Le Mouvement industriel, ses conséquences financières et économiques

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Le Mouvement industriel, ses conséquences financières et économiques
Revue des Deux Mondes4e période, tome 154 (p. 612-635).
LE MOUVEMENT INDUSTRIEL
SES
CONSÉQUENCES FINANCIÈRES ET ÉCONOMIQUES

Le XIXe siècle s’achève dans une paix relative : le duel sino-japonais n’est plus qu’un souvenir ; la Grèce et la Turquie se sont tendu la main ; la guerre hispano-américaine se prolonge par la lutte opiniâtre que les Philippins soutiennent contre leurs prétendus libérateurs, mais les deux puissances qui avaient engagé les hostilités ont signé le traité de Paris, et leurs ambassadeurs ont repris leurs postes à Madrid et à Washington. La conférence de La Haye, convoquée sur l’initiative généreuse du tsar Nicolas II, achève ses utiles travaux dans la maison historique du Bois, sans être troublée par d’autres bruits belliqueux que ceux des préparatifs militaires dont l’Angleterre un moment menaça le Transvaal. C’est un combat pacifique qui se poursuit à cette heure en Europe, en Amérique et jusque dans cette Chine qui semble enfin arrachée à sa torpeur, et où les grandes nations européennes, sans compter les États-Unis, se disputent les concessions de chemins de fer, de mines et d’autres avantages.

L’un des traits saillans de cette activité, qui se fait sentir, à des degrés inégaux, dans la plupart des pays civilisés, est le développement extraordinaire de l’industrie. C’est elle qui occupe une partie de plus en plus nombreuse des populations ; c’est elle qui absorbe des capitaux de plus en plus considérables ; c’est elle dont les mouvemens marquent le mieux le progrès de la puissance économique de chaque nation. Le signal a été donné par les industries minières, et tout d’abord par celle qui a pour objet l’exploitation des gîtes aurifères. Bien que nous ne partagions pas l’opinion de ceux qui attribuent une importance excessive à l’augmentation de la quantité des métaux précieux qui circulent dans le monde, nous reconnaissons que la mise au jour annuelle de centaines de millions, de milliards d’or, a une influence sur les marchés monétaires et par suite sur l’ensemble des phénomènes qui en dépendent. Les découvertes des champs miniers de l’Afrique australe, de l’Australie occidentale, l’impulsion nouvelle donnée aux exploitations plus anciennes des Etats-Unis et du Mexique, ont été au nombre des facteurs intéressans de la période contemporaine, mais beaucoup plus à cause du stimulant qu’elles ont donné à l’esprit de travail et d’entreprise que par l’effet matériel de quelques centaines de tonnes de métal jaune versées tous les ans dans la circulation.

On estime, pour 1898, la valeur de l’or produit à 1 500 millions, celle de l’argent à 500 millions, en le comptant à cent francs le kilogramme, c’est-à-dire à peu près son prix marchand à l’heure où nous écrivons. Les poids respectifs de cette production des deux métaux précieux sont d’environ 440 tonnes d’or et 5 000 tonnes d’argent, un atome par rapport à ceux du fer, de l’acier, de la houille qui sont, dans la même période, sorties des entrailles du globe ou des usines qui travaillent le minerai[1].

Les autres industries minières fournissent des masses qui laissent ces chiffres bien loin derrière elles : on estime, par exemple, que les Etats-Unis ont produit, en 1898, plus de 12 millions de tonnes de fer et d’acier. L’humanité réclame des quantités croissantes de fer, de cuivre, de plomb, et d’autres métaux, dont la production s’augmente chaque année : mais, comme la demande va plus vite encore que l’offre, les prix montent. La tonne de cuivre, qui valait environ 1 250 francs en 1898, vaut 1 900 francs en juin 1899. Le warrant de fer, coté à Glasgow 55 francs l’an dernier, l’est à 80 aujourd’hui. La tonne de plomb coûte 560 francs ; celle de zinc, 700 francs. La tonne de houille a partout augmenté, mais dans des proportions si variables, selon les pays et les qualités du charbon, qu’il serait difficile d’indiquer un prix moyen. Sauf pour le cuivre, dont les stocks subsistent et dont certains indices, comme la diminution des livraisons en Europe et la fermeture d’usines de sulfate de cuivre, indiquent un refus des acheteurs de ratifier les cours actuels, cette hausse énorme des prix ne paraît pas avoir jusqu’ici ralenti la consommation. Les expéditions de charbon des trois grands districts houillers de l’Allemagne, Ruhr, Sarre, Silésie, ont été de 2 673 000 tonnes dans la première quinzaine de mai 1899, contre 2 517 000 en 1898. La plupart des manufactures sont pourvues de commandes pour de longs mois et rien ne fait prévoir le ralentissement du mouvement, au moins d’ici à l’Exposition universelle qui doit s’ouvrir à Paris en 1900.

Cette activité a eu son point de départ en Allemagne, dont l’essor économique date du lendemain de ses victoires de 1870 : la métallurgie, et à côté d’elles une foule d’autres industries, y ont prospéré[2]. Elle travaille au maximum, c’est-à-dire qu’elle cherche à produire le plus qu’elle peut, et qu’elle trouverait à vendre davantage si elle pouvait forcer sa production, qui a dépassé 7 millions de tonnes de fonte pour l’année 1898. C’est surtout le coke qui lui manque, bien qu’elle en ait produit plus de 7 millions de tonnes en 1898 dans le seul district de Dortmund, et que plus de 500 fours à coke nouveaux soient en construction, qui d’ici à un an livreront 120 000 tonnes. Les charbonnages rhénans ne peuvent augmenter brusquement leur extraction ; ils manquent à cet effet d’ouvriers : ceux qu’ils pourraient faire venir de la Pologne, ne sachant généralement pas lire et écrire l’allemand, ne sont pas admis par l’administration : il faudrait aussi, en maints endroits, construire des habitations ouvrières. La hausse des salaires a pour effet de diminuer le travail des mineurs, qui, une fois une certaine somme gagnée, cessent l’abatage. En tout cas, pour augmenter la production, qui a été en 1898 de 44 millions de tonnes de charbon, il faut foncer de nouveaux puits, faire des traçages, des développemens, qui sont l’œuvre de mois et même d’années. Cette demande urgente de charbons est d’autant plus remarquable que les deux derniers hivers ont été très doux. Le syndicat allemand des cokes a fait des ventes à prix fermes jusqu’à la fin de 1900. Le syndicat de la fonte a dû réduire les ordres conditionnels qu’il avait acceptés pour le second semestre 1899, en fer puddlé et en fer aciéreux. De nouveaux hauts fourneaux se construisent en Lorraine et dans le Luxembourg (qui fait partie du Zollverein, c’est-à-dire de l’union douanière allemande) ; des aciéries nouvelles consommeront les fontes luxembourgeoises. Mais les mines n’arrivent pas à livrer ce qu’on leur demande : celles du Siegerland, qui vendent la moitié de leur extraction à la Westphalie et au pays rhénan, sont très en retard. Les produits demi-fabriques manquent ; les tréfileries se plaignent de ne pas recevoir, dans certains cas, la moitié des billettes qui leur seraient nécessaires.

