Le Piège aux maris/Madame Antoine

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Alexandre Cadot, éditeur (p. 75-92).

Madame Antoine.

Deux jeunes gens déjeunaient, assis à une table du café Bignon.

Leur conversation avait, comme c'est la coutume, les femmes pour objet. Jamais une conversation entre jeunes gens ne va sans qu’un nom de femme ne soit prononcé. Qu’il soit question de politique, de littérature, d’art ou d’industrie, la femme reparaît toujours. Les esprits chagrins se plaignent parfois DE l’importance exagérée que la civilisation chrétienne a donnée à la compagne de l’homme. Que deux hommes d’État s’abordent, ils parleront des graves intérêts qui, la veille, ont été débattus dans les salons de madame Trois-Étoiles. Deux artistes diront du mal des grandes dames qu’ils connaissent à peine ; deux hommes du monde diront du bien des actrices qu’ils ne connaissent pas ou qu’ils connaissent trop.

Les deux jeunes gens en étaient arrivés à cet instant du repas, où la vanité s’étale avec toute la naïveté d’un instinct, arborant comme un drapeau le moi que l’un prononce devant l’autre qui ne l’écoute pas, impatient qu’il est d’arriver à sa réplique commençant par le même mot.

– Moi, disait donc l’un des jeunes gens, je ne demande aux femmes que d’êtres belles. Si elles le sont, peu m’importe leur caractère, leur position sociale ou leur vertu. Je suis un païen, je ne prends de la femme que ce qu’il en faut prendre, et ne lui demande pas ce qu’elle ne peut donner. Cette opinion qu’il n’y a, en fait d’amour, que du plaisir, est la mienne. J’ai aimé et je crois avoir été aimé ; c’est-à-dire que j’ai désiré beaucoup certaines femmes, et que ces femmes ont sacrifié quelque chose pour moi. Mais est-ce une raison suffisante pour croire à l’amour ? Quand, après deux ou trois ans de possession, un homme ne se présentera qu’en tenue d’amant devant sa maîtresse ; quand sa maîtresse, s’il l’embrasse, toute habillée, ne pensera ni à sa robe ni à son chapeau, ce jour-là, je croirai à l’amour. La possession, en un mot, voilà la pierre de touche ! Ce qu’on appelle l’amour n’est que le désir exalté ; – le désir réalisé, bonsoir !

– Pratiquez-vous ?

– Le moins possible. J’ai une maîtresse, c’est-à-dire une habitude, et, à moins qu’elle ne meure, je n’en aurai pas d’autre. Quant aux caprices, cela ne vaut pas la peine que cela donne, ma parole !

Celui qui parlait ainsi était un grand garçon de trente ans environ, assez laid, qui avait dans la mise et les allures un peu de cet abandon propre aux artistes et aux hommes d’étude, que le travail absorbe et rend plus indifférents que les autres aux choses extérieures de leur individu. Son compagnon, au contraire, était d’une beauté qui semblait idéale, car elle était complète. Ses cheveux châtain-clair paraissaient blonds, tant leur soie était fine ; il avait l’œil bleu des Francs, une bouche de femme surmontée d’une moustache blonde un peu retroussée, une petite royale allongeant l’ovale de sa figure ; la main était étroite et longue, le cou-de-pied haut. Le costume hideux qu’impose la mode contemporaine, d’une couleur sombre, faisait du moins ressortir la blancheur du teint et le blond sans fadeur des cheveux et de la barbe. – Si son ami, après avoir beaucoup aimé les femmes et leur avoir beaucoup donné de lui-même sans rien recevoir en échange, en était arrivé à leur renier la faculté d’aimer et souffrait de cette conviction, – lui, au contraire, porteur d’un beau nom, riche, admirablement doué, devait avoir traversé heureusement la jeunesse, sans en garder ni déception, ni amertume. Il devait être optimiste ; car le caractère qu’on a à trente ans est le résultat des circonstances, au moins autant que le fait de la nature et de l’éducation.

