Le Mirliton priapique/Texte entier
AVIS IMPORTANT
Cette artistique plaquette étant exclusivement réservée aux bibliophiles et non mise dans le commerce, n’a pas eu besoin d’un parrain, c’est-à-dire d’un éditeur.
L’impression en a été dirigée par l’éditeur Henry Kistemaeckers, 65, rue des Palais, à Bruxelles, sur la demande expresse de l’auteur.
SONNET
DE JOYEUSE ENTRÉE
Pour faire un Mirliton, Madame,
Ma plume vaut mieux qu’un roseau :
Le roseau plié aux vents… moi, dame !
Je réponds de mon arbrisseau.
Plein de sève, vivace et souple,
Il peut rompre : plier, jamais !
Les bonnes choses vont par couple…
Mon instrument est simple, mais
J’enguirlande autour de sa tige
Ces Quatrains sur lesquels voltige
Très peu de l’esprit de Rotrou.
Pressez le Mirliton des fièvres,
Ô Madame, contre vos lèvres
Sans souffler trop fort dans le trou !
1
QUATRAIN HIPPIQUE
Cinq jours par mois la femme peut
Le disputer aux plus ingambes,
Car elle a — excusez du peu ! —
Un pur sang entre les jambes.
2
Une puce me mord, s’écriait mon amie,
» Et se livre à maint entrechat,
» Cherche donc !… » Je cherchai, mais ne la trouvant mie,
J’ai jeté ma langue au chat !
3
Il est des vérités parfois inattendues,
Me disait un bonhomme en ces choses expert
Avec les femmes perdues
On se retrouve ; avec les autres, on se perd !
4
Les guides, prétend-on, loin d’être cannibales,
S’aiment entre eux peu platoniquement.
Pourquoi les en blâmer ? Ils font logiquement :
Le soldat doit aimer les trous de balles.
5
Moi, qu’aucun fait ne va troublant,
Une chose pourtant me frappe :
Quand l’hiver met la nappe,
Y en a qu’ pour les mangeurs de blanc !
6
— La sculpture est un art tout d’hygiène au fond.
Vivent les sculpteurs ! ces gens à maquettes font
Des capotes en glaise.
7
Germiny paya cher l’octroi
De ses amours confiturières,
Tel le général Villeroy
Sans cesse pris par ses derrières.
8
Le Baron Seutin fut un docteur plein de charme,
Mais c’était avant tout un chirurgien vanté.
Les bandages iront à la postérité :
Il bandait comme un carme.
9
Ta plume crache ? eh ! bien, fais-la tailler, ganache ! »
Voilà ce que jadis, dans mon humble canton,
Disait mon magister… Aujourd’hui c’est quand on
Taille ma plume qu’elle crache !
10
Étant frileuse au lit, Charlotte fit l’achat,
Grands dieux ! démolit-il ce proverbe : « S’entendre
Comme chien et chat ! »
11
À UNE ACTRICE
Or, durant bien des soirs, du chignon aux semelles,
Je t’ai tenue au bout… de ma lorgnette, hélas !
Gaîment, je donnerais ces soirs dont je suis las
Pour te tenir une heure au bout de mes jumelles.
12
Jeanne est gourmande encore et son vieux se rebelle :
Le grog est bu, les ans ont soufflé le réchaud…
Pourtant elle ne veut pas s’endormir, la belle,
Sans avoir pris quelque chose de chaud.
13
Le sceptre d’ici-bas, l’universel remède,
» Le magique levier rêvé par Archimède,
» C’est… ceci… » Mais Irma : « Tu te vantes, mon cher,
Cela n’est qu’une chose en l’air ! »
14
BOTANIQUE APPLIQUÉE
Les Capucines sont les fleurs de la banlieue,
Leur calice est rempli d’un suc délicieux,
Madame, et pour goûter leur nectar précieux,
Il suffit de sucer la queue.
15
Une femme d’esprit, mais d’un esprit factice,
Encornant son époux, un grave magistrat,
Disait à chaque coup de canif au contrat :
« Je dresse mes bois de justice ! »
16
L’ignorance est un vice aimé du genre humain
Que je ne puis sentir même en photographie.
Au réveil, j’ai toujours mon histoire à la main,
Et puis je fais des cartes de géographie.
17
L’amour, d’après Tanaquil,
Est une de ces choses qu’il
Ne faut pas faire dans les règles.
18
Voulut vous métamorphoser.
C’était imprudent… Moi, sans plus vous exposer,
Je vous aurais refait minette.
19
À UNE REINE DE THÉÂTRE
Du blanc de perle au front, du rouge à la pommette,
Comme un astre tu luis à nos regards joyeux,
Mais tu ne peux rester qu’une étoile à nos yeux…
Si tu veux, dès ce soir, je te ferai comète !
20
QUATRAIN NATURALISTE
L’araignée est un monstre horrible qui m’épate,
» Ô mon amant, son aspect me fait froid
» Dans les lombes. Son corps sans tête est mon effroi
» Mais où tu sais j’en adore la patte. »
21
QUATRAIN PHARMACEUTIQUE
Le copahu sonne son âpre glas
Pour mon cœur qui verse des pleurs et flanche.
