Le Pilote du Danube/Chapitre V

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Hetzel (p. 76-89).

V

KARL DRAGOCH.

Aussitôt qu’il eut son reçu en poche, M. Jaeger procéda à son installation. Après s’être enquis de la couchette qui lui était attribuée, il disparut dans la cabine, en emportant sa valise. Dix minutes plus tard, il en ressortait, transformé de la tête aux pieds. Vêtu comme un pêcheur fini, — rude vareuse, bottes fortes, casquette de loutre, — il semblait la copie d’Ilia Brusch.

M. Jaeger éprouva un peu de surprise, en constatant que, pendant sa courte absence, son hôte avait quitté la barge. Respectueux de ses engagements, il ne se permit toutefois aucune question, quand celui-ci revint, une demi-heure plus tard. C’est sans l’avoir sollicité qu’il apprit qu’Ilia Brusch avait cru devoir envoyer quelques lettres aux journaux, afin de leur annoncer son arrivée à Neustadt pour le surlendemain soir, et à Ratisbonne pour le jour suivant. Maintenant que les intérêts de M. Jaeger étaient en jeu, il importait en effet de ne plus rencontrer un désert pareil à celui qu’on avait trouvé à Ulm. Ilia Brusch exprima même le regret de ne pouvoir s’arrêter aux villes qu’on traverserait avant Neustadt, et notamment à Neubourg et à Ingolstadt, qui sont des cités assez importantes. Ces arrêts, malheureusement, ne cadraient pas avec son plan d’étapes et il était forcé d’y renoncer.

M. Jaeger parut enchanté de la réclame faite à son profit et ne manifesta pas autrement d’ennui de ne pouvoir s’arrêter à Neubourg et à Ingolstadt. Il approuva son hôte, au contraire, et l’assura une fois de plus qu’il n’entendait aucunement diminuer sa liberté, ainsi qu’ils en étaient convenus.

Les deux compagnons soupèrent ensuite face à face, à cheval sur l’un des bancs. À titre de bienvenue, M. Jaeger corsa même le menu d’un superbe jambon, qu’il sortit de son inépuisable valise, et ce produit de la ville de Mayence fut fort apprécié d’Ilia Brusch, qui commença à estimer que son convive avait du bon.

La nuit se passa sans incident. Avant le lever du soleil, Ilia Brusch largua les amarres, en évitant de troubler le profond sommeil dans lequel était plongé son aimable passager.

À Ulm, où il achève de traverser le petit royaume de Wurtemberg pour pénétrer en Bavière, le Danube n’est encore qu’un modeste cours d’eau. Il n’a pas reçu les grands tributaires qui accroissent sa puissance en aval, et rien ne permet de présager qu’il va devenir l’un des plus importants fleuves de l’Europe.

Le courant, déjà fort assagi, atteignait à peu près une lieue à l’heure. Des barques de toutes dimensions, parmi lesquelles quelques lourds bateaux chargés à couler, le descendaient, s’aidant parfois d’une large voile que gonflait une brise de Nord-Ouest. Le temps s’annonçait beau, sans menace de pluie.

Dès qu’il fut au milieu du courant, Ilia Brusch manœuvra sa godille et activa la marche de l’embarcation. M. Jaeger, quelques heures plus tard, le trouva livré à cette occupation, et jusqu’au soir il en fut ainsi, sauf un court repos au moment du déjeuner, pendant lequel la dérive ne fut même pas interrompue. Le passager ne formula aucune observation, et, s’il fut étonné de tant de hâte, il garda son étonnement pour lui.

Peu de paroles furent échangées au cours de cette journée. Ilia Brusch godillait énergiquement. Quant à M. Jaeger, il observait avec une attention, qui aurait certainement frappé son hôte, si celui-ci eût été moins absorbé, les bateaux qui sillonnaient le Danube, à moins que son regard n’en parcourût les deux rives. Ces rives étaient notablement abaissées. Le fleuve montrait même une tendance à s’élargir aux dépens des alentours. La berge de gauche, à demi submergée, ne se distinguait plus avec précision, tandis que, sur la berge droite, élevée artificiellement pour l’établissement de la voie ferrée, les trains couraient, les locomotives haletaient, mêlant leurs fumées à celles des dampsboots, dont les roues battaient l’eau à grand bruit.