– Moi, disait-il, je crois à l’amour des femmes. Seulement, cet amour, comme toutes les choses humaines, comme la vie des hommes et la vie des peuples, comme le soleil et comme les légumes, a ses périodes de croissance, d’apogée, et de déclin. L’expérience m’a appris de bonne heure une chose, – une seule ; – mais elle est essentielle : c’est à rentrer chez moi avant que le soleil soit couché, c’est-à-dire à rompre à temps avec mes maîtresses. Du reste, ce qu’il y a de charmant dans une liaison, ce sont les premières heures ; et là, je suis presque de votre avis. On rencontre une femme ; que ce soit dans un salon, dans un comptoir ou dans la rue, c’est toujours la femme. On veut être distingué par elle. Si elle vous remarque, c’est déjà un bonheur. Ces petits bonheurs-là se comptent par milliers. C’est un bonjour, dont le ton fait une caresse ; c’est un serrement de main, qui pour tout autre serait banal et que l’intention fait délicieux ; c’est une rencontre magnétique : on sort, on se dirige chacun vers un point différent, on se rencontre ; ce sont les déclarations, qui mettent les étincelles du désir dans les yeux de la femme ; les baisers furtifs qui soulèvent sa poitrine ; les causeries qui font naître ses curiosités et empourprent sa joue ; les lettres délicieusement extravagantes ; le premier rendez-vous, avec ses tremblements et ses enfantillages ; le second où l’on cause pour dire des riens ; puis c’est l’intimité, avec ses découvertes qui entretiennent le désir : une beauté qu’on n’avait pas encore remarquée, une saillie inédite jusque-là. Alors, il faut s’en aller et chercher ailleurs une édition toujours nouvelle des plaisirs qu’on vient de goûter ici. Si la femme est toujours la femme, les milieux et les circonstances varient. Un jour, – c’était au mois d’avril, – j’ai rencontré, sur le boulevard Montmartre, une jeune fille, belle, fraîche, poétique, qui marchait au bras de son père. Elle s’arrêtait devant toutes les boutiques, riait de tous les accidents qu’elle trouvait sur son passage ; elle était si belle et elle paraissait si pure que j’eus envie de me mettre à genoux devant elle. La veille, j’avais passé la soirée avec une créature qui m’avait sacrifié son amant, un gars de cinq pieds six pouces, taillé en Hercule. Cette fille m’avait aimé puisqu’elle m’avait fait ce sacrifice, et moi je l’avais aimée parce qu’elle était belle. Je me pris à adorer la jeune fille du boulevard. À la Madeleine, elle monta en voiture et je ne l’ai plus revue. Mais je l’ai aimée !… Six mois de suite, tous les jours, je suis allé manger des gâteaux dans un passage, afin de serrer les doigts d’une demoiselle de comptoir, qui rougissait en me rendant ma monnaie. – Aujourd’hui, j’y mets de la recherche. Et, tenez ! dans une heure j’ai rendez-vous avec une femme qui doit me vendre une jeune fille. Cette jeune fille, dit-elle, est sage. Elle n’a jamais aimé, même un cousin ! Ses parents sont de pauvres gens. Si elle prend un amant, c’est pour payer une robe déteinte et un chapeau de quinze francs. Elle ne m’a jamais vu. Elle doit me mépriser beaucoup ; Qu’est-ce que je représente à ses yeux ? une toilette de pacotille qu’on lui donnera sur ma caution. Eh bien ! je veux m’en faire aimer. C’est du dilettantisme. Certes, la jeune fille du boulevard devait être plus facile à conquérir que cette grisette qui se vend ; car l’amour s’inspire et ne s’achète pas, c’est ma vieille vérité. Aussi, je crois que je vais mettre la main sur une mine d’observations et de découvertes. Je suis résolu à me marier prochainement. Auparavant, j’ai voulu me procurer un dernier bonheur de garçon, et j’ai choisi parmi les bonheurs difficiles. J’ai prié la femme en question de me trouver la fille la plus dépourvue de cœur qu’il soit possible d’imaginer. Il paraît que celle-là a une famille, un frère, une une sœur ; il y a aussi un brave garçon qui ne demanderait pas mieux que d’en faire sa femme. Les sentiers battus de l’honnêteté s’ouvrent devant elle. Et elle sacrifie tout cela pour une robe de soie. Je lui donnerai la robe et je vengerai son fiancé !

