Le Parnasse contemporain/1866/Épisode
De l’horrible penser, suis-je un moment vainqueur,
L’espoir de tous côtés, rentre à flots dans mon cœur.
Alors les beaux projets, les fêtes de famille,
Les lectures, les jeux, le soir sous la charmille,
Les déjeuners au bois, avec quelques voisins,
Dont les enfants, porteurs d’un panier de raisins,
Vont, par l’anse d’osier, le suspendre à la selle
D’un âne, qu’une blonde et rose demoiselle
Monte déjà, riante, et semblable en son air
A Charlotte, au front pur, qui rendit fou Werther !
Et l’on part sans songer à l’orage qui plane,
Et toujours je me trouve un peu trop près de l’âne.
« — Prenez garde, dit-elle, il vous ferait du mal,
Et vous ne pourriez plus, demain, danser au bal
Avec votre cousine Alix. » — « Ne vous déplaise,
Ma cousine est bien loin. »
Mais le panier qui pèse
Fait chavirer le trône ; et, de son embarras,
Plus belle encor, la reine a glissé dans mes bras…
Elle crie, elle rit… et les mères accourent.
Maudits soient les fâcheux amis qui nous secourent
Et nous tirent d’affaire au plus beau du danger !…
Cependant on arrive ; il faut tout arranger
Pour le joli repos… la pluie alors commence,
Et moi, qu’un rien ramène à ma terreur immense,
Je m’assieds à la pluie, et sans suivre des yeux
La blonde jeune fille et les enfants joyeux !!