Le Parnasse contemporain/1876/Matin

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Le Parnasse contemporainAlphonse Lemerre [Slatkine Reprints]III. 1876 (p. 98).



MATIN


Sous un souffle qu’emplit l’aube des premiers temps
S’évapore la terre aux verdures nouvelles ;
L’arbre enivré s’incline aux bords des clairs étangs ;
Et les feuilles au ciel battent comme des ailes
Dans l’âme fraîche du printemps.

Sur l’herbe où la rosée a trempé leurs pieds roses
Les Nymphes ont conduit les danses d’autrefois ;
Et Pan qui rit au loin, les paupières mi-closes,
Écoute en s’éveillant chanter de douces voix
Dans l’air fait du parfum des choses.

Dans l’innocente paix d’un matin enchanté
La nature se vêt de grâce et d’harmonie ;
Tout reprend la candeur de sa virginité ;
Et dans un souvenir d’existence bénie
Tout baigne et lustre sa beauté.

L’homme passe, oublieux des misères humaines,
En ce monde oublieux des mortelles saisons ;
Et vers les dieux amis purs encor de ses peines
Son cœur léger, qui flotte en vagues floraisons,
S’en va sur les brises lointaines !