– Ce sera bien fait. Mais parmi celles que vous avez abandonnées, n’y en a-t-il pas quelques-unes qui aient souffert ?

– Comme elles ont toutes fait souffrir quelqu’un ensuite, j’en conclus qu’elles ont toutes souffert ; les femmes souffrent toujours en pareil cas : leur vanité est blessée. Mais elles se consolent vite, et, la même vanité aidant, elles disent au bout d’un an, en parlant de moi : – Le pauvre garçon, a-t-il été assez malheureux, quand nous l’avons quitté ! Je ne les démens pas et elles finissent par croire que c’est vrai. Si vous n’avez pas rencontré, vous, l’amour chez une femme, je n’ai pas trouvé non plus, moi, de femmes qui ne se soient jamais consolées d’un amant perdu.

– Si nous allions chez votre vieille ? Quelle femme est-ce ?

– C’est une marchande à la toilette. Un peu moins ennuyeuse que la plupart pourtant. Comme elle a passé l’âge où l’on pourvoit aux besoins de petits drôles, elle travaille pour son fils… Partons.

Ils allumèrent de nouveaux cigares et, quittant le boulevard, ils montèrent la rue Lafitte, en poursuivant la causerie commencée.

Un gandin séduit une enfant ; il se dit pour répondre aux questions indiscrètes que lui pose sa conscience : elle était vouée au vice, si je ne l’avais pas séduite, elle aurait été séduite par un autre ; – autant vaut que ç’ait été par moi.

Nombre de gens exerçant des professions interlopes, telles que bourreaux, espions, hommes ou femmes serviables, font le même raisonnement. Ces gens-là peuvent à la rigueur se croire et se croient d’honnêtes gens. Ils paient exactement leur loyer et leurs impôts, soldent, à jour dit, les factures de leurs fournisseurs, sont bons pères, bons époux, obligent leurs amis, élèvent bien leurs enfants ; enfin ils remplissent tous les devoirs que leur imposent la nature et la société. Leur profession est infamante ? Soit ! mais cela dépend du point de vue où l’on se place. Les autres les méprisent ; eux méprisent l’opinion des autres et la traitent de préjugé.

Madame Antoine était ainsi faite. – Eh quoi ! se disait-elle, les mauvais instincts, la coquetterie, l’horreur du travail, l’amour du luxe poussent chaque jour des centaines de jeunes filles pauvres à tenter une vie aventureuse, et l’on me blâmerait d’agir comme je le fais. Mais, si je n’existais pas, s’arrêteraient-elles sur la pente ? Non, sans doute. Eh bien ! pourquoi, alors, ne pas leur faciliter la chute ? J’en retire un bénéfice, il est vrai. Mais, sans moi, elles débuteraient plus misérablement qu’elles ne le font par mes soins ; et je fais une bonne action, en même temps qu’une affaire. À quelqu’un qui est bien résolu de mourir, mieux vaut un bon poison qui le tue sur l’heure, qu’un autre qui lui donnerait, huit jours durant, des coliques avant de l’emporter !

Si madame Antoine ne faisait pas ces raisonnements tout haut, comme une héroïne de roman, à coup sûr, elle les avait faits tout bas ; et il en était résulté une conviction, car sa conscience était tranquille, elle dormait bien, et une sérénité parfaite régnait sur son visage, dont les traits flétris par l’âge avaient dû être très beaux.