À Offingen, devant lequel on passa dans l’après-midi, la voie ferrée obliqua vers le Sud, définitivement repoussée par le fleuve, et la rive droite fut transformée à son tour en un vaste marais, dont rien n’indiquait la fin, lorsqu’on s’arrêta, le soir, à Dillingen, pour la nuit.

Le lendemain, après une étape aussi rude que celle de la veille, le grappin fut jeté en un point désert, à quelques kilomètres au-dessus de Neubourg, et, de nouveau, l’aube du 15 août se leva quand la barge était déjà au milieu du courant.

C’est pour le soir de ce jour qu’Ilia Brusch avait annoncé son arrivée à Neustadt. Il eût été honteux de s’y présenter les mains vides. Les conditions atmosphériques étant favorables et l’étape devant être sensiblement plus courte que les précédentes, Ilia Brusch se résolut donc à pêcher.

Dès les premières heures du jour, il vérifia ses engins avec un soin minutieux. Son compagnon, assis à l’arrière de la barque, semblait d’ailleurs s’intéresser à ses préparatifs, ainsi qu’il sied à un véritable amateur. Tout en travaillant, Ilia Brusch ne dédaignait pas de causer.

« Aujourd’hui, comme vous le voyez, monsieur Jaeger, je me dispose à pêcher, et les apprêts de la pêche sont un peu longs. C’est que le poisson est défiant de sa nature, et on ne saurait prendre trop de précautions pour l’attirer. Certains ont une intelligence rare, entre autres la tanche. Il faut lutter de ruse avec elle, et sa bouche est tellement dure, qu’elle risque de casser la ligne.

— Pas fameux, la tanche, je crois, fit observer M. Jaeger.

— Non, car elle affectionne les eaux bourbeuses, ce qui communique souvent à sa chair un goût désagréable.

— Et le brochet ?

— Excellent, le brochet, déclara Ilia Brusch, à la condition de peser au moins cinq ou six livres ; quant aux petits, ils ne sont qu’arêtes. Mais, dans tous les cas, le brochet ne saurait être rangé parmi les poissons intelligents et rusés.

— Vraiment, monsieur Brusch ! Ainsi donc, les requins d’eau douce, comme on les appelle…

— Sont aussi bêtes que les requins d’eau salée, monsieur Jaeger. De véritables brutes, au même niveau que la perche ou l’anguille ! Leur pêche peut donner du profit, de l’honneur jamais… Ce sont, comme l’a écrit un fin connaisseur, des poissons « qui se prennent » et « qu’on ne prend pas ».

M. Jaeger ne pouvait qu’admirer la conviction si persuasive d’Ilia Brusch, non moins que la minutieuse attention avec laquelle il préparait ses engins.

Tout d’abord, il avait saisi sa canne à la fois flexible et légère, qui, après avoir été ployée à son extrémité jusqu’à son point de rupture, s’était redressée aussi droite qu’auparavant. Cette canne se composait de deux parties, l’une forte à sa base de quatre centimètres et diminuant jusqu’à n’avoir plus qu’un centimètre à l’endroit où commençait la seconde, le scion, cette dernière en bois fin et résistant. Faite d’une gaule de noisetier, elle mesurait près de quatre mètres de longueur, ce qui permettait au pêcheur de s’attaquer, sans s’éloigner de la rive, aux poissons de fond, tels que la brème et le gardon rouge.

