Le Quatorze Juillet (Romain Rolland)/Acte III
ACTE III
Mardi 14 juillet, l’après-midi.
La cour intérieure de la Bastille[1]. À gauche, la base de deux tours énormes, dont le sommet est invisible, et que relient entre elles d’épaisses murailles massives, qui se dressent comme une montagne de pierre. En face, la porte et le pont-levis donnant accès à la cour du Gouvernement. À droite, un bâtiment à un étage adossé aux murs des autres tours.
Au lever du rideau, l’invalide Béquart et ses camarades se tiennent dans la cour, avec trois canons. Vintimille, commandant des Invalides, est assis, l’air indifférent et ennuyé. À tout instant, des Suisses vont et viennent par le pont-levis, apportant des nouvelles du combat, qui se livre en ce moment, à l’autre porte de la cour du Gouvernement. Au dehors, fusillade, tambours, et cris de la foule. La fumée monte de temps en temps au-dessus des murailles.
Eh bien, monsieur de Vintimille, vous le voyez, ils attaquent, ils attaquent !
Eh bien, monsieur de Launey, laissez-les attaquer. Que nous importe ? À moins qu’ils n’aient des ailes, comme messieurs Montgolfier, je les défie bien d’entrer.
Parbleu !
Ah ! les pauvres diables ! on va les écraser. Ils y resteront tous. Ces salauds de Suisses tirent dessus tant qu’ils peuvent. C’est malin de fusiller des gens sans défense, quand on est soi-même à l’abri, derrière de bonnes murailles !
Aussi, quelle idée ont-ils de venir nous attaquer ?
On ne sait plus ce qui se passe dans leurs cervelles. On n’y comprend rien : ce n’est plus de notre temps. Ils sont tous timbrés, surtout depuis un mois. — C’est égal, c’est malheureux de les maltraiter : c’est pas des mauvaises gens. Et c’est les nôtres.
Dame, c’est l’ordre. Tant pire ! Fallait pas qu’ils y aillent.
Évidemment. — Et puis ça fait tout de même plaisir d’entendre cette musique. Je ne croyais pas que je verrais encore une bataille.
Monsieur le gouverneur, s’il vous plaît, faites brûler les maisons voisines. Des toits, leur tir peut plonger dans la cour du château.
Non, non, je ne puis brûler des propriétés particulières ; je n’en ai pas le droit.
Guerre sans feu, andouille sans moutarde. Vous êtes bien bon d’avoir ces scrupules. Quand on fait la guerre, il faut ne s’arrêter à rien, ou ne se mêler de rien.
Votre avis, monsieur de Vintimille ?
Oh ! cela est indifférent, faites comme vous voudrez. Nulle crainte qu’ils entrent ! Mais si vous avez envie de profiter de l’occasion, pour déblayer le quartier qui enserre la Bastille, et pour balayer les braillards qui se sont donné rendez-vous autour, ne vous gênez pas. De cette espèce, la graine n’est pas rare. Agissez à votre gré : cela n’a aucune importance.
Attendons alors, puisque rien ne presse. Nous sommes en nombre, nous avons abondance de munitions : nous n’avons pas besoin d’en venir à ces résolutions désespérées. N’est-ce pas, père Béquart ?
Nous tiendrions là jusqu’au jugement dernier, monsieur le Gouverneur. J’ai été sous M. de Chevert, à Prague, il y a quarante-sept ans. Le maréchal de Belle-Isle nous avait plantés là. Nous étions une poignée en plein pays ennemi. Nous manquions de tout. La ville même était contre nous. Jamais on n’a pu nous en déloger, que de notre consentement. Ici nous n’avons affaire qu’à de la racaille, des femmes et des boutiquiers ; nous sommes à l’abri de solides murailles, à deux pas des troupes du Champ de Mars et de Sèvres. Il n’y a qu’à fumer sa pipe et à se croiser les bras.
Aussitôt qu’on se tient coi, ces grenouilles de Parisiens vous sautent sur les genoux. Jetez-leur seulement quelques pierres, vous les verrez faire le plongeon dans leur marais.
Ne les exaspérons point.
Oins le vilain, il te poindra. Dépends le pendard, il te pendra.
Ce sont de pauvres gueux, monsieur de Flue. Il ne faut pas être trop dur. Ils ne savent pas bien ce qu’ils font.
Tonnerre ! S’ils ne le savent pas, je le sais, moi. Cela suffit.
Vous ne pensez qu’au succès de la bataille, monsieur de Flue. Mais pour moi, c’est une autre affaire. Je dois songer aux conséquences. Toute la responsabilité repose sur moi. Sais-je ce qui plaît ou déplaît à la Cour, ce qu’elle veut que je fasse ?
Comment ! Vous ne savez pas où sont les ennemis du Roi ? Si nous sommes ici, n’est-ce pas par ordre de Sa Majesté, et si l’on nous attaque, n’est-ce pas Elle qu’on attaque ?
