Le Prisme (Sully Prudhomme)/A une Fiancée

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Œuvres de Sully Prudhomme, Poésies 1879-1888Alphonse Lemerre, éditeurPoésies 1879-1888 (p. 20-21).


A UNE FIANCÉE


Je vous dirai de vous, tout bas, ô jeune fille,
Le bien que ne dit pas d’une enfant sa famille :
Vous avez été bonne en vous laissant chérir,
En laissant vos regards, sans réserve et sans feinte,
Causer innocemment par leur naïve atteinte
Les peines qu’ils devaient innocemment guérir.

Les graves jeunes gens sont prompts à la tendresse ;
Ils prennent le soupir que l’éventail adresse
Pour un appel d’amour sincère et généreux.
Un brin d’espoir offert sur l’aile du caprice
Leur suffit pour bénir comme une bienfaitrice
La vierge dont le rêve a voltigé sur eux.

Mais, dans vos abandons aux grâces fraternelles,
Vous sentiez que ce sont les plus douces prunelles
Qui doivent à ceux-là le plus de vérité,
Qu’il est des jeux d’enfants où le bonheur s’engage,
Et vous avez parlé le cher et doux langage
Sans avare prudence et sans témérité.

 
Nous allons donc, ô rare et consolante fête !
Voir entrer dans la vie un songe de poète,
Voir un cœur noble et pur s’unir à son pareil,
Voir la candeur aimer et s’épancher joyeuse,
Comme la neige, à l’aube, en fondant radieuse,
Réfléchit le baiser triomphant du soleil !