Le Paysan et la paysane pervertis/Tome 1/34.me Lettre
1 novemb.
Mon Mari écrit à ſon Frère-aîné, dans la vue de preparer de-loin un aveu neceſſaire : comme vous l’avez-conſeillé, J’ai maintenant une grâce à vous demander, après neanmoins vous avoir-temoigné la reconnaiſſance la plus-vive ; car (ét j’en-conviéndrai toujours)
ſans l’aveu ét le devoument que vous
m’avez-ſuggerés comme dernière reſſource,
d’après la manière dont vous aviez-diſposé
l’eſprit d’Edmond ; ſans les lumières que vous
m avez-données ſur les demarches de ma Cousine,
j’étais-perdue : je vous dois davantage
encorez c’eſt que les ſentimens que vous m’avez-inſpirés
me-ſont-devenus naturels ; ils régleront
ma conduite. Mais je vous demande
une grâce : crayez que je ne vais parler que
d’après la parfaite connaiſſance que j’ai de vos
ſentimens : Vous êtes un athée (je me-ſers
de ce terme, parceque je ſais qu’il ne vous
offenſe pas) : au nom de… tout ce qui vous
eſt chèr (puiſque rién ne vous eſt ſacré !)
n’achevez pas de detruire ce que vous appelez
des prejugés, dans mon Mari : j’ai-êté
votre complice ; je ceſte de l’être : vous ſavez
comme j’ai-été-élevée ; tôt ou tard les bons-principes
reprénnent le deſſus : je reconnais
donc, que ſans les ſentimens-de-religion,
d’honneur ét de retenue, il n’eſt pas de bonheur :
j’abjure mes égaremens : hé ! puiſſent
mes larmes en-effacer la tache !… Je ſuis-heureuse,
mais je ne l’ai-pas-merité ; c’eſt à
moi de reparer par ma conduite à-venir, ce
que la precedente eut de coupable : ce n’eſt
qu’alors ſans-doute, que reconciliée avec
moi-même, je retrouverai cette paix qui me-fuit.
J’eſpère que vous ne m’éconduirez pas ;
ét je ſuis, dans cette perſuasíon » avec reconnaiſſance »