Le Peuple vosgien/n°1 du 15 décembre 1849/Texte entier

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Collectif
Le Peuple vosgien/n°1 du 15 décembre 1849
LE
PEUPLE VOSGIEN,
JOURNAL DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE.

On s’abonne hors d’Épinal : — à Rambervillers, chez le citoyen Méjeat, limonadier ; — à Bruyères, chez le citoyen Jacquot, huissier ; — à Mirecourt, chez le citoyen Rollin-l’École ; — à Dompaire, chez le citoyen L. Guyot, propriétaire ; — à Saint-Dié, chez le citoyen Dubois, brasseur ; — à Gérardmer, chez le citoyen Guery, notaire ; — à Remiremont, chez le citoyen Mougin, imprimeur ; — à Neufchâteau, chez le citoyen Chaffaut, limonadier. — (Dans un prochain numéro nous complèterons ces adresses)

Des difficultés de toute espèce avaient empêché jusqu’ici le Peuple vosgien de paraître. Nous avons pu les surmonter ; à l’avenir nous paraîtrons provisoirement, et régulièrement tous les Samedi. La juste impatience de nos actionnaires et abonnés sera satisfaite. La Démocratie comptera désormais un organe de plus.

Le titre de notre journal a pu faire supposer qu’il doit continuer le Peuple : Nous avons la prétention d’être nous ; de n’être à la remorque de quiconque. Le titre Peuple vosgien, n’a d’autre signification que celle d’être l’expression de la Démocratie des Vosges.

Épinal, le 15 Décembre 1849.

À NOS CONCITOYENS.

Le premier besoin de nos populations, comme celui de tous les peuples en général, est un besoin d’éducation morale et politique, un besoin d’émancipation intellectuelle.

Ce ne sont pas les bons instincts qui manquent à nos populations, ce sont les lumières qui, éclairant l’homme sur la nature de sa véritable destinée, lui donnent les sentiments de ses droits et de ses devoirs comme homme et comme citoyen.

Voilà les notions premières qui font défaut au sein des masses populaires.

L’ignorance, l’erreur et les préjugés règnent encore sur la terre et couvrent l’humanité d’épaisses ténèbres. C’est à peine si, dans chaque génération qui passe, quelques rares intelligences percent la nuit qui les enveloppe, et s’élèvent jusqu’aux rayons vivifiants de la vérité. L’immense majorité du genre humain naît, vit et meurt dans le chaos.

Ce funeste milieu dans lequel l’homme se développe et demeure submergé, fausse ses tendances natives et pervertit les germes du bien que la nature a déposés dans son cœur. Là est la cause première, le principe générateur de tout le mal que l’on impute à l’homme.

Consultez ces vingt millions de travailleurs qui peuplent les villes et les campagnes de la France, de cette France qui marche à la tête des nations, portant le flambeau du progrès et de la civilisation moderne, demandez-leur quelles sont l’origine et la fin de l’homme, quels sont les droits, ses devoirs dans la famille et dans la société ? Ils ne sauront que répondre, car ils ignorent jusqu’à leur propre nature, et les plus élémentaires notions du droit et du devoir leur sont inconnues.

Après une halte dans la boue monarchique, la société a entrevu l’ère glorieuse où l’appelle sa destinée ; d’un bond vigoureux elle a cru y toucher… mais une dernière chaîne de priviléges et de préjugés a retenu son élan.

Le peuple a brûlé en février le trône du roi parjure, mais une nouvelle royauté a son lit tout fait dans les priviléges financiers, et dans l’ignorance des travailleurs.

Aujourd’hui la mission de la République c’est de réaliser, d’incarner, dans l’ordre économique et social, la liberté, la fraternité, l’égalité ; c’est de constituer, sur des bases définitives, le gouvernement par le peuple et pour le peuple. La mission de la République c’est de n’intervenir chez les peuples, nos voisins, que pour les soutenir dans leur indépendance et les convier au banquet de la liberté. Toute autre guerre est contraire aux droits, à la liberté des peuples ; la conquête n’est qu’une forme de l’oppression.

L’œuvre est grande et belle, mais elle exige le concours sérieux de toutes les intelligences, de toutes les aptitudes. Quand de pareils problèmes sont posés, nous avons mieux à faire que de nous abaisser à des mesquines questions de personnes, ou à de stériles polémiques d’intérêts particuliers.

La presse est un grand levier qui peut rendre de puissants services à la cause de l’humanité. Mais la presse douée de cette force, de ce pouvoir, ce n’est point cette presse mercantile qui fait de la pensée un objet de trafic et de spéculation, qui se voue à l’indigne métier de fausser et d’égarer l’opinion publique au profit de qui la solde ; non, c’est la presse généreuse et grande qui comprend la dignité et l’importance de sa mission, la presse qui marche, libre et ferme, à la conquête de la vérité, de la justice et du bien ; qui les proclame hautement, dans l’intérêt et au profit de tous, la presse enfin dont tous les vœux, tous les efforts, toute l’activité tendent à l’amélioration morale et matérielle du peuple.

Organe de la démocratie vosgienne, notre journal défendra la République, qui est le droit commun ; il défendra la nouvelle Constitution, quelqu’imparfaite qu’elle puisse être, parce qu’elle a consacré définitivement la République, et qu’il faut toujours partir d’un point convenu pour aller plus avant.

Pleins de respect pour les saintes traditions de nos pères, nous acceptons les développements que la jeune Montagne a donné à ces maximes fécondes, dans sa déclaration au peuple en 1848, parce que nous y trouvons résumées les aspirations larges et fécondes de la France nouvelle.

Rallions-nous donc en un concert immense à la République. Le Peuple Vosgien, prêchera d’exemple pour le triomphe de nos principes et la régularisation de nos institutions ; mais si jamais une main sacrilège était portée sur le pacte fondamental qu’à l’instant même elle soit brisée au cri de vive la République !

LA SITUATION.

Tous les quinze jours, nous donnerons à nos lecteurs un résumé des faits les plus importants du mouvement politique qui s’opère incessamment dans les idées, dans les actes, dans les institutions, dans le gouvernement, dans les mœurs de la nation. Cette revue, prise de haut, aura pour avantage de présenter, au point de vue démocratique, des faits qui, réunis et groupés suivant les rapports naturels et logiques qu’ils ont entre eux, ne laissent pas dans l’esprit ce vague et cette fatigue qui résultent du manque de suite, de l’incohérence et de l’isolement où on les trouve dans les feuilles quotidiennes.