Ordinairement silencieuse, elle était de ces femmes qui ne parlent jamais sans utilité. Elle disait le prix de ses chiffons à ses grisettes et présentait, sans phrases, ses grisettes à ses messieurs ; on l’avait mandée rue de Jérusalem, afin de lui réclamer ses services en échange de la tolérance qu’on lui accordait. Elle avait refusé net, et elle avait continué son commerce sans être inquiétée. Sa seule vanité était de se vanter de ce refus. – Je me moque d’eux ! disait-elle. J’ai des protections plus haut ! Une rivale qui l’avait espionnée prétendait que madame Antoine était protégée par l’Église ; mais personne n’avait ajouté foi à ce bruit. Madame Antoine ne recevait pas d’autres visites que celles de ses clients ; du moins elle ne voyait personne de son voisinage et, sauf sa cuisinière, une Normande fort rouge et fort laide, elle n’admettait âme qui vive dans son intimité. Elle se couchait à neuf heures du soir et ne se levait qu’assez tard le matin.

Son magasin, situé dans le haut de la rue des Martyrs, était étroit et peu profond. La devanture, qui le remplissait à moitié, était encombrée, selon l’usage, d’un fouillis d’objets divers : robes, coupons de dentelles et d’étoffes, bibis éraillés, chaînes et boucles de chrysocale, camées fêlés, etc.… Une cloison vitrée, mais dont les carreaux étaient cachés à l’intérieur par d’épais rideaux, séparait cette première pièce de la seconde, qui n’était pas beaucoup plus grande, mais qui en revanche était beaucoup mieux tenue. Là s’ouvraient de vastes armoires remplies d’objets de prix : étoffes ou bijoux. Un divan à demi circulaire entourait un guéridon sur lequel étaient posées une cave à liqueurs et une boîte de cigares de la Havane. C’est dans cette pièce que se traitaient les affaires sérieuses ; c’est là que les clientes voyaient pour la première fois les clients. La présentation était courte : – Voici, disait madame Antoine, mademoiselle qui me doit tant. Voici monsieur qui vous porte de l’intérêt. Pas de noms propres, ce n’était pas le lieu. – Pas de circonlocutions ! Madame Antoine ne se donnait pas la peine de poser pour la galerie, comme font la plupart des marchandes à la toilette : elle ne parlait ni des grandes dames à qui elle avait prêté sur gages, ni des courtisanes célèbres qu’elle avait lancées, ni des malheurs qu’elle avait eus, ni de la famille pauvre qu’elle était forcée de soutenir. À quoi bon ? Les hommes l’auraient voulue plus amusante et les petites filles la trouvaient brusque. Elle s’en moquait. Si on lui demandait : – Êtes-vous riche ? Elle répondait invariablement : – Je gagne ma vie ! Et c’était vrai. Elle ne gagnait pas beaucoup au-delà. Son loyer, ses frais et les non-valeurs prélevés, ses profits ne dépassaient pas sept à huit mille francs par an. Il est vrai que ces quelques mille francs pouvaient, et au-delà, suffire à ses besoins personnels ; mais elle ne plaçait pas son superflu. Elle en disposait, on ne savait pour qui, ni de quelle façon. On parlait d’un fils ; toujours est-il qu’on ne le voyait pas.

– Vous êtes en avance, monsieur le vicomte ! fit-elle, en saluant les deux jeunes gens. Mais ma pratique ne peut tarder à arriver.

– Très bien, chère madame. En l’attendant, permettez-moi de vous présenter mon ami, un romancier qui vient ici étudier les êtres, garçon discret du reste, et qui ne racontera pas à plus de cent mille lecteurs ce qu’il aura vu et entendu chez-vous.

– Entrez, messieurs ! dit madame Antoine, en ouvrant la porte de la seconde pièce.

– C’est cela, fit le jeune homme, en prenant un cigare dans la boîte. Nous soulèverons un coin du rideau pour voir dans la boutique. Vous ferez causer un instant cette petite fille, afin que nous puissions l’examiner tout à notre aise.

– Après quoi, je vous la présenterai…

– Après quoi, vous la laisserez partir. C’est tout ce que je veux de vous, ma chère amie. Le reste est mon affaire. Votre petit salon est très convenable pour une première entrevue, mais je préfère pourtant un autre endroit…

– À votre aise, monsieur le vicomte.