Les fabricans de fer ont fait des contrats jusqu’en juillet 1900, avec la clause de hausse, c’est-à-dire que, si le prix du minerai ou du coke se déplace, celui du fer sera augmenté en proportion. Les fers ont monté, selon les cas, de 30 à 50 pour 100 ; et, chose digne de remarque, le prix des fers marchands, qui ne sont pas syndiqués, a monté plus que ceux de la fonte, du charbon et du coke, réglés par des syndicats. Ces derniers semblent préoccupés d’empêcher une hausse trop rapide et de servir la clientèle à des prix qui ne la découragent pas et permettent de maintenir la consommation. Aussi l’opinion prévaut-elle que les syndicats pour le fer brut et les produits demi-fabriques, qui expirent en 1900, seront renouvelés. Celui du charbon a encore six ans de durée, jusqu’en 1905.

Quant à l’avenir, les plus pessimistes sont rassurés pour cette année et même pour la suivante, surtout en ce qui concerne les charbons, qui ont monté plus lentement que les fers et offriront plus de résistance à la baisse. Du reste, l’effet de la hausse n’est pas encore aussi sensible qu’on pourrait le croire : maintes livraisons se font, en vertu d’anciens contrats, à des prix bien inférieurs à la cote du moment. Les prix de revient se sont singulièrement élevés : les fabricans payent leur minerai, leur coke et leur charbon beaucoup plus cher qu’auparavant, et encore se plaignent-ils d’en recevoir de qualité inférieure. Les salaires sont plus forts : ainsi la société Gelsenkirchen calcule que la dépense de ce chef, par tonne de charbon, a passé de 4 fr. 10 en 1894 à 4 fr. 85 en 1898. D’autre part, des progrès techniques ont été réalisés, qui abaissent le prix de revient. Les prix de vente vont s’élever dans le second semestre de l’année courante ; à partir de 1900, la Lorraine et le Luxembourg paieront leur coke 17 fr. 10 et non plus 16 fr. 25, prix réduit consenti pour l’étranger. Cette bonification de sortie va en même temps disparaître. Ce serait d’ailleurs une erreur que de croire que les prix des combustibles sont destinés à hausser indéfiniment. On a remarqué que, tous les onze ans à peu près, les charbons atteignent leur cours maximum : les mines augmentent alors leurs moyens de production, et jettent des quantités accrues sur le marché : la baisse se produit par étapes, jusqu’à ce qu’un nouveau relèvement ramène au point initial.

La France n’a suivi l’Allemagne que lentement. Nos industries métallurgiques sont prospères, grâce surtout aux commandes du gouvernement pour la guerre et la marine, à celles des chemins de fer qui, à la veille de l’Exposition, renouvellent et augmentent leur matériel, aux nombreuses constructions métalliques, à la transformation électrique de beaucoup de lignes de tramways. Certaines sociétés métallurgiques puissantes marchent dans la voie où les Américains se sont lancés si hardiment et s’occupent d’agrandir leurs installations de façon à obtenir une production maximum avec un minimum de frais généraux. Mais nous n’arrivons pas encore au sixième du chiffre des Etats-Unis. Un domaine où nous sommes entrés avec quelque hésitation d’abord, mais où nous semblons disposés à regagner le temps perdu, est celui de l’électricité ; là nous avons souvent été les pionniers, nos électriciens ont fait des découvertes qui ont été exploitées dans d’autres pays avant de l’être chez nous. Aujourd’hui l’éclairage et la traction électrique ont conquis droit de cité dans nos villes, parfois dans nos villages. De puissantes compagnies se sont formées ; des municipalités intelligentes ont tiré profit des forces naturelles qui sont à leur disposition pour doter de la lumière et des transports électriques des bourgades qui n’avaient encore connu ni gaz ni tramways à chevaux. Les amorces de nos grandes lignes de chemins de fer, qui vont pénétrer plus avant dans Paris, seront exploitées au moyen de trains électriques. Nos charbonnages profitent de l’activité générale : les demandes de combustible sont incessantes et les prix s’en élèvent, sans avoir toutefois encore atteint le niveau de ceux de 1889.

A côté de nous, un pays petit par sa surface, mais grand par l’activité de ses habitans, la Belgique, nous donne, depuis nombre d’années, le spectacle d’une merveilleuse activité industrielle et commerciale. Non seulement elle exploite avec une énergie soutenue les richesses minières de son. sol, qui commencent même à s’épuiser dans certains cas, par exemple pour les charbons à coke, non seulement elle est couverte d’usines de tous genres, forges, aciéries, verreries, fonderies, laminoirs ; mais elle a, dans d’autres pays, en Europe, en Asie, en Afrique, fondé des entreprises qui constituent une sorte de Belgique coloniale des plus prospères et qui lui assurent tous les avantages des colonies proprement dites sans entraîner aucun de leurs inconvéniens ni de leurs charges. Ce n’est pas ici le lieu de retracer l’histoire de ce Congo belge, qui, sous l’impulsion sagace et persévérante du roi Léopold II, est devenu ce que l’on sait : il nous suffit de rappeler quel débouché les entreprises de toute sorte y offrent à nos voisins. Ils prennent également une part considérable au développement de la Russie, où les sociétés minières et métallurgiques fondées par eux ne se comptent plus. Déjà, il y a trente ans, ils l’avaient couverte de tramways urbains, industrie dans laquelle ils avaient été les premiers à se lancer. Depuis lors ils ont porté leurs efforts, dans le même pays, vers une série d’affaires de tous genres. Les grandes sociétés belges, comme celle de Cockerill, ne pouvant y importer leurs produits à cause des droits de douane, se sont résolues à fonder elles-mêmes, sur territoire russe, des usines semblables aux leurs et ont réussi à s’assurer, par voie indirecte, le bénéfice de cet immense marché d’un pays de 130 millions d’habitans, dont l’outillage industriel n’est qu’à son début.

Quant à l’Angleterre, il est presque superflu de rappeler la part qu’elle prend au mouvement général. Elle qui approvisionne de houille une partie du monde ; elle dont les industries cotonnière et métallurgique ont eu pendant longtemps le monopole de l’exportation ; elle dont les navires transportent non seulement les marchandises qu’elle exporte et importe, mais une partie de celles des autres nations ; elle qui a su établir à Londres et à Liverpool une sorte de banque centrale et de marché universel pour les principales matières premières, elle a été la première à ressentir les effets bienfaisans d’une période de prospérité. Le volume du commerce anglais en 1898 a dépassé celui de toute année antérieure. Les exportations se sont élevées à 5 845 millions et les importations à 11 765 millions de francs. Cet excédent, en apparence énorme, des importations tient à plusieurs causes : la valeur des objets exportés ne comprend ni le fret, ni l’assurance, ni les commissions de vente ; il en est autrement de celle des objets importés : les frets, à eux seuls, représentent une somme colossale encaissée par les armateurs anglais. En outre, le charbon, que les navires emportent pour leur consommation ou comme lest, ne figure pas au nombre des exportations. Les constructions maritimes ont dépassé 1 550 000 tonnes, réparties entre 744 vapeurs et 17 voiliers, contre 1 222 000 en 1897. On signale toutefois, au printemps de 1899, un ralentissement d’activité dans les chantiers de la Clyde, dû, selon certains avis, au renchérissement des matières premières.

