Le Pape/Le synode d’Orient

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Le PapeOllendorfŒuvres complètes, tome 29 (p. 12-24).


LE SYNODE D’ORIENT


LE PATRIARCHE D’ORIENT, tiare au front, en habits pontificaux ; les évêques l’entourent ; mitres et chapes d’or.

Laisse-moi passer, peuple. Adieu, Rome. Chantez,
Allégresse et louange ! ô tribus, ô cités,
Chantez dans le vallon, chantez sur la montagne.
Sabaoth est l’époux, l’Église est sa compagne,
Peuple, je suis l’apôtre, et je bénis les cieux.

Entre un homme vêtu de bure noire, une croix de bois à la main.


L’HOMME

Bénir le ciel est bien, bénir l’enfer est mieux.

LE PATRIARCHE

L’enfer !

L’HOMME

L’enfer ! Oui, c’est-à-dire, ô prêtre, les misères.
Bénis cela. Bénis les pleurs, les cœurs sincères ;
Mais flétris, où le bien contre le mal combat ;
Bénis le dénûment, le haillon, le grabat,
Le bagne, dont la chaîne épouvantable passe ;
Bénis l’humble esprit sombré et la pauvre âme lasse ;
Bénis tous ceux pour qui jamais tu ne prias ;
Bénis les réprouvés, bénis les parias,
Et ce total des maux qui sur terre est la somme
Des salaires. Bénis l’enfer.

LE PATRIARCHE

Des salaires. Bénis l’enfer. Quel est cet homme ?

L’HOMME

Évêque d’Orient, l’évêque d’Occident
Te salue, et je suis ton frère. Sois prudent
Et sois pensif ; car Dieu, sache-le, prêtre, existe.

LE PATRIARCHE

C’est vous, Père ! vêtu d’un linceul !

LE PAPE

C’est vous, Père ! vêtu d’un linceul ! Je suis triste.

LE PATRIARCHE

Vous le premier sur terre !

LE PAPE

Vous le premier sur terre ! Hélas !

LE PATRIARCHE

Vous le premier sur terre ! Hélas ! Triste de quoi ?

LE PAPE

De la douleur de tous et de ta joie à toi.

Il fait un pas et regarde fixement le Patriache.

Prêtre, on souffre ! et le luxe odieux t’environne !

Commence par jeter par terre ta couronne.
La couronne est gênante à l’auréole. Il faut
Choisir de l’or d’en bas ou du rayon d’en haut.
Sache, ô pasteur joyeux, que les peuples frissonnent ;
Sache que le ciel pâle est plein d’heures qui sonnent
Le tocsin des berceaux, le glas des nouveau-nés.
Prends garde aux innocents dont tu fais des damnés.
Crains le mal qui flamboie et que toi-même attises
Avec tes vanités, avec tes convoitises.
Frère, ne soyons pas des prêtres désastreux.
N’imitons pas les rois qui se volent entr’eux
Les Alsaces, les Metz, les Strasbourg, les Hanovres.

Prêtre, à qui donc as-tu pris ta richesse ? Aux pauvres.
Quand l’or s’enfle en ton sac, Dieu dans ton cœur décroît.
Apprends qu’on est sans pain et sache qu’on a froid ;
Les jeunes filles vont rôdant le soir dans l’ombre.
Tes rochets, ta chasuble aux topazes sans nombre,
Ta robe où l’Orient doré s’épanouit,
Sont des spectres qui sont noirs et vivants la nuit,
Et qui prennent Jésus dans sa crèche, et le tuent.
Sache qu’au lit public les femmes s’habituent
Parce qu’il faut céder, se rendre, et vivre enfin,
Le riche ayant le vice et le pauvre la faim.
Que te sert d’empiler sur des planches d’armoire
Du velours, du damas, du satin, de la moire,
D’avoir des bonnets d’or et d’emplir des tiroirs
De chapes qu’on dirait couvertes de miroirs ?
Ô pauvres que j’entends râler, forçats augustes,
Tous ces trésors, chez vous sacrés, chez nous injustes,
Ce diamant qui met à la mitre un éclair,
Cette émeraude où semble errer toute la mer,
Ce resplendissement sombre des pierreries,
C’est votre sang, le lait des mamelles taries,
C’est le grelottement des petits enfants nus !
C’est votre chute au fond des gouffres inconnus !
Le faste de ce prêtre, ô pauvres, représente
Ce que vous n’avez plus, votre vie innocente,
Le loyer du logis, le tison du foyer,
La dignité du cœur qui ne veut pas ployer,
Le travail qui s’accroît par l’épargne qui monte,
Votre joie, et l’honneur des femmes, et ta honte,
Prêtre ! ― Rends ces trésors aux pauvres ! Rends-les tous !
Escarboucles chez eux, immondices chez nous !
Quoi ! tandis que là-haut l’immense Éternel pense ;
Tandis que sans fatigue et sans fin il dépense
La lumière, et maintient les soleils au complet,
Pour que tout marche et vive, et pour prouver qu’il est ;
Tandis que dans cette ombre où court le météore,
Il nous regarde avec ses prunelles d’aurore ;

