Le Parnasse contemporain/1869/À ce qui n’est plus

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Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]II. 1869-1871 (p. 199-200).
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A CE QUI N’EST PLUS


Je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses.
Charles Baudelaire.


Pourquoi revenez-vous creuser mon souvenir,
O jours trop tôt perdus, ô trop chères pensées,
Images que le temps doit avoir effacées,
Mots que mon cœur jalouse & ne peut contenir,
Pourquoi revenez-vous creuser mon souvenir ?

J’avais promis l’oubli qui console & qui tue,
L’oubli muet & calme, aux flots profonds & lourds.
Les heures ont passé, je me souviens toujours ;
Vous agitez encor mon âme combattue.
J’avais promis l’oubli qui console & qui tue.

Mon espoir est un rêve & mon rêve un secret,
Mes vers en sont l’écho, mais non la voix vibrante.
J’aime aux bois soleillés la vapeur transparente,
J’aime aux yeux les plus beaux un plus subtil attrait.
Mon espoir est un rêve & mon rêve un secret.

Le cœur a des retours vers les choses anciennes,
Des retours imprévus, séduisants, caressants ;
Le poëte s’éveille à de si doux accents
Et s’abandonne à ces langueurs qui sont les siennes.
Le cœur a des retours vers les choses anciennes.


Ô jours trop tôt perdus, ô jours trop regrettés !
Puisse l’enivrement de vos mélancolies,
Reflet mystérieux des aurores pâlies,
Longuement éblouir mes regards attristés,
Ô jours trop tôt perdus, ô jours trop regrettés !