Le Miroir des jours/Fraîcheur

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Fraîcheur (1912)
Le Miroir des joursMontréal (p. 55-56).
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FRAÎCHEUR


 
Il fait du vent. Je lis. Le vent tourne la page.
Une fraîcheur délicieuse se propage,
Embaumée aux parfums du trèfle et du sainfoin.
On respire l’odeur des champs qu’on ne voit point.
Et c’est, de cette rue éblouissante et sèche,
Comme s’il nous montait aux tempes de l’eau fraîche.
Les arbres accablés bruissent de plaisir,
Car ils avaient depuis longtemps le grand désir
Du vent qui les étreint et les berce et les aime,
Et qui les fait chanter sous sa caresse même !

Chaque feuille reçoit l’effluve bienfaisant,
Tremble s’agite, folle à ce divin présent ;
Et c’est réellement, sous le ciel qui flamboie,
Pour l’herbe qui se dresse et frissonne une joie.
C’est comme une oasis dans le désert du jour,
Un doux lit après la fatigue du retour,
Après la nuit mauvaise où l’on brûla de fièvre,
Le calme, avec le goût sain de la vie aux lèvres !
J’aspire la fraîcheur : il fera chaud demain.
Je lui livre mon front, ma poitrine, mes mains…
Mais un regret m’attriste aussitôt. Je murmure :
Bon vent qui fais frémir de bonheur la ramure,
Dont le baiser est plein de repos, de douceur,
Bon vent, si tu pouvais me passer sur le cœur !…