Personne n’est jamais sûr, avec l’indécision de Sa Majesté. Ses ennemis de la veille sont ses amis du lendemain. Je n’ai pas d’ordres, ou ils se contredisent. Les uns commandent : « Résistez jusqu’au bout ». Les autres : « Ne tirez pas ». Le prévôt Flesselles me fait dire en secret qu’il est avec moi et qu’il amuse le peuple. Au peuple, il dit qu’il m’amuse et qu’il est avec eux. Qui trahit-il ? Comment être certain qu’on ne mécontente pas la Cour, en croyant la servir, et qu’elle ne nous désavouera point ? Si elle voulait agir, n’en a-t-elle pas mille moyens ? Pourquoi M. de Breteuil, avec les troupes du Champ de Mars, ne vient-il pas prendre ces révoltés à dos ?
Oh ! ce serait vraiment admirable. Quelle compote !
Mon cher, soyez vainqueur, et vous aurez toujours raison.
Monseigneur, vous n’avez pas votre entrain habituel des jours de bataille.
Ils m’ennuient avec leurs discussions. — Montrant de Launey. Il ne sait jamais ce qu’il veut, il faut qu’il consulte tout le monde ; il fait des embarras de tout. Que viens-je faire entre cet indécis et cet entripaillé ? Sotte tâche qu’on m’a donnée là ! Il n’y a ni plaisir ni honneur à retirer de pareils combats. Morigéner le peuple ! C’est une affaire de police.
Ce n’est pas gai d’être forcé de tirer sur ces pauvres diables.
Tu deviens sentimental ? C’est la mode du jour. — Il ne s’agit pas de cela. Peut me chaut cette canaille… Écoute-les hurler ! C’est répugnant… Qu’est-ce qu’ils veulent ?
Du pain.
S’imaginent-ils que la Bastille est une boulangerie ? — Encore !… Quelle âpreté ils y mettent ! Ils tiennent donc bien à vivre ? Je me demande quel intérêt ils peuvent trouver à leur gueuse d’existence, avec pour tout plaisir leurs vins aigres et leurs femmes mal lavées.
Vous savez, monseigneur, si peu que ce soit, on tient toujours à ce qu’on a.
Vraiment ? Parle pour toi.
Oh ! vous, vous avez eu tout ce qu’on peut désirer.
Tu m’envies ? Il n’y a pas de quoi, mon garçon.
Pas de quoi !
Cela t’étonne ? — Peuh ! tu ne peux pas comprendre… Ce n’est rien. C’est ce soleil de Juillet qui me rend hypocondre.
Monseigneur, on tire des maisons voisines. Ils sont là, quelques-uns qui se sont juchés sur les toits.
Eh bien, abattez-les ! Ce n’est qu’un jeu pour des tireurs comme vous.
Allons, avance ! devant le gouverneur !
Qu’y a-t-il ?
Mon commandant, nous avons cueilli celui-là, au moment où il sautait par-dessus le mur d’enceinte.
Houp là ! nous y voici ! Je te l’avais bien dit, que tu entrerais la première !
La Bastille !
Qu’est-ce que cette plaisanterie ?
Mon commandant, nous sommes des parlementaires.
Étranges parlementaires !
Nous n’avons pas le choix. On vous fait des signaux ; vous ne voulez pas les voir. Nous avons sauté le mur, puisque c’était le seul moyen d’arriver à vous.
Ah ! ce sont eux !
Qu’est-ce que tu veux, morveuse ?
C’est vous, les prisonniers ?
Les prisonniers ? — Mais non ! nous sommes ceux qui les gardent.
Va, tu ne te trompes pas de beaucoup. Ce sont aussi des prisonniers, et les plus à plaindre de tous : car on leur a enlevé jusqu’au désir de la liberté.
Qui est cette petite ?
Notre bon génie. Elle m’a supplié de venir avec moi. Je l’ai prise sur mon dos.
As-tu perdu le sens, que tu exposes cette enfant à la mort ?
Pourquoi ne partagerait-elle pas nos risques ? Elle est bien sûre de mourir, si nous mourons. Ne jouez pas la pitié. Vos canons n’ont pas tant de scrupules.
Un soldat, un sous-officier déserteur ! c’est là le parlementaire que nous envoie cette canaille ? — C’est parfait. — Eh bien, fusillez-le : voilà sa mission remplie.
Un instant. Il serait bon de savoir ce qu’ils veulent.
Ils n’ont rien à vouloir.
On ne parlemente pas avec des révoltés.
Voyons toujours, cela ne coûte rien.
C’est indécent : en tolérant une discussion avec ces rebelles, nous semblons les traiter sur un pied d’égalité.
Quel manque de pudeur, ou quelle aberration t’a poussé à accepter cette mission ?
La pensée de servir mes amis et vous.
As-tu conscience de tes actes ? Tu ne sais donc pas ce que c’est qu’un traître ?