Dans toutes nos appréciations, nous donnerons à l’expression de notre pensée ce vrai caractère de modération dont nos adversaires n’ont que le masque. Toutefois nos jugements n’auront point cette gravité immuable de la déesse Thémis. Jésus, notre maître et notre modèle, n’avait point toujours cette divine douceur dont il est le type vénéré ; nous nous rappellerons que, dans sa bonté inaltérable, il pardonnait aux faibles qu’avait atteint la corruption du monde, il gardait son indignation pour les corrupteurs, et qu’un jour il prit en main le fouet pour chasser du temple les marchands qui en souillaient la sainteté. Quelque soit le sentiment qui nous anime, nous tâcherons cependant de ne point sortir des bornes des convenances ; nous nous défierons de nos passions que nous ne voulons point faire intervenir. La justice sera notre seule guide, mais qu’on se rappelle qu’il est souvent des hommes et des faits pour qui elle doit se montrer durement impitoyable.

Un fait seul nous suffira pour résumer l’histoire politique de ces derniers temps. C’est le changement si brusque du ministère, cette quasi-révolution gouvernementale qui vient de jeter un instant le trouble dans toutes les idées, dans tous les partis. Voyons.

M. Louis Bonaparte fut porté au fauteuil de la présidence, par la coalition de toutes les fractions monarchiques qui firent retentir un grand nom aux oreilles du peuple si sensible aux souvenirs de gloire. Elles voulaient se servir d’un homme, dont on connaissait les prétentions à la succession impériale, pour battre en brêche toutes les institutions républicaines et trop populaires. Et M. Louis Bonaparte se prête à ce rôle subalterne pour arriver au pouvoir. Il flatte, il caresse les hommes importants ; puis, maître de ses vœux, il feint de se mettre à la remorque de la majorité, il simule avec elle une espèce de mariage, dans l’espérance d’arriver à la domination conjugale. Mais la femme ne le cède pas en ruse au mari. La majorité engage tout doucement le président dans une voie funeste, de manière à lui faire donner un démenti à tous ses antécédants. Il a promis l’amnistie ; elle la refuse. Il veut la fusion des partis ; ses premiers ministres sont tous monarchistes et la persécution s’organise contre les républicains. Il a combattu autrefois le pape pour les libertés Italiennes ; elle l’engage dans une guerre contre la République romaine, pour rétablir le pape dans ses droits temporels, c’est-à-dire absolutistes. Il a juré la Constitution ; le président et l’assemblée ne pourraient la violer impunément.

Mais les aveugles sont toujours aveugles. Le parti qui mène la majorité, entraîné par la logique de sa situation, met ses cartes sur table ; elles sont blanches. Falloux tue l’université et met l’instruction primaire à la merci du clergé. Montalembert donne franchement pour solution à la question révolutionnaire l’absolutisme religieux, sans lequel suivant lui, il n’est véritablement point de société humaine possible. Berryer, à son tour, n’admet pour fondations de gouvernement de la nation que le principe du droit divin. Le clergé, le pape, Henri V, voilà les bases du gouvernement qu’on nous prépare. La majorité reste compacte en présence de toutes ces révolutions. M. Thiers, les doctrinaires, les orléanistes, qui, par compensation, obtiennent 300 000 fr. de rente annuelle à Mme la duchesse d’Orléans, n’ont rien à opposer à cet envahissement patent de la légitimité. La conspiration est flagrante, mais les conjurés oublient deux choses, c’est que nous avons une Constitution, et, malgré cette Constitution, un président qui ne veut point se faire l’humble exécuteur des volontés de l’assemblée nationale.

Louis Bonaparte a vu les partis à l’œuvre ; son ministère l’a trompé en faisant chorus avec les ennemis de la République et les siens. Son nom va devenir la risée publique, si par un coup, inouï jusqu’alors dans les fastes ministériels, il ne donne une autre tournure à la situation. C’est alors que paraît ce message singulier qu’on a qualifié de coup de tête, et par une émotion soudaine tout semble ébranlé. La conspiration légitimiste qui a son foyer à la droite de l’assemblée est attêrée un instant, mais ne cède pas encore la victoire. Les monarchiens de l’autre couleur, toute la réaction en un mot jette les hauts cris, et cette majorité, qui s’appelle pompeusement le grand parti de l’ordre, va se dissoudre.

Une nouvelle politique, contraire à celle qu’a suivie l’assemblée législative et qui en sera la condamnation, va être inaugurée, pense-t-on de toutes parts ; l’expédition romaine rentrera dans la voie qui lui a été primitivement assignée, et en France, la République sera affermie. Mais les nouveaux ministres, dans le peu de mots qu’ils ont dit jusqu’à présent, nous ont montré la même complaisance pour cette majorité qui boude ; ce sont les mêmes sentiments, par conséquent la même platitude. Le président de la République a voulu se dégager du filet où l’avait enveloppé la réaction ; il l’a rompu et il a bien fait, car il était sur l’abime. Mais à ce coup éclatant, il fallait joindre des actes et il a eu tort de s’arrêter. La conspiration est revenue de sa stupeur ; elle compte sur la faiblesse et l’inaptitude de Louis Bonaparte, elle sent, malgré tout que, par ses votes, elle est maitresse de la situation. Pour agir de son côté, elle attend l’enjeu de M. Bonaparte.

Il y a donc une lutte déclarée entre le président de la République et la majorité de l’assemblée. Le premier a inauguré une politique personnelle difficile à soutenir dans des temps de République et quand on n’a pas les qualités du despote. Il est à découvert ; c’est lui qui s’est chargé de conduire la révolution. Il y a sans doute un danger dans cette situation, car de nouveaux troubles peuvent surgir d’un instant à l’autre et partant des hauteurs du pouvoir s’étendre sur tout le pays. Tous les partis sont en défiance, et c’en est fait désormais des coalitions. La France républicaine attend à son tour et se rit de voir ses ennemis se déchirer sourdement, après s’être donné un saint baiser. Pour nous, en voyant les partis s’user dans les personnalités, nous nous rassurons pour l’avenir. Henri v a joué son dernier jeu en France ; il n’y a plus d’hommes de taille à faire des empereurs, et qu’on nous dise où est le parti des d’Orléans, s’il y en a jamais eu un. Reste donc la République que les conspirateurs conspuent et oublient, mais que le peuple aime et surveille, parce qu’elle est son salut suprême.

Tandis que les anciens partis se font une guerre ridicule qui nous met à nu toute leur impuissance, la France attend, disions-nous tout-à-l’heure, ajoutons qu’elle n’attend que d’elle seule, son émancipation, sa liberté et la satisfaction de ses besoins légîtimes. Trompée par les intrigants et les renégats, à elle seule appartient l’initiative des mesures qui la conduiront à un état social qui ne soit plus l’oppression des forts sur les faibles, la domination du capital sur le travail, l’étrange prédominence du gouvernement personnel sur le gouvernement de tous. Le nouveau mouvement des idées, fort comme la vérité, entraînant comme la persuasion, a pénétré dans les coins les plus reculés de la France, dans les places lui mieux fortifiées du royalisme. Partout, la France s’émeut de l’inanité de nos gouvernants en face de la nécessité si pressante de réformes dans notre économie sociale, dans l’assiette de l’impôt, dans des institutions de crédit, dans l’instruction de la jeunesse ; elle cherche de ses propres facultés la solution de ce grand problême révolutionnaire, et c’est pour cela que le sentiment républicain s’incarne si profondément dans les cœurs et dans tous les faits, et que les progrès du socialisme causent tant de frayeur aux ennemis du peuple.