Tandis qu’il met au monde énorme un tel ciment
Que rien ne s’est défait dans le bleu firmament
Le jour où dans le ciel que d’autres cieux pondèrent,
Les formidables vents démuselés grondèrent ;
Tandis qu’il fait rôder plus d’astres dans les cieux,
Plus d’éclairs, plus de voix, plus de bruits, plus de feux,
Plus de prodiges, noirs ou sereins, sur les grèves,
Sur les monts, dans les bois, que l’homme n’a de rêves ;
Tandis qu’il est. cet être inconcevable-là.
Nous prêtres, nous vieillards, drapés d’un falbala,
Plus chargés de bijoux que des filles publiques,
Tournant vers les faux biens nos extases obliques,
Tandis que lui, celui qui ne prend ni ne vend,
Lui le sombre Seigneur de la foudre, est vivant,
Nous, sous quelque portail d’église ou d’abbaye,
Nous offrons et montrons à la foule ébahie,
Sous la pourpre d’un dais et les plis d’un camail,
Un petit bon Dieu rose avec des yeux d’émail !
Un Jésus de carton ! un Éternel de cire !
On le promène, on chante, on prêche, on le fait luire,
En marchant doucement.de crainte qu’un cahot,
En secouant l’autel, ne casse le Très-Haut !
Chaque temple a son saint qu’il rente et divinise.
Tandis que le monceau des hommes agonise
Et que la haine couve en d’âpres, cœurs grondants,
Tandis que la famine aux effroyables dents
Dévore l’atelier, le grenier, la chaumière,
Nous étalons, avec des effets de lumière,
Des bonshommes de bois au fond d’un corridor,
Brodés d’or, cousus d’or, chaussés d’or, coiffes d’or ;
Nous avons des saints-Jeans et des saintes-Maries
Que nous emmaillotons dans des verroteries !
Nous dépensons Golconde à vêtir le néant.
Et, pendant ce temps-là, le vice est un géant.
Et le lupanar s’ouvre, affreux bagne des vierges !
Et je vous le répète, allumez tous vos cierges,
Faites le tour du temple en file, deux à deux,

Vous n’empêcherez pas que cela soit hideux !

Oui, pendant ce temps-là, parce qu’il faut qu’on mange,
Parce que votre luxe a pris son pain, un ange,
Une âme, une innocence entrera dans la nuit !
Pour vêtir de brocard l’idole qui reluit,
Les colombes du ciel deviendront des orfraies !
Oui, des femmes de chair et d’os, des femmes vraies,
Honnêtes, fleurs d’amour et lys de chasteté,
Paieront de leur pudeur et de leur nudité,
De toutes leurs vertus mortes et dissipées,
Votre imbécillité d’habiller des poupées !
Entendez-vous cela ! Comprenez-vous cela !
Trouvez-vous que je parle assez haut ! Dieu parla
Jadis de cette sorte aux songeurs sur les cimes ;
Et nous quand sur l’autel, pensifs, nous nous assîmes,
Prêtres, ce n’était pas pour être des démons.
Ô mes frères, aimons, aimons, aimons, aimons !

