Le Prisme (Sully Prudhomme)/Sonnet à Louis Leloir
Œuvres de Sully Prudhomme, Poésies 1879-1888, Alphonse Lemerre, éditeur, s.d., Poésies 1879-1888 (p. 97).
SONNET
a louis leloir
Pendant que ton laurier, dépassant les cyprès,
Reverdit sous les pleurs, glorieuse rosée.
Je cherche et ressaisis ton âme, déposée
Dans l’image où ta main l’a mêlée à mes traits ;
J’évoque en ce chef-d’œuvre admiré de plus prés
Ton intime personne à ma forme infusée,
Toute la part de l’homme au tombeau refusée !
Et tes coups de crayon s’y montrent deux fois vrais.
Deux fois révélateurs ! car ils y font revivre
Ta propre vision jalouse de poursuivre
Au fond de mon regard ma pensée et mon cœur.
Ta main, sur le papier, de son plus noble geste
A repoussé la Mort et frustré sa rigueur :
Ta vie inaltérable avec la mienne y reste !