Si, monseigneur. C’est celui qui porte les armes contre son peuple.
Imbécile !
Je vous demande pardon. Je ne voulais pas vous insulter. Je venais en ami, au contraire. On m’a dit que je serais fusillé. C’est possible. À vrai dire, cela m’étonnerait ; je viens tâcher de vous aider et d’arranger les choses. Mais si je devais l’être, eh bien, vous connaissez le proverbe : « Un beau mourir toute la vie embellit. »
Ton message !
Du Comité permanent de l’Hôtel de Ville.
Pourquoi voulais-tu venir, gamine ? Est-ce que tu connais quelqu’un ici ?
Plusieurs.
Où donc ?
Dans la prison.
Tu as de jolies connaissances ! Qui est-ce ? Des parents ?
Non.
Comment se nomment-ils ?
Je ne sais pas.
Comment ! Tu ne sais pas ? — Comment sont-ils, alors ?
Je ne pourrais pas bien dire.
Ah ça ! tu te moques de nous, galopine ?
Non, non, je les connais bien, je les ai vus. Seulement, c’est difficile à dire…
Raconte.
Maman habite rue Saint-Antoine, près d’ici. Les voitures qui vont à la prison passent, la nuit, devant notre maison. Je me lève souvent pour voir. Oh ! je les vois presque tous. Quelquefois pourtant, je n’ai pas pu, parce que je dormais, et quand je me réveillais, la voiture était passée.
Qu’est-ce que cela peut avoir de curieux pour toi ?
C’est qu’ils ont de la peine.
C’est un triste spectacle que celui d’un malheureux. Pourquoi veux-tu les voir ?
Parce que cela me fait de la peine.
Ha ! Ha ! Voilà une raison !
Tais-toi donc, imbécile !
Imbécile ? — Après avoir réfléchi, se grattant la tête. — C’est vrai.
Vous ne tirerez pas sur nous, dites ? — Ils ne répondent pas. — Dites que vous ne tirerez pas ! Je vous en prie. Je vous aime bien. Aimez-moi aussi.
Bon petit torchon, va !
Ceci passe tout ! — Messieurs, l’étrange message qui m’est remis de la part de je ne sais quels robins, qui s’intitulent Comité permanent, nous fait la demande saugrenue de partager la garde de la Bastille entre nos troupes et les bandes populaires.
Belle proposition !
Écoutez-moi, monseigneur. Empêchez le carnage. Ce n’est pas à vous que nous en avons, c’est à cet amas de pierres, à cette force malfaisante, qui pèse depuis des siècles sur Paris. La force aveugle n’est pas moins honteuse pour ceux qui l’imposent que pour ceux qui la subissent. Cela révolte la raison. Vous qui êtes plus intelligents que nous, vous devez le sentir et en souffrir plus que nous. Aidez-nous donc, au lieu de nous combattre ! La raison, pour qui nous luttons, est votre bien comme le nôtre. Rendez la place, de vous-mêmes ; n’attendez pas qu’on vous la prenne.
La raison, la conscience, il en a plein la bouche… Ces singes de Rousseau ! — à de Flue. Mes compliments, vous nous avez fait un joli cadeau !
Quel cadeau ?
Votre Jean-Jacques. Vous auriez pu le garder en Suisse.
Nous nous en serions bien passés nous-mêmes.
Tu es fou. Où a-t-on vu que les plus forts vont, de gaieté de cœur, remettre leurs armes aux plus faibles ?
Vous n’êtes pas les plus forts.
Tu comptes pour rien ces braves, vingt pièces de canon, vingt coffres de boulets, des milliers de cartouches ?
Vous pourrez tuer quelques centaines d’hommes. À quoi bon ? Il en reviendra des milliers.
Nous serons secourus.
Vous ne serez pas secourus. Vous pouviez l’être. Vous ne l’avez pas été. Un roi ne fait pas égorger son peuple : ce ne serait pas seulement un assassinat, mais un suicide. Vous serez vaincus, je vous assure. Vous faites étalage de votre artillerie. Vous êtes habitués aux vieilles guerres, vous ne comprenez pas celle-ci ; vous ne savez pas ce que c’est qu’un peuple délivré. La guerre est un jeu pour vous, vous n’y croyez pas. Depuis Malplaquet, personne ne s’intéresse plus à la patrie. Vous étiez les amis des ennemis que vous combattiez ; vous vous réjouissiez des succès du roi de Prusse. La victoire n’est pas une nécessité pour vous. Nous, nous n’avons pas le choix : il faut que nous vainquions. — Aux Invalides. Mes camarades, je vous connais bien, je vous respecte : vous êtes de fiers vieux gas. Mais quand vous vous battiez, c’était pour obéir à des ordres ; vous ne savez pas ce que c’est que de se battre pour soi. — À Béquart. Vous-même, père Béquart, — nous vous aimons tous, nous honorons votre vaillance ; — mais quand vous étiez à Prague, enfermés par l’ennemi, vous ne défendiez que votre peau. Nous, c’est notre âme, l’âme de nos fils, de tous ceux qui sortiront de nous… Vous entendez ce peuple au pied de ces murs ? Ce n’est là qu’une partie de nos forces. Des millions d’êtres, tous les peuples à venir combattent dans nos rangs, tout ce formidable invisible, qui gagne les batailles.