Prêtres, la croix de bois et la robe de bure,
Le front haut chez les rois, et pas d’autre courbure
Que le fléchissement des âmes devant Dieu !
Quoi ! les rois sont la roue et vous êtes l’essieu !
Le peuple est sous vos pieds, parce qu’il est la base,
Et vous faites rouler sur lui ce qui l’écrase !

Sachez que vos grandeurs sont des chutes ! Sachez
Que le fourmillement lugubre des péchés,
Ô noirs vendeurs du temple, emplit votre opulence
Et que Jésus, ayant au flanc le coup de lance,
S’est enfui, se voilant la face, n’ayant pu
Voir le peuple affamé sous le prêtre repu !
Ne pouvant voir cela, Christ a dû disparaître !
Il s’en va. Car pour lui les diamants du prêtre
Ont la même lueur que les yeux du chacal.
Ô froc de bure, ô saint haillon pontifical,
Sois ma splendeur. Je sens rentrer sous cette robe

L’âme que le manteau de pourpre nous dérobe ;
Je revis. Du linceul le prêtre est bien vêtu.
Il devient sous la bure exemple, honneur, vertu,
Serviteur de qui souffre et juge de qui règne ;
Comme il est faible, il faut que le tyran le craigne ;
Car les faibles sont pleins de la force de Dieu.
Sa robe noire passe à toute heure, en tout lieu,
Parmi les deuils, les maux, les fléaux, les désastres,
Et quand il la secoue il en tombe des astres !
Il en tombe le vrai, le bien, le beau, le grand !
Prêtres, votre richesse est un crime flagrant !
Vos cœurs sont-ils méchants ? Non, vos têtes sont dures.
Frères, j’avais aussi sur moi ce tas d’ordures,
Des perles, des onyx, des saphirs, des rubis.
Oui, j’en avais sur moi, partout, sur mes habits,
Sur mon âme ; mais j’ai vidé cela bien vite
Chez les pauvres.

LE PATRIARCHE

Chez les pauvres. Seigneur et docteur, grand lévite,
Pape sublime, évêque illustre et souverain,
Les tables de la loi sont un livre d’airain ;
Nul n’y peut rien changer, pas même toi, mon père.

UN ÉVÊQUE

Il faut que l’homme souffre afin que Dieu prospère ;
L’or du temple éblouit le pauvre utilement.
Il faut la perle au dogme et l’astre au firmament ;
Il faut que les vivants, foules, essaims ; mêlées,
Volent à la lueur des mitres constellées ;
Cette clarté leur est nécessaire en leur nuit.
Le temple opulent sert et l’autel pauvre nuit.
Il sied que le pasteur comme un soleil se lève.

AUTRE ÉVÊQUE

Parlons des rois avec précaution ; leur glaive
Jette à peu près la même ombre que notre croix ;

Le temple a Dieu pour base et pour cime les rois ;
Dieu croule si les rois tombent.

AUTRE ÉVÊQUE

Dieu croule si les rois tombent. La foule est faite
Pour le maître, qu’il soit soldat, juge ou prophète ;
Le prêtre est le premier des maîtres ; le second
C’est le roi.

AUTRE ÉVÊQUE

C’est le roi. Le soc dur fait le sillon fécond ;
Oui, déchirons ! Ainsi l’on sème, ainsi l’on fonde ;
Et l’épi sera beau si la plaie est profonde.

AUTRE ÉVÊQUE

Frère, Dieu n’a jamais voulu qu’on le comprît.

AUTRE ÉVÊQUE

Le royaume des cieux est aux pauvres d’esprit ;
Donc peu d’écoles, point de science, un seul livre.

AUTRE ÉVÊQUE

Les peuples ont pour loi d’être en bas et de suivre ;
Et leur ascension est faite quand vers nous.
Ils montent les degrés des temples à genoux,

AUTRE ÉVÊQUE

La pensée en dehors du dogme est de l’ivraie.
C’est la justice juste et la vérité vraie
Que j’affirme. Anathème à l’homme révolté !

AUTRE ÉVÊQUE

Nous avons dans nos mains la terrible clarté.
Il faut que la lumière éclaire, ou qu’elle brûle.
Le prêtre est infidèle à son Dieu s’il recule

Et si, devant l’impie, il hésite à pencher
Le flambeau jusqu’au tas de paille du bûcher.