La production anglaise métallique n’a pas suffi à la consommation du Royaume-Uni, qui a dû augmenter ses importations de fer espagnol, suédois et américain. Des compagnies de chemins de fer indiennes et anglaises ont commandé des locomotives en Amérique. Cependant les exportations britanniques de fer et d’acier ont encore été de 3 millions de tonnes en 1898. Les arrivages de coton, 4393 000 balles d’un poids moyen de 507 livres, ont été plus considérables qu’en aucune autre année. Nous pourrions passer ainsi en revue un grand nombre d’industries : nous constaterions presque partout un progrès analogue.

L’Italie ne reste pas étrangère à l’animation dont l’Europe est le théâtre. Elle aussi a vu se fonder dans les dernières années de nombreuses affaires industrielles. Elle cherche à développer son industrie électrique, qui peut lui rendre plus de services qu’à tout autre pays, à cause de sa pénurie de houille : elle paie tous les ans à l’étranger un tribut de 200 millions de francs pour ses importations de charbon ; il est aisé de comprendre quel intérêt elle a à tirer parti des centaines de milliers de chevaux de force que peuvent lui fournir les chutes d’eau des Alpes et des Apennins, pour substituer le courant électrique à la vapeur dans la traction des chemins de fer, et dans d’autres industries.

L’Espagne elle-même, au lendemain de la guerre qui l’a débarrassée de ses colonies, présente le spectacle d’un réveil sérieux. Depuis plusieurs années déjà, se poursuivaient les efforts de cette nation, demeurée quelque peu en arrière au point de vue commercial et industriel : l’agriculture s’était relevée ; des industries s’étaient créées on différens points du territoire, qui avaient permis à l’Espagne de diminuer ses importations ; ce mouvement continue avec une telle intensité que, dans plusieurs provinces, on signale une notable difficulté à recruter un nombre suffisant d’ouvriers. D’anciennes sociétés n’ont pas réussi à conserver tout le personnel dont elles ont besoin, tant les créations nouvelles sollicitent de bras. Depuis longtemps le sol de la péninsule ibérique était connu comme un de ceux qui renferment la plus grande quantité de richesses métalliques : ses mines de fer, de cuivre, de mercure, de plomb argentifère sont exploitées avec un redoublement d’activité. Beaucoup de nos compatriotes sont à la tête de ces entreprises, que des constructions de chemins de fer encouragent, en leur permettant à la fois d’expédier leur minerai et de faire arriver aux mines le matériel et les ressources dont elles ont besoin.

La Russie est en voie de transformation ; son essor industriel mériterait à lui seul une étude approfondie. Depuis une vingtaine d’années, elle a étonné le monde et s’est étonnée elle-même en apprenant à mettre en valeur ses richesses minières et en créant, sur différens points de son immense territoire, de puissans centres manufacturiers. Depuis 1877, la production de la fonte, du fer et de l’acier n’a cessé de s’accroître en Pologne, dans l’Oural, en dernier lieu dans le sud : elle a dépassé 2 millions de tonnes en 1898. Le pays importe encore plus de 2 millions de tonnes de charbon par an, malgré l’ouverture constante de nouveaux bassins houillers, malgré les ressources considérables que fournit le naphte de Bakou, combustible employé dans un rayon de plus en plus étendu, depuis la Caspienme jusqu’à Moscou, dans tout le bassin du Volga. Déjà la Russie produit plus d’acier que la France. Le développement de la région d’Ekaterinoslaw, où se trouvent réunies un certain nombre de grandes usines russes, a marché avec une rapidité qui confond l’imagination : « On croirait, dit notre consul, M. Verstraete, à la génération spontanée en matière industrielle. » L’entrain avec lequel les capitaux étrangers, notamment ceux de la Belgique, de la France, de l’Angleterre, se sont portés vers les affaires russes, a été pour beaucoup dans ce succès, qui est un des événemens économiques notables de notre époque.

Mais il ne faut pas borner notre revue à l’Europe ; il convient de porter nos regards, de l’autre côté de l’Atlantique, vers un pays qui marche à pas de géant, et qui, non content de suffire aujourd’hui à la plupart des besoins de ses 75 millions d’habitans, commence à entrer en lutte avec les nations de l’Ancien Monde sur les marchés asiatiques et même européens. Les exportations américaines, en avril 1899, ont atteint 450 millions de francs et dépassé les importations de 120 millions ; la différence est de 730 millions pour les quatre premiers mois de l’année : sauf en 1898, un pareil excédent n’avait pas été obtenu depuis vingt ans : treize fois au cours de ces 21 années, les importations avaient au contraire été supérieures aux exportations. Pour les onze premiers mois de l’année fiscale 1898-99 (1er juillet au 30 mai), l’excédent en faveur de l’Amérique est de 2 milliards et demi de francs. En 1898, pour la première fois, les exportations d’objets fabriqués ont dépassé les importations de même nature. Les Américains attribuent ce phénomène aux efforts que leurs industriels ont dû faire, au cours d’une longue période de dépression, pour abaisser leurs prix de revient. D’après le rapport de M. James M. Swank, fait au nom de l’association du fer et de l’acier, l’Amérique, qui, en 1898, a produit 12 millions de tonnes de fonte, est outillée pour produire un tiers en plus. Jamais pareil chiffre n’avait été atteint : en 1894, il dépassait à peine 6 millions. Un autre fait saillant est la réduction du stock invendu, qui, de 875 000 tonnes au 31 décembre 1897, était descendu à 415 000 tonnes le 31 décembre 1898. Si énorme qu’ait été la production, la consommation l’a dépassée. Les importations étrangères ont presque disparu et l’exportation américaine s’est élevée à 900 000 tonnes, dont une grande partie sous forme d’objets fabriqués, machines, etc., d’une valeur bien supérieure à celle du métal brut dont elles se composaient. Cette énorme consommation n’est pas due aux constructions de chemins de fer, qui n’ont porté que sur 4 900 kilomètres environ, alors que dans la seule année 1887 elles s’élevaient à 21 000. D’autre part, les prix n’ont pas monté tout d’abord, puisque la tonne de rails d’acier, prise aux usines de Pensylvanie, qui valait 156 francs en 1891, n’en coûtait que 92 l’année dernière. Ce n’est qu’en 1899 que les prix ont bondi.

La puissance économique de ce pays, dont les observateurs attentifs avaient depuis longtemps prédit le prodigieux essor, s’affirme aujourd’hui d’une façon éclatante : il y a vingt ans, la métallurgie américaine n’exportait rien, et les États-Unis importaient sept fois plus de fer et d’acier que l’Angleterre : c’est maintenant celle-ci qui en importe deux fois plus qu’eux. L’Amérique se suffit à peu près à elle-même et exporte en outre un million de tonnes par an. C’est Pittsburg et le lac Supérieur qui dictent leurs conditions à Glasgow. Récemment, les fabricans anglais ayant voulu élever à 113 francs la tonne le prix des rails d’acier, les Américains leur enlevèrent 300 000 tonnes de commandes. L’exportation anglaise de fer et d’acier, qui, dans les années prospères, s’est élevée jusqu’à 4 millions de tonnes, ne paraît pas devoir dépasser, en 1899, les trois quarts de ce chiffre. En même temps, ses importations augmentent, et non pas seulement de minerai, mais de produits fabriqués : elle est donc moins forte à un double point de vue : elle dépend davantage des marchés étrangers pour ses propres approvisionnemens, et elle y rencontre une concurrence formidable pour ses exportations. Les États-Unis ont produit, en 1897, 179 millions de tonnes de charbon, alors que la Grande-Bretagne en a extrait 202 millions : il est probable que, d’ici à peu, c’est l’Amérique qui fournira le chiffre le plus élevé.