Tu nous ennuies. Nous allons balayer en quelques volées de canon ces forces invisibles.
Ne tirez pas ! Si vous tirez, vous êtes perdus. Un peuple n’est pas une armée régulière ; on ne le déchaîne pas impunément.
Quelle étrange espèce d’hommes ! Comment cela est-il sorti de nous, de notre France ?… Ce sont des Allemands. — Des Allemands ? — Non pas. J’ai connu des Prussiens plus français que celui-ci. Qui nous a changé tout cela ?
Songez qu’on peut encore s’entendre, que bientôt vous ne le pourrez plus. Dès que vous aurez fait couler le sang, rien ne l’arrêtera plus.
Retourne tes conseils à tes amis.
Viens-t’en, pigeon de l’arche, on refuse ton rameau d’olivier. — Il remet Julie sur son épaule.
Rien ne peut prendre la Bastille. Elle peut être livrée, non prise.
Elle sera livrée.
Et qui la livrera ?
Votre mauvaise conscience.
Notre mauvaise conscience…
Eh bien ! pourquoi l’a-t-on laissé partir ?
Il est encore dans la cour.
Courrez après lui, rattrapez-le !
Monseigneur, c’est impossible.
C’est un parlementaire.
Comment, impossible, coquin ? Parlementaire de qui ? de quel pouvoir reconnu ?
Du peuple.
Arrêtez-le !
Non, camarades, pas cela ! Vous ne l’arrêterez pas !
C’est l’ordre.
Vous ne passerez pas, ou vous aurez affaire à nous.
Ah ! ah ! — Haut. C’est bon. — à de Launey. N’insistons pas.
Monseigneur, il arrive une foule immense par la rue Saint-Antoine. Ils ont pris les Invalides. Ils traînent une vingtaine de canons.
Sacrebleu ! il faut pourtant se décider ; ou notre situation, si bonne soit-elle, finirait par se gâter. Laissez-nous secouer cette vermine, ou nous serons rongés jusqu’à l’os.
Qu’est-ce que cette fumée ?
Ils ont mis le feu aux bâtiments avancés.
Les misérables ! Ils veulent une guerre sans pitié. Ils l’auront.
Faut-il tirer ?
Attendez…
Que voulez-vous attendre encore ?
Monsieur de Vintimille !
Je vous ai dit mon sentiment. Faites ce que vous voudrez. — Mais un conseil : quelle que soit votre décision, n’en changez plus.
Faites-donc à votre gré, monsieur de Flue, et chargez-les !
Notre mauvaise conscience… Ce caporal qui se permet d’avoir une conscience !… Il est plus riche que moi. La conscience !… Elle n’est ni bonne ni mauvaise. Elle n’est pas. — L’honneur, soit. — L’honneur ? Il consistait sous l’ancien Roi, quand on avait une femme ou une sœur présentable, à intriguer pour qu’il couchât avec elle, ou à épouser la courtisane en titre, afin que cette basse denrée, sortie de la crasse des tripots, fût relevée par la saveur d’un nom aristocratique… Laissons l’honneur tranquille. — Je ne sais vraiment pas pourquoi je me bats ici. — Loyalisme ? Fidélité au Roi ? Nous sommes trop habitués à voir clair dans nos pensées, pour rester dupes des mots. Il y a longtemps que je ne crois plus au Roi. — Alors ? — Haussant les épaules. L’habitude, la convenance, le savoir-vivre ? — Oui, savoir qu’on est dans l’erreur, ne pas croire à ce qu’on fait, mais y apporter, jusqu’au bout, une correction et une élégance méticuleuse, qui sert à nous cacher l’absolue inutilité de nos actes.
Ils viennent !
Quoi ? Ils viennent ? Qui ? Le peuple ?… Impossible !
Vite ! levez le pont ! — Tonnerre !
Aux canons !
Ils sont entrés ! Ils sont entrés vraiment ?
Ouf ! — Il était temps ! — Gredins ! — À Vintimille. Croiriez-vous qu’ils ont réussi à faire tomber le premier pont-levis ! — Vous savez, la maison du parfumeur qui est à côté de l’entrée ?… Ah ! sacrebleu ! Je l’avais bien dit qu’il fallait brûler toutes ces tanières !… Ils étaient trois ou quatre sur le toit, des maçons, des couvreurs, ils se sont laissé glisser comme des singes sur le mur qui touche au corps de garde. On n’y faisait pas attention. Ils sont arrivés à la porte, ils ont brisé les chaînes du pont ; le pont est tombé tout d’une masse, au milieu de cette foule, en écrasant une dizaine. Ç’a été un torrent. Ils se sont tous rués dessus. Écoutez-les hurler ! — Ah ! les canailles !
