeil quatre fois millénaire,
J’ai conduit sur le Nil ma barque solitaire,
Un peu de mon vieux cœur y palpitait encor ;

Ô Terres d’Orient, ô Méditerranée !
Damas, tu m’as donné tes sources et tes fleurs,
Eyoub, ta Corne d’or et tes cyprès en pleurs,
Et toi, Jérusalem, tes foules prosternées…

Pourtant, ô ma douleur, tu n’as pas épargné
Ce fougueux compagnon qui t’écartait sans cesse,
Chaque jour je sentais s’aviver ma tristesse,
Et je ne suis pas même à mon mal résigné.