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Le Miroir des jours/L’ombre

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L’ombre (1912)
Le Miroir des joursMontréal (p. 48-49).


L’OMBRE


 
Dans les branches le vent souffle une faible plainte ;
Je l’écoute gémir dans la lumière éteinte.
La lune a disparu, les étoiles ont fui.
On ne voit rien bouger. On n’entend que le bruit
Du feuillage qui tremble et du pas qui résonne.
Le silence nocturne au son des mots frissonne.
D’une fenêtre, où brille un feu de lampe bleu,
Monte une exquise voix de femme, et, peu à peu,
Comme venant du fond de l’âme universelle,
Sincère, triste et lent, chante un violoncelle…


L’harmonie apaisée émeut l’ombre et le cœur.
Ainsi qu’une légère et subtile liqueur,
L’instrument grave aux sens verse une griserie :
On dirait que la nuit religieuse prie.
Ah ! les étoiles n’ont pas besoin de venir,
Et la lune inutile au ciel noir peut finir !
J’ai deux larmes de joie au bord de mes paupières ;
J’ai dans mon cœur ému, firmament de lumières,
Assez de beauté pure et de rêve et d’espoir,
Pour ne pas regretter les étoiles, ce soir !