Le Prisme (Sully Prudhomme)/Amis d’enfance

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Œuvres de Sully Prudhomme, Poésies 1879-1888Alphonse Lemerre, éditeurPoésies 1879-1888 (p. 52-53).


AMIS D’ENFANCE


A Madame Marguerite Mayeur.


Il me semblait un grand garçon,
J’étais une petite fille ;
Grave il m’apprenait ma leçon
Et, tendre, il me disait gentille.

Cet enfant, quel âge avait-il ?
En vérité mon cœur l’ignore :
Toute l’enfance est un Avril,
Nous étions en Avril encore.

Comment son regard me parla ?
Je ne saurais pas bien le dire :
J’espérais quand il était là,
Depuis qu’il est loin je soupire.

N’ai-je rien oublié de lui ?
Se souvient-il de moi ? J’en doute ;
Mais sa voix, encore aujourd’hui,
Chez d’autres enfants je l’écoute.


S’il reviendra, si je l’attends,
Je ne saurais pas vous l’apprendre ;
Mais ses adieux, malgré le temps,
J’en suis encore à les lui rendre ;

Je n’ai pas compris son départ.
Ses adieux seuls m’en ont instruite ;
Ah ! quand même il reviendrait tard,
Je l’épouserais tout de suite.