Le Parnasse libertin/031

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Chez Cazals & Ferrand, Libraires (p. 28-29).

CONTE.


Un Allemand bien fait, proportionné,
Avec l’Armée en Champagne défile.
Pour logement au Soldat eſt donné
Le ſombre lit d’un habitant docile :
Le Champenois, hélas ! n’en avoit qu’un,
Un Forgeron en a-t-il davantage ?
Il fallut donc que ce lit fût commun
Et qu’il contînt tout le petit ménage.
Au beau milieu l’on place par honneur
Le nouvel hôte ; & près du bon apôtre

Les deux conjoints s’endorment de bon cœur.
D’un côté l’un, & la femme de l’autre.
Elle jugea que c’étoit le plus sûr
Pour eſquiver les deſſeins de notre homme,
De ſe tourner le nez contre le mur.
Ce fut en vain ; tous chemins vont à Rome.
Le mouvement fit éveiller Vulcain,
Qui voyant Mars de ſa Vénus trop proche,
Oh ! Oh ! parbleu, s’écria-t-il, Catin,
C’eſt tout de bon vraiment qu’il vous accroche.
Tu n’as pas tort ; comment ! foin du Galant !
Reproche-lui ſon inſolence extrême ;
Pardi, mon fils, reproche lui toi-même,
Sais-je parler un ſeul mot allemand ?

L’Abbé Grécourt.