Le Nuage (Durand)

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Le Nuage
(p. 1-3).

Le Nuage

chansonette, air troubadour chanté


Du seuil où je gagne ma vie,
Par fois dans l’air jetant les yeux,
Je me plais à porter envie
À la vapeur qui monte aux cieux.
J’ai tant de fois rêvé nuage,
Que si je le deviens un jour,
Je veux faire ainſi mon voyage
Aux champs du céleste séjour.Bis

D’abord, j’aurais une colombe,
Libre de liens amoureux,
Qui me suivrait jusqu’à la tombe :
Il faut aimer pour être heureux !
Puis, de la plus haute montagne,
Le front me verrait chaque jour
Adorer, près de ma compagne,
Le Maître du divin séjour.


Pour changer de ciel de d’empire,
J’irais voir le pôle glacé
Où pas une âme ne respire,
Où pas un être n’a passé :
Sous les frimats terre endormie,
Affreux désert que fait le jour,
Votre froid tuerait mon armée,
Je retourne au divin séjour.

Cherchant des rives plus fécondes,
Des mers que dore le soleil,
Les flots qui baignent tous les mondes
Verraient passer mon char vermeil,
Dans une atmosphère embaumée
Du globe je ferais le tour,
Heureux avec ma bien-aimée
De planer au divin séjour.


Si, dans le cours de mes voyages,
Un vent affreux m’avait jeté
Dans le tourbillon des orages,
Sous un ciel noir et tourmenté,
Chaos de bruit, voleur de flammes !
Chants de la nébuleuſe cour,
Vous faîtes mieux goûter aux âmes
La paix du céleste séjour.

De rendre l’eau qui me compoſe
Quand il faudra subir l’arrêt,
Ô Ciel ! fais qu’en tombant j’arroſe
Le sol de ma belle forêt !
Ma compagne aurait un asile,
Et moi je pourrais quelque jour,
Fumer, ombre ou vapeur agile,
Remonter au divin séjour.Bis


A. Durand
menuisier à Fontainebleau