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Fables de La Fontaine (éd. Barbin)/1/Le Paon se plaignant à Junon

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Pour les autres éditions de ce texte, voir Le Paon se plaignant à Junon.


XVII.

Le Paon ſe plaignant à Junon.



LE Paon ſe plaignoit à Junon :
Deeſſe, diſoit-il, ce n’eſt pas ſans raiſon
Que je me plains, que je murmure ;
Le chant dont vous m’avez fait don
Déplaiſt à toute la Nature :

Au lieu qu’un Roſſignol, chetive creature,
Forme des ſons auſſi doux qu’éclatans ;
Eſt luy ſeul l’honneur du Printemps.
Junon répondit en colere :
Oyſeau jaloux, & qui devrois te taire,
Eſt-ce à toy d’envier la voix du Roſſignol ?
Toy que l’on voit porter à l’entour de ton col
Un arc-en-ciel nué de cent ſortes de ſoyes,
Qui te panades, qui déployes
Une ſi riche queuë, & qui ſemble à nos yeux
La Boutique d’un Lapidaire ?
Eſt-il quelque oyſeau ſous les Cieux
Plus que toy capable de plaire ?
Tout animal n’a pas toutes proprietez ;
Nous vous avons donné diverſes qualitez,
Les uns ont la grandeur & la force en partage ;

Le Faucon eſt leger, l’Aigle plein de courage ;
Le Corbeau ſert pour le préſage ;
La Corneille avertit des malheurs à venir ;
Tous ſont contens de leur ramage.
Ceſſe donc de te plaindre, ou bien, pour te punir,
Je t’oſteray ton plumage.