Cette force conquérante que les Américains sentent en eux se traduit parfois avec une exubérance dont il n’est pas sans intérêt de noter l’expression. Lors de la dernière réunion, qui a eu lieu à Philadelphie, en avril 1899, de l’Académie des sciences politiques et sociales, M. Robert T. Hill s’écriait : « La récente expansion de notre nation a été la résultante de forces puissantes agissant par l’intermédiaire des atomes individuels de la société, qui se mouvaient sans aucun plan politique préconçu. La plus grande partie de cette croissance, comme celle du papillon, s’est effectuée dans la chrysalide, et ce n’est que l’année dernière que nous en sommes sortis, pour apparaître aux yeux du monde dans une forme remarquable, qui attire l’attention de l’univers et nous étonne nous-mêmes, lorsque nous contemplons notre grandeur et notre puissance. Nul ne peut prédire ni savoir où ni comment ces forces nouvelles nous dirigeront. Les moteurs dynamiques de notre expansion ont été la qualité supérieure du citoyen créé par nos institutions ; son désir de s’élever et de gagner, qui s’est manifesté dans les découvertes mécaniques et dans le commerce ; enfin ses aptitudes inventives et administratives. L’esprit des États-Unis a été de développer chez chaque citoyen la capacité de grandir : la croissance de la nation n’est que le résultat naturel de la faculté des individus de s’élever et d’étendre leur action. La possession de ces forces nous donne le sentiment que nous pouvons entrer en lutte avec le monde et être à la hauteur de toute difficulté politique ou industrielle qui se produirait. »

Il faut reconnaître que l’énergie commerciale et l’esprit inventif des Américains justifie la confiance qu’ils ont dans leur avenir industriel. Ils savent à la fois imaginer des machines perfectionnées pour fabriquer, avec un minimum de main-d’œuvre, des quantités croissantes d’objets, et combiner la réunion des mines, des usines, des moyens de transport, de façon à gouverner les marchés. Il y a longtemps que leur tendance à concentrer les industries est connue : mais ce qu’ils ont fait depuis quelques mois pour le fer et l’acier dépasse ce qu’ils avaient réalisé jusqu’ici de plus hardi. Douze compagnies se sont formées qui ont absorbé à elles seules 196 sociétés préexistantes. Voici leurs noms avec la date de leur création, leur capacité de production annuelle et leur capital en actions ordinaires et actions de préférence, d’après le tableau publié le 13 mai par la Chronique financière et commerciale de New-York.


Nombre des anciennes sociétés absorbées Capacités annuelle de production en tonnes Capital actions (millions de dollars). «
Date de la création Ordinaire De préférence
Compagnie fédérale de l’acier, billettes, rails, etc 6 1 500 000 9 sept. 1898 46 53
Acier et fils américains. 20 2 500 000 13 janvier 1899 47 38
Compagnie américaine du fer-blanc 38 400 000 15 déc. 1898 28 18
Compagnie nationale de l’acier 7 1 800 000 27 février 1899 32 26
Compagnie américaine de cercles d’acier 9 700 000 14 avril 1899 19 14
Compagnie de la République du fer et de l’acier 36 900 000 3 mai 1899 27 20 1/2
Compagnie de l’Empire du fer et de l’acier 7 291 000 14 mars 1899 2 1/2 2 1/2
Compagnie de la Virginie 30 500 000 janvier 1899 7 1/2
Compagnie de fonte des États-Unis 8 450 000 3 mars 1899 15 15
Compagnie nationale des tubes 16 1 130 000 1899 30 30
Compagnie de fonte émaillée 4 800 000 21 janvier 1899 20 10
Compagnie de l’acier Carnegie 15 2 500 000 4 mai 1899 125 125
196 13 180 000 399 352

Cette dernière compagnie est on mesure de fournir à elle seule un tonnage supérieur à celui de la France en fer et en acier. Encore faut-il ajouter que le capital en sera peut-être double de celui qui est indiqué ci-dessus, si bien que le total dépasserait alors un milliard de dollars, soit 5 milliards de francs. On signale déjà à l’horizon de nouvelles « amalgamations » pour un capital de plus de 60 millions de dollars. D’autre part, les sociétés énumérées ci-dessus ont émis des obligations pour environ 40 millions de dollars. On voit quels capitaux représentent ces diverses entreprises, ce qu’on s’explique du reste encore mieux en songeant que c’est bien plus de 196 compagnies qui ont été ainsi concentrées en 12 unités, puisque beaucoup d’entre elles étaient déjà la synthèse de nombreuses usines particulières. Dans la plupart des cas, le but est de tout concentrer dans les mêmes mains, depuis la mine qui fournit le minerai jusqu’au chemin de fer qui le transporte, depuis le charbon nécessaire aux divers travaux jusqu’aux fonderies et aux ateliers d’affinage. Voici par exemple la Compagnie fédérale de l’acier, qui possède des usines à Chicago, Joliet, Milwaukee, Lorain (Ohio), Johnstown (Pensylvanie), des mines de fer dans le Minnesota, une ligne de chemin de fer pour apporter le minerai aux docks de la compagnie sur le lac Supérieur, des bateaux à vapeur pour l’amener de là aux différentes usines, un réseau reliant les usines de Chicago et Joliet au lac et aux lignes qui pénètrent dans Chicago, des charbonnages en Pensylvanie. Les fabricans qui possèdent à la fois des charbonnages et des mines de fer veulent arriver à soustraire les manufactures aux inconvéniens qui résultent des fluctuations des prix des matières premières. La liste que nous avons donnée n’est déjà plus complète pour la métallurgie : voici que se forment les unions des fabricans de toitures métalliques, de chaînes, de fers à cheval, de charrues, etc.

Il est frappant de voir avec quelle rapidité ces grandes « consolidations, » pour employer l’expression américaine, se sont opérées. Elles tendent à abaisser le prix de revient au minimum, étant outillées de façon à réaliser le bénéfice le plus complet possible, puisqu’elles font tout par elles-mêmes, extraient le minerai de la terre, le transportent, le fondent et le transforment en produits fabriqués. Aussi le prix de revient du fer a-t-il baissé, depuis dix ans, dans les États du Sud de 33 pour 100, au nord du Potomac et à l’est des monts Alleghanys de 34 pour 100, dans le district de Pittsburg de près de moitié. Malgré cela, la qualité des produits s’est améliorée, et les ouvriers gagnent davantage ; tout récemment encore, le trust Carnegie a pris l’initiative d’une élévation de salaires de près d’un dixième. Mais, si l’ouvrier américain (gagne plus que l’européen, la quantité de salaires à payer pour telle ou telle pièce à produire est inférieure en Amérique à ce qu’elle est en Europe, grâce surtout à l’emploi fréquent et judicieux de machines-outils. M. Charles R. Flint, dans un discours prononcé au mois de mai à l’Union Club de Boston, a déclaré que la capacité de production de ces dernières, en Amérique, égale celle de 400 millions d’ouvriers travaillant sans ces machines.