Avec la femme avariée, hélas !
L’amour est un combat à larme blanche.
22
CONTRE LES AVOCATS
Pour plaire aux dames point n’est besoin de harangue,
Préférant, en réalité,
Dans le bleu de l’intimité,
Aux mots superficiels le moindre coup de langue.
23
Nous ne sommes souvent que l’amant honoraire
Avec la veuve Poignet, frère,
On s’offre toujours tout de première main.
24
Certain époux à jeûn dont la jeune accouchée
Ne pouvait apaiser la faim, — prêt à râler,
Renversant sa nounou n’en fit qu’une bouchée :
La nourrice est un pis-aller.
25
À UNE DAME BIEN
Mes vœux et leur Terre-Promise,
Ô madame, et mes rêves fous
Seraient de manger avec vous
Des pommes de terre… en chemise.
26
Ôtez vos doigts de là, Monsieur ! n’espérez rien
» En me prenant ainsi sur vos genoux… l’entrée… »
« Madame, ce que j’en fais c’est pour votre bien. »
« Ah ! j’en suis toute pénétrée ! »
27
En cette nuit de noce où mon cœur t’appela,
Mère, un détail m’a semblé louche :
Mon mari m’a surtout mis ses moustaches… là…
Serait-il porté sur sa bouche ?
28
Rouge et noire souvent nous en font voir de vertes !
Il faut au jeu savoir perdre des monceaux d’or
Sans pâlir… Mais il n’est que les femmes encor
Pour savoir essuyer des pertes.
29
QUATRAIN ASTRONOMIQUE
Combien doucement brille en l’azur qui pâlit
L’astre des soirs, topaze au front de la nuit brune !
Mais c’est surtout au ciel de lit
Que j’aime à voir lever la lune.
30
Avec les femmes j’ai toujours été très large. »
Disait un vieux viveur, le faisant à la charge.
Aussi lui fût-il répondu :
« Très large ?… Elles te l’ont, pauvre ami, bien rendu ! »
31
Que cherches-tu, mon cher, où fourres-tu la tête,
» Et que veulent tes doigts aux ongles diligents ? »
« Ne te grattais-tu point, mignonne ? » — Il est des gens
Qui cherchent toujours la petite bête.
32
OBÉISSANCE ACTIVE
Au camp de Beverloo, las de recherche vaine,
Un soldat fit un trou par terre et s’y mit… Quand
Son chef, passant, lui dit : « Vas-tu foutre le camp ! »
Mais l’autre, sans bouger : « C’est fait, mon capitaine ! »
33
VÉRITÉ
Suivre la file au bois, aux gares ou
Aux théâtres me met dans une rage bleue,
Mais les femmes toujours s’en donnent pour un sou :
Ce n’est pas ce qui les gêne — faire la queue !
34
À UNE MISS DÉCENTE
Si je possédais, chère enfant,
Le don de la métamorphose,
Je vous ferais, vœu triomphant,
Je vous ferais… feuille de rose.
35
Ta femme, tu la bats donc qu’elle crie à l’aide ?
» Calme-toi, mon cher, rien ne passe la douceur :
» Le mari qui rudoie est un lâche… » « Et ta sœur !
» Avec la femme il faut toujours être très raide. »
36
Je sors d’un dîner chic où la dent put agir
Sans que la bonne humeur s’enfuisse ;
Ces dames, au dessert, m’ont servi sans rougir
Des Pets de nonne et des Couilles de Suisse !
37
Il est vieux, mais pour lui le monde est toujours neuf :
En vain Quatre-vingt succède à Septante,
Près de la beauté qui le tente
Notre homme est toujours en Soixante-neuf.
38
La gente Françoise a de nombreux professeurs
Grâce auxquels son esprit sortira des gangues.
Or, j’en envie un seul parmi tous ces faiseurs :
Le professeur de langues.
39
La femme n’est pas tant friande,
Mais son instinct la pousse aux reliefs plantureux ;
Elle a toujours le ventre creux
Et veut, pour le remplir, un bon morceau de viande.
40
S’il faut en croire les pamphlets
Écrits aux époques vieillottes,
Jésus-Christ reçut des soufflets…
Mon petit-frère des calottes.
41
QUARTIER À LOUER
PRÉSENTEMENT
Certaine veuve avait une chambre à louer.
Je cours me présenter, et mon bonheur éclate
En entendant l’enfant crier à s’enrouer :
« Entrée en jouissance immédiate ! »
42
GUITARE MILITARISTE
Crains fort la cantinière et reste réfractaire
Aux propos qu’à ton cœur elle vient fredonner,
Car ne met-elle pas sa joie à te donner
La goutte — militaire ?
43
Qu’y a-t-il de meilleur dans l’homme ?
« C’est le chien ! » a dit un goujat…
Parfait ! mais dans la femme en somme,
Le meilleur aussi, c’est le chat.