LE PATRIARCHE

Ce qu’on nomme aujourd’hui liberté, c’est l’abîme.
Et c’est là que dit l’effrayant Kéroubime
Debout sur le mur noir de l’infini. Croyez.
Soyez des cœurs tremblants, soyez des fronts ployés,
Obéissez. Le prince est un prêtre ; le prêtre
Est un prince. Vouloir comprendre, vouloir être,
Vouloir penser, c’est faire obstacle à Dieu. Vivants
Qui sous l’énormité redoutable des vents
Résistez, vous avez des âmes insensées.
Dieu maudit vos efforts, vos travaux, vos pensées,
Et votre raison, sœur de l’antique péché,
Et votre vain progrès, sinistrement léché
Par la langue de feu qui sort du lac de soufre.
Voilà les vérités qui jaillirent du gouffre
Le jour où sur l’Horeb le tonnerre a brillé.

LE PAPE

Frères, figurez-vous, ― je me suis réveillé !

LES ÉVÊQUES

Qu’entendez-vous par là ?

LE PATRIARCHE

Qu’entendez-vous par là ? Qu’est-ce que tu médites ?

LE PAPE

Je ne crois plus un mot de tout ce que vous dites !

LE PATRIARCHE

Quoi ! vous seriez l’horrible et vivant démenti
De vos prédécesseurs glorieux ?

LE PAPE

De vos prédécesseurs glorieux ? J’ai senti
Un mécontentement inquiétant dans l’ombre.

LE PATRIARCHE

Le pilote aveuglé, c’est le vaisseau qui sombre.
Ne changez pas de route ! Ô Père, n’allez pas
Du côté de la nuit, du côté du trépas !

LE PAPE

Je marche vers la vie.

LE PATRIARCHE

Je marche vers la vie. Il faudra rendre compte.

LE PAPE

Certes !

LE PATRIARCHE

Certes ! Songez au ciel. Vous en tombez.

LE PAPE

Certes ! Songez au ciel. Vous en tombez. J’y monte.

LES ÉVÊQUES

Ô sombre cécité !

LE PAPE

Ô sombre cécité ! Je vous dis que je vois.
J’étais sur un sommet doré, sur un pavois,
Dans l’encens, dans les chants et les épithalames.
J’ai senti tout à coup l’immense poids des âmes ;
Et je suis descendu, sachant que je montais.
Le dogme n’a d’appuis, l’Église n’a d’étais

Que nos fragilités ; tâchons qu’elles soient pures.
Oui, j’ai vu les douleurs, oui, j’ai vu les souillures,
J’ai vu le bien gisant, j’ai vu le mal debout,
Et j’ai songé. Ciel noir ! les crimes sont partout,
Mais il n’est qu’un coupable, et c’est le responsable.
J’ai vu les maux nombreux plus que les grains de sable,
Les forfaits plus épais que les branches des bois,
L’infâme orgie en rut, l’innocence aux abois,
Et j’ai dit en moi-même, en voyant les deux mondes
Pleins de brocanteurs vils et de vendeurs immondes :
Ce prêtre sur l’argent hideusement penché,
Ce juge qui chuchote à voix basse un marché,
Cette fille à l’œil fou, cette bohémienne,
Qu’est-ce qu’ils vendent là ? Leur âme ? Non, la mienne !
Alors j’ai pris la fuite, épouvanté, voulant
Être bon, m’arracher tous ces crimes du flanc,
Guider, sauver, guérir, supprimer les Sodomes,
Bénir, et rendre enfin Dieu respirable aux hommes !

LE PATRIARCHE

Vous avez un devoir, foudroyer.

LE PAPE

Vous avez un devoir, foudroyer. Avertir.

LE PATRIARCHE

Songez au Dieu vengeur.

LE PAPE

Songez au Dieu vengeur. Je songe au Christ martyr.

LE PATRIARCHE

Roi…

LE PAPE


Roi… La chaire changée en trône est impudique.
Pauvre et nu, Jésus règne ; et, roi, le prêtre abdique.