Ilia Brusch, montrant à M. Jaeger les hameçons qu’il venait de fixer avec l’empile à l’extrémité du crin de Florence :

— Vous voyez, monsieur Jaeger, dit-il, ce sont des hameçons numéro onze, très fins de corps. Comme amorce, ce qu’il y a de meilleur, pour le gardon, c’est du blé cuit, crevé d’un côté seulement et bien amolli… Allons ! voilà qui est fini et je n’ai plus qu’à tenter la fortune. »

Tandis que M. Jaeger s’accotait contre le tôt, il s’assit sur le banc, son épuisette à sa portée, puis la ligne fut lancée après un balancement méthodique, qui n’était pas dépourvu d’une certaine grâce. Les hameçons s’enfoncèrent sous les eaux jaunâtres, et la plombée leur donna une position verticale, ce qui est préférable, de l’avis de tous les professionnels. Au-dessus d’eux, surnageait la flotte, faite d’une plume de cygne, qui, n’absorbant pas l’eau, est, par cela même, excellente.

Il va de soi qu’un profond silence régna dans l’embarcation à partir de ce moment. Le bruit des voix effarouche trop facilement le poisson, et d’ailleurs un pêcheur sérieux a autre chose à faire qu’à s’oublier en bavardages. Il doit être attentif à tous les mouvements de sa flotte, et ne pas laisser échapper l’instant précis où il convient de ferrer la proie.

Pendant cette matinée, Ilia Brusch eut lieu d’être satisfait. Non seulement il prit une vingtaine de gardons, mais encore douze chevesnes et quelques dards. Si M. Jaeger avait en réalité les goûts du passionné amateur qu’il s’était vanté d’être, il ne pouvait qu’admirer la précision rapide avec laquelle son hôte ferrait, ainsi que cela est nécessaire pour les poissons de cette espèce. Dès qu’il sentait que « cela mordait », il se gardait bien de ramener aussitôt ses captures à la surface de l’eau, il les laissait se débattre dans les fonds, se fatiguer en vains efforts pour se décrocher, montrant ce sang-froid imperturbable qui est l’une des qualités de tout pêcheur digne de ce nom.

La pêche fut terminée vers onze heures. Pendant la belle saison, le poisson ne mord pas, en effet, aux heures où le soleil, parvenu à son point culminant, fait scintiller la surface des eaux. Le butin, d’ailleurs, était suffisamment abondant. Ilia Brusch craignait même qu’il ne le fût trop, en raison du peu d’importance de la ville de Neustadt où la barge s’arrêta vers cinq heures.

Il se trompait. Vingt-cinq ou trente personnes guettaient son apparition et le saluèrent de leurs applaudissements, dès que l’embarcation fut amarrée. Bientôt il ne sut auquel entendre, et, en quelques instants, les poissons furent échangés contre vingt-sept florins, qu’Ilia Brusch versa, séance tenante, à M. Jaeger à titre de premier dividende.

Celui-ci, conscient de n’avoir aucun droit à l’admiration publique, s’était modestement abrité sous le tôt, où Ilia Brusch vint le rejoindre, aussitôt qu’il put se débarrasser de ses enthousiastes admirateurs. Il convenait, en effet, de ne pas perdre de temps pour chercher le sommeil, la nuit devant être fort écourtée. Désireux d’être de bonne heure à Ratisbonne, dont près de soixante-dix kilomètres le séparaient, Ilia Brusch avait décidé qu’il se remettrait en route dès une heure du matin, ce qui lui donnerait le loisir de pêcher encore au cours de la journée suivante, malgré la longueur de l’étape.

Une trentaine de livres de poissons furent prises par Ilia Brusch avant midi, si bien que les curieux qui se pressaient sur le quai de Ratisbonne n’eurent pas le regret de s’être dérangés en vain. L’enthousiasme public augmentait visiblement. Il s’établit, en plein air, de véritables enchères entre les amateurs, et les trente livres de poissons ne rapportèrent pas moins de quarante et un florins au lauréat de la Ligue Danubienne.