Oui, la France étudie maintenant dans le calme les lois de son avenir, et malgré la divergence des différentes écoles socialistes, elle a saisi au fond de leurs doctrines diverses une idée commune, inattaquable, qui devient le principe de la foi nouvelle. Les socialistes en effet, plaçant la vie de la nation dans le travail de tous, organisé fraternellement, et non dans la constitution des pouvoirs politiques, dans la solidarité et dans l’association des forces de chacun, et non dans l’isolement et la concurrence, ont puissament démontré que notre Constitution sociale manque de bases légitimes et équitables, qu’elle doit subir de profondes modifications, qu’il y a urgence, que s’opposer à ce nouveau torrent d’idées et de besoins, c’est l’exposer aux désastres des révolutions violentes, tandis que la révolution pacifique par le suffrage universel bien entendu, bien organisé, avec la liberté de conscience, est d’une possibilité qui n’étonne nullement les esprits sérieux.

Et qu’on ne vienne point dire que nous exagérons ces progrès. Des faits récents affirment ce que nous avançons. Partout où le peuple a fait entendre sa voix par l’élection, dans le jury, dans les administrations municipales, la République a eu la victoire. Voyez Bordeaux, cette ancienne capitale du Fédéralisme ; dans trois élections successives, elle a donné la majorité à des républicains, voire même à un socialiste. Rouen, la ville de la bourgeoisie, comme on l’a appelée, a aussi donné la majorité à un socialiste, ancien commissaire du gouvernement provisoire. Le jury appelé à prononcer sur les soi-disants attentats des feuilles démocratiques, à la République, à la famille, etc., etc., s’est montré si sobre de condamnations que le pouvoir à son tour s’est dû montrer sobre d’accusations, dans la crainte des échecs. Le jury de Metz, dans un procès, où la Constitution était en cause, a absous les citoyens de Strasbourg, compris dans l’introuvable complot du 13 juin. Partout enfin, les conseillers municipaux, les officiers de la garde nationale sont choisis parmi les républicains. Comment ne point se réjouir de pareils succès ? Comment n’y point voir l’avénement prochaine de la démocratie ?

Tel est en ce moment, pour nous résumer et pour reprendre avec suite nos prochaines revues, tel est la situation de la République française à l’intérieur. Au haut de l’échelle, des intrigants, des factions usées qui luttent pour le pouvoir, au profit de leurs intérêts personnels. Au bas, le peuple qu’on oublie, mais qui a l’instinct de la science sociale, qui médire sa force et prépare son avénement. Il n’a plus foi aux hommes ; par eux son attente a été trop souvent trompée ; il veut des actes, des principes qui restent, et il a enfin senti qu’il est ici-bas la seule puissance et la loi suprême.

Telle est la force de la vérité, que ceux qui en sont les plus grands ennemis, et qui cherchent à l’étouffer par leurs mensonges et leurs calomnies, finissent tot ou tard par lui rendre hommage, souvent sans le vouloir, sans même s’en apercevoir. La Gazette de France, journal légitimiste, contient ce qui suit dans son numéro du 24 octobre dernier :

« Il y a à l’assemblée une opposition de 200 membres composée de toutes les nuances de républicains de la Montagne, du socialisme et de l’ancienne extréme gauche. Cette fraction considérable de la représentation, quoique décimée par la journée du 13 juin, est parfaitement compacte, unie, disciplinée ; elle a un but et un programme.

» La gauche a constamment l’offensive ; la majorité se tient sur la défensive, qui est la plus mauvaise des positions.

» La gauche dirige l’assemblée ; ses propositions et ses interpellations remplissent les ordres du jour. La majorité est constamment effacée dans les débats de la politique.

» La gauche a l’initiative de toutes les mesures capables de flatter tous les vœux et les penchants de la multitude. Suppression ou modification des abus, progrès ou amélioration, adoucissement des charges publiques, vues d’économie ou d’humanité pour soulager les souffrances du peuple, les appels à la clémence tout cela vient de la Montagne. La Montagne est le mot sacré de la nouvelle République, où sont les plébéiens et leurs tribuns…

» Que fait cependant la majorité ? Elle n’a aucun plan formé en dehors de sa résistance matérielle à l’esprit de désordre.

» Rien pour ramener les esprits aux idées d’ordre moral, aux vrais principes de l’état social.

» Rien pour calmer les agitations, les ressentiments, les discordes qui couvent et fermentent jusque dans les profondeurs de notre société.

» Rien pour améliorer la condition du peuple, apaiser ses souffrances, faire droit à ses justes griefs et redresser les torts du dernier régime envers lui.

» Nous ne voyons ni plan financier pour les impôts, ni plan économique pour les travaux et les secours, ni plan de réforme de la centralisation, ni refonte d’une législation qui a été longtemps injuste et cruelle pour le peuple.

» Sous tous ces rapports importants, la majorité se montre ce que nous la voyons ailleurs. En politique, elle est sur la défensive ; en organisation et en amélioration, elle reste dans une perpétuelle négative. »

Un pareil aveu de la part de nos adversaires politiques est précieux, en ce qu’il prouve jusqu’à l’évidence, aux moins clairvoyants, que tout ce qu’on leur a débité contre les vrais républicains, n’était que mensonges infâmes. Quoi ! ces hommes que l’on représentait comme les plus grands ennemis de la société, comme voulant tout détruire, tout ruiner ; ces hommes, disons-nous, sont bien ceux-là qui demandent la suppression ou la modification des abus, qui veulent le progrès et l’amélioration, l’adoucissement des charges publiques ! à eux, les vues d’économie ou d’humanité pour soulager les souffrances du peuple, les appels à la clémence, etc. !! Oh ! convenez-en donc, chère Gazette, vous et les vôtres, vous les avez indignement calomniés !!!

Oui, prétendus honnêtes et modérés, c’est un de vous qui le dit, vous n’avez aucun plan d’amélioration sociale ; votre dernier mot, c’est la force brutale ; le canon, la prison, la déportation, les tribunaux exceptionnels, etc.