Prêtre, j’ai le roseau de Jésus à la main ;
Roi, je n’ai plus qu’un sceptre ; et pour le genre humain
Je ne suis plus qu’un prince obéissant aux princes,
Concédant, consentant, tremblant pour mes provinces,
Courtisan du plus fort, à céder toujours prêt ;
Jamais la royauté du prêtre n’apparaît
Sans une transparence affreuse d’esclavage.
Je ne fais point partie, ô prêtres, du ravage,
Du supplice et du meurtre, et ne veux point m’asseoir
Parmi ces rois sur qui tombe l’éternel soir.
J’aime ! je sens en moi la grande clarté vivre.

LES ÉVÊQUES

Guide-nous, mais suis-nous. Pour guider, il faut suivre.

LE PAPE

Jamais. Je suis sorti, plein d’horreur et d’effroi,
De toute votre nuit ! Quoi ! l’on eût dit de moi :
Terre, cet homme avait la garde d’une idée,
La plus haute que l’ombre ait jamais possédée,
Clarté sainte au-dessus du gouffre obscur des cœurs ;
En dépit des vents noirs rapidement vainqueurs
Et vite évanouis, cet homme était le mage
Mystérieux, chargé du mutuel hommage
Que se doivent les cieux et les âmes, rapport
Et lien entre un mât frissonnant et le port,
Échange de lueur entre l’abîme et l’homme.
Quoi ! parce que de vains simulacres qu’on nomme
Princes, maîtres, seigneurs, chefs, souverains, césars,
Parce que de faux dieux, composés de hasards,
Ou du hasard de vaincre ou du hasard de naître,
Parce que des puissants que le néant pénètre
Sont venus le trouver, lui le veilleur qui n’a
Ici-bas d’autre droit que de dire Hosanna
Et de montrer du doigt là-haut l’âme éternelle,
Lui qui doit, fils de l’aube, ému, vivant en elle,

Toujours songer, pleurant sur le mal châtié,
Au moyen de changer la lumière en pitié ;
Quoi ! parce que ces rois, quoi ! parce que ces ombres,
Parce que ces faiseurs de cendre et de décombres
Sont venus à sa porte, et durs, fiers, belliqueux,
Ont dit : sois avec nous ! — cet homme est avec eux !
Quoi ! cet homme, le monde étant dans les ténèbres,
Offrait dans son bazar aux acheteurs funèbres,
Ô terreur ! le rayon qui blanchissait le ciel !
Lui l’éclaireur suprême et providentiel,
IL bénissait l’affreuse éruption des laves !
Cet homme s’était fait marchand de ces esclaves,
La vérité, l’honneur, la justice et la loi,
Prenait le droit au peuple et le donnait au roi ;
Priait pour ce qui tue et contre ce qui tombe !
Cet homme a fait lancer la foudre à la colombe !
Il a fait de Jésus le valet d’Attila !
Quoi ! l’on eût dit de moi : Regardez, le voilà !
Il avait en dépôt notre âme, il l’a perdue.
L’aurore se levait, cet homme l’a vendue !
Il a prostitué l’étoile du matin !
Non ! non !

LE PATRIARCHE

Non ! non ! Vous blasphémez, pape !

LE PAPE

Non ! non ! Vous blasphémez, pape ! Prêtre hautain,
Sois humble ! Autel doré, dédore-toi, rayonne !
Plaie au flanc du Christ, bouche auguste qu’on bâillonne
Ouvre tes lèvres, parle, et dis la vérité !
Rentre en ton patrimoine, homme déshérité.
Femmes, enfants, ayez des droits. Peuple, aie une âme.
À moi, prêtres ! Prêchez le vrai que je proclame ;
Soyez simples de cœur. Soyez, sous le ciel bleu,
Près des petits enfants pour être près de Dieu.

Plus le pontife est doux, plus le temple est sublime.

Tout s’évanouit et s’efface autour du pape.

Quoi ! plus de prêtres ! Quoi ! plus de temple ! ― L’abîme.
Tout disparaît. Jadis Babel ainsi croula.
Me voilà seul ! Plus rien que l’ombre.

UNE VOIX AU FOND DE L’INFINI

Me voilà seul ! Plus rien que l’ombre. Je suis là.