Nous avons toujours fait une belle prise.
Eh ! mais, c’est vous, Contat ?… Fidèle au rendez-vous ! — Un casque d’argent sur vos cheveux blonds, un fusil à la main, vous semblez la déesse Liberté elle-même ! — Vous êtes donc venue voir, curieuse ? Vous serez mieux ici, pour tout regarder sans risques. — Il lui tend la main ; elle hésite à la prendre. Vous ne me donnez pas la main ? Nous étions bons amis, il n’y a pas si longtemps. Ne le sommes-nous pas encore ? — Elle se décide à lui donner la main. Eh bien, qu’avez-vous donc ? Vous me fixez avec vos grands yeux, vous avez l’air interdite, vous ne dites mot. Vous avez eu peur ?
Pardon, je vous demande pardon… Mais je ne sais plus où j’en suis en ce moment, si je dois vous regarder comme ami, ou comme ennemi.
Comme ennemi ? pourquoi donc ? — Quoi ? tout de bon, vous nous combattiez ?
Vous savez, je ne suis pas faite pour être spectatrice, je joue toujours les premiers rôles.
Vous étiez lasse de jouer la comédie, vous avez voulu passer au drame. — Mais savez-vous, ma belle, que votre petite équipée risque de vous coûter quelques mois de Fort-l’Évêque.
Je risquais davantage.
Voyons, ce n’est pas sérieux, Contat ? Vous, avec ces hurleurs ? — Il l’examine de la tête aux pieds. Pas de rouge, pas de mouches. Les mains noires. La figure luisante de sueur. Les cheveux mouillés, collés aux joues. Les seins haletants. Crottée jusqu’aux genoux. Noire de boue et de poudre… Fi ! — Qu’est-ce qui vous a pris ? Je vous connais bien pourtant : vous n’aimiez pas plus que moi cette racaille.
Oui.
Une amourette alors ? Il est là, dans cette foule ?
Oui, je croyais cela aussi. — Mais non, c’est autre chose encore qu’un amour.
Alors ?
Je ne sais pas. Je ne puis vous dire au juste pourquoi je me battais ; mais je le sentais tout à l’heure : j’aurais été prête à vous égorger.
Vous exagérez toujours.
Je ne ris pas, je vous assure.
Mais, Contat, vous avez du bon sens pourtant, vous n’agissez pas sans savoir ce que vous faites ?
Non, ce n’est pas sans raison ; mais je ne puis plus dire quelle raison, en ce moment. Tout à l’heure, cela était si net et si fort !… Voyez-vous, les sentiments de ce peuple résonnent en moi, comme un tonnerre. À présent que je suis séparée de lui, je ne sais plus, je ne sais plus…
Vous étiez folle, simplement. Convenez-en.
Non, non, je suis sûre qu’ils ont raison.
Raison de se révolter contre le Roi, de tuer de braves gens, et de se faire tuer pour rien ?
Ce n’est pas pour rien.
Oh ! je le pense bien ! c’est pour les écus de M. d’Orléans.
Mon cher, vous n’avez pas changé depuis le temps que je vous connais : vous cherchez toujours de petits motifs aux choses.
Je n’appelle pas l’argent un si petit motif pour des gueux qui n’ont rien. En savez-vous de plus fort ?
La Liberté.
Qu’est-ce que cela ?
Tu me gênes avec ton regard ironique. Quand tu me regardes, je ne sais plus ce qu’il faut dire. Et quand je le saurais, je ne le dirais pas. Je sens que cela ne servirait à rien. Tu ne peux pas comprendre. Écoute au moins, et regarde.
Nous voulons la Bastille !
Oui, c’est curieux, c’est curieux.
Qu’est-ce qu’ils ont donc qui les pousse, ces imbéciles ?
Des femmes. Des curés. Des bourgeois. Des soldats… Tiens, notre gamine là-bas, à cheval sur le cou de Hulin ; elle agite ses petites jambes ; elle se démène comme un diable !
Cela va bien. Maintenant ils sont dans une souricière, enfermés entre les murs du château. Des tours, nous les dominons.
Déblayez la cour ! Écrasez-les !
Cela va être une boucherie. Ils sont à peine armés. Et ces enfants !…
Nous voulons la Bastille !
Courage ! Je l’ai prise avant vous ! Je suis entrée la première !
Ils demandent encore à parlementer. Ils agitent des mouchoirs. Ils nous font des signaux.
Le procureur de la ville marche à leur tête.
Voyons ce qu’ils veulent.
Cessez le feu !
Que voulez-vous ?
Sacrebleu ! qu’est-ce qu’ils font donc ?