44
IMPROMPTU
En visite, trouvant Madame seule, store
Baissé, je lui troussai son pantalon brodé…
Elle pâma, criant : « Quel incident !… Encore ! ! »
Fit-elle ensuite. — Or moi : « L’incident est vidé ! »
45
Ostende me charme beaucoup,
Des plaisirs c’est la grande coupe,
Car on y peut tirer sa coupe
Et son coup.
46
Contre les sculpteurs je m’indigne,
Car ces botanistes bâtés
Mettent toujours, les entêtés,
Aux glands des feuilles de vigne !
47
» Jouons au trou-madame… »
« Non, je voudrais un jeu innocent moins rouillé. »
« Alors jouons au doigt-mouillé. »
48
Les pédérastes n’ont aucune
Des vertus qu’on rêve aux banquiers
Car ce sont des gens coutumiers
De faire des trous à la lune.
49
QUATRAIN BIBLIQUE
La Pomme d’Adam n’est qu’un rêve
De la Bible, bouquin scieur :
Le fruit qui tenta Madame Ève,
Ce fut… les Prunes de Monsieur.
50
Votre bouche est mignonne et peut
Dans nos cœurs allumer les fièvres.
En le disant je songe un peu,
Madame, à vos petites lèvres !
51
LA FEUILLE À L’ENDROIT
Jalousant des fraters les excès féodaux,
Certain soir, à rebours, je caressai la belle :
« L’aimes-tu point ? » Fis-je à l’enfant qui se rebelle ?…
« Oh ! que non, Monsieur, j’en ai plein le dos ! »
52
Enfin, soyons catégorique,
» Madame, comment entre-t-on
» Dans votre cœur, cœur électrique ? »
« Il faut pousser sur le bouton. »
53
Monsieur de Germiny raffolait des beaux noirs ;
Mieux eût valu pour lui courir autour d’un arbre.
Les siècles graveront ses hauts faits sur le marbre
Des urinoirs !
54
Pauvre amant, quel remords soudainement me ronge ?
» J’ai trompé mon époux, le meilleur des amis… »
« Ma chère, Calme-toi, lorsque l’acte est commis,
» Il faut dessus passer l’éponge ! »
55
Mineures ! à ce mot négatif chacun pâme,
Pour moi, je les dédaigne, et de toute mon âme,
Ces clous pas assez mûrs pour se faire percer !
56
La veille, Anna pleurait d’être aux autels menée.
Voulant mourir fille. Or, le lendemain
Il eût fallu la voir serrer à pleine main
Le nœud de l’hyménée !
57
Brune, blonde, châtaine, rousse,
Devant l’ombre est égale en prix
Toute femme que l’on retrousse :
La nuit tous les chats sont gris.
58
ÉVANGILE SELON…
Suivant une dame en robe à traîne, je lui
Me criant sans rougir : « Pourquoi faire à autrui
Ce qui vous déplairait qu’on vous fît à vous-même ? »
59
ALLER ET RETOUR
En amour l’aller est parfait,
Mais la retraite, bien amère :
On part chevauchant la chimère
Et l’on revient… sur un bidet !
60
Un soir flirtant en vain près de certaine vierge,
« Roc à qui je me plains, » criai-je — et je rêvais :
Comme Moïse encore, hélas ! si je pouvais,
Rocher, te frapper de ma verge !
61
MARINE
Prendre la lune dédaigneuse
Là-haut est malaisé, mais dans
La mer je veux prendre, ô baigneuse,
La lune avec mes dents !
62
UN PRÉJUGÉ
Les pendus, nous dit-on, traversent une phase
Drôle… quand se roidit leur pauvre corps ballant.
Erreur ! Pour moi, j’affirme impossible l’extase
Avec un nœud coulant !
63
Il n’y a plus d’enfants ! » disait après un mot
Terrible, une bégueule à l’esprit somnifère.
« Eh ! parbleu, chère dame, interrompt le marmot,
» C’est pour cela qu’il faut en faire ! »
64
La meilleure façon d’enchaîner les amours
En ménage, n’est pas d’être un mari goguette,
Bien au contraire, il faut toujours
Mener sa femme à la braguette.
65
Mouches-tu la chandelle, tiens !
C’est qu’il y a mèche,
Et, pauvre ami, si tu la tiens
C’est qu’y a pas mèche !
66
En amour, nul besoin d’interprètes exsangues :
Qu’ils gardent leur science pour eux,
Car les amoureux
Se passent des langues.
67
Race de malédiction,
Aux doigts crochus, à la main preste,
Les Juifs, de par leur circoncision,
Sont des gens qui jouissent de leur reste.
68
En son art Meyerbeer bandait toujours son arc,
Cependant il montra sa discrète nature
En ne faisant à Jeanne d’Arc
Qu’une petite Ouverture.
69
ARGUMENT AD FEMINEM
Eh ! bien, cher avocat, et mon pauvre mari ? »
« Pendante ?… C’est infâme !
» Il fallait la remettre aux mains de votre femme. »