Les combinaisons de trusts ne se sont pas bornées à la métallurgie. Dans les trois premiers mois de 1889, il en a été formé pour un capital de plus de 8 milliards de francs, s’appliquant aux industries les plus variées : sucre de betterave, laiton, glace, tuyaux de conduite, soie, gaz, navigation électrique, distilleries du Kentucky, brasseries du Maryland, sel, balances automatiques, fourniture de matériel scolaire, ciment, tramways, blanchisserie, lait, autotrucks, pêcheries du Pacifique, caoutchouc, sardines, papiers, chaussures, vernis. L’une de celles qui ont le plus fait parler d’elles est la Copper amalgamated company, l’union des cuivres, fondée sous les auspices du célèbre roi du pétrole, Rockefeller, qui a commencé par acquérir un intérêt considérable dans la mine Anaconda, le premier producteur du monde, dont les fonderies ont livré en une année jusqu’à 60 000 tonnes de métal, c’est-à-dire le septième du total universel. Le capital de ces divers trusts est divisé en à peu près deux tiers d’actions de préférence, un tiers d’actions ordinaires, et une fraction insignifiante d’obligations. Ces dernières seront probablement émises en plus grande quantité dans l’avenir, lorsque les compagnies, dans les périodes de réaction, auront besoin de se procurer des capitaux. D’autre part, la plupart des actions de préférence étant cumulatives, c’est-à-dire ayant droit à un dividende fixe, prélevé sur les exercices suivans dans le cas où les bénéfices d’une ou de plusieurs années n’ont pas suffi à le payer en totalité ou en partie, il en résulte que le revenu des actions ordinaires est beaucoup plus aléatoire. Quoi qu’il en soit, et quels que doivent être un jour les mécomptes que certains de ces titres peuvent réserver à leurs souscripteurs, il était utile de donner à nos lecteurs l’idée des affaires qui se font de l’autre côté de l’Océan et de la forme que les Américains ont adoptée pour l’organisation de beaucoup de leurs industries.

La prospérité de celles-ci est accompagnée par une activité financière considérable : les dépôts des institutions affiliées à la chambre de compensation de New-York approchaient, en février 1899, de 4 600 millions de francs, alors que, jusqu’en juillet 1897, ils n’avaient jamais été de plus de 3 milliards. Les dépôts aux banques d’épargne de l’Etat de New-York atteignent 4 800 millions. Les recettes des chemins de fer, en 1898, ont dépassé d’environ 450 millions de francs celles de l’année précédente. Il n’est pas nécessaire d’en dire davantage pour faire comprendre quel rôle un pays d’une semblable puissance économique est destiné à jouer. Nous ne sommes pas de ceux qui s’en effrayent : la population des Etats-Unis et ses besoins doivent croître en raison même de cette richesse : le territoire actuel de la Confédération pourrait aisément recevoir et nourrir cinq ou six fois autant d’habitans qu’elle en compte à cette heure. Sur bien des points nous pouvons lutter avec succès, et nous n’avons en tout cas qu’à nous inspirer de son exemple pour nous efforcer de l’égaler.


II

Cette expansion industrielle ne pouvait pas ne pas exercer une influence profonde sur les marchés financiers du monde. Des entreprises de la taille de celles qui sont nécessaires pour exploiter les mines, les charbonnages, les usines d’aujourd’hui exigent des capitaux de plus en plus considérables. Le marché de ceux-ci devait ressentir le contre-coup de cette transformation : il l’a éprouvée en effet. Pendant un intervalle assez long, nous avons assisté à une baisse du loyer des capitaux, ou, en d’autres termes, de l’intérêt de l’argent, qui avait fait croire à certains économistes que cette tendance était destinée à s’accentuer sans relâche ; elle n’était, au contraire, que l’effet d’une inaction industrielle, qui avait succédé elle-même à la période de création de chemins de fer et d’expansion, arrêtée vers 1873, lors des crises subies par les marchés allemands et américains. En vertu de la loi des oscillations, qui se vérifie dans le domaine économique comme dans celui des sciences naturelles, les constructions de lignes nouvelles et les autres entreprises subirent alors un temps d’arrêt ; aux environs de 1880, une fièvre d’activité s’était de nouveau emparée des grandes places commerçantes ; ce fut la France qui paya ensuite le plus large tribut à la réaction, conséquence inévitable des entraîne mens de l’esprit de spéculation. Les capitalistes, découragés par les pertes qu’ils avaient subies dans les placemens en actions d’entreprises de toute sorte, compagnies d’assurances, banques, industries diverses, ne voulurent plus entendre parler que de valeurs à revenu fixe, rentes d’Etat, obligations de chemins de fer : de là une hausse excessive des fonds publics et l’abaissement, qui a persisté pendant plusieurs années, du revenu fourni par ceux-ci. Ce fut l’époque des conversions, qui mettaient les rentiers dans l’alternative de recevoir le remboursement de leur capital, ou de se contenter d’un rendement diminué. C’est la période où le 5 pour 100 français fut converti d’abord en 4 et demi, puis en 3 et demi pour 100 ; où le 3 pour 100 anglais devint un 2 trois quarts, destiné lui-même à se transformer automatiquement en 2 et demi pour 100 au commencement du XXe siècle. C’est celle où nos grandes compagnies de chemins de fer commencèrent à émettre des obligations 2 et demi, et où celles d’entre elles qui ne s’étaient pas expressément réservé la faculté de convertir leurs titres 3 pour 100 le regrettaient. L’Etat lui-même songeait à créer une rente 2 et demi, et, en attendant qu’il le fît pour un emprunt direct, donnait sa garantie à des emprunts de ce type contractés par Madagascar, par les protectorats de l’Annam et du Tonkin. La Russie, après avoir, grâce au concours des marchés français, réduit de 5 à 4 pour 100 le taux d’intérêt qu’elle paie à ses créanciers, émettait à Paris un 3 et demi, puis un 3 pour 100, avec le secret espoir de ramener au moins au premier de ces deux taux l’étalon de son crédit. Les taux d’escompte des grandes banques d’émission tombaient au niveau le plus bas, 2 pour 100 en France et en Angleterre, 3 pour 100 en Allemagne, 2 et demi en Belgique. L’année 1895 marque à cet égard le point extrême de la courbe. Mais, à partir de ce moment, le réveil des affaires se manifeste. Ici même[3], nous avons montré comment, d’année en année, l’Allemagne avait développé son commerce, son industrie, sa banque ; nous avons rassemblé les chiffres susceptibles de donner une idée de cette progression : recettes des chemins de fer, volume du commerce, statistiques de la métallurgie. Nous avons exposé les résultats obtenus par ses fabricans de produits chimiques, qui ont dépassé tous leurs concurrens étrangers, par ses électriciens, qui ont réussi à créer de puissantes sociétés, groupant autour d’elles une série d’entreprises de transports, de distribution de lumière et de force, non seulement dans leur pays, mais dans le reste du monde.

