Le Parnasse contemporain/1866/Journée d’hiver
Apparence
JOURNÉE D’HIVER
Ce matin, nul rayon n’a pénétré la brume,
Et le lâche soleil est monté sans rien voir.
Aujourd’hui, dans mes yeux, nul désir ne s’allume ;
Songe au présent, mon âme, et cesse de vouloir !
Le vieil astre s’éteint comme un bloc sur l’enclume,
Et rien n’a rejailli sur les rideaux du soir.
Je sombre tout entier dans ma pourpre amertume ;
Songe au passé, mon âme, et vois comme il est noir !
Les anges de la nuit traînent leurs lourds suaires ;
Ils ne suspendront pas leurs lampes au plafond ;
Mon âme, songe à ceux qui sans pleurer s’en vont !
Songe aux échos muets des anciens sanctuaires !
Sépulcre aussi, rempli de cendres jusqu’aux bords,
Mon âme, songe à l’ombre, au sommeil, songe aux morts !
LÉON DIERX