Songez-y bien, le temps n’est peut-être pas éloigné où vous aurez à compter avec votre souverain ; le peuple pourrait se souvenir !…

Il ne faut point s’étonner de la difficulté que les journaux républicains éprouvent à se fonder dans les départements. Il paraît qu’à Paris il s’est formé une vaste conspiration financière, dirigée par un banquier, propriétaire d’un journal de la réaction, dans le but de mettre entrave à toutes les publications républicaines et socialistes. On voudrait y arriver par deux moyens, d’abord en achetant les brevets d’imprimeurs qui seraient tentés de prêter leurs presses aux démocrates, ensuite en établissant partout des feuilles réactionnaires dont le bon marché empêcherait toute concurrence avec les organes de la démocratie. Ce plan a très-bien pu passer par la tête des aveugles et des enragés modérés ; mais nous pouvons hardiment prédire, malgré le peu de fortune que les démocrates ont à y opposer, que ce plan superbe n’aboutira pas. La pensée révolutionnaire est la pensée de l’époque ; on la comprimera un instant, mais on ne l’étouffera point. Qui pourrait saisir ou arrêter l’étincelle électrique ?

La gendarmerie, dit l’Union républicaine de Sainte, devient une sainte congrégation chargée du rôle d’espionnage. D’après M. d’Hautpoul, élève de la restauration, dont il suit les saintes traditions ; l’esprit public doit être l’objet des remarques de la gendarmerie, elle doit observer les actes et les tendances des agents du gouvernement. Il faut que la police soit dans les mains de M. d’Hautpoul plus forte que celle de Carlier, imitant en cela Moncey, premier inspecteur-général de la gendarmerie qui avait eu en ses mains une police plus forte que Fouché d’heureuse mémoire.

Ainsi voilà qui est bien entendu, la délation est organisée jusque dans les plus petits bourgs, où le brigadier de gendarmerie est transformée en espion et en dénonciateur.

Nous laissons à la conscience publique le soin de frapper de son jugement la pièce que l’on va lire :

Ministère de la guerre. — cabinet du ministre. — très confidentielle.
Paris, 12 novembre 1849.

Colonel, au moment où le président de la République, sentant la nécessité de prendre une part plus directe aux affaires du pays, vient de former un nouveau cabinet, et de me confier le portefeuille de la guerre, je viens faire appel au dévouement de la gendarmerie, et réclamer d’elle un concours tout nouveau qui devra puissamment venir en aide au gouvernement, dans la marche énergique qu’il se propose de suivre pour arriver au rétablissement complet de la tranquillité publique.

J’ai été longtemps à même d’apprécier les services que la gendarmerie rend chaque jour à la société pour ne pas comprendre tout ce que, dans les circonstances actuelles, on peut attendre de son zèle et de son patriotisme.

La Révolution, en faisant surgir une foule de nouveaux fonctionnaires, a excité des passions de tous genres et fait naître de coupables ambitions qui menacent par leurs doctrines subversives l’ordre et la société. Pour arrêter ces dangers, le gouvernement a besoin d’être immédiatement informé de tout ce qui se passe dans le pays. Ce qu’il lui importe de connaître, ce ne sont pas seulement les événements, les faits matériels, mais encore et surtout la situation morale dans son ensemble ; les observations ne doivent pas être subordonnées aux événements, mais elles doivent les précéder.

Il n’est pas nécessaire que l’esprit public soit agité pour devenir l’objet des remarques de la gendarmerie, on doit l’observer dans son état habituel et calculer l’influence qui pourrait être exercée dans chaque localité, si les ennemis de l’ordre tentaient de l’y troubler. Il est utile surtout d’observer les actes et les tendances des agents du gouvernement. Je désire, en conséquence, qu’il me soit adressé directement, par tous les officiers de gendarmerie et même par tous les commandants des brigades, une suite de rapports non périodiques, contenant toutes les remarques qu’ils croiraient devoir me soumettre et tous les faits qu’ils jugeraient nécessaire de me signaler, d’après les indications qui précèdent, pour me mettre en mesure de combattre le socialisme, d’arrêter le progrès qu’il tente de faire dans les campagnes et d’assurer la sécurité publique, plutôt un prévenant les désordres à naître qu’en réprimant ceux qui surgissent.

Il n’est pas possible, je le sais, d’exiger des sous-officiers, commandants des brigades, des rapports complets et répondant aussi bien à mes vues que ceux des officiers, mais j’exige néanmoins d’eux ces rapports directs, parce que je veux ne rien ignorer ; il conviendra toutefois que leurs investigations soient conduites avec réserve et prudence, vous devez, à cet égard, les diriger, les éclairer et ne leur donner de ces instructions que celles qui sont en rapport avec leur intelligence et le degré de confiance que vous pouvez avoir dans la discrétion de chacun d’eux.

Vous le comprenez, colonel, ces rapports qui auront pour objet de me faire connaître, sans délai, tout ce qui se passe, en dehors des événements ordinaires, doivent être essentiellement confidentiels ; ils ne seront donc communiqués à personne et seront donc par conséquent indépendants de ceux qui doivent être adressés aux fonctionnaires des ordres judiciaires, civils ou militaires, dans les cas prévus par les articles 45 et 82 de l’ordonnance du 29 octobre 1820, lesquels continuent d’être établis et envoyés comme par le passé. Ces nouveaux rapports dispenseront néanmoins de ceux qui, jusqu’à présent, m’étaient adressés (bureau de la correspondance générale) sur les événements politiques et la situation de l’esprit public ; ils me seront envoyés sous la double enveloppe, l’une (celle qui clora la dépêche) sera de couleur bleue et portera cette suscription ; pour le ministre seul, l’autre (l’enveloppe extérieure) portera l’adresse ordinaire. Cette correspondance sera inscrite sur un registre particulier que chaque d’officier ou sous-officier conservera par devers lui, même dans le changement de résidence.

Tel est, colonel, la mission délicate que je confie à la gendarmerie. C’est à moi seul qu’arriveront ces renseignements ; c’est dans mon cabinet particulier que seront traitées les affaires qui en seront la suite, et c’est aussi moi seul qui aurai à en conférer avec le président de la République.

Reportez-vous par la pensée à l’époque où M. le maréchal Moncey, premier inspecteur général de la gendarmerie, avait dans ses mains une police plus forte que celle de M. Fouché : activité, vigilance, dévouement, voilà ce que j’exige de la gendarmerie ; je serai heureux d’attirer sur elle les justes récompenses que le président de la République est disposé à lui donner ; comme aussi je sévirai avec une prompte justice contre ceux qui, ne comprenant pas leur mandat, ne sauraient pas remplir convenablement l’importante mission que je leur confie. Souvenez-vous que la gendarmerie est la sentinelle avancée de l’ordre public.

Vous comprendrez l’importance de cette lettre toute confidentielle ; je vous prie de m’en accuser réception et de me rendre compte des dispositions que vous aurez prescrites pour assurer l’exécution immédiate de mes ordres. Vous me rendrez compte, aussi nominativement et sous votre responsabilité personnelle, des officiers et sous-officiers de votre légion, auxquels vous aurez jugé convenable de communiquer, en tout ou en partie, les présentes instructions.

