Le Parnasse contemporain/1869/Printemps
Les amoureux ne vont pas loin :
On perd du temps aux longs voyages.
Les bords de l’Yvette ou du Loing
Pour eux ont de frais paysages.
Ils marchent à pas cadencés
Dont le cœur règle l’harmonie,
Et vont l’un à l’autre enlacés
En suivant leur route bénie.
Ils savent de petits sentiers
Où les fleurs de mai sont écloses ;
Quand ils passent, les églantiers,
S’effeuillant, font pleuvoir des roses.
Ormes, frênes & châtaigniers,
Taillis & grands fûts, tout verdoie,
Berçant les amours printaniers
Des nids où les cœurs sont en joie :
Ramiers au fond des bois perdus,
Bouvreuils des aubépines blanches,
Loriots jaunes suspendus
À la fourche des hautes branches.
Le trille ému, les sons flûtés,
Croisent les soupirs d’amoureuses :
Tous les arbres sont enchantés
Par les heureux & les heureuses.