Ce sont les Suisses qui tirent de là-haut !
— Arrêtez ! Arrêtez !
Trop tard ! — Ah ! ils ont fait de bel ouvrage ! Entendez ces cris !… Ils n’ont pas manqué leurs coups. Le peuple croit que nous l’avons attiré dans un guet-apens.
Qu’avez-vous, Contat ?
Vous vouliez me tuer ?
Vous perdez la raison… Que s’est-il passé ? Je ne vous ai rien fait. On a agi contre nos ordres. Vous l’avez vu vous-même… Me reconnais-tu bien, Contat ?… Elle fait signe que oui. Quoi ! tu me hais vraiment ?… — Même jeu. Parle-moi, ne peux-tu parler ?…
C’est une bête féroce… On ne la reconnaît plus.
Ce n’est pas elle. C’est quelque chose d’étranger qui s’est glissé en elle, une âme ennemie, le poison de cette foule, cette folie inconnue !… Pouah ! tout cela me dégoûte, ces fureurs que je ne comprends pas, ce vent de bestialité qui semble sortir des lointains monstrueux de l’humanité !
Qu’avez-vous fait ? Qu’avez-vous fait ?
Sacredié ! J’ai fait ce que vous m’avez dit ! Vous me donnez l’ordre de les écraser. Je m’en acquitte en conscience. Maintenant, il paraît que vous avez changé, et que le vent souffle à la paix. Qui diable voulez-vous qui s’y reconnaisse ?
Nous sommes perdus maintenant !
Perdus ?
Qu’est-ce que vous faites ?
En trois volées de canon, la cour sera vidée.
Vous n’allez pas tirer ?
Et pourquoi pas ?
Dans cette foule ? Ce serait un massacre abominable !
Qu’est-ce que ça nous fait ?
Ça fait que ce sont nos parents, des Français comme nous. Ça fait que vous allez replacer ce canon où vous l’avez pris, et qu’on ne tirera pas.
Allons, place, débris ! Veux-tu nous laisser passer ? — Ils bousculent Béquart.
Ah ! canailles d’Allemands !
Jette-le par terre ! — Ces moitiés d’hommes, ces vieux restes ! — Cela croit nous faire peur !
Si tu avances, je tire.
Bas les armes ! Bas les armes !… Tonnerre !
Quels chiens enragés !
Eux aussi se révoltent ! Ils ne veulent plus se battre ! Ah ! tout est perdu !
Où allez-vous ?
Mourir ! Mais ils mourront avec nous !
Que voulez-vous faire ?
Dans la cave… Des milliers de tonnes de poudre… Je vais y mettre le feu !…
Vous ne ferez pas cela !
Je le ferai !
Faire sauter un quartier de Paris ? Mais c’est de l’héroïsme ! — Non, ma foi, c’est trop ridicule ! On ne peut faire cela que quand on croit à quelque chose. Mais pour rien, c’est absurde. Il faut être bon joueur, et ne pas renverser l’échiquier, quand on perd.
Mais que faire ?
Capituler !
Jamais ! Jamais !… Le Roi m’a confié la Bastille. Je ne la livrerai pas !
Monseigneur, commandez-nous !
M. le Gouverneur est malade. Conduisez-le dans ses appartements, et prenez soin de lui.
Traîtres ! Lâches !
J’ai été un sot de me laisser prendre dans ce guêpier. — Rien à faire. Il s’agit de tirer sa carte du jeu le plus galamment possible. — Haut. Monsieur de Flue…
Que voulez-vous ?
Rédigeons, s’il vous plaît, le texte de la capitulation.
Des écritures ? merci, je ne m’en mêle point.
Ils vont nous massacrer.
Peut-être bien.
Damnée chaleur ! Est-ce qu’on ne pourrait pas boire ?
La chèvre a pris le loup.
Je demande leur parole qu’il ne sera fait de mal à personne.
Cela ne nous coûte rien de demander.
Ni à eux de promettre. — Il va à de Flue. Voulez-vous signer ?
Belles façons de se battre ! — Après tout, c’est leur affaire.
Le difficile n’est pas d’écrire, c’est de se faire lire par eux.
Ils sont enragés, ils ne laissent approcher personne.
Donnez-moi le poulet.
Tu vas te faire tuer, Béquart.
Qu’est-ce que ça me fait ? Ce n’est pas pour me sauver que je capitule.
Et pourquoi donc alors ?
Pour les sauver, parbleu ! — Entre eux, avec mépris. Ils ne comprennent rien.
Comment feras-tu pour leur passer le papier ?
À la pointe de ma broche.
Hissez le drapeau blanc !
Eh ! là haut ! le drapeau !
Capitulation ! Capitulation !
Cochons ! c’est pour vous ! pour vous !
Ne tirez pas ! ne tirez pas !
Hoche et Hulin courent devant le peuple et abaissent les fusils… Ils comprennent. Ils s’arrêtent… Ils viennent près du fossé.