Le représentant Beaune a interpellé le ministre dans la séance du 11 novembre dernier, au sujet de cet acte inique. M. d’Hautpoul, applaudi à chacune de ses paroles par la droite, a eu le triste courage de défendre sa circulaire, tout en déplorant l’inconcevable indiscrétion qui a pu la faire livrer à la publicité. Il a sollicité un vote de la majorité en sa faveur… et il l’a obtenu !

Chronique locale.

 « Mes chers Concitoyens,

» Par décret du 5 décembre, le président de la République a prononcé la dissolution de la garde nationale d’Épinal, à l’exception de la compagnie de pompiers. Dès l’instant que la loi a parlé, il n’y a plus qu’à obéir.

» La principale conséquence de cette mesure, c’est le désarmement. Par sa lettre du 9 décembre courant, M. le préfet m’invite à y faire procéder. MM. les gardes nationaux se rappelleront que l’état est resté propriétaire des armes dont ils ne sont que les détenteurs, et que, par conséquent, il conserve le droit d’en exiger la remise. C’est pourquoi je viens les inviter à en faire le rapport à la mairie dans l’ordre suivant :

» La compagnie d’artillerie, le 12, à 8 h. du matin.

» La 1re idem du bataillon, le 13, idem.

» La 2e idem le 14, idem.

» La 3e idem le 15, idem.

» La 4e idem le 16, idem.

» La 5e idem le 17, idem.

» La 6e idem le 18, idem.

» La 7e idem le 19, idem.

» Je suis convaincu que MM. les gardes nationaux n’hésitoront pas à satisfaire aux prescriptions de la loi ; car dans les circonstances graves et difficiles que depuis deux ans nous avons péniblement traversées, ils ont fait preuve de tant de calme, de modération et de prudence, qu’à coup sûr au cas particulier ils ne se démentiront pas.

» Au surplus, les gardes nationaux qui se refuseraient à faire la remise prescrite, se rendraient coupables de détournement, pour lequel ils encourraient les peines portées par la loi.

» Épinal, le 10 décembre 1849.CLAUDEL »


Le 10 décembre, anniversaire de l’élection de M. L.-N. Bonaparte, est arrivé à Épinal un décret qui dissout la garde nationale.

Les motifs apparents de cette dissolution sont généralement connus, cependant nous devons quelques mots d’explication à ceux de nos lecteurs qui ne seraient pas suffisamment éclairés sur cette affaire.

Les officiers de la garde nationale, invités à assister à la messe du St-Esprit, célébrée à l’occasion de l’installation de la magistrature, se réunirent, sur l’invitation du commandant Guilgot qui voulait les consulter. La majorité, ou plutôt, la presqu’unanimité s’étant prononcée pour la négative, le corps des officiers n’assista pas à la cérémonie.

M. le préfet fit d’abord son rapport à M. le ministre de l’intérieur, puis convoqua chez lui les officiers… Ils s’y rendirent… Mais quelle fut leur surprise, lorsqu’ils apprirent par M. le préfet, qu’ils n’avaient pas été appelés pour donner des explications ; mais pour s’entendre dire qu’un délit ayant été commis, il fallait une répression, et que M. le préfet l’avait demandée au ministre.

Ils répliquèrent, pour la forme seulement, puisque le rapport était parti ;

1o Qu’il n’y avait pas eu délibération.

2o Que s’il y avait eu délibération, elle avait eu lieu sur une incitation et non sur un ordre.

Enfin, au bout d’un mois d’incertitude, le rapport de M. le préfet vient d’obtenir pour résultat la dissolution de la garde nationale.

Accueilli avec une surprise mêlée d’un sentiment plus vif, le décret ne devait cependant, comme l’événement l’a prouvé, rencontrer qu’une obéissance passive. La proclamation de M. le maire avait suffi pour ramener le calme au milieu d’une population qui n’a jamais montré que du respect pour la loi ; lorsqu’une nouvelle proclamation de M. le préfet est venue jeter le trouble dans la cité.

Cette proclamation, que nous citons plus bas, exigeait une réponse du commandant Guilgot, on vient de nous la communiquer ; nous la publions sans commantaires… La dignité du citoyen offensé ne pouvait s’exprimer en termes plus fermes et plus convenables.


Épinal, le 15 décembre 1849.

Monsieur le Préfet,

Vous venez de publier la proclamation suivante :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
Liberté, Égalité, Fraternité.
PROCLAMATION
AUX HABITANTS DE LA VILLE D’ÉPINAL.

« Citoyens,

» Un décret du président de la République a dissous la garde nationale de cette ville.

» Je suis chargé de veiller à l’exécution de cette mesure. Je remplirai mes devoirs.

» Quelques meneurs, non contents de vous avoir rendus solidaires de leurs actes systématiquement hostiles à l’administration, et d’avoir attiré sur tous une peine qu’il eut été désirable de pouvoir n’appliquer qu’à eux seuls, cherchent encore à vous pousser à des manifestations qui seraient la critique publique d’un acte du chef de l’État, et qui, par conséquent, attireraient sur leurs auteurs de nouvelles rigueurs.

» Défiez-vous de ces perfides incitations. Elles vous compromettraient pour une cause qui n’est pas la vôtre : la cause de partis qui conspirent la ruine de la République. Vous ne regarderez pas, je pense, comme des amis de la République, mais bien comme ses plus cruels ennemis, ceux qui la perdent dans l’opinion en prêchant sans cesse, en son nom, l’insubordination, l’insoumission aux lois, l’irrévérence envers le chef de l’État.

» Mais le piége qu’ils pourraient tendre à votre bonne foi sera détourné de vos pas. Je ne souffrirai point que, pour venger quelques amours-propres ou pour servir des calculs de partis hostiles à la République, on vous engage dans une voie où il y aurait violation de la loi et répression assurée.

» Nulle manifestation publique ne sera donc tolérée. Des mesures sont prises en conséquence. Il y aurait perfidie de la part des uns et aveuglement répréhensible de la part des autres, si cette sorte de défi était de nouveau adressé à l’autorité.

» Dans tous les cas, je le répète, je connais mes devoirs, je n’y faillirai pas.

» Épinal, le 12 décembre 1849.

 » Le Préfet des Vosges, Eug. DEPERCY. »

À la lecture de votre proclamation, le rouge m’est monté au front et si j’avais écouté mon premier mouvement, il est probable……… La prudence, l’a emporté et je viens, aujourd’hui plus calme, mais non moins triste, repousser vos perfides insinuations………

Jusqu’ici je voulais rester étranger au débat, mais votre proclamation me fait un devoir d’y répondre.