La porte de la rue, en s’ouvrant, fit retentir une sonnette.

– La voici. Elle ne s’est pas fait attendre. Tenez ! elle est toute rouge. Elle aura couru.

– Courir pour venir ici ! murmura l’ami du vicomte. Celui-ci sourit et leva un coin du rideau. Madame Antoine était déjà dans le magasin.

– Est-il venu ? dit la jeune fille ? – Il est là.

– Alors, vous allez me mener vers lui…

– Pas aujourd’hui, ma chère.

– Mais quand le verrai-je ? Je ne puis pas sortir quand je veux. Ma sœur est toujours sur mes talons. À propos, j’ai ma robe, mais je n’ai pas de gants. Je voudrais bien une montre aussi.

– Voici les gants.

Madame Antoine tendit à l’enfant des gants fanés, dans lesquels celle-ci introduisit avec un sourire la plus jolie main du monde.

– Qu’elle est belle ! disait le littérateur derrière le rideau. Et jeune !

– Dix-sept ans, bientôt. La voulez-vous ?

– Taisez-vous donc ! Tout cela me fait froid.

– Et moi donc ! C’est pour cela que je la choisis. Après l’odieux d’une telle prostitution, que penser de cette fille ? Regardez-la ! Elle est tranquille, elle rit ; elle est venue tranquillement, sans pudeur, s’offrir à un homme qu’elle n’a jamais vu. Oh ! elle n’a pas de cœur, de cœur, c’est sûr ! Elle commence par où les autres finissent. Et ! c’est là ce qui m’attire. Je veux qu’elle m’aime. Je veux réaliser en amateur, pour mon plaisir, le rêve de ces dadais sublimes qui entreprennent de réhabiliter les Madeleines par l’amour, et finissent par épouser des courtisanes. Mais la voilà qui s’en va. À demain, ma belle, à demain !

– Comment la trouvez-vous ? dit madame Antoine, en rentrant.

– Bien.

– Tenez, ajouta-t-il en tirant de son portefeuille un carré de papier : remettez-lui ceci, c’est l’adresse d’un taudis, où elle pourra s’installer quand elle voudra.

– Peste ! dit madame Antoine en souriant… Dans ses meubles ! Tout de suite ! Elle a de la chance, celle-là.

– Attendez ! dit l’ami. Cette jeune fille vous doit sans doute quelque argent. Si l’on payait sa dette sans condition, peut-être resterait-elle honnête ?

– Je ne demande pas mieux, moi ! dit le vicomte. Madame Antoine, vous lui direz que vous êtes remboursée de vos avances, qu’elle ne vous doit plus rien et qu’elle peut porter sans remords la robe et le chapeau que vous lui avez vendus.

– Ah ! Voilà qui est très bien, mon ami ! J’avais le cœur serré.

Madame Antoine les regarda avec admiration :

– Hélas, dit-elle, demain elle sera chez monsieur. Vous ne connaissez pas le cœur humain.

– Ainsi, vous croyez…

– Je ne crois pas, j’en suis sûre, malheureusement…

Ce mot échappé à la marchande à la toilette étonna les jeunes gens.

– S’il en était ainsi, reprit l’ami du vicomte, j’en serais navré. Je suis fâché maintenant d’être venu. Je ne suis pas encore assez insensible pour assister froidement à ces sortes de scènes : Est-il donc indispensable que l’écrivain et le magistrat, s’il veulent voir vrai dans le cœur humain, doivent se cuirasser d’indifférence et n’apporter à cet examen qu’une banale curiosité. Je ne le pense pas et, dans l’espace d’un quart d’heure, je viens d’être pris tour à tour d’admiration, de colère, colère, de pitié !… Si ce que dit cette femme est vrai, cette fille est une misérable !

– Monsieur, dit madame Antoine sentencieusement, ce sont les romans que vous écrivez qui font ces filles-là.