Bougre ! dépêchez-vous ! je n’ai pas le temps d’attendre.
Hulin apporte une planche. Il la jette sur le fossé… En voici un qui passe. Il trébuche. Il tombe… Non. Il s’est rattrapé.
Allons donc ! allons donc !
Il touche la pique. Il a pris le papier…
C’est fait… — Regardant le peuple. Salauds ! — Il lève les bras et crie : Vive la nation !
Ah ! les bougres ! ils l’ont tué !
« Il reste le savoir-vivre ? » — Le savoir-ne-plus-vivre…
Écoutez !
La capitulation est acceptée !
Prévenez M. le Gouverneur.
Monseigneur, il a perdu la tête, il brise tout dans sa chambre, il crie et pleure comme un enfant.
Allons. Je prendrai donc sa place jusqu’au bout. — À lui-même, ironique, un peu amer. Je ne me doutais pas que j’aurais un jour l’honneur de faire tomber, avec les quatre siècles de ces murailles, la royauté de France aux mains des avocats. Voilà une belle tâche. Faquin de sort !… Peuh ! Rien n’est rien, tout est indifférent, tout passe, tout finit. La mort arrange tout. Adieu vat ! — Nous allons leur servir un peu de comédie, un grand air pour finir. — Haut. À vos rangs ! Formez la haie !
La crosse en l’air ! — Messieurs, je dois vous avertir que, malgré mes précautions, il y aura peut-être des surprises, quand l’ennemi sera entré. Vous savez que ce n’est pas une armée disciplinée. Mais s’ils manquent aux convenances, ce n’est qu’une raison de plus pour que nous y restions fidèles. — Messieurs les Suisses, au nom du Roi, je vous remercie de votre obéissance. Vous y avez plus de mérite que les autres. Tournant la tête vers les Invalides, en souriant légèrement. Quant à vous, nous nous comprenons.
Bah ! C’est la guerre.
Chut ! Montre moins ta joie. C’est indécent, mon ami.
Monseigneur, c’est malgré moi.
Te voilà bien fier d’être battu !
Nous ne sommes pas battus ! Jamais ils n’auraient pris la Bastille, si nous n’avions voulu qu’ils la prissent.
Tu vas dire que c’est nous qui avons pris la Bastille ?
Il y a du vrai là-dedans.
Au fait… — À ton poste ! — Après un silence, haut. Ouvrez la porte… Baissez le pont-levis.
Voici donc le nouveau Roi !
Messieurs, la Canaille.
Vive la Liberté !
Eh ! messieurs, par pudeur !
Vive la Liberté ! — Ils se débarrassent de leurs fusils et se jettent dans les bras du peuple.
Eh ! pauvre raison humaine, comme tu es peu solide ! — Adieu, monsieur de Vintimille. — Il brise son épée.
Étripons-les !
Ah ! chiens d’aristocrates !
Ces canailles de Suisses ! — Et ceux-ci, je les reconnais ! Le régiment des éclopés ! — Ha ! l’ennemi ! Tue-les ! Ils ont tiré sur nous !
Arrête ! Arrête !
Impossible ! On arrêterait plutôt la Seine débordée.
Tu es blessé ?
Sais-tu par qui ? Par Gonchon !
Ce lâche !
Il est féroce, maintenant. Le plus lâche chien mord, quand on veut lui arracher l’os qu’il mange. Regarde-le là-bas !… Et la Contat s’escrimant avec sa pique, et la vieille, coupant la gorge à Vintimille abattu !…
Je les tuerai !
Tu ne passeras pas, tu ne passeras pas, je te dis !
Les malheureux !
Ne savais-tu pas cela ?… Bah ! Ce n’est pas nous qui avons fait les hommes.
L’invalide qui se sauve !… Tape dessus !
Le vieux monstre sans pattes ! Enlevez l’épouvantail ! À l’eau, la cour des Miracles !
Tais-toi !
Quoi ?
Tu es ivre !
Ivre ?… Mais je… je…
Tu es ivre de sang. Tais-toi !
Oui… oui… tu as raison. — Il s’assied sur une borne.
Aide-nous !
Vive Marat !
Eh ! mes enfants, que faites-vous donc ?
Tuez ! Tuez !…
Les tuer ! Qu’en voulez-vous faire ? Voulez-vous les manger ? — Une partie du peuple rit.
Il sait le bon moyen. Il faut les amuser.
Où est la petite ?
La petite ? — Hoche court chercher Julie.
Arrêtez, camarades, vous tuez les prisonniers !
Les prisonniers ?
Les prisonniers de la Bastille. Regardez leurs sarraux gris ! Ce sont ceux que nous venons délivrer.
Mais non, ce sont les ennemis.
Il n’y a plus d’ennemis.
Grâce pour nos amis, nos amis les ennemis !
Entends-tu cette petite ?