Vous donnez à entendre que quelques uns, étant seuls coupables, vous regrettez que la peine ait dû frapper toute la garde nationale !!!! Jamais, M. le préfet, vous ne ferez croire, qu’un corps entier doive être puni, pour la faute d’un de ses membres !!!! S’il y a un coupable, et je le conteste, au sujet de notre délibération, c’est moi seul qui le suis, puisque c’est moi, seul, qui l’ai provoquée.

Dans quel but parlez-vous donc ainsi ?… dans l’espoir, sans doute, de faire retomber sur moi et sur mes amis, toute l’indignation qu’inspire la rigueur du pouvoir… Mais votre calcul est déjà déjoué… l’opinion du peuple est infaillible, et son indignation ne se trompe pas ; on voit assez à votre redoublement de surveillance, quel est celui de nous deux, qui a peur.

Vous parlez de meneurs et chacun devine, clairement, à travers la transparence de votre langage, qui vous désignez. Comme citoyens, nous avons le droit de défendre la République ; c’est ce que nous faisons ; et si, éclairer le peuple et le soutenir dans la défense de ses droits, suffit à vos yeux pour être considérés comme des meneurs, à ce titre, nous le sommes et nous le serons, tant qu’on n’aura pas enchaîné notre langue, notre bras ; tant qu’on n’aura pas étouffe le dernier souffle, dans notre poitrine.

Quant aux manifestations hostiles, elles n’existent que dans votre esprit, qui regarde tout, à travers le verre grossissant d’une imagination effrayée…

Prenez garde M. le préfet aux renseignements de ceux qui vous entourent… ils vous égarent, et vous entraînent à des précautions inutiles et dangereuses.

Peut-être est il venu à quelques citoyens, l’intention de donner, à ceux qu’ils estiment, des preuves de sympathies… Nous en avons fait connaître le danger, et les sentiments resteront dans les cœurs, sans éclater au dehors.

Il est des époques malheureuses ou serrer la main à ceux qu’on aime est un crime, un motif de persécution et de répression.

Les partis hostiles à la République, sachez le bien ; sont ceux qui veulent la faire craindre quand il leur serait si facile de la faire aimer.

Que parlez-vous d’amours-propres à venger ? il ne vous manquait plus que d’essayer de nous jeter, à la face, ce dernier outrage !!! faites, M. le préfet.. Vous êtes, aujourd’hui, le plus fort.

Dans la douleur que m’inspirent des rigueurs, qui pèsent sur tous, quand elles devraient peser sur moi seul, je vois avec bonheur, que la garde nationale ne sort pas du calme, de la modération et de la prudence, dont elle a toujours fait preuve, comme se plaît à le dire M. le maire, dans son adresse du 5 décembre, au sujet du désarmement… C’est la seule consolation que je voulais ; elle suffit pour venger mon amour propre… pour me faire oublier vos colères et vos insinuations.

Ch. GUILGOT.

La proclamation conciliante du maire d’Épinal pour la reddition des armes de la garde nationale, a été dit-on enlevée quelques instants après avoir été apposée. — Par qui ?


Il paraît que les dissentiments les plus graves ont éclaté entre le maire et le préfet. Par sa proclamation, le maire reconnaît que les gardes nationaux d’Épinal ont donné dans les circonstances difficiles que depuis deux ans nous avons péniblement traversées tant de preuves, de calme, de modération et de prudence, qu’à coup sûr au cas particulier, (du désarmement) ils ne se démentiront pas.

Celle partie de la proclamation du maire, implique un blâme sur la conduite du préfet dans cette triste affaire. Indè iræ.

Le préfet aurait fait appeler le premier adjoint, M. Berhéer, et lui aurait offert la mairie, que celui-ci aurait refusé.

Que le maire s’entoure de son conseil municipal, il est certain que ce corps électif ne lui fera pas défaut.


La compagnie de pompiers, exceptée dans la dissolution de la garde nationale dont elle fait cependant partie, a, par esprit de solidarité déposé en partie ses armes à la mairie.


Par arrêté de M. le préfet de la Haute-Saône, du 25 novembre dernier, la compagnie de sapeurs-pompiers de la ville de Gray, a été suspendue pour deux mois, et un arrêté du président de la République, du 5 décembre courant, a prononcé la dissolution de ce corps.


Le citoyen Aubert, instituteur à la commune de Saint-Nabord depuis 30 ans, vient d’être suspendu pour trois ans. Encore une victime de la réaction.


Grand-Claude père et ses deux fils, de Saint-Maurice, accusés d’incendie et de vol, ont été condamnés, jeudi 13 courant par la cour d’assises d’Épinal, tous trois, aux travaux forcés à perpétuité.


HÔPITAL D’ÉPINAL.

Il y a quelque temps, une pauvre et honnête fille, qui était en condition dans notre ville, tomba subitement malade en l’absence de la maîtresse de la maison. Une hernie qu’elle portait depuis deux ans venait de s’étrangler pour la deuxième fois ; il fallait des secours actifs, éclairés, trop dispendieux pour elle. Le médecin qui fut appelé lui conseilla de se faire transporter à l’hôpital, ce qui fut fait sur-le-champ.

Ce qui advint de cette malheureuse, MM. Haxo et Drapier, médecins de l’hôpital, voudront bien nous le dire car cette femme a perdu là, non-seulement la santé, mais l’honneur. Cette hernie, l’on a prétendu que c’était une tumeur syphilitique, et cette affirmation est sortie de l’hôpital. Nous, ne voulons accuser personne, mais il faut que lumière se fasse, qu’honneur et justice soient rendus à Thérèse Hatton. Cette femme n’a subi aucun traitement anti-syphilitique, bien plus la tumeur herniaire seule a été inspectée et maintenant elle est remplacée par l’infirmité la plus dégoûtante, un anus contre nature. Nous avons vu à sa sortie de l’hopital Thérèse Hatton, le cœur navré, le désespoir dans l’âme ; elle fait pitié et ce qui la désespère pardessus tout, c’est que chacun la suspecte ; ses amis l’abandonnent, parce que l’on a dit à l’hôpital qu’elle avait une maladie secrète. L’honneur d’une femme, fût-elle la fille d’un prolétaire, vaut bien la peine qu’on s’en occupe et nous invitons de nouveau MM. Haxo et Drapier, qui lui ont donné leurs soins à répondre à ces deux questions. 1o Thérèse Hatton avait-elle à son entrée à l’hopital, une hernie étranglée qui s’est terminée par un anus contre nature ? 2o Cette femme aurait-elle la maladie syphilitique ?


Corcieux, le 4 décembre 1849.

