Aller au contenu

Le Miroir des jours/Lâcheté

La bibliothèque libre.

Pour les autres éditions de ce texte, voir Lâcheté.

Lâcheté (1912)
Le Miroir des joursMontréal (p. 220-221).


LÂCHETÉ


 
Le soleil apparaît ; enfin, la maison luit.
Des gouttes d’eau, le long des fils télégraphiques,
Glissent l’une après l’autre et reflètent, magiques,
Le bleu du ciel où le dernier nuage fuit.

Mets ton front ténébreux à la vitre mouillée,
Emplis de clarté douce et d’infini tes yeux ;
Pendant que les rayons se donnent, sois joyeux
Et relève ton âme indigne agenouillée !


Cœur lâche, sans orgueil, sans révolte, sans cri,
Ô cœur indifférent, sans amour et sans haine,
Tu seras écrasé dans la mêlée humaine,
Cœur d’ombre, cœur de cendre amère, cœur flétri !

Ô cœur pusillanime, ô cœur confus et triste,
Cœur de paresse, cœur de froideur, cœur d’ennui,
Cœur mort comme une étoile éteinte dans la nuit,
Vide comme un sépulcre où plus rien ne subsiste !

Cœur de faiblesse, cœur bon à jeter au chien,
Cœur morne que le ver du pessimisme ronge,
Qui, petit à petit, glisse, descend et plonge
Dans l’horrible désir du néant, ― cœur chrétien !

Tant de bleu dans le ciel, tant de belle lumière
Par les vitres baignant les paisibles maisons !…
Ô cœur, honte, dégoût, mensonges, trahisons,
Et pas un pleur qui monte et tremble à la paupière !

Ah ! Seigneur, rendez-moi ma vaillance première !