Ce mouvement a gagné d’abord la Belgique, qui, presque en même temps que l’Allemagne, s’est jetée avec fougue dans des créations industrielles multiples. Mais, comme, sur son petit territoire, le plus peuplé du monde par rapport à sa superficie totale, il restait peu de chose à faire, en dehors du développement des industries déjà créées, c’est à des entreprises étrangères et coloniales que les Belges ont appliqué, avec le succès que nous avons rappelé, leur intelligence et leurs capitaux. L’Angleterre n’a jamais cessé de mettre des ressources financières au service des entreprises les plus diverses, sur son propre territoire et dans toutes les parties du globe. La France, enfin, a suivi à son tour le mouvement dont les autres lui avaient donné l’exemple ; et elle applique son génie laborieux, son esprit d’ordre et de suite, à mettre en valeur les richesses de territoires qui sollicitent ses capitaux, ses ingénieurs, ses administrateurs.

Les entreprises nouvelles et la hausse des matières premières exigent des capitaux de plus en plus considérables. Si on réfléchit, par exemple, que la production annuelle du cuivre, qui dépasse 400 000 tonnes, représentait, en 1898, au cours d’environ 1 250 fr. la tonne, une somme de 500 millions de francs, et que la production de 1899, en la supposant de 500 000 tonnes, représente, au cours de 2 000 francs, dont nous sommes voisins, un milliard ; si l’on essaie d’évaluer les milliards de différence que font pour le fer, la houille, les divers métaux, les écarts entre les prix à quelques mois d’intervalle ; que, d’autre part, on additionne les capitaux des sociétés qui se fondent, sans tenir compte de celles qui ne font qu’amalgamer des entreprises préexistantes, mais en se bornant à supputer l’argent nouveau demandé au public ; et l’on restera confondu de l’énormité des chiffres. Ces variations ne doivent d’ailleurs pas étonner nos lecteurs, à qui, dès le 13 septembre 1897, nous signalions[4] un des phénomènes les plus frappans des derniers temps : la hausse violente du blé déterminée par une seule mauvaise récolte. Nous démontrions alors que les lois qui gouvernent les mouvemens des prix sont presque entièrement indépendantes de la quantité des métaux précieux en circulation dans le monde. Les événemens des deux années écoulées depuis lors ont justifié notre théorie avec une abondance de preuves qui ne laisse guère place à la contradiction ni même au doute.

L’étain, l’un des métaux dont les fluctuations sont les plus vives, à cause, en partie, de la faiblesse du chiffre de sa production et de sa consommation qui s’élèvent l’une et l’autre à 75 000 tonnes par an environ, valait 1 750 francs la tonne vers 1877, 2 550 en 1882, pour retomber à 2 000 en 1884, se relever à près de 3 000 en 1888, lors de la combinaison Secrétan, revenir à 1 500 francs en 1896, et reprendre aujourd’hui son niveau le plus élevé, 3 000 francs. Le plomb, dont la production et la consommation sont à peu près décuples de celles de l’étain, a valu 400 francs la tonne en 1880, 275 francs en 1885, 350 en 1888, 225 en 1894, et est remonté à 350 francs. Le cuivre, dont nous parlions il y a un instant, a valu 1 500 francs la tonne vers 1879, 1 000 francs en 1886, 2 700 francs en 1888, 875 francs l’année suivante, est resté ensuite dans les en- virons de 1 000 à 1 200 francs, jusqu’à ce que la hausse violente du printemps de 1899 l’ait relevé aux environs de 2 000 francs. La production, jusqu’à cette année, n’a cessé d’en croître : en ce moment même, sous l’influence d’un déplacement de cours aussi énorme, des mines de cuivre s’ouvrent de toutes parts. On voit combien ce renchérissement à peu près général des matières premières exige de capitaux nouveaux pour l’échange de quantités égales à celles qui se traitaient auparavant, à plus forte raison pour celui de quantités accrues.

Ce n’est pas l’augmentation de la production annuelle de l’or, atteignît-elle un milliard par rapport à la moyenne antérieure, qui peut combler de pareils écarts ; l’épargne qui, à des époques prospères comme celles que nous traversons, met de côté tous les ans des milliards, ne s’accumule pas non plus assez vite pour satisfaire aux besoins ainsi multipliés. De là le phénomène auquel nous assistons depuis plusieurs années et dont l’intensité frappe à cette heure tous les yeux : la baisse progressive des fonds d’État, en particulier de ceux qu’on appelle valeurs de premier ordre, pur exemple les rentes française et allemande, et des autres titres à revenu fixe, comme les obligations de chemins de fer, dont l’intérêt est d’autant plus bas que le crédit du débiteur est meilleur et la sécurité du placement plus grande. Aux époques où l’industrie végète, où l’esprit d’entreprise sommeille, les capitaux disponibles en quête d’emploi se portent de préférence sur ces rentes, sur ces obligations, dont les cours s’élèvent sous l’influence de ces demandes continues, atteignent, dépassent souvent le pair, et permettent alors les opérations de conversion, qui diminuent le revenu des rentes en allégeant le budget des Etats, des villes, des chemins de fer, et d’une façon générale, de toutes les compagnies qui empruntent par voie d’obligations. C’est par une de ces étapes, fréquentes dans l’histoire économique, que nous avons passé, lorsque le rendement de nos fonds d’Etat et de nos obligations de chemins de fer est tombé à moins de 3 pour 100. Mais le mouvement de hausse de ces titres, c’est-à-dire la diminution de l’intérêt qu’ils rapportent, est arrêté, et il s’en dessine un en sens inverse, peu accentué encore sur nos fonds publics, plus marqué sur les titres de chemins de fer, qui avaient fini d’ailleurs par être capitalisés à un taux plus bas que la rente sur l’Etat. La baisse est encore plus prononcée en Allemagne, où le 3 pour 100 allemand est descendu à plus de dix unités au-dessous du pair, où le 3 pour 100 saxon se cote à 87, et où les lettres de gage des crédits fonciers ne se placent plus guère qu’à 4 pour 400. Nous ne pouvons entrer ici dans l’analyse de tous les phénomènes indicateurs de cette évolution : taux de l’escompte, taux des avances sur titres, qu’il s’agisse de prêts ordinaires ou de ces avances temporaires qui sont connues sous le nom de reports et jouent un grand rôle sur les marchés financiers : il nous suffira de montrer par un exemple quel déplacement de capital entraînent les modifications de cours des fonds publics. La dette française (3 pour 100 perpétuel, 3 pour 100 amortissable, 3 et demi pour 100) représente environ 25 milliards ; chaque unité de baisse dans le cours correspond donc à 250 millions de francs.