Citoyen rédacteur,

Les concitoyens de James Demontry, voulant honorer sa mémoire d’une manière digne de lui et de la noble cause à laquelle il appartenait, ont résolu de lui élever un monument. Une commission vient d’être nommée à Dijon à cet effet. Les démocrates du département des Vosges, dans le nombre desquels le grand citoyen que nous avons perdu, comptait quelques amis, entendront l’appel de leurs frères de la Bourgogne et s’associeront à l’érection du monument funèbre.

Permettez à son vieil ami de prendre l’initiative de cette œuvre politique et fraternelle.

Salut et fraternité,
Quillot, notaire à Corcieux.

Une souscription est ouverte à cet effet au bureau du Peuple Vosgien à Épinal ; les fonds seront versés chez notre ami Quillot, notaire à Corcieux.

Le Patriote de samedi 8, annonce par un avis important, que la publication du Peuple Vosgien est ajournée indéfiniment. — La meilleure réponse que nous puissions faire est de lui adresser le 1er numéro que nous tirons à 3000 exemplaires.


Intérieur.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

La droite renonce à employer la tactique que plusieurs journaux avaient signalé. La loi du rétablissement de l’impôt sur les boissons sera discuté, on n’ose pas braver l’opinion du pays, touchant cette question.

M. Pradier a ouvert la marche, mais les vérités qu’il a adressées à la majorité n’étant pas du goût de celle-ci, elle n’a rien trouvé de mieux à faire que de tapager. Il a fallu les avertissements reïtérés de M. Dupin pour la réduire au silence. — À M. Pradier, a succédé M. Kératry, ex-pair de Louis-Philippe, vieux harnais moisi sous toutes les monarchies passées. Le cher homme aime beaucoup les impôts et celui des boissons en particulier ; aussi s’est-il écrié : « Si ce dernier n’existait pas, il faudrait l’inventer. » — Le citoyen Charancey, marchand de cidre normand, a, à son tour appuyé comme le préopinant Kératry, le rétablissement de l’impôt.

La discution n’est véritablement devenue sérieuse qu’à l’apparition de M. Bastiat à la tribune, et en quelques mots il a fait sortir la discussion du bas-fond, où MM. Kératry et Charancey l’avaient plongée.

Il a fait ressortir les iniquités de l’impôt dans les effets et dans les principes. Dans son principe, il est entâché d’iniquités, puisqu’il grève le pauvre plus que le riche. Dans ses effets, il est vexatoire par son mode de perception, plus vexatoire que jamais impôt ne l’a été.

M. Bastiat ne s’est pas borné seulement à flétrir l’impôt des boissons, il a attaqué tout notre système d’impôt indirect ; toutes ces questions qui se ratachaient à des considérations générales de politique, ont fait bondir la droite sur ses bancs.

L’effet de ce discours été si grand, qu’on a envoyé à la tribune M. de Montalembert, le grand économiste, pour y répondre, mais celui-ci a prudemment demandé de remettre la discussion à demain.


Voici le calcul auquel on s’est livré sur le vote de l’impôt des boissons :

« La minorité, loin de s’abstenir comme on l’a dit, vote avec ensemble. Les hommes qui partagent les opinions du général Cavaignac se joindront à elle, ce qui portera le chiffre total des membres de la gauche à 208.

« Puis viendront les conservateurs et les légitimistes qui ont promis à leurs mandans de demander l’abolition de l’impôt et le maintien du décret de la constituante. On porte leur nombre à 120. Quoique ce chiffre paraisse exagéré, il approche de la vérité, s’il ne l’atteint pas.

« Si nos calculs sont exacts, il y aura donc 328 bulletins qui protesteront contre les conclusions du rapport. Si, comme cela est probable, le nombre des votans est de 700, le cabinet n’aura qu’une majorité relative de 22 voix ! »


M. Lamennais a déposé une pétition des habitants de la commune de Longeville (Meuse), laquelle demande le maintient du décret de l’assemblée constituante qui abolit l’impôt sur les boissons. — Sur 359 habitants, il y a 358 signatures.

— Le citoyen Baune a déposé les pétitions de Montmartre, de Bercy, de Beurnouville, et de plusieurs communes du département de l’Eure, contre l’impôt des boissons.

— Le citoyen Charles Lagrange a déposé deux pétitions, l’une de la commune d’Aigre (5me envoi de la charente) ; l’autre de la commune de Saint-Seine-sur-Vingeance (Côte-d’Or), réclamant contre le projet de rétablissement de l’impôt sur les boissons.

— Les pétitions déposées précédemment portent le chiffre des signataires contre le rétablissement de cet impôt à près de 800 000 mille.


Extérieur.

Francfort, 8 décembre. — D’après un bruit qui circule ici depuis plusieurs jours et qui trouve beaucoup de créance, un corps d’armée Autrichien de 10, 000 hommes doit se rassembler sous peu dans la contrée du Mein inférieur. Déjà l’on serait en pourparlers pour des marchés de livraisons nécessaires à l’entretien de ce corps ; plusieurs de ces marchés seraient même déjà conclus. On donne pour motif à cette démonstration militaire, le résultat des dernières élections de la Hesse. — 800 Autrichiens viennent d’arriver à Francfort pour renforcer la garnison.

(Volks Halle).

— On lit dans la Correspondance lithographiée : « Les Polonais ne veulent pas élire de députés au parlement d’Erfurt. Invoquant les traités de 1815, ils ne reconnaissent pas l’incorporation du grand-duché de Posen, dans la confédération allemande, et demandent en conséquence que même les Allemands de cette province ne prennent aucune part aux élections. Les membres polonais de la seconde chambre ont fait une proposition urgente dans ce sens.

» Les réjouissances qui ont eu lieu dans plusieurs endroits en l’honneur de l’acquittement de M. Waldeck, n’ont provoqué aucun désordre. M. Waldeck n’a paru qu’au banquet donné par le quartier où il demeure, et il a exprimé sa reconnaissance en peu de mots.

» Pour la première fois aura lieu la semaine prochaine une procédure disciplinaire contre plusieurs fonctionnaires qui, à l’occasion des événements de novembre 1848, se sont rendus coupables dans l’exercice de leurs fonctions. Six d’entre eux, membres du gouvernement de Dusseldorf, sont accusés d’avoir favorisé le refus des impôts. »

ALLEMAGNE. — berlin, le 10 décembre. — Dépêche télégraphique de la Gazette de Cologne : « J’apprends à l’instant que MM. de Radowitz et Bœticher, partant mercredi ou jeudi prochain pour Francfort, où doit arriver en même temps la commission Autrichienne.

» On annonce que maintenant le vicaire de l’empire est disposé à abdiquer.



VARIÉTÉS.

LE CULTIVATEUR ET LA BONNE RÉCOLTE.

De tous les coins de la France, de toutes ces riches campagnes sur lesquelles la Providence a répandu cette année et l’année dernière toutes les munificences de la nature, des plaintes et des gémissements s’élèvent ; les populations effrayées voient déjà apparaître, avec les feuilles tombantes, le fantôme de la misère.

