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Le Panier d’argenterie/10

La bibliothèque libre.
Paul Ollendorff, éditeur (p. 29-30).

X


Parce que Lilia recevait des corbeilles
Pleines de plus de fleurs qu’un rucher n’a d’abeilles,
De qui les tenait-elle ? hélas ! j’en ai souffert…
Alors je fis construire une baraque en fer
Qu’on vitra pour laisser le soleil y paraître,
Et je m’y cloîtrai comme un moine ou comme un prêtre
S’enferme à la Chartreuse ou bien au Mont Cassin,
Depuis le lundi saint, jusqu’au samedi saint.
Seulement ma retraite est indéterminée,
Et je soigne mes fleurs pour passer la journée.

Particulièrement le Trychopilia
Qui me fit oublier la pâle Lilia.
Et l’Odontoglossum, blanc neige et bleu pervenche
Dont l’amour partagé me fut une revanche ;
Et le brun Barbatum, fier sabot de Vénus,
Enfin, tous ces trésors qui guérissent, venus
Du Pérou, du Brésil et de la Colombie
Pour mon parfait plaisir et ma folle lubie.
Lilia m’apprit à chérir la nouveauté,
J’ai cent femmes depuis les floraisons d’été ;
L’une a les cheveux blonds et veut qu’on la respire ;
L’autre est brune et me dit quelque chose de pire ;
L’une est un coquillage au bout d’un fin fuseau ;
L’autre a l’air d’un oiseau qui dort sur un oiseau ;
Mais j’en aime une qui, dessous sa capeline,
Est comme une petite écolière orpheline
Dont l’âge pourrait bien valoir de la prison
À celui qui la tient cachée à la maison…