C’est dans le recul de la cote des rentes, des obligations, qu’il faut chercher la contre-partie de la hausse des matières premières et de l’absorption incessante des capitaux par l’industrie. Certains rentiers se défont de leurs titres et en emploient le produit à des placemens à revenu variable, mais qui, grâce à l’expansion actuelle, leur paraissent promettre des résultats avantageux. L’épargne, restée fidèle aux titres à revenu fixe, trouve occasion de les acquérir à des conditions plus favorables ; et, comme elle a besoin de sommes moindres pour s’assurer le même revenu qu’à des époques antérieures, elle a un surplus disponible pour d’autres placemens, et peut, à son tour, risquer quelques capitaux dans l’industrie. La spéculation s’en mêle à un moment donné : l’exemple des hausses rapides survenues dans la cote de certaines actions enflamme les imaginations ; on mesure les étapes qu’on croit encore atteindre d’après celles qui ont été déjà franchies ; on n’aperçoit plus de limite à la hausse des produits, au développement des marchés, à l’ascension des cours. Il arrive que les revenus des actions industrielles soient inférieurs à ceux des fonds d’Etat que l’on a vendus ! Mais on ne calcule plus les dividendes passés, on escompte ceux que l’avenir promet ou plutôt ceux qu’on rêve le voir apporter. Et c’est alors que, par l’évolution naturelle d’un cycle dans lequel se meut le monde financier, les valeurs de placement dépréciées redeviennent tentantes pour l’épargne, qui y trouve un revenu stable, relativement élevé par rapport à ce qu’il était devenu au moment culminant de la hausse de ces valeurs, et qui y cherche un refuge après les émotions que lui ont causées les actions industrielles. En un mot, c’est toujours, sauf la fraction annuelle dont il s’accroît par l’épargne, le même argent qui sert aux transactions humaines et qui détermine la hausse de certaines catégories de valeurs ou de marchandises sur lesquelles il se porte, et la baisse de celles qu’il abandonne en même temps.

Il faut avoir toujours présens à l’esprit les risques inséparables des entreprises, auxquelles, à de certaines époques, le public est peu disposé à s’intéresser, et dans lesquelles, à d’autres momens, il se jette avec furie. N’y eût-il d’autre élément d’incertitude que le cours des matières premières et le prix de la main-d’œuvre, que la nécessité d’une grande prudence dans l’évaluation des résultats s’imposerait. Sait-on, par exemple, qu’en 1899, la hausse des charbons pourra augmenter de plus de 20 millions de francs les dépenses de chemins de fer français ? Combien de données interviennent dans le coût d’un produit fabriqué, dans ce prix de revient qui est la résultante d’innombrables facteurs ! Déjà aujourd’hui, les chefs de grandes entreprises recommandent la modération et rappellent qu’aux époques de prospérité comme celle que nous traversons, et que les Allemands nomment Konjunktur (conjonction des circonstances favorables), il convient de fortifier les réserves, d’améliorer la situation financière, de doter la trésorerie : il faut prévoir l’inévitable retour en arrière, et être prêt à supporter les dépenses énormes que les évolutions si rapides de l’industrie imposent aux établissemens jaloux de conserver leur rang. Les spéculateurs qui recherchent encore les titres houillers et métallurgiques s’exposent aux déceptions que pourront leur causer les dividendes futurs, maintenus dans une sage limite par des administrations prudentes. Les optimistes répondent que rien ne fait prévoir un changement dans l’allure actuelle des marchés et persistent à escompter des progrès ininterrompus.


III

Nous avons essayé de donner à nos lecteurs une idée de la fièvre industrielle qui, au seuil d’un nouveau siècle, s’est emparée de l’Europe et de l’Amérique ; leur activité ne se borne pas à leurs propres territoires, mais déborde en Afrique, en Océanie, en Asie ; dans ce dernier continent, l’ouverture de la Chine aux chemins de fer, et bientôt à d’autres exploitations, promet aux ingénieurs et aux financiers de l’ancien et du nouveau monde des tâches multiples et intéressantes. Ce mouvement s’est développé grâce à la paix qui a régné entre les grandes puissances européennes depuis 1871, mais, en même temps, il a été alimenté par les commandes énormes de matériel de guerre et par les constructions navales de ces mêmes pays, qui, tout en protestant de leur amour de la paix, n’ont pas cessé d’augmenter leurs armemens.

A côté des fabrications de canons, de fusils, de cuirassés qui ont exigé des milliards, les œuvres pacifiques ont eu leur part, et parmi elles, au premier rang, les applications de l’électricité. Cette force prodigieuse, que l’on commence seulement à manier avec quelque sûreté, est en voie de transformer les industries.il suffit de considérer le nombre des entreprises de tramways, de chemins de fer électriques, de transport de force qui s’organisent, pour comprendre l’ampleur de ce mouvement. Les villes modifient leurs systèmes de communications, dont elles remplacent les voies et le matériel. Dans les usines, les transmissions, le traitement des minerais, commencent à se faire par le courant électrique. Des contrées, qui n’étaient visitées que par les touristes amoureux de sites sauvages, sont fouillées par les ingénieurs, qui captent les chutes d’eau, construisent des usines et y amènent cette force naturelle dont le prix est bien inférieur à celui de la vapeur. Le voyageur qui arrive d’Italie en France voit, au sortir du tunnel du Mont-Cenis, de gigantesques tuyaux descendre le long des montagnes : ils apportent la force hydraulique aux usines qui s’édifient dans les vallées, pour la fabrication du carbure de calcium, de l’aluminium, du papier. La pittoresque Maurienne est envahie par des industriels, qui paient au poids de l’or l’usage du moindre torrent capable d’actionner un dynamo.

Parmi les apparitions de substances nouvelles qui jouent un rôle hors de pair dans les industries modernes, il est difficile de passer sous silence celle du pétrole, cette houille liquide, qui n’a d’abord été employée qu’à l’éclairage, et qui fournit maintenant aussi un combustible précieux, dont la Russie seule consomme déjà 5 millions de tonnes par an. Les premiers gisemens ont été découverts et exploités en Amérique ; ceux de la Caspienne forment le centre le plus important après celui des Etats-Unis ; ceux des îles de la Sonde, exploités par les Hollandais, depuis un petit nombre d’années, paraissent appelés à un grand avenir : ils expédient en Chine, un de leurs principaux débouchés, des quantités croissantes. Il existe des terrains pétrolifères dans une foule de contrées : en Roumanie, en Galicie, en Alsace, en Italie. La hausse de prix qui s’est produite depuis deux ans a stimulé l’activité des prospecteurs ; en Amérique, des sondages poursuivis avec énergie ont permis d’exploiter des couches nouvelles dans l’Ohio, l’Indiana, la Virginie occidentale. La célèbre Standard Oil C°, qui voudrait dominer le marché du monde, s’efforce de maintenir à un niveau suffisant la production américaine et d’encourager les travaux qui doivent lui permettre de continuer à dicter ses lois sur un marché que la Russie est encore seule à lui disputer sérieusement.

Ainsi, partout le même spectacle, partout un essor extraordinaire ; partout on fouille le sol pour y découvrir de nouveaux gisemens ; les mines déjà connues sont exploitées avec un redoublement d’énergie ; les usines, les hauts fourneaux réclament plus de houille, plus de minerai ; les wagons s’alignent devant les fonderies, les forges, les aciéries, emportent avec une rapidité vertigineuse les centaines, les milliers, les millions de tonnes extraites et produites ; produits bruts, demi-fabriqués, produits finis sont demandés par une consommation active, que cette prospérité générale rend chaque jour plus dévorante encore. Les voies ferrées sillonnent les grandes et les petites villes pour recevoir les voitures mues par l’électricité : celles-ci se succèdent à des intervalles de plus en plus rapprochés et finissent par ressembler à ces plates-formes mouvantes, qui ne sont encore que des jouets d’exposition et qui deviendront peut-être un moyen régulier de transport dans les grandes agglomérations. Des chutes d’eau sont captées de toutes parts : on utilise toutes les richesses du sol, toutes les forces naturelles.