Tandis que les granges sont encombrées de gerbes, que déjà les grains de blé ruissèlent sous le fléau des batteurs ; que les grappes de raisin pendent aux ceps plus nombreuses que les feuilles ; que la chaleur a promis aux vignerons une récolte sinon exquise, du moins très-abondante ; — le fantôme de la misère apparaît.

Chose incroyable, monstrueuse anomalie ! qui fera frémir nos descendants d’indignation s’ils parviennent à la comprendre : c’est l’abondance même de tous les produits du sol qui amène la ruine et le désespoir des producteurs agricoles ; c’est la richesse qui enfante l’indigence.

Oui, le laboureur contemple avec regret et douleur ces gerbes entassées, ces grains pleins et mûrs qui vont rendre sous la meule des torrents de farine ; oui, le vigneron verse des larmes de désespoir, en comptant ces grappes innombrables qui vont remplir ses cuves d’un vin généreux.

Oui, les travailleurs du sol se ruineront chaque fois que la récolte sera trop bonne.

Comprenez-vous ? la récolte est trop bonne ! c’est-à-dire que le blé et le vin se vendent à vil prix ; que le propriétaire cultivateur retirera à peine de ses produits la somme nécessaire pour alimenter l’usure qui le ronge ; que le fermier ne rapportera pas même du marché le loyer de ses terres, et sera contraint, pour éviter son expulsion du domaine qu’il exploite, de vendre jusqu’aux provisions nécessaires à sa famille.

Le laboureur mangera du pain noir, cet hiver, parce qu’il aura récolté trop de froment ; le vigneron boira de l’eau pour avoir fait trop de vin.

La récolte est trop bonne ; et pourtant, dans chaque centre de population, grand ou petit, combien de malheureux iront quêter de porte en porte un morceau de pain qui les soutienne ; combien vont languir épuisés sur leur grabat ou tomber de faiblesse sur le bord d’un chemin faute d’un peu de vin qui les ranime.

Une seule classe profitera de l’abondance comme elle profite de la disette. C’est la classe des intermédiaires parasites qui règlent le cours des marchés, des spéculateurs qui exploitent le producteur dans les années fécondes, et rançonnent le consommateur dans les années stériles.

Et les gouvernements qui se sont succédés jusqu’à ce jour n’ont pas reconnu la monstrueuse iniquité de ce coupable trafic.

Ou s’ils l’ont reconnue, ils ont déclaré ne pas devoir intervenir ; ils ont déclaré cela au nom de la liberté du commerce.

Et il existe dans le monde une école qui s’intitule économiste, école inhumaine, immorale et impie, qui, sacrifiant l’inviolabilité humaine à l’inviolabilité des écus, a le courage de proclamer, en face de ces révoltantes iniquités, sa fameuse et triste doctrine du laisser-faire, laissez-passer.

Oui, laissez faire l’exploitation, l’agiotage, le trafic et l’usure !

Laissez passer la ruine, la banqueroute, la famine et la mort !

Eh quoi ! sur cette terre privilégiée où mûrissent tant de produits divers, sur ce sol généreux que peuple trente-cinq millions de têtes humaines, le producteur maudit l’abondance des récoltes, tandis que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants sont réduits à une nourriture grossière, insuffisante et insalubre !

Le froment surabonde, et des provinces entières ne se nourrissent que de pâte de maïs, sarrasin, châtaigne, etc. ; le vin ne vaut pas quelquefois la valeur des futailles qui le contiennent, et la moitié des habitants de la France est privée de l’usage du vin.

Et vous ne comprenez pas qu’il y a là un vice caché, radical, dont la source réside à la base même de nos institutions économiques ; vous ne voyez pas que notre état social est atteint au cœur d’un ulcère qui le ronge ; vous ne vous dites pas qu’il faut réformer bien vite cette organisation désastreuse, anti-humaine et anti-divine ; qu’il est temps de porter enfin résolument le scalpel dans ces plaies vives de la société, si vous ne voulez pas que la civilisation meure d’épuisement ou se déchire en lambeaux dans les convulsions d’une sanglante agonie !

Les travailleurs ne consomment pas : voilà le vice auquel il faut remédier ; voilà la pluie mortelle qu’il s’agit de guérir.

Les travailleurs souffrent de la disette et ne profitent pas de l’abondance, parce que le salaire décroît toujours en proportion du prix des denrées.

La plupart des produits demeurent au-dessous de leurs ressources, parce que la distribution des produits est mal faite.

Substituez l’association au salaire, cautérisez le chancre de l’usure en remplaçant le crédit particulier par le crédit de l’État ; organisez un vaste système de distribution équitable et de répartition économique ; supprimez les agents parasites, mettez la providence sociale à la place de l’incohérence individuelle, faites enfin que le producteur consomme et vous aurez résolu à la fois tous les problèmes de l’industrie, de l’agriculture et du commerce.

Alors la production, quelqu’abondante qu’elle soit, aura toujours un écoulement fructueux et facile, et le consommateur trouvera dans l’épargne sociale des ressources contre les années malheureuses, alors on ne verra plus des malheureux mourir de faim à la porte des magasins où le blé se pourrit, en attendant que la famine progresse, et le laboureur ne maudira plus la fertilité de son champ.


séance du 13 décembre.

6 heures du soir. — Nous apprenons, par notre correspondance particulière, qu’à la séance de l’assemblée nationale du 13, M. le ministre de l’instruction publique a présenté un projet de loi concernant les instituteurs, qui a soulevé une des tempêtes les plus orageuses que les annales parlementaires puissent compter.

Ont voté contre, les citoyens Forel, Huot.

Se seraient abstenus, Perreau et Fervrel.

Auraient voté pour, MM. Resal, de Ravinel, Houel et Aubry (Maurice).


Le Rédacteur Gérant, A. Thérin.


ANNONCE.

VENTE
PAR SUITE
de Cessation de commerce.

M. CLAUDE-VALENTIN, marchand de vins à Bruyères, voulant cesser son commerce au 1er janvier prochain, cèdera, soit en gros, soit en détail, et au besoin au-dessus du cours, le matériel de son établissement, et tous ses vins consistant principalement en :

Bourgogne de Volney, de Pomard et de Beaune, etc., 1er, 2e et 3e choix, et en qualité ordinaire.

46 de Lorraine et de Bar-sur-Aube,

Et autres spiritueux.

Le tout formant une quantité d’environ 1 000 hectolitres.

Cette vente devra être terminée pour le 20 décembre prochain.

Nota. Ce serait une belle occasion pour un jeune homme qui voudrait s’établir marchand de vin en gros…

S’adresser (franco) au-dit M. CLAUDE.


Remiremont, Imp. et Lith. Mougin.