Celui-ci n’avait jamais rêvé pareil succès, et il en arrivait à penser que M. Jaeger pourrait bien, en fin de compte, avoir fait une excellente affaire. En attendant que ce point fût élucidé, il importait de remettre les quarante et un florins à leur légitime propriétaire, mais Ilia Brusch fut dans l’impossibilité de s’acquitter de ce devoir. M. Jaeger avait, en effet, quitté discrètement la barge, en prévenant son compagnon, par un mot laissé en évidence, que celui-ci n’eût pas à l’attendre pour le souper et qu’il reviendrait seulement assez tard dans la soirée.

Ilia Brusch trouva fort naturel que M. Jaeger voulût profiter de cette occasion de visiter une ville qui fut pendant cinquante ans le siège de la diète impériale. Peut-être, aurait-il éprouvé moins de satisfaction et plus de surprise, s’il avait su à quelles occupations se livrait alors son passager, et s’il en avait connu la véritable personnalité.

« M. Jaeger, 45, Leipzigerstrasse, Vienne », avait docilement écrit Ilia Brusch sous la dictée du nouveau venu. Mais celui-ci eût été fort embarrassé si le pêcheur s’était montré plus curieux, et si, reprenant pour son compte une requête dont il venait d’apprécier le désagrément, il avait, à l’exemple de l’indiscret pandore, demandé à M. Jaeger de lui montrer ses papiers.

Ilia Brusch négligea cette précaution, dont la légitimité lui avait cependant été démontrée, et cette négligence devait avoir pour lui de terribles résultats.

Quel nom le gendarme allemand avait lu sur le passeport que lui présentait M. Jaeger, nul ne le sait ; mais, si ce nom était bien exactement celui du véritable propriétaire du passeport, le gendarme n’avait pu en lire un autre que celui de Karl Dragoch.

Le passionné amateur de pêche et le chef de la police danubienne ne faisaient, en effet, qu’une seule et unique personne. Résolu à s’introduire, coûte que coûte, dans l’embarcation d’Ilia Brusch, Karl Dragoch, prévoyant la possibilité d’une invincible résistance, avait dressé ses batteries en conséquence. L’intervention du gendarme était préparée, et la scène truquée comme une scène de théâtre. L’événement démontrait que Karl Dragoch avait frappé juste, puisque Ilia Brusch considérait maintenant comme une heureuse chance d’avoir, au milieu des dangers qui lui étaient révélés, ce protecteur dont il ne pouvait contester la puissance.

Le succès était même si complet que Dragoch en était troublé. Pourquoi, après tout, Ilia Brusch avait-il montré tant d’émotion devant l’injonction du gendarme ? Pourquoi avait-il une telle crainte de voir se rééditer une aventure de ce genre, qu’il sacrifiait à cette crainte l’amour — dont la violence avait bien aussi, d’ailleurs, quelque chose d’excessif — qu’il proclamait avoir pour la solitude ? Un honnête homme, que diable ! n’a pas à redouter si fort une comparution devant un commissaire de police. Le pis qui puisse en résulter, c’est un retard de quelques heures, de quelques jours à la rigueur, et quand on n’est pas pressé… Il est vrai qu’Ilia Brusch était pressé, ce qui ne laissait pas de donner aussi à réfléchir.

Défiant par nature, comme tout bon policier, Karl Dragoch réfléchissait. Mais il avait aussi trop de bon sens pour se laisser égarer par des particularités fugitives, dont l’explication était probablement des plus simples. Il enregistra donc purement et simplement ces petites remarques dans sa mémoire, et appliqua les ressources de son esprit à la solution du problème, plus sérieux celui-là, qu’il s’était posé.