Crie, petite : « Tous frères, tous amis ! »
Frères ! Frères !…
Tous frères, elle a raison !
Vive le peuple !
Vive la vieille gloire !
Petite, tu nous as sauvés !
Mais c’est elle aussi qui vous a vaincus, camarades. C’est ce petit atome qui a pris la Bastille.
Tu es notre bonne conscience !
Tu es notre petite Liberté !
Eh bien, Hulin ?… Éternel douteur, es-tu enfin convaincu ?
Oui… quoique…
À bas, toi ! Fais place à la Liberté ! — Il la jette à terre, enlève dans ses bras la petite Julie, et la pose dans la niche, à la place de la statue. La Bastille terrassée !… J’ai fait cela, moi ! Nous avons fait cela !… Nous en ferons bien d’autres ! Nous allons nettoyer les écuries d’Augias, purger la terre des monstres, étouffer dans nos bras le lion de la royauté. Notre poing va battre le despotisme, comme le marteau l’enclume. Hardi, compagnons, forgeons la République !… Force trop longtemps comprimée, qui fais craquer ma poitrine, éclate, déborde ! Roule, torrent de la Révolution !
Au Roi ! — Voilà mon cheval ! Je l’ai pris. Je vas atteler l’animal à ma petite voiture, et nous allons à Versailles faire visite au gros Louis. J’en ai long à lui dire. Bon Dieu ! depuis des siècles que j’amasse là-dedans misère sur misère, et patience sur le tout,… j’étouffe : il faut que je dégorge. Bonne bête qui me résignais, qui croyais nécessaire de souffrir, pour le plaisir des riches ! Voilà que je comprends maintenant ! Je veux vivre, je veux vivre ! Malheur que je sois si vieille ! Bon sang ! Je veux regagner le temps que j’ai perdu !… Hue ! ma belle, à la Cour !
À la Cour ! À Versailles ! — Oui, nous avons trop souffert ! Nous voulons le bonheur ! Nous le prendrons !
La forêt de la Liberté a surgi des pavés. Les rameaux verts ondoient au vent. Le vieux cœur de Paris refleurit. Voici le printemps !
Libres ! Le ciel est libre !
Soleil, tu peux dormir, nous n’avons point perdu notre journée.
Ses feux mourants rougissent les vitres du château, les rameaux balancés, et la houle des têtes, et la petite Liberté.
Le ciel sonne la guerre.
Comme Celui qui entra, il y a dix-sept cents ans, au milieu des rameaux, cette petite fille n’est pas venue parmi nous pour apporter la paix.
Il y a du sang sur nous.
C’est le nôtre.
C’est le mien !… C’est le mien !… Nous te l’offrons, Liberté !
Au diable notre vie ! Les grands bonheurs s’achètent.
Nous sommes prêts à payer.
Nous paierons.
Nous paierons !
Joie d’être un avec tous, joie d’aimer avec tous, joie de souffrir avec tous ! Donnons-nous la main ! Formons des danses fraternelles ! Chante ! car c’est ta fête, ô peuple de Paris !
Cher peuple, il y a si longtemps que tu peines, que tu luttes en silence ! Tant de siècles de souffrances pour arriver enfin à cette heure d’allégresse ! La Liberté t’appartient. Garde bien ta conquête !
Et maintenant, à vous ! Achevez notre ouvrage ! La Bastille est à bas : il reste d’autres Bastilles. À l’assaut ! À l’assaut des mensonges ! À l’assaut de la Nuit ! L’Esprit vaincra la Force. Le passé est brisé. La mort est morte !
Ô notre Liberté, notre lumière, notre amour ! Que tu es petite encore ! Comme tu es fragile ! Pourras-tu résister aux tempêtes prochaines ? Grandis, grandis, chère petite plante, monte droite et vigoureuse, et réjouis le monde de ton souffle de prairie !
Sois tranquille, Liberté, à l’abri de nos bras ! Nous te tenons. Malheur à qui te touche ! Tu es à nous, nous sommes à toi. À toi, ces dépouilles, ces trophées !
Mais ce n’est pas assez : nous te ferons un immortel triomphe. Fille du peuple de Paris, tes yeux clairs rayonneront pour les peuples asservis. Nous allons promener à travers l’univers le niveau redoutable de l’Égalité. Nous conduirons ton char, au milieu des batailles, par le sabre, par le canon, vers l’Amour, vers la Fraternité du genre humain. — Frères ! tous frères ! tous libres !… Allons délivrer le monde !
- ↑ La Bastille avait deux cours principales : la cour du Gouvernement, en dehors du grand fossé, séparée de la ville par un pont-levis et deux corps de garde ; — et la cour intérieure, au pied des murailles, entre les tours ; un fossé, un second pont-levis, et un troisième corps de garde la séparaient de la cour du Gouvernement.
- ↑ La scène de massacre qui suit est supprimée à la représentation, jusqu’à l’arrivée de Marat.