Le Prix “Vie heureuse”/Mme Judith Gautier

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Anonyme
Hachette et Cie (p. 20-21).


MADAME JUDITH GAUTIER


Fille de Théophile Gautier, Mme  Judith Gautier a trouvé dans la maison paternelle la réunion d’artistes la plus vive et la plus intelligente de la fin de l’Empire. Elle en a conté le souvenir dans deux volumes le Collier des Jours, et le Second Rang du Collier, dont la vie et l’intérêt sont extrêmes. Comment ne pas prévoir une artiste dans une petite fille, qui ayant tenu devant son père les planches de documents pour le Roman de la Momie et ayant, en récompense, lu l’ouvrage, fit à sa poupée un masque d’or avec le papier qui enveloppe les sucres de pommes, l’entoura de bandelettes, la mit dans une boite à ouvrage qui lui tint lieu de sarcophage, déposa auprès d’elle des papiers rituels et de menus objets et l’inhuma enfin, prête à paraître au tribunal des dieux, dans une caisse d’oranger ?

Théophile Gautier avait comme presque tous les romantiques été séduit par le premier éclat de l’Orient ; sa fille alla chercher son inspiration et ses goûts dans l’art plus raffiné de l’Extrême Orient. Sa première œuvre est un recueil de poésies en prose traduites et imitées des Chinois. Le Livre de Jade ; la seconde une œuvre de pure imagination, Le Dragon impérial dont le thème était pris à l’histoire de la Chine. Vient une longue liste d’œuvres depuis Lucienne (1877), les Peuples étranges (1879), les Cruautés de l’amour (1879), Isoline et la Fleur serpent (1882).

Les Poèmes de la Libellule en 1885 délicats comme leur titres, ont été traduits du japonais, Iskender est de 1886, la Conquête du paradis de 1887. Si l’on veut sentir toute la finesse d’âme, toute la sobriété pittoresque, toute la noblesse sans emphase de cet art d’Extrême Orient dont Mme  Judith Gautier a fait sa vie même, il faut lire au début des Princesses d’amour, l’espèce de décaméron qui y est conté, et les morts touchantes et héroïques qui illustrent les récits des courtisanes.

Enfin l’œuvre de Mme  Judith Gautier se complète par des ouvrages de critique, depuis ses premiers Salons au Rappel, jusqu’à l’admirable ouvrage sur Richard Wagner et son œuvre poétique.

Théophile Gautier, avec l’instinct d’un grand artiste, avait été des premiers en France, à deviner le génie de l’auteur du Tannhaüser ; sa fille a dit mieux que personne le sens mythique et profond du drame wagnérien.


Madame Judith Gautier, photographie en buste
Madame Judith Gautier, photographie en buste