Le projet que Karl Dragoch avait mis à exécution, en s’imposant à Ilia Brusch à titre de passager, n’était pas né tout armé dans son cerveau. Le véritable auteur en était Michael Michaelovitch, qui, d’ailleurs, ne s’en doutait guère. Quand ce Serbe facétieux avait plaisamment insinué, au Rendez-vous des Pêcheurs, que le lauréat de la Ligue Danubienne pourrait bien être, au choix, soit le malfaiteur poursuivi, soit le policier poursuivant, Karl Dragoch avait accordé une sérieuse attention à ces propos émis à la légère. Certes, il ne les avait pas pris au pied de la lettre. Il avait de bonnes raisons de savoir que le pêcheur et le policier n’avaient rien de commun, et, procédant par analogie, il considéra comme infiniment vraisemblable que ce pêcheur n’eût pas plus de rapport avec le malfaiteur recherché. Mais, de ce qu’une chose n’a pas été faite, il ne s’ensuit pas qu’elle ne puisse l’être, et Karl Dragoch avait pensé aussitôt que le joyeux Serbe avait raison, et qu’un détective, désireux de surveiller le Danube tout à son aise, se fût, en effet, montré très habile, en empruntant la personnalité d’un pêcheur assez notoire pour que personne n’en puisse raisonnablement suspecter l’identité professionnelle.

Quelque tentante que fût cette combinaison, il y fallait cependant renoncer. Le concours de Sigmaringen avait eu lieu, Ilia Brusch, vainqueur du tournoi, avait annoncé publiquement son projet, et certainement il ne se prêterait pas de bonne grâce à une substitution de personne, substitution très scabreuse, au surplus, puisque les traits du lauréat étaient désormais connus d’un grand nombre de ses collègues.

Toutefois, s’il fallait renoncer à ce qu’Ilia Brusch consentît à laisser effectuer sous son nom, par un autre que lui, le voyage qu’il avait entrepris, il existait peut-être un moyen terme d’arriver au même but. Dans l’impossibilité d’être Ilia Brusch, Karl Dragoch ne pouvait-il se contenter de prendre passage à son bord ? Qui ferait attention au compagnon d’un homme devenu presque célèbre et qui monopoliserait par conséquent à son profit l’intérêt général ? Et même, si quelqu’un laissait par inadvertance tomber un regard distrait sur ce compagnon obscur, était-il admissible qu’il établît le moindre rapprochement entre ce vague inconnu et le policier, qui accomplirait ainsi sa mission dans une ombre protectrice ?

Ce projet longuement examiné, Karl Dragoch, en dernière analyse, le jugea excellent, et résolut de le réaliser. On a vu avec quelle maëstria il avait machiné sa scène initiale, mais cette scène eût été, au besoin, suivie de beaucoup d’autres. S’il l’avait fallu, Ilia Brusch eût été traîné chez le commissaire, emprisonné même sous de spécieux prétextes, effrayé de cent façons. Karl Dragoch, on peut en être sûr, eût joué de l’arbitraire sans remords, jusqu’au moment où le pêcheur, terrifié, n’aurait plus vu qu’un sauveur dans le passager qu’il repoussait.

Le détective s’estimait heureux, toutefois, d’avoir triomphé sans employer cette violence morale et sans continuer la comédie plus loin que le premier acte.

Maintenant, il était dans la place, bien certain que, s’il faisait mine de vouloir la quitter, son hôte s’opposerait à son départ avec autant d’énergie qu’il s’était opposé à son entrée. Restait à tirer parti de la situation.

Pour cela, Karl Dragoch n’avait qu’à se laisser entraîner par le courant. Pendant que son compagnon pêcherait ou godillerait, il surveillerait le fleuve, où rien d’anormal n’échapperait à son regard expérimenté. Chemin faisant, il s’aboucherait avec ses hommes disséminés le long des rives. À la première nouvelle d’un délit ou d’un crime, il se séparerait d’Ilia Brusch pour se lancer sur les traces des malfaiteurs, et il en serait au besoin de même, si, en l’absence de tout crime ou de tout délit, un indice suspect attirait son attention.

Tout cela était sagement combiné et, plus il y pensait, plus Karl Dragoch s’applaudissait de son idée, qui, en lui assurant l’incognito sur toute la longueur du Danube, multipliait les chances du succès.

Malheureusement, en raisonnant ainsi, le détective ne tenait pas compte du hasard. Il ne se doutait guère qu’une série de faits des plus singuliers allait, dans peu de jours, aiguiller ses recherches dans une direction imprévue et donner à sa mission une ampleur inattendue.