Que durera cet élan ? Il est vraisemblable que la loi des oscillations se vérifiera une fois de plus et qu’une réaction se produira. Ceux qui croient que nous en sommes encore éloignés peuvent alléguer la grandeur du champ qui s’est ouvert. De plus la production industrielle est aujourd’hui moins laissée au hasard des initiatives individuelles qu’autrefois. Il est bien certain que le succès de chaque entreprise n’est dû et ne sera jamais dû qu’à l’énergie, à l’activité, au travail de celui qui la dirige : mais l’apparition des puissantes associations qui se nomment trusts en Amérique, et syndicats en Europe, peut exercer sur le développement des industries une influence qui ne se mesure pas encore. Il serait injuste de condamner a priori ces organisations : elles n’ont pas de rapport avec les tentatives d’accaparement ou de hausse factice des prix qui se présentent tout d’abord à l’esprit lorsqu’il est question de les juger. Des exemples qui remontent déjà à un certain nombre d’années permettent de se rendre compte de l’œuvre de ces réunions de grands industriels qui se vantent, en bien des cas, d’avoir abaissé en d’énormes proportions le prix de revient d’une matière, d’en avoir réglementé la production, assuré la distribution dans les conditions les plus favorables. Il y a là un phénomène nouveau, qu’il est impossible de négliger lorsqu’on étudie les conditions futures de l’industrie. La formation de ces trusts est, de l’avis même des Américains, le fait saillant de leur état économique actuel : ils assurent d’ailleurs que ces combinaisons ne présentent pas d’inconvéniens pour les consommateurs, parce que, d’une part, la concurrence étrangère subsiste et que, d’autre part, l’intérêt de ces grandes associations étant de vendre le plus possible, elles cherchent tout d’abord à abaisser leur prix de revient par le perfectionnement des modes de fabrication, la diminution des frais généraux, et offrent ensuite leurs produits au prix le plus bas, en se réservant seulement un bénéfice raisonnable. La jurisprudence confirmée encore tout récemment par une décision de la cour suprême de New-York ne frappe pas de nullité toutes les ententes entre producteurs. Celles qui ont pour but d’obtenir un prix convenable pour les produits manufacturés ne sont pas considérées comme illégales, bien qu’elles mènent à une restriction des échanges. Il serait puéril néanmoins de méconnaître la force redoutable que de pareilles organisations mettent aux mains d’un petit nombre d’hommes : la concurrence étrangère n’est efficace que si des tarifs douaniers ne l’empêchent pas : dans plusieurs États de la confédération, la législation s’est préoccupée de combattre les trusts ou d’en limiter la puissance. Avec un gouvernement d’opinion comme celui des États-Unis, ils seraient condamnés le jour où leur action s’exercerait dans un sens différent de celui que nous venons d’exposer.

Si, négligeant ces querelles et nous plaçant à un point de vue plus élevé, nous cherchons à jeter un regard sur l’avenir, nous pouvons supposer que ces combinaisons industrielles nous mèneront un jour à une organisation économique plus harmonieuse, où la production, mieux réglée, sera proportionnée aux besoins de la consommation. Il semble bizarre que ces trusts, dirigés par de grands capitalistes, puissent conduire à des résultats qui sont aujourd’hui, d’une façon plus ou moins vague, réclamés par les programmes socialistes : mais, bien souvent en ce monde, ceux qui mènent le mouvement ne se rendent pas clairement compte de toutes les conséquences de l’œuvre à laquelle ils travaillent. D’autres qu’eux peuvent, dans les ténèbres de demain, discerner une lueur qui annonce un état de choses nouveau. L’activité dont une partie du monde est aujourd’hui le théâtre a pour effet certain d’abaisser le prix des choses, de multiplier les transports de voyageurs et de marchandises et de mettre à la disposition des hommes des quantités de plus en plus considérables de produits. C’est au profit du plus grand nombre que s’accomplit cette évolution. Tant de travaux poursuivis à la fois dans les mines, dans les manufactures et sur les voies ferrées exigent un nombre croissant de bras ; il en résulte une demande ininterrompue de travail, et par suite une hausse notable des salaires. Beaucoup de ces entreprises ne réussiront pas, ne donneront que peu ou point de profit aux capitalistes qui s’y seront engagés : mais les ouvriers et tous ceux qui y auront été employés y auront gagné leur vie. Ceux qu’on appelle les travailleurs, par une erreur du langage qui a très improprement appliqué ce mot au seul travail manuel, profitent donc dans la plus large mesure de l’esprit d’initiative, du courage des employeurs, qui risquent leur fortune, leur temps, parfois leur santé et leur vie dans la conception et l’exécution de ces grandes entreprises qui transforment la face du monde. Ce n’est pas un des côtés les moins intéressans du mouvement qui entraîne à cette heure une partie de l’humanité dans une fièvre de création. Les grosses fortunes qui s’édifient à notre époque ne sont qu’une goutte d’eau, comparées aux sommes que reçoivent en salaires et traitemens de toute sorte les employés et les ouvriers ; elles sont, en général, la juste récompense d’un labeur intellectuel et d’une activité cérébrale auprès desquels le travail manuel le plus acharné n’est qu’un bien médiocre effort. C’est à rendre la vie du peuple plus large, plus aisée, que tendent les progrès industriels. Nous ne prétendons en aucune façon que les grands chefs d’industrie soient tous dirigés par ce mobile, ni même qu’ils se rendent toujours compte du grand œuvre auquel ils collaborent : mais il importe peu. Que ce soit volontairement ou non, ils sont utiles à l’humanité. C’est ce que proclamait avec une singulière netteté M. Flint, dans sa conférence de Boston que nous avons déjà citée plus haut : « La force humaine a fait place à celle de la machine, et l’homme, au lieu d’être une machine, travaille chaque jour davantage du cerveau et de plus en plus en homme. De là la prospérité croissante de nos masses, leurs loisirs accrus, leur liberté plus grande, la possibilité pour elles de mieux jouir de la vie. Comparez leur condition avec ce qu’elle était avant que fortune et intelligence se soient accumulées dans l’industrie, quand le peuple mangeait de la viande une fois par semaine, habitait des maisons sans cheminées ni fenêtres, quand il vivait dans la saleté et les haillons : ce qui est aujourd’hui la vie ordinaire de l’ouvrier constituait alors le luxe pour la noblesse. La véritable émancipation du travailleur a été faite par Watt et Arkwright, Stephenson et Fulton, Franklin, Morse, Bessemer et tous les grands inventeurs. » Une époque comme la nôtre ne doit pas être considérée avec tristesse par le penseur, qui se trouvera d’accord avec l’économiste pour ne pas redouter l’évolution au milieu de laquelle s’achève le XIXe siècle.


RAPHAËL-GEORGES LEVY.

  1. Il est vrai que si, au lieu du poids de l’or extrait, nous considérons celui du minerai, 1 500 millions d’or, à raison de 50 francs de métal en moyenne par tonne de minerai, ont exigé une extraction de 30 millions de tonnes.
  2. Voyez dans la Revue du 15 février 1898 notre étude sur L’Industrie allemande.
  3. Voyez, dans la Revue des 15 novembre 1897 et 15 avril 1898, les Marchés financiers de l’Allemagne, le Commerce allemand.
  4. La hausse du blé et la baisse de l’argent.